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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/9816/2021

ACPR/465/2022 du 05.07.2022 sur ONMMP/4444/2021 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SOUPÇON
Normes : CPP.310; CP.137; CP.138

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9816/2021 ACPR/465/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 5 juillet 2022

 

Entre

A______, domicilié ______, France, comparant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 14 décembre 2021 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 10 janvier 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 14 décembre 2021, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte pénale du 26 avril 2021.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il l'entende.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 26 avril 2021, A______ a déposé plainte pénale contre B______, C______, D______ et E______, des chefs d'appropriation illégitime (art. 137 CP), abus de confiance (art. 138 CP) et soustraction d'une chose mobilière (art. 141 CP).

En substance, il était membre de l'association F______ sise à G______[GE], laquelle a pour but de réunir les sympathisants des activités de la voile parmi le personnel du H______ et son entourage, d'organiser des cours, de mettre à la disposition de ses membres des équipements pour la pratique des activités de la voile et de développement des activités en liaison avec des clubs de yachting extérieurs. Les membres du comité de l'association étaient B______, actuel président, C______, précédente présidente, D______, trésorier, et E______, secrétaire.

Il faisait grief au comité de n'avoir établi aucun règlement interne lui permettant d'administrer, de gérer et d'utiliser les fonds l'association. Cet état de fait, qui perdurait depuis de nombreuses années, avait été découvert lors de l'assemblée générale extraordinaire du 13 avril 2021. Les membres de l'association avaient ainsi été induits en erreur par le comité, qui avait dépensé des sommes conséquentes sans leur autorisation. Le trésorier n'avait jamais produit les détails des dépenses, se contentant de produire une synthèse des finances en les déclarant conformes. Depuis plusieurs années, des dépenses non autorisées avaient été effectuées par le comité, dont les membres en tiraient personnellement bénéfice (utilisation personnelle des avoirs du club, frais d'adhésion à des associations externes, équipement de navigation, frais de déplacement et de navigation, etc.). Les membres du comité avaient en outre systématiquement restreint les droits des membres de l'association à utiliser les bateaux librement afin de s'en réserver l'usage, abusant ainsi de leur droit.

b. Par pli du 21 juin 2021, A______ a sollicité du Ministère public qu'il ordonne aux prévenus de produire tous les procès-verbaux des réunions du comité depuis le 1er janvier 2016.

c. Entendus par la police les 12, 13 et 30 août 2021, B______, D______ et E______ ont contesté les faits reprochés. C______ n'a, quant à elle, pas pu être jointe.

Il ressort de leurs déclarations que l'association F______ a toujours eu un règlement interne – l'ancien étant nommé "Informations Annuelles Générales" –, disponible sur le site internet de l'association, le nouveau règlement ayant été approuvé le 28 avril 2021. Lors des assemblées générales, les budgets provisionnels étaient soumis et approuvés en votation. Divers documents ont été transmis à la police par B______ et D______, notamment sur une clé USB, dont la comptabilité du club de 2018 à 2021, divers échanges de courriels entre B______, D______ et E______ et le plaignant, les budgets et bilans soumis, approuvés et votés en assemblées générales, ainsi qu'un dossier complet contenant une requête déposée par le plaignant au Tribunal de première instance contre le F______ tendant à l'annulation de la décision du 7 octobre 2020 suspendant ses droits d'accès et d'utilisation des bateaux du club, lesquels ont été versés à la procédure.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public a considéré que la plainte reprochait aux personnes visées différents comportements qui n'étaient pas pénalement relevants. Après examen des pièces produites, il apparaissait que les éléments constitutifs d'une quelconque infraction pénale n'étaient pas réunis tout comme les conditions à l'ouverture de l'action pénale (art. 310 al. 1 let. a CPP).

