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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/19465/2021

AARP/144/2024 du 29.04.2024 sur JTDP/1340/2023 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : PRÉSOMPTION D'INNOCENCE;VIOLATION DES DEVOIRS EN CAS D'ACCIDENT;DÉLIT DE FUITE
Normes : LCR.92.al2; LCR.96.al2; LCR.96.al1.leta; LCR.91a.al1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19465/2021 AARP/144/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 29 avril 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, France, comparant par Me B______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1340/2023 rendu le 17 octobre 2023 par le Tribunal de police,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/1340/2023 du 17 octobre 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a acquitté de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière [LCR]) et l'a reconnu coupable d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 LCR), de violation des obligations en cas d'accident (art. 92 al. 2 LCR) et de conduite sous défaut du permis de circulation (art. 96 al. 1 let. a LCR). Il l'a condamné à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à CHF 60.- l'unité, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans), ainsi qu'à une amende de CHF 1'800.-, avec peine privative de liberté de substitution de 18 jours. Il a également prononcé une amende de CHF 600.- pour l'infraction à l'art. 96 al. 1 let. a LCR et mis les frais de la procédure à sa charge.

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à son acquittement, et à ce qu'il soit donné suite à ses conclusions en indemnisation.

b. Selon l'ordonnance pénale du 11 octobre 2022, il est encore reproché à A______ d'avoir, à Genève, le ______ juillet 2021, aux alentours de 17h32, sur l'autoroute A1 en direction de la France :

-          circulé au volant de son véhicule automobile immatriculé France/1______, lequel n'était pas couvert par l'assurance responsabilité civile et n'était pas admis à la circulation en Suisse, le certificat d'immatriculation étant barré ;

-          puis avoir dépassé le motocycle immatriculé GE 2______, étant précisé que celui-ci a chuté et s'est blessé et que des dégâts matériels ont été causés, avant de quitter les lieux sans s'arrêter et sans prendre langue avec le motocycliste.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Selon le rapport de police du 10 août 2021, A______ circulait sur la voie de gauche de l'autoroute lorsqu'il a dépassé le motocycliste C______ et heurté, au cours de cette manœuvre, le flanc gauche du motocycle avec le flanc droit de sa voiture de marque D______, modèle 3______, immatriculée en France. Suite au choc, C______ a chuté et A______ ne s'est pas arrêté.

Légèrement blessé dans sa chute, C______ présentait des dermabrasions sur le bras et la jambe gauche avec douleurs au niveau du genou gauche. Des traces discontinues provenant des parties saillantes du véhicule s'étalaient sur une distance totale de 50.40 mètres. L'accident avait eu lieu sur une route sèche, en ligne droite, avec une visibilité normale et dans de bonnes conditions météorologiques.

La carte grise française du véhicule conduit par A______ était "barrée" depuis le 14 mai 2021. La voiture n’était plus couverte par une assurance responsabilité civile depuis cette date.

a.b. Selon les images de vidéosurveillance, le choc entre les deux véhicules a eu lieu sur la voie de gauche, sans toutefois qu'il ne soit possible de déterminer leur position avant le heurt. Aucun autre motocycliste n'apparaît sur les images après le choc, un embouteillage se formant à la suite de l'accident.

b. Entendu par la police, C______ a indiqué qu'il circulait sur la voie de droite en direction de la douane de Bardonnex au moment de l'accident. Arrivé à la hauteur du tunnel de Palexpo, le trafic avait ralenti et il s'était inséré dans celle de gauche. Peu après le tunnel, il avait vérifié dans son rétroviseur dans l’intention de se rabattre sur la voie de droite, ce qui n'avait pas été possible vu la présence de véhicules. Il avait alors senti un choc sur sa droite avant de tomber sur le côté gauche et de glisser. Le véhicule qui l'avait percuté ne s'était pas arrêté.

Après avoir visionné la vidéo de l'accident, il comprenait mieux le déroulement de l'accident : il s'était légèrement déporté sur la droite de la voie de gauche en regardant dans son rétroviseur droit au moment de se rabattre. Le véhicule qui l'avait heurté avait forcé à ce moment-là. Il n'avait ni vu d'appels de phare ni entendu de personne le klaxonner, bien qu'il était parfaitement attentif à la circulation. Il circulait à environ 100 km/h.

Il se trouvait en arrêt de travail et devait passer des examens médicaux complémentaires en lien avec son genou gauche qu'il ne pouvait plus complètement replier.

c.a. Entendu à deux reprises par la police, A______, qui reconnaissait être le conducteur du véhicule impliqué, a expliqué qu'il circulait en direction de la douane de Bardonnex sur la voie rapide lorsqu'il s'était retrouvé derrière une moto qui roulait aux alentours de 65 km/h. Il avait décidé de patienter car la limitation était de 80 km/h sur ce tronçon. Après le tunnel de Palexpo, il avait fait, en vain, des appels de phare au motocycliste. Il avait alors enclenché son indicateur de direction et la moto s'était décalée sur la droite pour le laisser passer. Il ne pouvait pas préciser si le motard se trouvait sur la voie de droite ou sur la ligne de démarcation des deux voies lorsqu'il l'avait dépassé. À ce moment-là, sans sentir le choc ou entendre le motard tomber, il avait entendu un bruit au niveau de son rétroviseur droit et constaté que celui-ci s'était replié. Ne pouvant pas s'arrêter pour le remettre en place, il avait décidé de continuer sa route, avant de quitter l'autoroute à Perly (GE) en raison des embouteillages et de s'arrêter dans une station-service pour replacer correctement son rétroviseur. C'était seulement lorsque la police l'avait contacté et qu'il s'était arrêté une seconde fois, qu'il avait constaté que le flanc droit de son véhicule était endommagé, de la place côté passager jusqu'à la porte arrière.

