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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/856/2018

ACPR/581/2022 du 24.08.2022 sur OCL/191/2022 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;MOTIVATION;ORDONNANCE DE CLASSEMENT;CALOMNIE;PRESCRIPTION
Normes : Cst.29; CPP.319; CP.174

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/856/2018 ACPR/581/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 24 août 2022

 

Entre

A______, comparant par Me B______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de classement rendue le 21 février 2022 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 4 mars 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 21 février 2022, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a classé la procédure à l'égard de C______, D______, E______ et F______.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance, au renvoi de la cause au Ministère public "pour classement de la plainte de E______ à [son] encontre et complément d'enquêtes suivi de la mise en accusation de E______, C______, D______ et F______".

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'500.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 15 janvier 2018, E______ a porté plainte contre A______ pour abus de confiance.

Le précité s'occupait de son patrimoine depuis plusieurs années, en particulier lorsqu'il était employé par la banque G______ SA. À plusieurs occasions au cours de l'année 2017, A______ avait effectué des retraits d'espèces depuis son compte pour les lui remettre mais sur une somme retirée de EUR 113'556.48, elle n'avait reçu que EUR 66'000.-. A______ avait également cherché à lui faire racheter une partie de sa police d'assurance à hauteur de EUR 600'000.- mais l'opération avait été stoppée par F______, gérant auprès de G______ SA.

b. Le 16 janvier 2018, A______ a porté plainte contre C______, F______, D______, tous travaillant au sein de G______ SA, et E______ des chefs de tentative d'extorsion (art. 22 cum art. 156 CP), menaces (art. 180 CP), tentative de contrainte (art. 22 cum art. 181 CP), dénonciation calomnieuse (art. 303 CP), instigation à dénonciation calomnieuse (art. 24 cum art. 303 CP) et/ou calomnie (art. 174 CP).

Peu de temps après son départ, le 30 septembre 2017, de G______ SA, il avait rencontré C______ et D______, à leur demande, qui lui avaient annoncé que plusieurs doléances de clients contre lui étaient en cours d'investigation. Ils lui reprochaient également de commettre des actes de concurrence déloyale au préjudice de la banque. Le 19 octobre suivant, il avait reçu un appel de C______. Ce dernier, le qualifiant "d'escroc" et lui promettant de détruire sa réputation, lui avait dit que E______ avait décidé de porter plainte contre lui, de même que d'autres clients, et qu'il disposait de quelques jours pour rendre l'argent. C______, D______ et F______ s'étaient rendus en France et en Belgique auprès de certains de ses clients afin de le discréditer. F______ avait essayé de le forcer à payer à G______ SA une somme qu'il ne devait pas. Le 14 décembre 2017, il avait reçu une mise en demeure de E______, le sommant de restituer EUR 47'446.48, pour des motifs qu'il contestait.

c. La police a procédé à l'audition des protagonistes en cause.

- D______, entendue en qualité de prévenue, a confirmé avoir rencontré E______ avec C______ mais nié avoir eu des rendez-vous avec d'autres clients de A______. Après cet entretien, ils avaient vu ce dernier et l'avaient informé qu'une cliente s'était plainte. Elle avait entendu une discussion téléphonique survenue le 19 octobre 2017 entre A______ et C______. Le ton de ce dernier était ferme mais le terme "escroc" n'avait pas été employé. A______ avait affirmé "je n'ai pas de problème pour rembourser la cliente".

- C______, entendu en qualité de prévenu, a expliqué que F______ avait alerté la banque sur les retraits d'argent constatés sur le compte de E______. À la suite de cette découverte, A______ avait été sommé de s'expliquer. L'entretien avait seulement porté sur les doléances de E______. Il avait ensuite rencontré cette dernière avec D______ où ils avaient constaté que malgré son âge, la cliente était vive d'esprit et avait corroboré, par ses propres notes personnelles, les faits relatés par F______. À la suite de cette entrevue, il avait discuté au téléphone avec A______ qui lui avait dit "Moi, je n'ai pas de problème à rembourser la cliente". Lors de cet appel, il était énervé car c'était la première fois en vingt ans qu'il se retrouvait confronté à un collaborateur qui avait, selon les éléments recueillis après de E______, "abusé" de la faiblesse d'une personne et "l'avait escroquée". Il n'avait été fait état d'aucune autre plainte. Aucune démarche n'avait été entreprise pour calomnier ou discréditer A______. Des clients avaient bien été contactés car la situation avec E______ avait nécessité un regain de méfiance. Le but était de sauvegarder les intérêts de la banque.

