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Décisions | Tribunal pénal

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P/16306/2020

JTCO/49/2022 du 26.04.2022 ( PENAL ) , JUGE

Normes : CP.111 CP
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL CORRECTIONNEL

 

Chambre 5


26 avril 2022

 

MINISTÈRE PUBLIC

M. A______, partie plaignante

contre

M. X______, né le ______1969, actuellement détenu à la Prison de Champ-Dollon, prévenu, assisté de Me B______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut au prononcé d'un verdict de culpabilité des chefs de tentative de meurtre, d'empêchement d'accomplir un acte officiel, de séjour illégal et d'infraction à l'art. 19a ch. 1 LStup. En relation avec la tentative de meurtre, il conclut à ce qu'X______ soit condamné à une peine privative de liberté ferme de 5 ans, sous déduction de la détention avant jugement subie. En relation avec l'empêchement d'accomplir un acte officiel et le séjour illégal, il conclut à ce qu'il soit condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 30.-. En relation avec l'infraction à l'art. 19a ch. 1 LStup, il conclut à ce qu'il soit condamné à une amende de CHF 100.-. Il conclut à ce qu'il soit renoncé à révoquer le sursis octroyé le 16 mai 2020 par le Ministère public du canton de Genève. Il conclut à l'expulsion du prévenu pour une durée de 7 ans, avec inscription au SIS. Il conclut à ce que le prévenu soit condamné aux frais de la procédure. Il se réfère à l'acte d'accusation s'agissant du sort des biens et valeurs saisis. Il conclut au maintien en détention de sûreté d'X______ et à ce qu'il soit fait droit aux conclusions civiles de la partie plaignante.

A______ conclut au prononcé d'un verdict de culpabilité du chef de tentative de meurtre et à ce qu'il soit fait droit à ses conclusions civiles.

Me B______ et Me C______, conseils d'X______, concluent à l'acquittement de leur client des chefs de tentative de meurtre et d'empêchement d'accomplir un acte officiel. Ils ne s'opposent pas à un verdict de culpabilité en relation avec le séjour illégal et la contravention à la LStup. Si le Tribunal devait retenir une culpabilité d'X______ du chef de tentative de meurtre et d'empêchement d'accomplir un acte officiel, il devra tenir compte de l'irresponsabilité, subsidiairement de la responsabilité restreinte du prévenu en lien avec sa consommation d'alcool et de psychotropes. Dans une telle hypothèse, le Tribunal devra prononcer une peine compatible avec le sursis partiel.

* * *

 

EN FAIT

A.a. Par acte d'accusation du 28 février 2022, il est reproché à X______ d'avoir, à Genève, le 6 septembre 2020, asséné plusieurs coups de couteau à A______, notamment au cou, à la nuque et en région latéro-thoracique, puis, alors que A______ était couché à terre, dos au sol, et tentait de se protéger en le tenant à distance avec ses jambes, continué à vouloir lui porter des coups de couteau, étant précisé qu'en raison de ces faits, A______ a subi diverses lésions au niveau des régions précitées et a notamment souffert d'un pneumothorax antéro-inférieur gauche, d'un épanchement pleural gauche et d'un emphysème sous-cutané de la paroi thoracique gauche remontant jusqu'en région latéro-cervicale gauche, faits qualifiés de tentative de meurtre au sens des art. 22 cum 111 CP, subsidiairement de tentative de lésions corporelles graves au sens des art. 22 cum 122 CP (ch. 1.1. de l'acte d'accusation).

b. Par le même acte d'accusation, il lui est également reproché d'avoir, à Genève:

-  le 7 septembre 2020, vers 00h30, pris la fuite à la vue des policiers en courant sur une vingtaine de mètres, retardant ainsi son interpellation, étant précisé qu'une clé d'épaule a été nécessaire pour l'amener au sol et le menotter (ch. 1.2. de l'acte d'accusation),

-  entre le 10 juillet 2020 et le 7 septembre 2020, persisté à séjourner sur le territoire suisse alors qu'il n'était pas au bénéfice des autorisations nécessaires, qu'il était démuni de papiers d'identité valables et qu'il faisait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse valable du 23 juin 2020 au 22 juin 2022, laquelle lui a été notifiée le 17 juillet 2020 (ch. 1.3. de l'acte d'accusation),

-  entre le mois de février 2020 et le 7 septembre 2020, régulièrement consommé des stupéfiants, en particulier du haschich, de la cocaïne et du LSD, étant précisé que, lors de son interpellation du 15 août 2020, il était en possession de 1.2 gramme brut de haschich et que, lors de celle du 7 septembre 2020, il était en possession d'un sachet contenant moins de 0.1 gramme de poudre blanche (ch. 1.4. de l'acte d'accusation),

faits qualifiés d'empêchement d'accomplir un acte officiel au sens de l'art. 286 CP, de séjour illégal au sens de l'art. 115 al. 1 let. b LEI et de contravention à l'art. 19a ch. 1 LStup.

B. Les éléments pertinents suivants ressortent de la procédure:

Faits du 15 août 2020

a.a. Interpellé par une patrouille de police le 15 août 2020 à la place des Grottes, X______ a spontanément remis un morceau de résine de cannabis, d'un poids total brut de 1.2 gramme, lequel était dissimulé dans sa chaussette gauche. Il a également été trouvé porteur de CHF 732.25 et de EUR 50.-.

a.b. Par ailleurs, les contrôles de la police ont mis en évidence que le prévenu faisait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse pour la période du 23 juin 2020 au 22 juin 2022, laquelle lui avait été valablement notifiée le 17 juillet 2020.

a.c. Entendu le jour-même par la police, puis le 23 octobre 2020 par le Ministère public, il a reconnu être consommateur de stupéfiants. Le haschich retrouvé sur lui était destiné à sa consommation personnelle. Il fumait environ 3 à 4 fois par semaine. L'argent en sa possession était le sien, étant précisé qu'il avait de la famille en France et qu'il avait travaillé plusieurs années à Paris en tant que déménageur avant d'arriver en Suisse, aux alentours du mois de février 2020. Il était venu en Suisse dans le but de trouver un travail ou une femme d'origine suisse et d'obtenir ainsi des papiers. Il reconnaissait avoir séjourné sur le territoire helvétique sans les autorisations nécessaires. Cela faisait une dizaine d'années qu'il n'avait plus de passeport.