D. a. À l'appui de son recours, A______ excipe une violation du droit d'être entendu et à la preuve. Il n'avait pas été informé des rapports d'audition des prévenus et aucun des documents transmis par eux ne lui avait été communiqué afin qu'il puisse se déterminer sur leur contenu. Ensuite, les documents produits étaient des "faux" destinés à "dissimuler [les] actes d'abus de biens". Le document intitulé "Informations Annuelles Générales" avait également été identifié comme un faux à l'assemblée du 13 avril 2021. Le nouveau règlement approuvé le 28 avril 2021 n'avait été produit que pour "exonérer illicitement les actes condamnables des prévenus". La décision querellée consacrait ainsi une appréciation arbitraire des faits. Enfin, la validité de ce nouveau règlement était contestée. À titre de mesure d'instruction, il sollicitait que le Ministère public lui transmette l'intégralité du dossier de la cause.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours. À teneur des documents versés à la procédure, les différents comportements reprochés aux prévenus n'avaient pas de composante pénale. La question de la correcte exécution des actions en lien avec l'activité de l'association ressortait de la juridiction civile.

c.A______ réplique. Le Ministère public n'avait pas vérifié si les documents produits n'étaient pas des faux. Il avait par ailleurs ignoré sa plainte, ne mentionnant même pas dans sa décision les "violations du droit pénal alléguées".

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme déposé selon la forme et – les formalités de notification n'ayant pas été respectées (art. 85 al. 2 CPP) – dans le délai prescrits (art.  385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), conHer une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir statué sans l'entendre préalablement. Il ne lui avait pas non plus transmis la documentation produite par les prévenus et versée au dossier.

2.1. Si le ministère public considère qu'une ordonnance de non-entrée en matière doit être rendue, il n'a pas à en informer les parties ni à leur donner la possibilité d'exercer leur droit d'être entendu, lequel sera assuré, le cas échéant, dans le cadre de la procédure de recours (arrêts du Tribunal fédéral 6B_138/2021 du 23 septembre 2021 consid. 3.1; 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 et 6B_892/2014 du 17 février 2015 consid. 2.1.; 6B_93/2014 du 21 août 2014 et 6B_43/2013 du 11 avril 2013 consid. 2.1 et les références citées). La procédure de recours permet en effet aux parties de faire valoir tous leurs griefs – formels et matériels – auprès d'une autorité disposant d'une pleine cognition en fait et en droit (art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP). Inversement, faute d'ouverture d'instruction, le droit de participer à l'administration des preuves ne s'applique en principe pas, et ce y compris en cas d'investigations policières diligentées à titre de complément d'enquête requis par le ministère public en vertu de l'art. 309 al. 2 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_496/2018 précité consid. 1.3).

2.2. Aussi, le Ministère public ne devait pas donner la possibilité au recourant de s'exprimer sur les déclarations des prévenus à la police avant de rendre son ordonnance.

Le grief invoqué est infondé.

Il n'appartenait pas davantage au Ministère public de lui communiquer les pièces produites par les prévenus. Celles-ci ont été versées au dossier de la procédure, laquelle est parfaitement consultable par les parties.

Partant, le droit d'être entendu du recourant n'a pas été violé et il n'y a pas lieu d'ordonner au Ministère public de lui transmettre l'intégralité du dossier de la cause.

Enfin, le recourant a parfaitement compris que le Ministère public n'entendait pas entrer en matière sur les infractions dénoncées. Sa motivation ne prête pas le flanc à la critique, quand bien même lesdites infractions n'y sont pas expressément mentionnées.

3. Le recourant fait grief au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.

3.1. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les références citées).

La non-entrée en matière peut également résulter de motifs juridiques. La question de savoir si les faits qui sont portés à sa connaissance constituent une infraction à la loi pénale doit être examinée d'office par le ministère public. Des motifs juridiques de non-entrée en matière existent lorsqu'il apparaît d'emblée que le comportement dénoncé n'est pas punissable (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 10 ad art. 310).