- F______, entendu en qualité de prévenu, a relaté avoir confié à A______ la gestion de portefeuilles de certains de ses clients, dont E______. Lors d'un entretien avec celle-ci au printemps 2017, il lui avait demandé si elle avait requis la vente de ses titres. E______ avait été surprise, ignorant à quoi il faisait allusion. Il avait alors attiré son attention sur les nombreux retraits qu'elle avait effectués, ce qui n'avait pas non plus manqué de la surprendre. Il avait trouvé cela suspect et avait convenu avec E______ de tirer cela au clair en la rencontrant à son domicile, où elle tenait sa propre comptabilité. Il avait proposé que A______ se joigne à ce rendez-vous mais E______ avait refusé. Le jour en question, il avait constaté des "trous" au niveau des retraits effectués. Il avait ensuite rencontré A______ le 25 octobre 2017 pour le convaincre de rendre l'argent. L'intéressé n'avait pas reconnu les faits mais avait plutôt cherché à obtenir des informations sur l'état de l'enquête interne de la banque à ce propos. Il n'avait jamais voyagé avec D______ ou C______ pour rencontrer des clients, ni discrédité A______.

- E______, entendue en qualité de personne appelée à donner des renseignements (ci-après: PADR), a expliqué que A______ avait repris la gestion de ses comptes depuis plusieurs années. C'était la personne à qui elle s'adressait pour retirer de l'argent. Dans ce cas, elle l'appelait pour convenir d'un rendez-vous à la banque, où il la faisait signer une quittance, allait chercher l'argent à la caisse puis revenait avec la somme dans une enveloppe dont elle ne vérifiait pas le contenu. Elle avait décelé les problèmes, détaillés dans sa plainte, au moment de recevoir l'état de son portefeuille, constatant qu'elle n'avait pas reçu la totalité des montants mentionnés. Par la suite, soit le 27 septembre 2017, comme elle avait besoin d'argent, elle avait appelé A______ pour effectuer un retrait, sauf que cette fois-ci, le précité l'avait accompagnée jusqu'à l'entrée de la banque sans y pénétrer. Sur place, elle avait croisé F______, à qui elle avait expliqué qu'il y avait un problème avec certains retraits. Celui-ci lui avait appris qu'un transfert de EUR 600'000.- était prévu depuis son compte d'assurance-vie en faveur de son compte courant et qu'il avait annulé l'opération. À son tour, elle avait expliqué à F______, s'agissant du retrait du 26 avril 2017, qu'elle avait demandé EUR 30'000.- à A______ mais que ce dernier lui avait dit qu'elle ne pourrait pas franchir la frontière avec cette somme, lui remettant seulement EUR 15'000.- et ajoutant qu'il lui donnerait le solde plus tard. A______ lui avait ensuite remis EUR 1'000.- sortis de sa poche lors d'un déjeuner.

- réentendue en qualité de prévenue, E______ a déclaré ne pas se souvenir des termes exacts qu'elle avait utilisés pour parler de A______ lorsque le "directeur de la banque" et une "dame" étaient venus chez elle mais elle n'avait pas parlé d'escroquerie ni de mauvaise gestion. Elle avait décidé seule de porter plainte et lorsqu'elle en avait fait part à F______, celui-ci avait proposé d'en discuter d'abord avec A______.

- H______, responsable de la caisse au sein de G______ SA, a détaillé le fonctionnement des retraits. Les billets retirés étaient comptés par ses soins devant le client, puis remis à ce dernier. Le gestionnaire n'effectuait pas la remise d'argent et un caissier ne le faisait pas hors présence d'un gestionnaire. Un client ne pouvait pas aller directement à un guichet ou rencontrer un caissier pour retirer de l'argent. Il ne connaissait pas E______ personnellement mais était chargé de toutes les quittances la concernant. Il était arrivé que A______ lui demande la somme de EUR 30'000.- et de CHF 25'000.- pour E______, ce qui dépassait la limite de EUR 30'000.- trimestrielle, de sorte que ces retraits avaient dû être validés au préalable par la direction. A______ avait alors expliqué que E______ voulait plus de liquidités car elle devait déposer l'argent chez un ami suisse qui allait lui garder une partie de cette argent.