Faits de la nuit du 6 au 7 septembre 2020

b.a. Entendu le 7 septembre 2020 par la police, puis le 15 octobre 2020 par le Ministère public, A______ a expliqué que, le 6 septembre 2020, aux alentours de 22h30, alors qu'il buvait des bières et discutait tranquillement avec quelques amis à la place des Grottes, un individu s'était dirigé vers eux et avait commencé à discuter avec son amie, D______. A un moment donné, l'individu était devenu agressif envers la précitée, puis avait tenté de la frapper. Avec un ami, E______, ils s'étaient levés et l'avaient mis à l'écart en le poussant. Lui-même avait repoussé fortement l'intéressé à deux mains, ce qui l'avait fait tomber. Il se souvenait avoir ensuite tenté de rentrer dans l'immeuble situé au ______, puis, à un moment donné, avoir entendu des gens crier que l'individu avait un couteau. Celui-ci était alors arrivé sur lui en faisant un geste circulaire et l'avait ceinturé. Sans comprendre, il avait senti des coups de couteau dans le dos, puis, voyant l'individu continuer à lui donner des coups de couteau, il s'était mis au sol pour tenter de se protéger et de le tenir à distance avec ses pieds. Cette attaque avait duré jusqu'à ce que E______ intervienne avec un bâton et parvienne à le repousser. Peu de temps après, la police était arrivée et il avait été acheminé aux HUG. Lors du premier coup de couteau, E______ se trouvait à l'intérieur du bâtiment du ______, car il avait accompagné D______ se mettre à l'abri. Pour sa part, il avait pu apercevoir le couteau tenu par l'individu lorsqu'il était au sol, mais était incapable de le décrire en raison de la situation de stress vécue. Les coups de couteau lui avaient occasionné plusieurs plaies, dont une perforante à l'origine d'un pneumothorax. Lui-même n'avait donné aucun coup à l'agresseur. Il ne connaissait pas ce dernier, mais l'avait déjà vu à plusieurs reprises dans le quartier. Lui-même avait bu de l'alcool ce soir-là, mais n'était pas ivre. Il avait consommé des substances la veille, mais pas le jour même. Suite aux faits, certains mouvements étaient devenus compliqués. Cela tirait beaucoup sur son dos et il avait notamment du mal à effectuer des mouvements de torsion vers le bas. Sur le plan psychologique, cela allait, même s'il avait encore du mal à réaliser ce qu'il s'était passé. A______ a reconnu X______ sur présentation d'une planche photographique, précisant être sûr à 98% qu'il s'agissait de son agresseur. Il a déposé plainte pénale pour ces faits.

b.b.a. Entendu le 7 septembre 2020 par la police, X______ a d'emblée indiqué ne pas se souvenir des événements de la veille. Il se rappelait avoir passé l'après-midi avec sa copine, D______, puis, par la suite, avoir mangé une fondue avec cette dernière et ses amis sur la place des Grottes. Il avait bu de la bière toute la soirée et était d'ailleurs parti à plusieurs reprises en racheter. Il avait en outre dû consommer un gramme ou deux de cocaïne, ainsi que du LSD. Il ne savait pas exactement ce qu'il s'était passé par la suite. Il était possible qu'il se soit disputé avec sa copine et qu'il l'ait un peu bousculée, mais légèrement, à l'épaule. Les autres lui étaient ensuite "rentrés dedans" et ils s'étaient bagarrés. Il se souvenait avoir frappé "le black" et du fait que ce dernier l'avait à son tour frappé avec un bâton. Durant la bagarre, il avait saigné à divers endroits, notamment à la main droite, mais il ignorait comment cela s'était produit. Il reconnaissait s'être battu, mais pas les coups de couteau, étant précisé qu'il n'avait pas de couteau sur lui au cours de la soirée. Il ne se souvenait pas du tout de ce qu'il s'était passé après la bagarre. Il reconnaissait avoir consommé des stupéfiants et être en séjour illégal. Le sachet de cocaïne retrouvé sur lui lors de son interpellation lui appartenait. Les sommes de CHF 3'311.10 et EUR 20.10 saisies provenaient de ses économies. Il était venu en Suisse en février 2020 pour chercher du travail et, depuis lors, n'avait plus quitté le pays.

b.b.b. X______ a été entendu à plusieurs reprises par le Ministère public.

Lors de l'audience du 8 septembre 2020, il a déclaré, s'agissant de l'origine de la bagarre, avoir constaté que sa copine "faisait la gueule" et l'avoir légèrement poussée au niveau de l'épaule pour lui demander ce qu'elle avait. Les deux autres s'étaient alors levés et l'avaient "tabassé". Il ignorait comment la bagarre s'était terminée, mais se souvenait du fait que l'individu de couleur noire était allé chercher un bâton et que A______ lui avait donné des coups de poing. Il ignorait comment le précité avait pu subir quatre blessures au couteau. Lui-même avait été blessé sur le coin de la bouche et à l'épaule droite et avait eu trois points de suture au pouce droit, mais il ne savait pas à quoi ces blessures étaient dues. Après la bagarre, il n'était pas conscient et il était parti. Il était ensuite tombé et était resté au sol environ 30 minutes, avant que la police n'intervienne, étant précisé qu'il n'était pas parti en voyant cette dernière arriver. Il fumait des joints depuis une vingtaine d'années. Cela faisait environ quatre ans qu'il prenait de la cocaïne et du LSD. Il consommait en outre quotidiennement de l'alcool, soit au maximum six à dix bières par jour. Le soir des faits, il avait bu de la bière toute la soirée et pris du LSD, du haschich, un gramme de cocaïne, ainsi qu'une goutte d'acide.