Il n'avait pas appelé la police ou les secours car il n'avait pas vu l'accident, sans quoi il se serait arrêté. Au moment de l'accident, son rétroviseur était plié, son véhicule avait des vitres teintées et une bonne insonorisation, le fond du tunnel était noir et il écoutait de la musique à faible niveau. Il n'avait pas compris pourquoi le motard s'était rabattu sur lui, alors qu'il le dépassait. Il ne buvait jamais et avait "mal au cœur" pour le motocycliste, auquel il souhaitait un prompt rétablissement.

Bien que son véhicule ne l'était pas, A______ était certain qu'il était assuré au moment de l'accident. Après l'achat de la voiture en mai 2021, il avait contacté son courtier auprès de la [compagnie d'assurance] E______ afin de souscrire un contrat d'assurance. Celui-ci lui avait ensuite confirmé que le véhicule était assuré. Il n'aurait jamais pris le risque de conduire un véhicule destiné au transport de personnes sans disposer d'une assurance, précisant qu'il l'utilisait deux fois par semaine, depuis mai 2021, pour circuler entre la Suisse, la France et l'Italie. Le 3 août 2021, après avoir découvert que le véhicule n'était pas assuré, il l'avait annoncé auprès de [la compagnie d'assurance] F______.

Confronté au fait que le permis de circulation français du véhicule au moment de l'accident n'était plus valable, A______ a expliqué que le Service des automobiles et de la navigation vaudois (SAN), lors du dépôt de son dossier pour obtenir la carte grise du véhicule, lui avait certifié qu'il avait le droit de circuler en Suisse, exception faite des courses professionnelles, et ce tant que le véhicule n'était pas immatriculé. Il ne pouvait donc savoir, le jour de l'accident, qu'il n'avait pas le droit de le conduire, même s'il comprenait a posteriori que tel était le cas.

c.b. Devant le MP, A______ a ajouté qu'avant de procéder au dépassement, il avait mis son clignotant, enclenché ses feux et klaxonné. Selon lui, "tout le monde était faché" car le motocycliste ne laissait passer personne. Il l'avait dépassé lorsque celui-ci avait franchi la ligne de démarcation et se trouvait sur la voie de droite, précisant qu'il n'aurait pas pu effectuer cette manœuvre, en raison de la taille de son véhicule, si le motard ne s'était pas rabattu sur cette voie. En cas de choc, le capot de son véhicule, le rétroviseur ou l’aile droite auraient été endommagés, alors que la voiture était dotée, outre les vitres teintées, d'un rideau d'origine se rabattant sur les trois côtés de la vitre arrière. Il avait continué sa route et sept ou huit secondes après le dépassement, il avait entendu un bruit puis constaté que son rétroviseur était cassé. À ce moment-là, il s'était dit que le motard, qui était énervé, l'avait cassé volontairement, puis avait pris la fuite. Il avait néanmoins "l'esprit tranquille" car le motocycliste pouvait être retrouvé grâce aux caméras de vidéosurveillance de l'autoroute, raison pour laquelle il n'avait pas appelé la police en sus du fait qu’il était pressé de rejoindre l'Italie. Il n'avait constaté aucun dégât sur l'aile droite de son véhicule lorsqu'il s'était arrêté à la station-service. Informé de l'accident par la police, il avait pensé que le motard avait perdu son équilibre en cassant son rétroviseur avant de tomber, ce qu'il avait signifié par téléphone aux inspecteurs le soir-même. Il n'avait pas déposé plainte au moment de son audition à la police car il avait eu pitié du motocycliste.

Il avait fait entièrement confiance à son courtier en assurance qui lui avait indiqué par téléphone et par message WhatsApp que son véhicule était bien assuré.

N'ayant jamais importé en Suisse un véhicule acheté en France, il avait procédé au dédouanement de celui-ci le jour de l'achat, soit le 14 mai 2021 et s'était renseigné auprès du SAN sur les démarches à suivre. Il avait ensuite déposé son dossier d'immatriculation et reçu l'indication qu'il pouvait circuler à titre privé, avec les plaques françaises et le permis de circulation barré, dans l'attente d'une prochaine convocation pour l'immatriculation définitive. Il n'avait jamais eu d'accident par le passé. Il avait téléphoné au motocycliste afin de prendre de ses nouvelles.

c.c. En première instance, A______ a indiqué être resté derrière le motocycliste car il ne voulait pas doubler par la voie de droite et prendre le risque qu’on lui retire son permis de conduire. Il avait entendu "quelque chose" et vu que son rétroviseur était "tombé", celui-ci pendant par les fils électriques, ses propos à la police selon lesquels son rétroviseur s'était replié devaient procéder d'une mauvaise retranscription au procès-verbal. À la suite du heurt, il n'avait pas regardé dans ses rétroviseurs et avait pensé, voyant un motocycle passer à côté de lui, qu'il s'agissait de celui qui l'avait doublé et que rien n'était survenu. Selon son carrossier, s'il avait touché le motocycle, celui-ci ne serait pas tombé, alors qu'un heurt provenant du motard aurait cassé le rétroviseur et causé la chute du motocycliste. Il n'avait pas évoqué, lors de sa première audition à la police, la possibilité que le motard ait cassé le rétroviseur de son véhicule, faute d'avoir alors reçu les explications de son carrossier.

Il avait appris que son véhicule était inscrit dans le système du SAN et avait obtenu un document qui l'attestait. Il n'avait pas reçu d'attestation d'assurance après son échange de messages avec son courtier.