- A______, entendu en qualité de prévenu, a contesté avoir conservé des sommes sur les retraits effectués par E______. Pour la remise de l'argent, il était le plus souvent seul avec E______. Pour le retrait supérieur à CHF 30'000.-, celle-ci avait dû en justifier la raison, ce qu'elle avait fait en expliquant que l'argent était destiné à un ami suisse avec qui elle jouait au bridge et dont le nom commençait par "Z". Ce motif était inscrit dans le dossier de E______. H______ était toujours le caissier présent lors des retraits. Il avait été accusé de "sabotage" au sein de la banque par C______ et D______ lors de leur rendez-vous en lien avec trois clients, dont E______. S'agissant de cette dernière, C______ et D______ lui avaient dit qu'il risquait d'être accusé de vol et que la banque pouvait se retourner contre lui. À la suite de cela, une réunion interne avait été convoquée pour annoncer que la banque allait porter plainte et que les collaborateurs devaient cesser d'entrer en contact avec lui. C______ l'avait encore appelé pour le traiter "d'escroc" et lui dire qu'il ne retrouverait jamais du travail. Il n'avait jamais remis EUR 1'000.- à E______ de sa poche.

- réentendu en qualité de PADR, A______ a confirmé ses propos et ajouté qu'il avait eu connaissance des manœuvres de discrédit à son encontre faites par C______, D______ et F______ grâce aux clients eux-mêmes, des tiers gérants et des apporteurs d'affaire mais il ne voulait donner aucun nom à ce stade.

d. Selon un rapport de renseignements du 18 novembre 2019, la police avait interpellé A______, par l'intermédiaire de son conseil, afin d'obtenir les noms de clients pouvant attester des propos diffamatoires ou calomnieux dont il aurait été victime. L'intéressé a transmis les coordonnées d'une dénommée I______, domiciliée en Belgique et qui était prête à être entendue le 21 novembre 2019 à Genève. A______ précisait encore qu'une liste d'autres noms allait suivre. En raison d'un empêchement de I______, l'audition n'a pas eu lieu et A______ n'a pas transmis d'autres noms.

e. La jonction des deux procédures ouvertes à la suite des plaintes de E______ et A______ a été ordonnée sous le présent numéro de cause.

f. Le 16 septembre 2020, le Ministère public a ouvert une instruction pénale à l'encontre de:

- A______, pour abus de confiance (art. 138 CP);

- C______, des chefs d'injure (art. 177 CPP), menaces (art. 180 CP) et/ou diffamation (art. 173 CP) voire calomnie (art. 174 CP) pour avoir traité A______ "d'escroc", menacé de détruire sa réputation auprès de clients et d'avoir tenu des propos attentatoires à l'honneur du précité;

- E______, des chefs de diffamation (art. 173 CP) ou calomnie (art. 174 CP) voire de dénonciation calomnieuse (art. 303 CP) pour s'être adressée à des tiers, dont C______, F______ et D______, en accusant A______ de malversations sur son compte bancaire et d'avoir dénoncé ces prétendues malversations auprès du Ministère public alors qu'elle le savait innocent.

g. Le Ministère public a procédé à des confrontations lors desquelles:

- D______ a confirmé ses déclarations à la police et précisé que l'enquête interne à la banque visait à vérifier si E______ avait signé des quittances et s'il y avait eu des éléments inhabituels. La banque avait finalement conclu qu'il était impossible de déterminer qui disait la vérité dans ce dossier.

- C______ a également confirmé ses déclarations à la police, ajoutant que, durant l'appel téléphonique avec A______, il lui avait expliqué que si les allégations de E______ étaient avérées, elles seraient constitutives d'escroquerie et passibles d'une poursuite pénale, ce qui nuirait vraisemblablement à sa carrière et sa réputation. Il avait donc conseillé à A______ de rembourser la cliente. Il n'avait pas de preuve formelle de la culpabilité de A______ mais en était intimement convaincu.

- E______ a expliqué avoir, à l'époque, une très bonne relation avec A______, en qui elle avait totalement confiance. C'était en lisant son relevé de compte le 3 octobre 2017 qu'elle avait eu ses premiers soupçons. Elle avait ensuite contrôlé avec ses propres notes et constaté les différences entre les retraits listés et l'argent reçu.

- A______ a affirmé avoir remis à E______ l'intégralité de l'argent retiré. S'agissant d'un retrait de CHF 25'000.-, E______ lui avait affirmé que l'argent était destiné à un ami dénommé "M. J______".

