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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/24723/2019

ACPR/395/2022 du 03.06.2022 sur OTCO/50/2022 ( TCO ) , REJETE

Recours TF déposé le 05.07.2022, rendu le 06.10.2022, REJETE, 1B_355/2022, 1B_356/2022
Descripteurs : QUALITÉ POUR RECOURIR;DÉFENSE D'OFFICE;DÉNUEMENT;EXÉCUTION(IMPÔT)
Normes : CPP.382; CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24723/2019 ACPR/395/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 3 juin 2022

 

Entre

A______, domicilié ______[GE], comparant par Me D______, avocat, ______ Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 5 mai 2022 par le Tribunal correctionnel

 

et

LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 16 mai 2022, A______ recourt en personne contre l'ordonnance du 5 mai 2022, notifiée le 9 suivant, par laquelle le Tribunal correctionnel a refusé d'ordonner la défense d'office en faveur de son épouse, B______.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance et à ce qu'un avocat d'office lui soit accordé ainsi qu'à son épouse.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par acte d'accusation du 11 novembre 2021, le Ministère public a renvoyé A______ et B______ en jugement par-devant le Tribunal correctionnel du chef d'usure par métier (art. 157 ch. 1 et 2 CP) et d'infraction à l'art. 116 al. 1 et 3 LEI.

b. A______ est au bénéfice d'une défense obligatoire et assisté par un conseil de choix en la personne de Me D______ depuis le début de l'instruction préparatoire, en mars 2020.

c. Le 16 février 2022, A______ a déposé auprès du Ministère public, qui l'a fait suivre au Tribunal correctionnel, une demande de désignation de son conseil comme avocat d'office, accompagnée des pièces relatives à sa situation financière.

d. Son épouse, B______, laquelle est défendue, à titre privé, depuis le 29 septembre 2020 par Me E______ et depuis le 1er décembre 2020 par Me F______ également, a formé une requête similaire.

e. Par courrier du 25 février 2022, la Direction de la procédure du Tribunal correctionnel a sollicité du Service de l'assistance juridique un préavis sur la situation financière des deux prévenus.

f. Dans son rapport du 15 mars 2022, le Service de l'assistance juridique a considéré que le couple A/B______ aurait un disponible de CHF 2'447.30 par mois à l'heure actuelle, montant qu'il convenait de relativiser au regard des séquestres opérés et des charges hypothécaires et fiscales dans les autres cantons dont il n'était pas tenu compte.

g. À la suite du dépôt de pièces complémentaires par les prévenus, le Service de l'assistance juridique a fait savoir au Tribunal correctionnel, par pli du 8 avril 2022, que les chiffres énoncés dans son premier rapport étaient maintenus, les pièces remises par les parties n'apportant pas d'éléments nouveaux, en particulier concernant le montant des impôts dus à hauteur de CHF 3'350.- par mois, leur paiement n'étant pas prouvé et ne pouvant ainsi être pris en compte.

h. Les prévenus n'ont, dans le délai imparti par la Direction de la procédure du Tribunal correctionnel, pas présenté d'observations en relation avec la détermination du Service de l'assistance juridique.

i. Par courrier daté du 29 avril 2022, A______ a transmis de nouvelles pièces au Service de l'assistance juridique en demandant que l'assistance juridique lui soit octroyée, lequel a, par pli du 2 mai 2022, indiqué à l'attention du Tribunal correctionnel que les éléments invoqués par le requérant n'étaient pas nouveaux, confirmant par-là ses précédents rapports.

C. Par deux ordonnances séparées rendues le 5 mai 2022, le Tribunal correctionnel a refusé d'ordonner une défense d'office en faveur de A______, respectivement de B______, pour des motifs identiques. En substance, les deux prévenus étaient chacun assistés d'un avocat de choix (de deux conseils s'agissant de la prévenue). Il n'y avait pas de raison de s'écarter de l'appréciation du Service de l'assistance juridique. Il était ainsi retenu que tant A______ que B______ disposaient des ressources nécessaires pour assurer par leurs propres moyens les honoraires d'un défenseur.

D. a. À l'appui de son recours, A______ déclare avoir payé les impôts du couple en mai 2022. Il produit à cette fin plusieurs ordres de paiement par e-banking adressés à la Banque C______ datés des 10, 12 et 13 mai 2022 en faveur de diverses administrations fiscales en Suisse, totalisant CHF 6'952.25.

b. À réception, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2. 2.1. Le recourant n'a pas qualité pour recourir contre l'ordonnance qu'il produit à l'appui de son recours et qui refuse la désignation d'un avocat d'office en faveur de son épouse, B______, faute d'être directement touché par celle-ci (art. 382 al. 1 CPP). Le recours est irrecevable sous cet angle.