Interrogé pour savoir s'il était en possession d'un document du SAN lui permettant de circuler sans la carte grise, A______ a répondu qu'il ne disposait pas de "document de conformité européenne", mais que le SAN lui avait indiqué que sa voiture, qui avait été dédouanée, n'était plus considéré comme un véhicule étranger et qu'il pouvait circuler avec celle-ci avec celle-ci, à titre non professionnel, dans l'attente de l'obtention de sa carte grise.


 

d. A______ a notamment produit les documents suivants :

-          Les échanges WhatsApp du 14 mai 2021 avec son courtier en assurance, dont il ressort qu'il demandait à discuter avec ce dernier de l'assurance d'un véhicule, puis transmettait des documents par message du 14 mai 2021 à 16h21. Le même jour à 16h21 également, son interlocuteur répondait "ok parfait".

-          Le formulaire douanier "13.20.A" relatif au dédouanement de son véhicule, ainsi que la décision de taxation TVA de l'Administration fédérales des douanes, tous deux comprenant le timbre de la douane.

-          Trois photographies des dégâts causés à son véhicule, consistant en d'importantes marques et enfoncements de la carrosserie sur l'aile droite de la voiture ainsi que du rétroviseur endommagé en pièces détachées.

-          Un document du 9 juin 2021 qui attesterait, selon lui, de ce que son véhicule était inscrit dans le "système" du SAN, avec la mention de la E______ dans la case assurance.

C. a. Devant la juridiction d'appel, A______ a précisé qu'il écoutait de la musique un peu plus fort qu'à l'accoutumée, de sorte qu'il avait attribué à celle-ci le bruit entendu au moment de l'accident. Le motard était tombé dans son propre piège en cassant le rétroviseur de son véhicule.

Il avait reçu l'indication du SAN que son véhicule devait passer un contrôle technique afin d'être autorisé à effectuer des courses professionnelles. Sans qu'il ne puisse l'expliquer, le SAN avait donné une autre version à la police, à savoir qu'il lui avait été indiqué qu'il avait le droit de conduire le véhicule uniquement pour se rendre au garage. Il dépensait beaucoup d'argent pour ses véhicules, qui lui permettaient de réaliser des revenus et subvenir aux besoins de sa famille, raison pour laquelle il avait toujours veillé à ce qu'ils soient assurés.

b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions. Il avait été constant dans ses déclarations. Il n'avait ni vu ni entendu l'accident en raison des caractéristiques du véhicule et ne s'était pas rendu compte immédiatement que le rétroviseur était cassé, étant rappelé qu'il roulait à une vitesse élevée. Il n'avait constaté les dégâts que lors de son second arrêt. Plusieurs actes d'instructions auraient pu être ordonnés pour démontrer sa crédibilité et la vidéo était insuffisante pour retenir qu'il avait eu conscience d'avoir causé un accident.

Étant de bonne foi, il ne pouvait pas savoir que son véhicule n'était pas assuré, son courtier lui ayant confirmé qu'il l'était, ce que les messages versés à la procédure attestaient. Il n'était pas de son ressort, en sa qualité de chauffeur professionnel, de connaître les démarches administratives à effectuer. Il n'avait aucun intérêt à rouler sans être assuré.

Il avait utilisé son véhicule sur la base des instructions du SAN, autorité à laquelle il s'était fié. Le document du 9 juin 2021, produit en première instance, attestait que sa demande d'immatriculation avait été enregistrée, tandis que l'absence de timbre du SAN sur le formulaire 13.20.A n'était pas déterminant. Il avait déposé un dossier complet auprès de l'autorité et estimait que le document reçu lui donnait le droit de circuler.

c. A______ conclut à l’octroi d’une indemnité de CHF 11'400.- pour ses frais de défense en appel et de CHF 3'640.- pour les frais engagés par son précédent conseil.

D. A______, de nationalité française, est né le ______ 1970 en Arménie. Domicilié en France, il est marié et père d'une fille, mineure, qui est à sa charge. Il exerce la profession de chauffeur professionnel en raison individuelle. S'il réalise un revenu mensuel net de CHF 2'500.- à CHF 3'000.-, son dernier salaire annuel s'élevait à CHF 33'000.- et ses charges de loyer et électricité à CHF 1'000.- par mois. Il n'a ni dette ni fortune.

Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, il n'a pas d'antécédent.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions.

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence ; lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1145/2014 du 26 novembre 2015 consid. 1.2 et 6B_748/2009 du 2 novembre 2009 consid. 2.1).

2.1.2. Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Les preuves doivent être examinées dans leur ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_1183/2016 du 24 août 2017 consid. 1.1 ; 6B_445/2016 du 5 juillet 2017 consid. 5.1).

2.2. Selon l'art. 92 al. 2 LCR, est puni le conducteur qui prend la fuite après avoir tué ou blessé une personne lors d'un accident de la circulation.

Le délit de fuite réprime un cas aggravé de la violation des devoirs en cas d'accident (Y. JEANNERET, Les dispositions pénales de la Loi sur la circulation routière, 2007, n. 196 ad art. 92). La fuite signifie que le conducteur s'éloigne des lieux de l'accident ou se rend indisponible, violant notamment son obligation de prêter son concours à la reconstitution des faits (ATF 103 Ib 101 consid. 3 p. 107).

La violation de l'art. 92 al. 2 CP sera punissable, qu'elle soit commise intentionnellement ou par négligence. L'intention peut aussi être réalisée par dol éventuel, lequel portera sur la connaissance des circonstances qui engendrent des devoirs, soit l'existence d'un accident et les conséquences de ce dernier (dégâts matériels ou humains). Ainsi agit par dol éventuel le conducteur qui, après une embardée, entend un bruit de choc inhabituel et continue sa route sans s'assurer de ce qui s'est produit, en admettant l'hypothèse selon laquelle un accident a pu se produire. Dans l'hypothèse du dol éventuel, l'erreur de fait n'entre pas en ligne de compte parce que le fait en cause figure à titre éventuel dans la représentation de l'auteur (Y. JEANNERET, op. cit., n. 133, 149 et 215 ad art. 92).