- H______ a affirmé que la direction de la banque, soit C______ et D______, avait été virulente contre A______ après son départ, en disant notamment que celui-ci avait "piqué dans la caisse" et que "ce petit connard ne travaillera[it] plus jamais dans une banque en Suisse".

Il avait gardé contact avec A______ après le départ de celui-ci, le voyant tous les deux ou trois mois. Ils avaient discuté ensemble de l'affaire.

- J______ a expliqué n'avoir plus vu E______ depuis cinq ans au moins. Celle-ci n'avait aucune raison de lui remettre de l'argent, à quelque titre que ce soit.

- A______ ne se rappelait plus que E______ lui eût dit qu'elle retirait de l'argent pour le remettre à J______, ni quel motif elle lui avait donné pour le retrait dépassant la limite trimestrielle. Sa note à la compliance devait comporter des indications à ce sujet.

- F______ a, en substance, confirmé ses propos à la police, précisant que, lors de sa visite chez E______, A______ l'accompagnait mais était resté dehors, à la demande de la cliente. Pour lui, il y avait bien eu des malversations dans cette affaire.

h. A______ a produit, le 31 août 2021, une lettre du conseil de I______, L______ et K______ du 21 décembre 2017 à l'attention de G______ SA comportant le passage suivant:

"[ ] lors d'un entretien téléphonique du lundi 18 décembre 2017, Monsieur F______ a avisé Madame K______ que le blocage des fonds des consorts Versé trouvait sa cause dans un litige opposant votre établissement à Monsieur A______, assistant, auquel des actes de gestion pénalement répréhensibles seraient reprochés.

Ces allégations – qui ont déjà été formulées en octobre 2017 – apparaissent dénuées de pertinence dans le cas d'espèce [ ]".

i. Par lettre du 1er septembre 2021, G______ SA a transmis au Ministère public un échange de courriels entre A______ et D______ concernant les retraits effectués le 23 janvier 2017.

L'un des messages, envoyé par A______ le 21 février 2017, disait ceci:

"La cliente 1______ souhaite passer jeudi ou vendredi retirer 55'000 EUR [ ]. Une partie du retrait sera conservé chez son ami suisse. Depuis la mort de son mari, notre cliente (championne de ______) "véridique" entretiens des liens d'amitié avec un excellent joueur de son âge résidant à Genève. Nous faisons exceptionnellement la demande de dépasser la limite du retrait trimestriel".

j. Le 25 octobre 2021, A______ a sollicité les actes suivants:

- mise en prévention de F______ et D______;

- perquisition au siège de G______ SA en vue de trouver la correspondance juridique et bancaire entre la banque et E______, le dossier compliance de cette dernière et les rapports de visite de la clientèle belge;

- audition de E______ en qualité de prévenue;

- audition d'anciens salariés de G______ SA ayant participé aux séances d'information organisées avant et après son départ.

k. Par avis de prochaine clôture de l'instruction, le Ministère public a avisé les parties qu'une ordonnance de classement serait rendue en faveur de C______, E______, F______ et D______, et qu'une ordonnance pénale serait prononcée contre A______.

l. Par ordonnance pénale du 21 février 2022, le Ministère public a, préalablement, rejeté les réquisitions de preuve de A______ et déclaré celui-ci coupable d'abus de confiance.