2.2. Le recourant, en sa qualité de prévenu (art. 104 al. 1 let. a CPP), a par contre un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de l'ordonnance du Ministère public du 5 mai 2022 refusant de lui nommer un avocat d'office

Déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 384 let. b, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et concernant une ordonnance de la Direction de la procédure sujette à recours immédiat auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP; ATF 140 IV 202 = SJ 2015 I 73), le recours est, dans cette mesure, recevable.

2.3. Les pièces nouvelles produites sont recevables, la jurisprudence admettant la production de faits et de moyens de preuve nouveaux en deuxième instance (arrêts du Tribunal fédéral 1B_368/2014 du 5 février 2015, consid. 3.1 et 3.2 et 1B_768/2012 du 15d janvier 2013, consid. 2.1).

3. Le recourant estime réunir les conditions lui donnant droit à la désignation d'un défenseur d'office.

3.1. Un cas de défense obligatoire au sens de l'art. 130 CPP impose au prévenu l'assistance d'un défenseur, que celui-ci le soit à titre privé (cf. art. 129 CPP) ou désigné d'office (cf. art. 132 CPP).

3.2. La direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts (art. 132 al. 1 let. b CPP). Il s'agit de conditions cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_667/2011 du 7 février 2012 consid. 1.2).

L'art. 132 al. 1 let. b CPP s'applique également à des cas de défense obligatoire autres que ceux de la let. a, notamment lorsque le prévenu, qui disposait jusqu'alors d'un défenseur de choix, voit sa situation financière évoluer au point de ne plus disposer des moyens nécessaires à la rémunération de celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 1B_461/2016 du 9 février 2017 consid. 2.2.2).

La condition de l'indigence est réalisée si la personne concernée ne peut assumer les frais du procès sans entamer les moyens nécessaires à son entretien et à celui de sa famille (ATF 144 III 531 consid. 4.1 p. 537; 135 I 221 consid. 5.1 p. 223). Il convient de prendre en considération l'ensemble de la situation financière du requérant au moment où la demande est présentée, celui-ci devant indiquer de manière complète et établir autant que possible ses revenus, sa situation de fortune et ses charges. Il y a lieu de mettre en balance, d'une part, la totalité des ressources effectives du requérant et, d'autre part, l'ensemble de ses engagements financiers. Concernant ces derniers, seules les charges réellement acquittées sont susceptibles d'entrer dans le calcul du minimum vital. Des dettes anciennes, sur lesquelles le débiteur ne verse plus rien, ne priment pas l'obligation du justiciable de payer les services qu'il requiert de l'État (ATF 135 I 221 consid. 5.1 p. 223).

Pour déterminer les charges d'entretien, il convient de se fonder sur le minimum vital du droit des poursuites augmenté d'un certain pourcentage (cf. ATF 124 I 1 consid. 2c), auquel il faut ajouter le loyer, les dettes d'impôts échues, y compris les arriérés d'impôts, pour autant qu'elles soient effectivement payées, la prime d'assurance-maladie obligatoire et les frais de transport nécessaires à l'acquisition du revenu, qui sont établis par pièces. L'autorité compétente doit éviter de procéder de façon trop schématique afin de pouvoir prendre en considération tous les éléments importants du cas particulier. Elle peut certes partir du minimum vital du droit des poursuites, mais elle doit tenir compte de manière suffisante des données individuelles en présence et prendre en considération l'ensemble de la situation financière du requérant pour vérifier si l'indigence alléguée existe ou non (ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_232/2019 du 18 juillet 2019 consid. 2.1).

3.3. En l'espèce, le recourant ne revient pas sur les calculs du Service de l'assistance juridique et son préavis. Il prétend qu'au vu des preuves de paiement d'impôt apportées, supérieures au disponible mensuel calculé, il avait droit à la désignation d'un avocat d'office.

Or, force est de constater que les pièces bancaires produites ne constituent pas une preuve de paiement effectif par la banque, comme cela est du reste indiqué en bas des documents : "Toutes les informations sont données sans aucune garantie. Ceci n'est pas une confirmation d'exécution".

Un ordre de paiement par e-banking ne vaut en effet pas exécution dudit paiement par la banque.

Partant, les pièces en question ne sauraient remettre en question l'appréciation du Service de l'assistance juridique et du Tribunal correctionnel selon laquelle le recourant dispose des moyens nécessaires pour assurer par ses propres moyens les honoraires de son défenseur.

4. Le recours sera dès lors rejeté.

5. Le présent arrêt sera rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours dans la mesure de sa recevabilité.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, au Tribunal correctionnel et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).