2.3.1. Se rend coupable de l'art. 91a al. 1 LCR quiconque, en qualité de conducteur d'un véhicule automobile, s'oppose ou se dérobe intentionnellement à une prise de sang, à un contrôle au moyen de l'éthylomètre ou à un autre examen préliminaire réglementé par le Conseil fédéral, qui a été ordonné ou dont le conducteur devait supposer qu'il le serait, ou quiconque s'oppose ou se dérobe intentionnellement à un examen médical complémentaire ou fait en sorte que des mesures de ce genre ne puissent atteindre leur but.

L'art. 91a LCR a pour objectif d'éviter que le conducteur en incapacité qui s'enfuit soit mieux traité que celui que se soumet aux contrôles (ATF 126 IV 53 consid. 2d ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_716/2008 du 2 avril 2019 consid. 2.3). Cette disposition sanctionne le comportement de celui qui empêche la constatation de son état éventuel de conduire, peu importe qu'il ait été finalement pris de boisson ou non, sachant que même celui qui est totalement de sang-froid peut faire l'objet d'un ordre de se soumettre à des investigations (A. BUSSY/Y. JEANNERET/A. KUHN/C. MIZEL/O. RISKE/ B. RUSCONI, Code suisse de la circulation routière commenté, 5ème éd., Bâle 2024, n. 2.1. ad art. 91a LCR).

Elle vise notamment la dérobade, laquelle est liée à la violation des devoirs en cas d'accident (ATF 142 IV 324 consid. 1.1.1 p. 326) et dont les éléments constitutifs sont au nombre de deux : (1) l'auteur doit violer une obligation d'aviser la police en cas d'accident ou une autre prescription destinée à établir son identité et à clarifier les faits – tel que le devoir de participer à la constatation des faits au sens de l’art. 51 al. 2 LCR ainsi que le devoir de s'arrêter immédiatement selon l'art. 51 al. 1 LCR ; (2) l'ordre de se soumettre à une mesure d'investigation de l'état d'incapacité de conduire doit apparaître objectivement comme hautement vraisemblable au vu des circonstances. Sont notamment prises en considération la façon générale de conduire ainsi que les circonstances de l'accident, sa gravité et la manière dont il s'est déroulé (casuistique: admis pour un accident par temps sec, sur un tronçon connu du conducteur, dans des circonstances peu compréhensibles [arrêt du Tribunal fédéral 6S_275/2006 consid. 4.4.]).

Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (arrêts du Tribunal fédéral 6B_158/2019 du 12 mars 2019 consid. 1.1.1 ; 6B_384/2015 du 7 décembre 2015 consid. 5.3). Tel est le cas lorsque le conducteur connaissait les faits fondant son obligation d'avertir la police et la haute vraisemblance de l'ordre de prise de sang et que l'omission de l'annonce à la police – qui était sans autre possible – ne peut raisonnablement s'expliquer que par l'acceptation du risque d'une entrave à la prise de sang (ATF 131 IV 36 consid. 2.2.).

2.3.2. Conformément à l'art. 55 al. 1 LCR, les conducteurs de véhicules, de même que les autres usagers de la route impliqués dans un accident peuvent être soumis à un alcootest. Depuis l'entrée en vigueur de cette disposition le 1er janvier 2005, il est possible d'ordonner une telle investigation même en l'absence de tout soupçon préalable. Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2008, l'art. 10 al. 1 de l'ordonnance sur le contrôle de la circulation routière permet à la police de procéder de manière systématique à des tests préliminaires pour déterminer s'il y a eu consommation d'alcool. En considération de cette évolution législative, il y a de manière générale lieu de s'attendre à un contrôle de l'alcoolémie à l'alcootest en cas d'accident, sous réserve que celui-ci soit indubitablement imputable à une cause totalement indépendante du conducteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_730/2019 du 9 août 2019 consid. 2.1).

2.4.1. Il ressort de la vidéo versée au dossier que le véhicule de l'appelant a bel et bien heurté le motard alors qu'ils se trouvaient tous les deux sur la voie de gauche de l'autoroute. Aucun autre motocycliste n'a dépassé la voiture à la suite du choc, contrairement à ce que plaidait l'appelant en première instance. La visibilité était bonne et la voie plutôt dégagée, de sorte qu'il semble difficilement concevable, à ce stade déjà, que l'appelant n'ait pas vu qu'il percutait la victime, étant relevé que le heurt a eu lieu à l'avant de la voiture au niveau du rétroviseur et que ce dernier précédait le motocycliste dans sa manœuvre de dépassement.

Les explications fournies par l'appelant ont varié et été confuses au gré de ses auditions, voire contredites par certains éléments au dossier, ce qui nécessite de les examiner avec une très grande retenue.

Il a ainsi expliqué à la police avoir entendu un bruit au niveau de son rétroviseur et senti un léger choc au moment même du dépassement, avant d'indiquer au MP qu'il avait attendu entre sept à huit secondes pour percevoir un son. Pour la première fois en appel, il a précisé qu'il avait attribué ce bruit à la musique écoutée à l'intérieur de l'habitacle. L'appelant a également expliqué que son rétroviseur "pendait par les fils" à la suite du choc, alors même qu'il avait déclaré précédemment que le rétroviseur s'était uniquement "plié", imprécision qu'il attribuait à une mauvaise retranscription de ses déclarations au procès-verbal. De même, ce n'est qu'à sa troisième audition, devant le MP, qu'il a accusé le motard d'avoir intentionnellement cassé son rétroviseur, avant de perdre le contrôle de sa moto et de tomber. Or, selon ses dires au MP, il avait immédiatement songé à cette possibilité au moment des faits, avant de l'attribuer, devant le TP, aux explications de son garagiste. Il a enfin indiqué à la police qu'il n'était pas en mesure de dire si le motocycliste se trouvait sur la voie de droite ou sur la ligne de démarcation, avant d'affirmer catégoriquement au MP que le deux-roues se trouvait sur la voie de droite au moment du dépassement.