A______ s'est opposé à ladite ordonnance.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public constate, après avoir résumé – dans sa partie en fait – chaque audition intervenue au cours de la procédure – que les déclarations des parties étaient contradictoires et qu'aucun élément ne permettait de retenir qu'à tout le moins une des diverses infractions alléguées par A______ aurait été commise. S'agissant plus particulièrement des infractions contre l'honneur, les propos prêtés par H______ à C______ et D______, à savoir que A______ avait "piqué dans la caisse" et que "ce petit connard ne travaillera[it] plus jamais dans une banque en suisse", devaient être considérés avec retenue, dès lors qu'ils semblaient avoir été influencés par A______, le précité ayant discuté de l'affaire avec le témoin et conservé avec lui des relations amicales. Par ailleurs, la lettre du 21 décembre 2017 versée à la procédure par A______ ne permettait pas de retenir des soupçons suffisants à l'encontre de F______, les déclarations étant indirectes et contestées par ce dernier. Même s'il était établi que F______, C______, D______ ou E______ avaient tenu des propos diffamatoires à l'encontre de A______, les précités pouvaient "très vraisemblablement" bénéficier de la preuve libératoire. Les infractions contre l'honneur étaient en outre prescrites.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public d'avoir insuffisamment motivé l'ordonnance querellée. Celle-ci ne disait mot des infractions de dénonciation calomnieuse, de tentative de contrainte, d'extorsion et de menaces. Le rejet de ses réquisitions de preuve était contraire à son droit d'être entendu. Ces réquisitions avaient été traitées dans l'ordonnance pénale parallèle prononcée à son encontre, laquelle était frappée de nullité en raison de son opposition. L'argumentation développée par le Ministère public à l'appui de ce rejet était infondée et les actes requis devaient être entrepris. L'ordonnance querellée allait également à l'encontre de l'art. 319 CPP. L'infraction de dénonciation calomnieuse était réalisée. Quand bien même les infractions contre l'honneur étaient prescrites, ses allégations sur ces faits gardaient leur pertinence dans la mesure où elles trahissaient "l'exécution du plan de dénonciation calomnieuse et de contrainte" mis en place par les organes de G______ SA, en marge de la réclamation pécuniaire de E______. Les intéressés l'avaient volontairement accusé, tout en le sachant innocent. Les tentatives de contrainte et d'extorsion étaient également réalisées. C______ et F______ l'avaient menacé de détruire sa carrière s'il ne remboursait pas E______, et sa clientèle belge avait été approchée à des fins de dénigrement.

b. Invité à se déterminer sur le recours, en particulier sur la violation alléguée du droit d'être entendu, le Ministère public s'est référé à son ordonnance, sans formuler d'observations supplémentaires.

c. A______ a répliqué.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et émane du plaignant, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), qui, en tant qu'il recourt contre le classement, a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou l'annulation de cette décision (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. En revanche, par la formulation de ses conclusions, le recourant, assisté d'un avocat, vise notamment le renvoi de la procédure "pour classement de la plainte de E______ à [son] encontre". Cette partie des conclusions excède l'objet du recours, limité au classement de la propre plainte du précité, et est, partant, irrecevable.

2.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir violé son droit d'être entendu en rendant une décision insuffisamment motivée en lien avec les infractions de dénonciation calomnieuse, instigation à dénonciation calomnieuse, tentative d'extorsion et chantage, tentative de contrainte et menaces.

2.1. Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et afin que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. L'autorité doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 p. 46 ; 142 I 135 consid. 2.1 p. 145). La motivation peut également être implicite et résulter des différents considérants de la décision. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 p. 565).

2.2. En l'espèce, dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a, certes, pris soin, dans sa partie factuelle, de détailler par le menu toutes les différentes auditions tenues au cours de l'instruction.

Cela étant, dans la partie en droit, il ne consacre aucun développement aux infractions susmentionnées, affirmant seulement – de manière toute générale – qu'aucun élément ne permet de retenir qu'elles seraient réalisées, les déclarations des parties étant contradictoires. Ses développements se limitent aux infractions sur l'honneur, qui ne représentent pourtant qu'une infime partie de la plainte du recourant.

Dans ses observations sur le recours, le Ministère public s'est référé à l'ordonnance querellée, sans compléter son argumentation, bien que son attention ait été attirée sur le grief de la violation du droit d'être entendu.

Dans ces circonstances, il est impossible de reconstituer les motifs ayant guidé le Ministère public dans son choix de classer la procédure en ce qui concerne les infractions susmentionnées. La Chambre de céans n'est donc pas en mesure d'exercer son contrôle, puisqu'elle n'a pas à rechercher d'elle-même une motivation dans les pièces du dossier (ACPR/313/2020 du 15 mai 2020 consid. 3).

Le recours doit par conséquent être admis sur ce point et la cause renvoyée au Ministère public (art. 397 al. 2 CPP) pour nouvelle décision, motivée, en lien avec les infractions de dénonciation calomnieuse, instigation à dénonciation calomnieuse, tentative d'extorsion, tentative de contrainte et menaces.

2.3. Dans ces circonstances, il n'est pas possible non plus d'examiner le grief portant sur le refus des réquisitions de preuves du recourant.

3.             Dans son recours, le recourant ne paraît pas critiquer le classement de l'infraction de calomnie alléguée. À juste titre.

Conformément à l'art. 319 al. 1 let. d CPP, le ministère public ordonne le classement de la procédure, lorsque des empêchements de procéder sont apparus, telle que la prescription de l'action pénale (L. MOREILLON/ A. PAREIN-REYMOND, Code de procédure pénale - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2016, n. 17 ad art. 319).