3.2.1. Les art. 137 al. 1 CP (appropriation illégitime) et 138 al. 1 CP (abus de confiance) punissent le comportement de celui qui se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui.

Sur le plan objectif, les deux premières de ces normes supposent, entre autres conditions, un acte d’appropriation, soit un comportement par lequel l'auteur incorpore économiquement l’objet à son propre patrimoine, pour le conserver, le consommer ou l'aliéner; il dispose alors de la chose comme s’il en était le propriétaire, sans pour autant en avoir la qualité. Le prévenu doit avoir la volonté, d'une part, de priver durablement le propriétaire de son objet, et, d'autre part, de s'approprier celui-ci, pour une certaine durée au moins (arrêt du Tribunal fédéral 6B_375/2020 du 9 juillet 2020 consid. 3.3).

Subjectivement, le prévenu doit avoir agi intentionnellement (M. DUPUIS/ L. MOREILLON/ C. PIGUET/ S. BERGER/ M. MAZOU/ V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 10 ad art. 137, n. 43 ad art. 138 et n. 13 ad art. 139). L’intention doit exister au moment de l’acte (principe de la concomitance; L. MOREILLON/ A. MACALUSO/ N. QUELOZ/ N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2020, n. 29 ad art. 12). L’auteur doit également agir dans un dessein d’enrichissement illégitime. Tel est le cas si cet enrichissement est acquis de façon contraire à l’ordre juridique.

3.2.2. L'art. 141 CP punit quiconque, sans dessein d'appropriation, aura soustrait une chose mobilière à l'ayant droit et lui aura causé, par-là, un préjudice considérable.

Cette dernière notion, qui est sujette à appréciation et est susceptible de varier selon les occurrences, vise à exclure les cas bagatelles (M. DUPUIS/ B. GELLER/ G. MONNIER/ L. MOREILLON/ C. PIGUET/ C. BETTEX /D. STOLL (éds), Code pénal - Petit commentaire, Bâle 2012, n. 9 ad art. 141).

3.3. En l'espèce, B______, D______ et E______ ont contesté les faits reprochés. L'association était dotée de statuts et d'un règlement interne, sa comptabilité était régulièrement tenue et son budget était soumis pour approbation aux assemblées générale, ce qui était corroboré par les différents pièces produites.

Le recourant ne démontre pas que certaines dépenses effectuées par les prévenus en leur faveur l'auraient été à l'insu des membres de l'association et en violation des règles de cette dernière. Le cas échéant, toute contestation des décisions prises à l'assemblée générale serait du ressort des juridictions civiles. Or, le recourant n'établit pas avoir agi en ce sens au civil et obtenu gain de cause. Il n'existe donc à ce stade aucune prévention d'une quelconque infraction pénale, étant relevé que sa requête en annulation de la décision de l'association du 7 octobre 2020 conHe un complexe de fait tout autre n'ayant aucune connotation pénale.

Il prétend pour la première fois dans son recours que les pièces produites par les mis en cause, dont le règlement de l'association, serait un faux destiné à couvrir leurs "actes illicites". Le recourant s'étant plaint de n'avoir pas eu connaissance desdites pièces, on peut se demander ce qui l'autorise à les qualifier de faux.

Indépendamment de la question de savoir si le règlement précité pourrait constituer un titre au sens des art. 110 al. 4 et 251 CP, force est de constater que les allégués du recourant ne reposent sur aucun élément objectif probant. Faute de soupçon suffisant, on ne voit pas quel acte d'instruction aurait dû accomplir le Ministère public pour s'assurer de la véracité dudit document.

Les griefs du recourant, y compris celui contestant la validité du nouveau règlement du 28 avril 2021, sont de nature exclusivement civiles, comme l'a relevé à juste titre le Ministère public.

Partant, on ne décèle aucune appréciation arbitraire des faits de la part de cette autorité.

4. Le recours sera rejeté.

5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui seront arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant et au Ministère public.

 

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/9816/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

900.00