Il y a lieu également de relativiser les propos de l'appelant lorsqu'il déclare ne pas avoir vu les traces du choc sur la carrosserie de la voiture au moment de remettre son rétroviseur en place lors de son premier arrêt dans une station-service. À teneur des photographies versées au dossier, il faudrait faire abstraction de ce que les traces d'impact de la collision s'étalaient tout du long de la portière sur laquelle se trouvait le rétroviseur cassé, ce qui n'est pas compatible avec la version de l'appelant selon laquelle il ne les aurait pas aperçues. Le fait qu'il n'ait rien constaté semble d'autant plus invraisemblable qu'il a déclaré en appel prendre un soin très particulier de tous ses véhicules, qui constituaient son outil de travail.

À suivre toujours l'appelant, il n'aurait pas appelé la police au motif qu'il se sentait "tranquille" à l'idée de retrouver, au moyen des caméras de surveillance, l'auteur des faits qui avait pris la fuite. On peine pourtant à comprendre, alors même qu'il s'arrête une première fois pour remettre son rétroviseur en place, qu'il n’ait pas déclaré à ce moment-là l'accident, ni les dégâts causés. La thèse selon laquelle le motard aurait pris la fuite est également mise à mal à teneur des images de vidéosurveillance, dans la mesure où aucun autre motocycliste ne passe devant lui à la suite de l'accident, alors que la victime avait chuté à la suite de son dépassement. Il est en outre mensonger, comme celui-ci l'a affirmé, qu'il n'avait pas pu s'arrêter avant la sortie de Perly, alors que plusieurs sorties d'autoroute existent entre les lieux de l'accident et Perly.

De plus, l'ampleur des marques relevées sur la carrosserie ne pouvaient être le fait d'un heurt anodin, tel qu'il ressort des explications de l'appelant qui fait état d'un bruit et d'un choc peu perceptibles. Pareilles détériorations étaient à l'inverse le signe d'une collision causant inévitablement du bruit et des vibrations importantes, étant rappelé la vitesse élevée à laquelle circulaient les protagonistes. Il n'est pas non plus probable, dans ces circonstances, que le bruit causé ait pu être assimilé à de la musique, ni que l'insonorisation alléguée de la voiture ait pu couvrir à ce point le son causé par l'impact sur la carrosserie.

L'appelant n'hésite pas enfin à signaler que les usagers de la route étaient fâchés contre le motard qui ne se rabattait pas et qu'il avait lui-même tenté en vain de signaler sa présence par des appels de phares et des klaxons. Ce comportement dénote une certaine exaspération de sa part et conforte l'image d'un conducteur pressé et énervé, soit le contraire de celle qui voudrait que le motocycliste, pour une raison qui échappe à la Cour, aurait cassé le rétroviseur d'un véhicule qui le dépassait au risque de mettre sa propre vie en danger. La version selon laquelle le motocycliste aurait lui-même donné un coup de poing sur le rétroviseur avant de partir en embardée, n'est ainsi pas crédible, étant relevé de surcroît qu'aucun élément ressortant du témoignage mesuré et cohérent de la victime ne le laisse entendre.

Il faut donc retenir que l'appelant avait connaissance de l'accident causé, tandis que même en cas de doute, il ne pouvait se contenter, au vu de la violence du choc, de résoudre cette incertitude en sa faveur sans s'assurer qu'il n'y avait pas eu d'accident. Partant, ce sont là autant d'éléments permettant de considérer que l'appelant ne pouvait ignorer l'accident et ses conséquences, à tout le moins par dol éventuel.

2.4.2. Après la chute du motocycliste, l'appelant ne s'est pas arrêté. Il a continué sa route sans justification en dépit de son implication dans l'accident. Au regard de ces faits, les éléments constitutifs du délit de fuite sont sans conteste réunis. Il est par ailleurs établi que le motard a été blessé, ce que l'appelant aurait pu constater s'il s'était arrêté, et qu’il n'a pu qu’envisager du fait qu'il circulait en deux roues et que le heurt a eu lieu à grande vitesse.

L’infraction à l’art. 92 al. 2 LCR étant consommée, l’appel sera rejeté sur ce point.

2.4.3. C'est également à juste titre que le TP a retenu que l'appelant s'était intentionnellement dérobé aux mesures d'une éventuelle incapacité de conduire.

Le véhicule conduit par l’appelant a en effet percuté celui du lésé, sans qu'aucun élément particulier, indépendant de la personne de l'appelant, ne puisse expliquer un tel heurt sur la voie de gauche, alors que les conditions météorologiques étaient bonnes, la chaussée sèche et le tronçon rectiligne. Dans ces circonstances peu compréhensibles et au vu de la gravité potentielle d'un accident causé à haute vitesse sur une autoroute, l'ordre de se soumettre à un contrôle d'alcoolémie apparaissait comme hautement vraisemblable. Ces éléments ne pouvaient avoir échappé à l’appelant, de sorte que tant les aspects objectifs que subjectifs de l'infraction à l’art. 91a al. 1 LCR sont réalisés.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

3. 3.1. L’art. 96 al. 2 LCR punit quiconque conduit un véhicule automobile en sachant qu’il n’est pas couvert par l’assurance-responsabilité civile prescrite ou qui devrait le savoir s’il avait prêté toute l’attention commandée par les circonstances. Le détenteur d’un véhicule étranger peut également tomber sous le coup de l’art. 96 al. 2 LCR (Y. JEANNERET, op. cit., n. 65 ad art. 96).