A nouveau entendu le 15 octobre 2020, X______ a indiqué que l'élément déclencheur de la bagarre était survenu lorsqu'il avait pris sa copine par le menton afin qu'elle le regarde. E______ l'avait poussé à trois reprises, le faisant tomber au sol. En se relevant, il avait encore reçu des coups de poing au visage et dans le dos de la part du précité et de A______. Par la suite, D______ et E______ étaient partis en courant en direction du ______ et il les avait suivis. E______ avait alors sorti un bâton et l'avait frappé avec cet objet. Il était ensuite tombé dans les pommes et, en se réveillant, la police l'avait interpellé.

X______ a enfin précisé, à l'audience du 17 mars 2021, qu'il se souvenait avoir été mis à terre par E______, tandis que A______ lui mettait des coups de poing dans la tête et sur le corps. Les précités n'avaient fait que lui donner des coups. E______ était ensuite allé chercher un bâton avec un bout de fer, trouvé derrière la porte du ______, et l'avait frappé avec, le blessant notamment au cou.

b.c.a. Entendue le 14 septembre 2020 par la police, D______ a déclaré, s'agissant de sa relation avec X______, avoir partagé des moments avec celui-ci, mais sans plus. Concernant les faits, ils avaient passé une bonne soirée, bu de la bière, du prosecco et des shots de prune, et étaient bien éméchés. A un moment donné, il y avait eu une friction entre A______ et X______. Ce dernier était agressif et ils lui avaient alors demandé de partir. X______ était toutefois revenu à la charge et tout le monde avait essayé de le pousser. Voyant que cela partait en bagarre, elle avait décidé de quitter les lieux. Une fois arrivée chez elle, elle avait regardé par la fenêtre et avait aperçu A______, en boule, au sol. L'ambulance était ensuite arrivée et on lui avait dit qu'il s'était fait "piquer". Elle avait alors appelé X______ pour lui dire de se rendre à la police. Elle ignorait si celui-ci avait donné des coups de couteau. C'était une personne tranquille. Elle se souvenait avoir aperçu un couteau suisse à côté d'X______ au cours de la soirée, lorsqu'ils mangeaient la fondue. Selon elle, ce couteau appartenait au précité, car elle-même n'en avait pas. Ils n'avaient pour le surplus pas consommé de drogue ce soir-là.

b.c.b. Devant le Ministère public, D______ a confirmé ses déclarations à la police et précisé que l'élément déclencheur de la bagarre avait certainement été dû à un malentendu. A un moment donné, X______ était devenu agressif, car il voulait qu'elle parte avec lui. Elle n'avait pas reçu de coup de poing ni de baffe de la part du précité, mais avait juste été "un peu secouée". Cela n'avait pas été très grave à son sens mais, voyant cela, les garçons avaient réagi. Elle confirmait avoir vu un couteau suisse au cours de cette soirée. Etant donné qu'il était passé de main en main pour déboucher les bouteilles, il avait dû se trouver à côté d'X______ à un moment donné. Elle n'avait cependant pas vu ce dernier le tenir. E______ et A______ étaient généralement des personnes pacifistes. Elle ne les avait jamais vu frapper quelqu'un. Lors de cette soirée, X______ était alcoolisé, notamment à cause de la prune, mais elle ne l'avait pas vu consommer de drogue.

b.d.a. Entendu le 22 septembre 2020 par la police, E______ a déclaré que, le soir des faits, après avoir constaté la survenance de tensions, son ami A______ et lui s'étaient interposés entre D______ et un individu. Celui-ci s'était alors mis à les insulter et à monter dans les tours. Il avait même attrapé les dreadlocks de A______, lequel était toutefois resté calme. A un moment donné, l'individu avait tenté de lui (E______) donner des coups de poing et de lui sauter dessus. Il l'avait donc repoussé et mis au sol en lui disant de se calmer, puis, voyant que cela ne fonctionnait pas, il s'était rendu dans l'immeuble situé au ______ afin de tenter d'apaiser la situation. Il avait ensuite entendu des personnes crier "il a un couteau" et les avait invitées à venir se mettre à l'abri, étant précisé que D______ en faisait partie. C'était alors qu'il avait constaté que A______ se trouvait face à l'individu, tentant de le retenir, et qu'une lame de type couteau suisse dépassait de la main de ce dernier. Il avait dit à A______ de rentrer et avait fermé la porte, mais celui-ci ne l'avait vraisemblablement pas entendu et n'avait pas vu la lame. Par la suite, il avait entendu des cris et aperçu A______ au sol, sur le dos, en train de tenter de se protéger avec ses pieds, tandis que l'individu lui tournait autour en visant son torse avec son couteau. Il se souvenait avoir vu l'individu donner quatre coups de couteau de sa main droite. Face à cette scène, il avait hurlé pour attirer son attention, puis avait crié au patron du bistrot situé plus haut d'appeler la police. Il s'était ensuite saisi d'une planche en bois qui se trouvait parterre et avait frappé l'individu avec celle-ci. Ce dernier avait voulu l'attaquer, mais il était parvenu à le repousser au moyen de la planche. Après avoir constaté que A______ s'était mis à l'abri au ______, il avait couru se réfugier à son tour et avait appelé la police. L'individu était ensuite venu tambouriner à la porte en vociférant "j'ai le sang de ton ami sur ma lame", puis s'était enfui. A sa connaissance, personne n'avait pris de drogue au cours de cette soirée. Sur présentation de la planche photographique, E______ a désigné X______ comme étant l'auteur des coups de couteau.