Pour les délits contre l'honneur, dont la calomnie fait partie (art. 174 CP), l'action pénale se prescrit par quatre ans. La prescription ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu (art. 97 al. 2 CP).

En l'espèce, selon la plainte, les propos attentatoires à l'honneur auraient été tenus entre septembre et octobre 2017 au plus tard, lors d'appels téléphoniques avec des représentants de la banque ou – à en croire l'un des témoins – lors d'une séance interne organisée juste après le départ du recourant au mois de septembre 2017.

En l'absence d'accusations plus récentes, la poursuite des infractions contre l'honneur s'est prescrite au cours de l'automne 2021, ce que le recourant admet d'ailleurs, de sorte qu'il existe aujourd'hui un empêchement de procéder.

Le classement de ces infractions était, partant, justifié et correctement motivé.

4.             Compte tenu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis; l'ordonnance querellée sera annulée en tant qu'elle porte sur les faits allégués de dénonciation calomnieuse, instigation à dénonciation calomnieuse, tentative d'extorsion et chantage, tentative de contrainte et menaces, et la cause retournée au Ministère public pour nouvelle décision.

5.             Au regard de la nature procédurale du grief de la violation du droit d'être entendu et dans la mesure où la Chambre de céans n'a pas traité la cause sur le fond sur ce point – ne préjugeant ainsi pas l'issue de celle-ci – et rejeté le recours s'agissant de la calomnie alléguée, il peut être procédé au renvoi sans ordonner préalablement un échange d'écritures auprès des prévenus (ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2 p. 296; arrêts du Tribunal fédéral 6B_662/2020 du 18 août 2020 consid. 2 et 6B_30/2020 du 6 avril 2020 consid. 2).

6.             Le recourant obtenant en grande partie gain de cause, les frais de la procédure de recours seront laissés à la charge de l'État (art. 428 al. 1 CPP).

7.             Il sollicite, pour ses frais de défense en procédure de recours (art. 429 al. 1 let. a CPP par renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP), une indemnité de CHF 5'677.- correspondant à 12h15 d'activité à CHF 450.- de l'heure pour un avocat chef d'étude, auxquelles s'ajoute 3% de "frais".

7.1. Le juge ne doit pas avaliser purement et simplement les notes d'honoraires qui lui sont le cas échéant soumises, mais, au contraire, examiner si l'assistance d'un conseil était nécessaire puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conforme au tarif pratiqué, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (cf. ACPR/140/2013 du 12 avril 2013). Les démarches superflues, abusives ou excessives ne sont pas indemnisées (ATF 115 IV 156 consid. 2d p. 160). Le juge dispose d'une marge d'appréciation à cet égard, mais ne devrait pas se montrer trop exigeant dans l'appréciation rétrospective qu'il porte sur les actes nécessaires à la défense du prévenu (M. NIGGLI/ M. HEER/ H. WIPRÄCHTIGER(éds), Schweizerische Strafprozessordnung - Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2e éd., Bâle 2014, n. 19 ad art. 429).

7.2. En l'espèce, l'activité annoncée pour le recours apparaît excessive.

L'écriture de recours (vingt-deux pages) consacre une partie non négligeable des développements à plaider l'innocence du recourant sans que cela ne soit – in fine – pertinent pour l'issue du litige. La réplique de sept pages ne se justifiait guère, compte tenu de l'absence d'observations du Ministère public.

La durée d'activité utile à la défense du recourant sera ainsi ramenée à 5h00, au tarif horaire de CHF 450.- et l'indemnité due fixée, en intégralité, à CHF 2'423.25, TVA à 7.7% incluse.

Aucun forfait pour les frais ne s'applique en instance de recours (ACPR/911/2020 du 16 décembre 2020 consid. 5).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet partiellement le recours.

Annule l'ordonnance de classement du 21 février 2022 et renvoie la cause au Ministère public pour nouvelle décision motivée sur les faits allégués de dénonciation calomnieuse (art. 303 CP) et d'instigation à dénonciation calomnieuse (art. 24 cum art. 303 CP) ainsi que tentative d'extorsion et chantage (art. 22 cum art. 156 CP), tentative de contrainte (art. 22 cum art. 181 CP) et menaces (art. 180 CP).

Rejette le recours pour le surplus.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer les sûretés versées, en CHF 1'500.-.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 2'423.25 TTC pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 


 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).