Aucun véhicule automobile ne peut être mis en circulation sur la voie publique avant qu'ait été conclue une assurance-responsabilité civile (art. 63 al. 1 LCR). Les art. 44 et 46 de l'ordonnance sur l'assurance des véhicules (OAV) prévoient une obligation stricte pour tout véhicule étrangers, soit les véhicules qui circulent sous le couvert d’un permis de circulation étrangers ou de plaques étrangères (art. 39 al. 3 OAV), d’être couverts par une assurance étrangère jugée équivalente dans le contexte d’un accord conclu entre le Bureau national d’assurance suisse et le Bureau national d’assurance étranger ou, à défaut, par une assurance frontière qui doit être souscrite lors de l’entrée en Suisse. En cas de changement de détenteur, il n'y a pas de transfert d'assurance lorsque le véhicule est sorti de la circulation et n'est plus assuré (Y. JEANNERET, op. cit., n. 65 et 77 ad art. 96).

La négligence est punissable (A. BUSSY et al., op. cit., n. 2.3 ad art. 96). L'attention se portera essentiellement sur la question du degré de diligence que l'on doit attendre d'un conducteur s'agissant du constat de l'existence d'une couverture accident. On retiendra que l'absence de permis de circulation représente une circonstance exigeant une vérification de sa part avant de prendre le volant. De manière générale, lorsque le conducteur est convaincu que son véhicule est couvert par une assurance dans une situation non ordinaire, comme l'assurance liée à l'exercice d'un métier de l'automobile, il sera toujours requis de celui-ci qu'il ne se contente pas de sa conviction – erronée – d'être assuré et qu'il se renseigne auprès de l'organisateur, du garagiste, de l'autorité ou de la compagnie d'assurance. La question de l'erreur de faits se confond avec l'examen de l'élément subjectif (Y. JEANNERET, op. cit., n. 89, 92 et 93 ad art. 96).

3.2.1. Il est établi que le véhicule de l’appelant, avec lequel il circulait le jour de l’accident sans permis de circulation valable et avec ses anciennes plaques françaises, était dénué de toute couverture d’assurance-responsabilité civile, ce qu'il ne conteste pas.

Les éléments constitutifs objectifs de l'infraction à l'art. 96 al. 2 LCR sont ainsi réalisés.

3.2.2. Sur le plan subjectif, la Cour constate que contrairement à ce qu'il prétend, l'appelant n'a pas pris toutes les précautions commandées par les circonstances pour s’assurer que son véhicule était dûment assuré. Le simple fait de transmettre des documents à son courtier n’était pas suffisant pour retenir que l’assurance était conclue : encore fallait-il que ce dernier fasse le nécessaire pour en obtenir la confirmation, ce qu'il reconnait ne pas avoir fait, étant relevé qu'il a admis n'avoir jamais reçu de certificat d'assurance. Il s’est tout au plus contenté d’interpréter la réponse du courtier (ndr : « ok parfait »), alors que celle-ci, reçue dans la même minute que les documents envoyés, s'interprétait manifestement comme un simple accusé de réception et non comme la confirmation de la conclusion d'un contrat d'assurance pour le véhicule concerné.

En tout état, l'absence de permis de circulation et l'affectation du véhicule aux fins de transport de personnes exigeaient de l'appelant une vérification de sa part dans le but d'obtenir des renseignements accréditant l'existence d'une couverture d'assurance en dépit de sa conviction erronée. Le fait qu'il se soit contenté de ne jamais recevoir de confirmation formelle ne peut qu'interpeller au regard de son métier de chauffeur professionnel et de ses propres déclarations en appel selon lesquelles il avait toujours veillé à ce que ses précédents véhicules soient en règle. Ces éléments personnels renforcent surtout la conviction qu'il avait conscience de ses obligations légales, contrairement à ses dires, et qu'il en a fait fi dans le cas d'espèce.

Au vu de ces éléments, il pouvait être raisonnablement attendu de l'appelant qu'il identifie le défaut de couverture d'assurance, ce qu’il n’a pas fait. L’appelant s'est ainsi rendu coupable, à tout le moins par négligence, d’infraction à l’art. 96 al. 2 LCR et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

4. 4.1. L'art. 96 al. 1 let. a LCR sanctionne quiconque conduit un véhicule automobile avec ou sans remorque sans le permis de circulation ou les plaques de contrôle requis.

Le permis de circulation est la décision prise par l'autorité compétente constatant, au moment de sa délivrance, que le véhicule est conforme aux exigences légales et, partant, qu'il est autorisé à circuler sur la voie publique. Un véhicule peut donc être valablement engagé dans la circulation aussitôt que la décision de l'autorité compétente a été rendue et est exécutoire, indépendamment de la délivrance effective du document ; de même, il est interdit de circuler avec un véhicule dont le permis de circulation a été retiré ou est échu, quand bien même le document se trouverait toujours dans les mains du détenteur (Y. JEANNERET, op. cit., n. 5 ad art. 96).

Tant l'intention que la négligence sont punissables. De manière générale, on retient que le conducteur a le devoir de s'assurer que le véhicule qu'il conduit est valablement muni des permis, plaques et autorisations requises (A. BUSSY et al., op. cit., n. 1.14 ad art. 96). Sur le terrain de la diligence, il faut admettre que le degré de négligence dû par l'auteur est relativement élevé, ce dernier ayant un devoir de vérification qui se répète à chaque utilisation du véhicule. Ainsi, celui qui achète ou loue une voiture, même auprès d'un professionnel, est tenu de s'assurer de l'existence d'un permis de circulation et de plaques, nonobstant les assurances du vendeur ou du loueur (Y. JEANNERET, op. cit., n. 37 ad art. 96).