b.d.b. Devant le Ministère public, E______ a précisé avoir vu X______ donner un coup de poing au visage de D______ avant que A______ et lui ne s'interposent. Lorsqu'X______ avait voulu lui mettre un coup de tête et des coups de poing, il l'avait repoussé en lui donnant un coup de pied et un coup de poing, ce qui avait fait partir la bagarre. Voyant qu'il persistait à vouloir s'approcher de D______, il l'avait mis au sol pour le contrôler, avant de se lever et de laisser A______ prendre le relai, car la situation était vraiment tendue. Dix minutes après s'être rendu dans l'immeuble sis au ______, il était ressorti pour voir comment cela se passait et, en ouvrant la porte, avait aperçu plusieurs personnes venir en courant et crier "il a un couteau". Il les avait fait entrer et, après avoir refermé la porte, avait constaté que A______ se trouvait toujours à l'extérieur. Il avait ensuite demandé à une fille d'appeler la police et était sorti. Il avait alors aperçu A______ allongé sur le dos et X______ tourner autour de lui en cherchant à lui mettre des coups de couteau au moyen de gestes circulaires. A______ essayait de se défendre en le bloquant avec ses pieds et X______ tentait de contourner ses jambes pour viser le haut de son corps. Il avait vu X______ porter des coups de couteau sur son ami, mais était incapable de dire combien. Interrogé sur la taille de la lame du couteau, E______ a montré avec ses doigts une taille d'environ 7 cm, qu'il a ensuite confirmée au moyen d'un dessin.

b.e. L'enquête a permis d'identifier les appelants à la Centrale de police le soir des faits et de procéder à leurs auditions en qualité de témoins.

b.e.a. F______, exploitant d'un restaurant situé à proximité des lieux, a déclaré que le groupe avait passé la soirée à la place des Grottes et qu'il y avait eu une embrouille. Il n'avait pas vu de couteau ni d'échange de coups, mais avait constaté qu'ils se bousculaient et se poussaient. S'agissant du comportement de l'auteur, il était agressif envers les deux autres et revenait à la charge. C'était un petit nerveux. Lui-même n'avait pas vu grand-chose de la bagarre, si ce n'est celui qui avait une crête et la peau noire courir sur la place en disant "il donne des coups de couteau à AA______". Pour sa part, il connaissait l'homme de couleur noire ainsi que "AA______". C'étaient des personnes sympathiques qui squattaient la place des Grottes, mais qui n'étaient pas méchantes.

b.e.b. G______ a quant à elle expliqué avoir vu, depuis sa fenêtre, deux individus se battre sur la rue des Grottes, puis un troisième arriver avec un immense bâton et le casser sur le dos de l'un des précités, qui venait de mettre l'autre à terre. L'homme qui s'était retrouvé au sol avait crié très fort. Il était blanc de peau et avait les cheveux longs. Celui qui avait pris les coups de bâton avait l'air très énervé. Elle n'avait pas vu de couteau. Ensuite, ils s'étaient tous déplacés vers la place des Grottes et elle n'avait plus assisté à la scène.

b.e.c. H______, qui se trouvait à la fenêtre en compagnie de I______, a déclaré avoir vu deux hommes, soit un qui était à terre, sur le dos, et un autre, qu'il ne voyait pas très bien, qui donnait au premier des coups de couteau ou des coups tout simplement. A un moment donné, un passant avait tenté d'intervenir en lui disant de s'arrêter, mais ce passant avait pris peur après s'être fait menacer et était reparti. Ce passant avait dit "arrête avec ton couteau". H______ avait vu l'auteur faire un geste "comme s'il avait un couteau" mais lui-même n'avait pas aperçu de couteau. Il avait entendu la victime dire "arrête de me planter". Il avait également entendu l'agresseur dire "je vais te planter", ce à quoi la victime avait répondu "tu m'as déjà planté". Par la suite, le passant était intervenu une seconde fois, avec un balais ou une pagaie, mais n'avait pas réussi et avait dû battre en retrait.

b.f. Il résulte des rapports d'interpellation et d'arrestation établis le 7 septembre 2020 que tandis que la police recherchait l'agresseur, des policiers avaient pris contact avec lui par téléphone, de sorte qu'il était en chemin pour revenir sur les lieux des faits. Alors qu'il avait été interpellé et soumis à des contrôles, l'individu, identifié comme étant X______, avait pris la fuite en courant. En descendant des escaliers, il avait chuté et avait continué de fuir, avant d'être finalement interpellé une vingtaine de mètres plus loin, étant accompagné au sol au moyen d'une clé d'épaule. Le prévenu était alors porteur de CHF 3'311.10 et EUR 20.10, ainsi que d'un plastique contenant des restes de cocaïne. L'éthylotest réalisé à 00h57 avait révélé un taux d'alcool dans l'air expiré de 0.96 mg/l. La police avait constaté qu'il présentait une petite coupure au niveau du pouce droit, blessure due, selon l'intéressé, à sa chute lors de sa fuite.

L'examen de l'historique des appels figurant dans le téléphone d'X______ avait permis de mettre en évidence l'existence de plusieurs échanges téléphoniques entre D______ et lui.

Enfin, malgré les recherches entreprises, aucune arme n'avait été retrouvée.

Constatations médicales

c.a. Aux termes du rapport d'expertise médico-légale établi le 25 novembre 2020 par le Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après: le CURML), les examens médicaux pratiqués les 7 et 9 septembre 2020 sur A______ ont principalement mis en évidence les lésions suivantes pouvant entrer chronologiquement avec les événements:

-       une plaie linéaire au niveau de la face latérale gauche du tiers supérieur du cou (plaie cutanée n°1),

-       une plaie linéaire au niveau du tiers inférieur de la nuque à gauche (plaie cutanée n°2),

-       une plaie linéaire en région latéro-thoracique moyenne gauche (plaie cutanée n°3),

-       une plaie grossièrement en forme de "V" en région lombaire droite (plaie cutanée n°4),

-       une plaie linéaire au niveau de la hanche gauche (plaie cutanée n°5).

A cela s'ajoutent une plaie superficielle au niveau de la jambe droite, quelques ecchymoses au niveau du membre supérieur droit et quelques dermabrasions au niveau du dos et des membres supérieurs, étant précisé que celle constatée au niveau du dos, en regard de l'omoplate droite, présente un aspect filiforme.

L'analyse des images radiologiques effectuées le 7 septembre 2020 aux HUG a notamment permis de constater, en lien avec la plaie cutanée n°3, un emphysème sous-cutané et musculaire, un saignement actif dans le muscle grand dentelé gauche, un hémopneumothorax gauche et une lacération linéaire du parenchyme pulmonaire lobaire inférieur gauche mesurant 25 mm. Les profondeurs des plaies cutanées n°3, 4 et 5 ont été estimées, respectivement, à 61 mm, 24 mm et 35 mm, avec des trajectoires allant de l'arrière vers l'avant, de la gauche vers la droite et du bas vers le haut s'agissant des plaies cutanées n°3 et 4, et une trajectoire allant discrètement de l'avant vers l'arrière, de la gauche vers la droite et du bas vers le haut s'agissant de la plaie cutanée n°5.

Les experts ont notamment émis les considérations médico-légales suivantes:

-       les plaies cutanées n°1 et n°2 présentent les caractéristiques de lésions provoquées par un objet tranchant, ou tranchant et piquant, tel qu'un couteau par exemple, comme proposé par l'expertisé,

-       les plaies cutanées n°3, n°4 et n°5 présentent les caractéristiques de lésions provoquées par un objet piquant et tranchant, tel qu'un couteau par exemple, comme proposé par l'expertisé, avec un mécanisme pénétrant,

-       les plaies cutanées n°1 à 5 peuvent avoir été provoquées par le même objet vulnérant,

-       la dermabrasion filiforme constatée au niveau du dos est compatible avec l'effleurement d'un objet tranchant ou tranchant et piquant, tel qu'un couteau par exemple (estafilade),

-       l'ensemble du tableau lésionnel est compatible avec les déclarations de l'expertisé et n'a pas mis en danger sa vie d'un point de vue médico-légal.

c.b. Il résulte du rapport d'expertise médico-légale établi le 3 novembre 2020 par le CURML que le prévenu a refusé de se soumettre à un prélèvement de sang en vue d'effectuer des analyses toxicologiques. Pour le surplus, l'examen médical réalisé le 9 septembre 2020 a principalement mis en évidence une plaie au niveau du pouce droit pouvant être considérée comme la conséquence d'un traumatisme engendré par un objet tranchant, tel qu'un couteau, ainsi qu'une ecchymose au niveau de la paupière inférieure droite et du nez à droit, associée à une hémorragie sous-conjonctivale de l'œil droit, lesquelles sont compatibles avec un coup de poing reçu à ce niveau.

Expertise psychiatrique

d.a. Selon le rapport d'expertise psychiatrique du 29 juillet 2021, X______ présente un retard mental léger qui n'a toutefois pas altéré sa faculté à percevoir le caractère illicite de ses actes ni sa faculté de se déterminer. Il souffre également d'une dépendance à l'alcool, ainsi que d'une utilisation nocive pour la santé de cannabis, cocaïne et hallucinogène (LSD). Le taux d'alcool dans l'air expiré, d'un niveau de 0.96 mg/L sur la base de l'éthylotest réalisé, correspond approximativement à une valeur de 1.92 mg/L dans le sang. En l'absence de prélèvement sanguin destiné à réaliser des analyses toxicologiques, il n'est pas possible de confirmer ou non la prise d'autres substances, en plus de l'alcool. Selon l'expert, le prévenu se trouvait, le soir des faits, dans un état d'intoxication éthylique aigue d'intensité moyenne, étant pour le surplus précisé que les éléments du dossier n'ont pas permis d'établir de lien entre son état d'alcoolisation et la commission des faits. Si les faits reprochés au prévenu étaient avérés, sa responsabilité pénale serait pleine et entière. Le risque de récidive violente de l'expertisé est évalué comme moyen, en raison des caractéristiques de sa personnalité ainsi que de ses circonstances de vie ainsi que son vécu. Ce risque inclut des actes au moins aussi graves que ceux qui lui sont actuellement reprochés. Les faits n'étant pas directement liés à la présence d'un trouble psychique, aucune mesure thérapeutique susceptible de diminuer le risque de récidive n'est préconisée.

d.b. Entendu le 18 novembre 2021 par le Ministère public en qualité d'expert, le Dr J______ a confirmé la teneur de son rapport du 29 juillet 2021. S'il avait indiqué ne pas être en mesure d'établir de lien entre l'état d'alcoolisation du prévenu au moment des faits et leur commission, c'était en raison de l'état de sédation dû à l'alcool décrit par le prévenu, lequel ne pouvait expliquer l'agressivité dont il aurait subitement fait preuve. Par ailleurs, le prévenu avait expliqué ne jamais avoir eu d'épisode de violence ni de désinhibition dû à l'alcool par le passé. L'expert ne disposait pas d'éléments concrets pour pouvoir affirmer qu'X______ avait consommé des stupéfiants le soir des faits. Dans le cours ordinaire des choses, une personne ayant consommé des stupéfiants, tels que ceux décrits par le précité, pouvait voir sa capacité de discernement altérée. Cela dépendait de la quantité consommée et du laps de temps écoulé entre la consommation et les faits. Il y avait également une réaction interindividuelle, dans la mesure où chacun réagissait différemment lorsqu'il consommait des stupéfiants. Le LSD avait plutôt des conséquences hallucinogènes, tandis que la cocaïne était plutôt une substance excitante, or, personne n'avait décrit un tel comportement de la part du prévenu au moment des faits.