La question de l'erreur de fait (art. 19 CP) peut se confondre avec les éléments de l'examen de la culpabilité. L'auteur qui n'a pas reçu une notification d'une décision octroyant, limitant ou supprimant des droits ne peut avoir une représentation exacte de la situation ; si l'on peut reprocher à l'auteur de ne pas avoir entrepris certaines démarches de vérification, son erreur de fait sera évitable et il encourra une sanction en raison d'une faute commise par négligence (Y. JEANNERET, op. cit., n. 40 ad art. 96).

Selon l'art. 114 al. 1 let. b de l'ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière (OAC), les véhicules automobiles et les remorques immatriculés à l'étranger peuvent circuler en Suisse s'ils sont admis à circuler dans le pays d'immatriculation et s'ils sont munis de plaques valables, telles qu'elles sont mentionnées dans le permis de circulation prescrit par la Convention du 24 avril 1926 relative à la circulation automobile. À défaut d'être muni d'un permis de circulation étranger et de plaques valables, la conduite d'un véhicule non stationné en Suisse tombe sous le coup de l'art. 96 al. 1 let. a LCR (A. BUSSY et al., op. cit., n. 1.11 ad art. 96).

4.2.1. Il est établi que l'appelant conduisait, le 27 juillet 2021, un véhicule soumis à l'obligation d'être au bénéfice d'un permis de circulation, alors même que ce permis faisait défaut, le certificat d'immatriculation français du véhicule n'étant plus valable car barré. L'appelant ne conteste au demeurant pas l'usage de ce véhicule sur la voie publique sans permis de circulation ou document équivalent.

Les éléments constitutifs objectifs de l'infraction à l'art. 96 al. 1 let. a LCR sont donc réalisés.

4.2.2. L'erreur plaidée par l'appelant, découlant de sa bonne foi au vu des renseignements fournis par le SAN, se heurte tout d'abord au fait que les documents produits ne sauraient démontrer que son véhicule était muni d'une autorisation de circuler, même provisoire. En effet, le formulaire 13.20.A des autorités douanières relatif au dédouanement du véhicule ne comporte aucune allusion, ni mention au SAN, alors que le document du 9 juin 2021 indiquant l'assurance E______ n'atteste pas que le véhicule était en droit de circuler.

La version de l'appelant se heurte ensuite à ses propres déclarations. Celui-ci reconnait, pour la première fois au stade de l'appel, que le SAN avait communiqué d'autres informations à la police, selon lesquelles il pouvait uniquement utiliser son véhicule pour se rendre chez son garagiste. Cette version divergente de la sienne affaiblit la crédibilité de l'appelant, étant relevé qu'il n'apparaît pas crédible non plus que le SAN lui aurait livré la version qu'il prétend avoir reçue. Il ne soutient au surplus à aucun moment qu'il aurait sollicité la délivrance d'une attestation ou d'une autorisation provisoire du SAN lui permettant de circuler sur le territoire suisse jusqu'à l'obtention de son permis de circulation définitif, alors même qu'il savait que le véhicule n'était plus immatriculé en France et que malgré cela, il allait être amené à le conduire avec un jeu de plaques françaises.

Dans ces circonstances, l'appelant ne pouvait ainsi a minima s'affranchir des démarches permettant de s'assurer de l'existence d'un permis de circulation valable, ou à tout le moins d'une autorisation de circuler à titre provisoire, ce d'autant plus qu'il n'était pas familier avec l'importation de véhicule en Suisse, ce qui le contraignait à faire preuve d'une diligence marquée.

Le verdict de culpabilité à l'art. 96 al. 1 let. a LCR sera ainsi confirmé, la CPAR retenant que l'infraction a été commise, à tout le moins, par négligence.

5. La violation des obligations en cas d'accident au sens de l’art. 92 al. 2 LCR, l’entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire (art. 91a al. 1 LCR) et la conduite sans assurance responsabilité civile (art. 96 al. 2 LCR) sont toutes trois réprimées par une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire, tandis que la conduite sans permis de circulation (art. 96 al. 1 let. a LCR) est sanctionnée par l’amende.

5.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_660/2013 du 19 novembre 2013 consid. 2.2).

5.1.2. Si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion (art. 49 al. 1 CP).

5.1.3. Sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende (art. 34 al. 1 CP, 1ère phrase). La peine pécuniaire est fixée en jours-amende dont le tribunal fixe le nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (art. 34 al. 1 CP). Le juge en arrête le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement (art. 34 al. 2 CP).

5.1.4. Aux termes de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

5.1.5. Selon l'art. 42 al. 4 CP, le juge peut prononcer, en plus du sursis, une peine pécuniaire sans sursis ou une amende selon l'art. 106 CP. Celles-ci entrent en ligne de compte en matière de délinquance de masse (Massendelinquenz), lorsque le juge souhaite prononcer une peine privative de liberté ou pécuniaire avec sursis, mais qu'une sanction soit néanmoins perceptible pour le condamné, dans un but de prévention spéciale (ATF 135 IV 188 consid. 3.3.).

5.1.6. À teneur de l'art. 106 CP, sauf disposition contraire de la loi, le montant maximum de l'amende est de CHF 10'000.- (al. 1). Celle-ci, de même que la peine privative de liberté de substitution, doit être fixée en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (al. 3). Un jour de peine privative de liberté de substitution correspond schématiquement à CHF 100.- d'amende (L. MOREILLON/A. MACALUSO/N. QUELOZ/N. DONGOIS [éds], Commentaire romand, Code pénal I, 2ème éd., Bâle 2021, n. 19 ad art. 106).