Audience de jugement

C.a. Lors de l'audience de jugement du 25 avril 2022, X______ a persisté à contester l'essentiel des faits reprochés. Avant le 6 septembre 2020, A______ et lui ne se connaissaient pas du tout, ils se saluaient de loin et avaient pour connaissance commune D______. Le prévenu n'avait aucun conflit avec A______. Il en allait de même s'agissant de E______. Interrogé sur son état d'esprit le jour des faits, le prévenu a expliqué qu'il allait très bien, précisant avoir passé la nuit précédente à l'hôtel K______, en compagnie de D______. Il avait pris de la cocaïne la veille et, le lendemain, il avait bu quelques bières et "sniffé une ou deux lignes" avant d'aller retrouver D______ à la place des Grottes. Par la suite, il avait encore bu de la bière et pris du LSD. Il avait effectivement refusé de se soumettre à une prise de sang en vue d'une analyse toxicologique, car il avait déjà subi une prise de sang à son arrivée à Champ-Dollon. Le soir des faits, il y avait bien un couteau posé sur le banc où il était assis, à côté de D______, mais il ne s'en était pas servi. Il contestait s'être disputé avec D______. Il avait insisté auprès d'elle pour qu'elle rentre avec lui, puis, comme elle ne lui répondait pas, lui avait touché le visage pour lui tourner la tête. D______ avait alors crié "non" et il s'était fait pousser par A______ et E______. Il était tombé par terre à trois reprises. Après s'être relevé pour la troisième fois, E______ et A______ lui avaient donné des coups de poing au visage et à la poitrine. E______ lui avait ensuite donné des coups de bâton sur la main, le cou et les bras. Il ne gardait plus aucun souvenir de ce qui s'était passé par la suite. Plus particulièrement, il ne se rappelait pas s'être trouvé seul avec A______ ni d'avoir vu ce dernier à terre. Il contestait être l'auteur des lésions constatées sur ce dernier. Il ne pouvait pas l'avoir ceinturé dans la mesure où l'intéressé était plus grand et devait peser 110 ou 120 kg alors que lui-même ne pesait que 60 kg. Il pensait que A______ et E______ avaient porté de fausses accusations contre lui, car ils détestaient les Arabes et voulaient vider les Grottes de ceux-ci. Il se considérait comme la victime d'une attaque gratuite. Personne ne l'avait aidé lors de la bagarre, étant rappelé qu'ils n'étaient que quatre, à savoir D______, A______, E______ et lui. D'une manière générale, il savait que le fait de frapper quelqu'un avec un couteau pouvait causer la mort et que, dans la région du cou, de la nuque et du thorax se trouvaient le cœur, l'estomac, le foie, ainsi que des veines. Il n'avait jamais eu pour but de blesser gravement A______ ni de le tuer. En rapport avec d'éventuelles conclusions civiles, il estimait ne rien devoir à ce dernier dès lors qu'il ne lui avait rien fait, étant pour le surplus précisé qu'il n'avait pas d'argent pour payer. Il n'était pas en mesure de se déterminer sur les faits qualifiés d'empêchement d'accomplir un acte officiel, car il ne s'en souvenait plus. Interrogé par son conseil, le prévenu a confirmé que, hormis les coups reçus, la prise de LSD, de shit, de bière et de cocaïne pouvait également expliquer son absence partielle de souvenirs. Pour le reste, il a admis les faits qualifiés de séjour illégal ainsi que de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants.

b. A______ a confirmé sa plainte pénale ainsi que ses précédentes déclarations. Il mesurait 1,84 m et pesait 79 kg, étant précisé que son poids n'avait pas changé depuis les événements. Le soir des faits, il portait un pantalon long, un t-shirt, une petite veste et un petit sac en bandoulière. Le premier coup qu'il avait reçu dans le dos avait été assez violent et l'avait mis en état de choc, de sorte que les coups reçus par la suite demeuraient flous. Il n'aurait pas eu la possibilité d'échapper au premier coup car X______ avait foncé sur lui sans lui laisser le temps de réaliser qu'il avait un couteau. Il n'avait jamais eu de conflit avec le précité, qu'il connaissait uniquement de vue, et n'aurait pas pris le risque de l'accuser faussement. Cela faisait longtemps qu'il y avait des problèmes de racisme aux Grottes, mais lui-même n'éprouvait aucun sentiment de cette nature. Il n'éprouvait pas non plus de jalousie vis-à-vis d'X______, étant au demeurant précisé qu'il n'était pas au courant que ce dernier s'était rapproché de D______. Les faits n'avaient engendré aucune conséquence pour lui sur le plan psychologique. En revanche, sur le plan physique, ils lui avaient valu un séjour à l'hôpital, le poumon perforé et la pose d'un drain. Il gardait des cicatrices, mais celles-ci n'étaient plus gênantes pour lui. Il souhaitait demander à X______ le paiement de ses frais médicaux non remboursés, lesquels pouvaient être estimés à environ CHF 1'000.-.

Situation personnelle

D.a. X______, ressortissant algérien, est né le ______1969 en Algérie. Il est célibataire et n'a pas d'enfant. Il a quitté son pays d'origine en 2002, puis a vécu en Espagne et en France, avant d'arriver à Genève en février 2020, aux fins de trouver du travail. Sa mère et sa sœur vivent à Paris, tandis que ses frères habitent toujours en Algérie. Il n'a pas de formation professionnelle, mais déclare avoir travaillé en tant que déménageur, ainsi qu'en qualité de vendeur sur des marchés. A l'époque de son arrestation, il vivait des revenus tirés de déménagements ponctuels et était aidé de temps en temps par l'Armée du Salut. Sans domicile fixe, il dormait à la caserne des Vernets et mangeait au CARRE.

b. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, le prévenu a été condamné le 16 mai 2020, par le Ministère public du canton de Genève, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 10.-, avec sursis, délai d'épreuve 3 ans, pour entrée illégale et séjour illégal (période du 31 janvier 2020 au 15 mai 2020).