5.2.1. La faute de l’appelant en relation avec les délits de violation des obligations en cas d'accident (art. 92 al. 2 LCR) et d'entrave aux mesures de constatations de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 LCR) est importante. L'appelant s'est éloigné des lieux de l'accident, sans porter secours au lésé, soit un comportement particulièrement déplorable et lâche. Il a également agi au détriment de la bonne administration de la justice en tentant de se dérober à des mesures tendant à constater son incapacité de conduire.

Quant au délit en lien avec l'art. 96 al. 2 LCR, la faute commise n'est pas si anodine, dans la mesure où l'appelant, préoccupé de disposer rapidement d’un véhicule, l'a conduit sans assurance responsabilité civile, dans l’indifférence des conséquences d’un défaut de couverture pour d’éventuelles victimes en cas d’accident. Son mobile est égoïste et relève d’un mépris manifeste des obligations incombant au détenteur d'un véhicule.

Sa situation personnelle, sans particularité, n'explique pas ses agissements, étant relevé que son expérience de chauffeur professionnel aurait dû le dissuader d'agir de la sorte.

Sa collaboration a été partielle et globalement mauvaise. S'il a certes admis avoir été le conducteur du véhicule lors de ses premiers contacts avec la police, il a nié toute responsabilité dans les actes reprochés jusqu'en appel et a rejeté la faute sur des tiers, que ce soit le motocycliste, son courtier en assurance ou le SAN.

Sa prise de conscience est quasi nulle, notamment de sa négligence. Bien qu'il ait manifesté des remords et présenté des excuses au motocycliste, l’appelant a persisté dans son interprétation de la situation et n’a pas hésité à remettre en cause les déclarations du lésé afin d’éviter d’assumer sa responsabilité, ce qui en atténue d'autant la portée.

Il n'a pas d'antécédent judiciaire, ce qui a un effet neutre sur la fixation de la peine (ATF 141 IV 61 consid. 6.3.2 p. 70).

Au vu de l'ensemble des circonstances, l'appelant sera condamné, pour sanctionner la violation des obligations en cas d'accident, infraction objectivement la plus grave, à une peine pécuniaire de 80 jours-amende (art. 34 al. 1 CP). Cette peine, de base, sera augmentée dans une juste proportion de 40 jours-amende (peine hypothétique : 60 jours-amende) pour réprimer l'entrave aux mesures de constatations de l'incapacité de conduire et de 30 jours-amende (peine hypothétique : 40 jours-amende) pour réprimer la conduite sans assurance, ce qui porte la peine à 150 jours-amende (art. 49 al. 1 CP) et conduit à la confirmation du jugement entrepris sur ce point. Le montant du jour-amende, fixé à CHF 60.-, tient compte de la situation personnelle et économique de l'appelant au moment du présent jugement (art. 34 al. 2 CP) et sera confirmé.

Le sursis est acquis à l'appelant (art. 391 al. 2 CPP) et le délai d’épreuve fixé à trois ans est conforme au droit.

À titre de prévention spéciale, le prononcé d'une amende en sus s'impose au titre de sanction immédiate, ce que l'appelant ne conteste pas au-delà de son acquittement. Le montant de l’amende, arrêté à juste titre par le TP à CHF 1'800.- sera confirmé, celui-ci n’excédant pas 20% de la peine principale (ATF 135 IV 188 consid. 3.4.4. p. 191). La peine privative de liberté de substitution correspond au montant de l'amende divisé par le montant du jour-amende (ATF 134 IV 60 consid. 7.3.3). Elle aurait ainsi pu être plus lourde que les 18 jours retenus à tort par le premier juge (peine privative de liberté de substitution : 30 jours), si tant est que la Cour ne soit pas limitée par l'interdiction de la reformatio in pejus.

5.2.2. La faute de l’appelant en lien avec l'infraction à l'art. 96 al. 1 let. a LCR n’est pas non plus anodine.

Il a en effet agi par mépris de la législation en vigueur, faisant primer ses intérêts personnels, ce qui relève du mobile égoïste. Sa collaboration à la procédure ne peut pas être considérée comme bonne, celui-ci ayant persisté dans son interprétation de la situation. Les éléments mis en évidence supra (cf. consid. 5.2.1.) peuvent pour le surplus être repris mutatis mutandis.

Dans ces circonstances, l’amende de CHF 600.- apparaît justifiée au vu de la faute de l’appelant et sera confirmée, tout comme la peine privative de liberté de substitution de six jours, fixée cette fois de manière conforme au droit.

6. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure d'appel envers l'État (art. 428 CPP), comprenant un émolument de CHF 1'200.-.

La répartition des frais de procédure en première instance n'a, quant à elle, pas à être revue (art. 428 al. 3 CPP), dès lors que la culpabilité de l'appelant est confirmée (art. 426 al. 1 CPP).

7. Le verdict de culpabilité étant confirmé, les conclusions en indemnisation de l'appelant pour la procédure préliminaire, de première instance et d'appel seront rejetées (art. 429 al. 1 CPP a contrario).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1340/2023 rendu le 17 octobre 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/19465/2021.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'395.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'200.-.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 LCR), de violation des obligations en cas d'accident (art. 92 al. 2 LCR), de conduite d'un véhicule non couvert par l'assurance responsabilité civile (art. 96 al. 2 LCR) et de conduite sous défaut du permis de circulation ou de plaques de contrôle (art. 96 al. 1 let. a LCR).

Acquitte A______ de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 150 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 60.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 1'800.- (art. 42 al. 4 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 18 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______ à une amende de CHF 600.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 6 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, arrêtés à CHF 1'000.- (art. 426 al. 1 CPP)."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Dagmara MORARJEE

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'600.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

60.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'200.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'395.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'995.00