Il ressort en outre de son extrait de casier judiciaire français qu'il a été condamné à quatre reprises entre avril 2002 et avril 2017, pour vol aggravé, entrée ou séjour irrégulier, agression sexuelle, vol facilité par l'état d'une personne vulnérable et soustraction à l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière.

 

EN DROIT

Culpabilité

1.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par l'art. 32 al. 1 Cst., concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence.

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a).

1.1.2. En vertu de l'art. 122 CP, celui qui, intentionnellement, aura blessé une personne de façon à mettre sa vie en danger (al. 1), celui qui, intentionnellement, aura mutilé le corps d'une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou causé à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes, ou aura défiguré une personne d'une façon grave et permanente (al. 2), celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale (al. 3), sera puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins.

L'art. 122 CP énonce une liste non exhaustive de cas où les lésions corporelles sont graves. Il y a lésion grave lorsque la blessure causée crée un danger immédiat de mort. Il n'est pas nécessaire de léser un organe vital. En revanche, il est décisif que la blessure soit telle qu'à un certain moment une issue fatale ait pu survenir (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, n°9 ad art. 122 et les références citées). Les lésions corporelles graves constituent une infraction de résultat supposant une lésion du bien juridiquement protégé, et non une simple mise en danger. Il faut donc tout d'abord déterminer quelle est la lésion voulue (même sous la forme du dol éventuel) et obtenue (sous réserve de la tentative). Ce n'est qu'ensuite qu'il faut déterminer si ce résultat doit être qualifié de grave (ATF 124 IV 53 consid. 2).

1.1.3. L'art. 111 CP prévoit que celui qui aura intentionnellement tué une personne sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au moins, en tant que les conditions prévues aux art. 112 à 116 CP ne seront pas réalisées.

Sur le plan subjectif, l'auteur doit avoir l'intention de causer par son comportement la mort d'autrui. L'intention comprend le dol éventuel (arrêt du Tribunal fédéral 6S.382/2005 du 12 novembre 2005 consid. 3.1), lequel est suffisant même au stade de la tentative (ATF 122 IV 246 consid. 3a; 120 IV 17 consid. 2c; arrêt du Tribunal fédéral 6B_741/2010 du 9 novembre 2010 consid. 2.1).

Il y a dol éventuel lorsque l'auteur envisage le résultat dommageable, même s'il ne le souhaite pas, mais agit néanmoins parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait (ATF 137 IV 1 consid. 4. 2. 3). Pour déterminer si l'auteur s'est accommodé du résultat au cas où il se produirait, il faut se fonder sur les éléments extérieurs, faute d'aveux. Parmi les éléments extérieurs permettant de conclure que l'auteur s'est accommodé du résultat dommageable pour le cas où il se produirait, figurent notamment la probabilité (connue par l'auteur) de la réalisation du risque et l'importance de la violation du devoir de prudence. Plus celles-ci sont grandes, plus sera fondée la conclusion que l'auteur, malgré d'éventuelles dénégations, avait accepté l'éventualité de la réalisation du résultat dommageable (ATF 133 IV 222 consid. 5. 3; 130 IV 58 consid. 8. 4). Ainsi, le juge est fondé à déduire la volonté à partir de la conscience lorsque la survenance du résultat s'est imposée à l'auteur avec une telle vraisemblance qu'agir dans ces circonstances ne peut être interprété raisonnablement que comme une acceptation de ce résultat (ATF 133 IV 222 consid. 5. 3). Cette interprétation raisonnable doit prendre en compte le degré de probabilité de la survenance du résultat de l'infraction reprochée, tel qu'il apparaît à la lumière des circonstances et de l'expérience de la vie (ATF 133 IV 1 consid. 4. 6). La probabilité doit être d'un degré élevé car le dol éventuel ne peut pas être admis à la légère (ATF 133 IV 9 consid. 4. 2. 5).

Le fait que l'auteur quitte les lieux après son geste sans s'enquérir de l'état de santé de sa victime peut constituer un indice qu'il avait envisagé les conséquences possibles de son acte et les avait acceptées pour le cas où elles se produiraient (arrêt du Tribunal fédéral 6B_246/2012 du 10 juillet 2012 consid. 1.3). En pratique, on retiendra le meurtre par dol éventuel lorsque l'on se trouve en mesure d'affirmer, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, que l'auteur "s'est décidé contre le bien juridique" (ATF 133 IV 9 consid. 4.4, JdT 2007 I 573).

L'intention homicide peut être retenue lors d'un unique coup de couteau sur le haut du corps de la victime (arrêt du Tribunal fédéral 6B_775/2011 du 4 juin 2012 consid. 2.4.2). Celui qui porte un tel coup dans la région des épaules et du buste lors d'une altercation dynamique doit s'attendre à causer des blessures graves. L'issue fatale d'un coup de couteau porté dans la région thoracique doit être qualifiée d'élevée et est notoire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_230/2012 du 18 septembre 2012 consid. 2.3), même avec une lame plutôt courte (arrêt du Tribunal fédéral 6B_239/2009 du 13 juillet 2009, consid. 1 et 2.4 – meurtre par dol éventuel retenu avec un couteau dont la lame mesurait 41 millimètres). De même, celui qui assène un violent coup de couteau au niveau de l'abdomen, dans le foie de sa victime, à proximité d'organes vitaux et/ou avec le risque de provoquer une hémorragie interne ne peut qu'envisager et accepter une possible issue mortelle (arrêts du Tribunal fédéral 6B_619/2013 du 2 septembre 2013 consid. 1.2 ; 6B_1015/2014 du 1er juillet 2015 consid. 2.1).

1.1.4. A teneur de l'art. 22 al. 1 CP, le juge peut atténuer la peine si l'exécution d'un crime ou d'un délit n'est pas poursuivie jusqu'à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire. La tentative suppose que l'auteur réalise tous les éléments subjectifs de l'infraction et qu'il manifeste sa décision de la commettre, mais sans en réaliser tous les éléments objectifs (ATF 137 IV 113 consid. 1. 4. 2; 120 IV 199 consid. 3e).

Sous l'angle de la tentative de meurtre, il n'est pas déterminant que le pronostic vital de la victime n'ait pas été engagé. En effet, la nature de la lésion subie par celle-ci et sa qualification d'un point de vue objectif est sans pertinence pour juger si l'auteur s'est rendu coupable de tentative de meurtre. Celle-ci peut être réalisée lorsque l'auteur a réalisé tous les éléments subjectifs de l'infraction et manifesté sa décision de la commettre, alors que les éléments objectifs font, en tout ou en partie, défaut. L'auteur ne peut ainsi valablement contester la réalisation d'une tentative de meurtre au motif que la victime n'a subi que des lésions corporelles simples. Il importe cependant que les coups portés aient objectivement exposé la victime à un risque de mort (arrêts du Tribunal fédéral 6B_924/2017 consid. 1.4.5 du 14 mars 2018 et 6B_106/2015 du 10 juillet 2015 consid. 3.2; ATF 137 IV 113 consid. 1.4.2).

1.1.5. En application de l'art. 286 al. 1 CP, celui qui aura empêché une autorité, un membre d'une autorité ou un fonctionnaire d'accomplir un acte entrant dans ses fonctions sera puni d'une peine pécuniaire de 30 jours-amende au plus.

Le comportement incriminé à l'art. 286 CP suppose une résistance qui implique une certaine activité qui est réalisée, par exemple, par le fait de prendre la fuite (arrêt du Tribunal fédéral 6B_89/2019 du 17 mai 2019 consid. 1.1.1). Il s'agit d'une infraction de résultat. Il n'est pas nécessaire que l'auteur empêche l'accomplissement de l'acte officiel, il suffit qu'il le rende plus difficile, l'entrave ou le diffère (ATF 120 IV 136 consid. 2a).

L'infraction de l'art. 286 CP requiert l'intention, mais le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_783/2018 du 6 mars 2019 consid. 2.5.1).

1.1.6. L'art. 115 al. 1 let. b LEI punit d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque séjourne illégalement en Suisse, notamment après l'expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé.

1.1.7. Celui qui, sans droit, aura consommé intentionnellement des stupéfiants ou celui qui aura commis une infraction à l’art. 19 pour assurer sa propre consommation est passible de l’amende (art. 19a ch.1 LStup).

1.2. Le Tribunal tient pour établi que, dans la soirée du 6 septembre 2020, dans un contexte initialement convivial, marqué par le partage d'une fondue organisée en plein air sur la place des Grottes, un différend a opposé D______ à X______ et que le comportement de ce dernier a suscité chez A______ et E______ la décision d'intervenir pour venir en aide à leur amie. Il s'en est suivi une altercation physique opposant A______, E______ et X______.

A un moment donné, A______ et X______ se sont retrouvés seuls, E______ ayant choisi de partir. X______ a alors attaqué A______, qui se trouvait debout, et, dans un mouvement circulaire, lui a asséné plusieurs coups au moyen d'un couteau dont les caractéristiques précises ne sont pas connues, puisqu'il n'a pas été retrouvé, mais dont tout laisse à penser qu'il s'agissait d'un couteau suisse, étant au demeurant relevé que l'utilisation d'un couteau est compatible avec les observations des médecins-légistes.

Les coups assénés ont été multiples, dès lors qu'ils ont visé différentes parties du haut du corps de A______. Frappé de la sorte, celui-ci s'est mis à terre, sur le dos, avec ses jambes dans une position visant à essayer de se protéger et de maintenir à distance X______, qui continuait à vouloir lui porter des coups de couteau.

A______ doit son salut à l'intervention de E______ qui, revenu sur les lieux en possession d'un objet indéterminé pouvant correspondre à une planche ou à un bâton, a frappé X______ au moyen de celui-ci.

Le prévenu a enfin quitté les lieux sans attendre l'arrivée de la police.

Pour retenir ces faits, le Tribunal s'est notamment fondé sur les déclarations crédibles de différents protagonistes et témoins, étant relevé que les imprécisions et autres légères variations des uns et des autres n'empêchent pas d'avoir une vision globale et adéquate de ce qu'il s'est passé le soir en question. Le prévenu, pour sa part, a fourni une version très fragmentaire du déroulement des événements, admettant l'existence d'une bagarre et le fait d'avoir été frappé par E______, mais passant sous silence ses propres agissements, en mettant en avant un défaut de souvenirs que le Tribunal perçoit, pour l'essentiel, comme une stratégie de défense.

Le Tribunal a aussi pris en considération plusieurs éléments figurant à la procédure, parmi lesquels on citera, sans prétention d'exhaustivité, le fait qu'il y avait effectivement un couteau à proximité d'X______ le soir en question, que l'intéressé était contrarié voire carrément énervé, qu'il a été mis en cause de manière constante et crédible par A______ et E______, que ceux-ci l'ont reconnu sur planche photographique et de visu devant le Ministère public, qu'il n'existait pas de conflit préexistant entre le prévenu et ces deux individus, que les motifs de fausses accusations avancés par le prévenu, relevant du racisme, voire de la jalousie, ne résultent que de ses dires, qu'il est troublant que sa propre blessure au pouce droit ait pu être provoquée par un couteau et, enfin, qu'il n'existe pas d'éléments tangibles en faveur de l'implication d'un autre auteur.

Les coups portés à A______ ont engendré des blessures, en particulier cinq plaies cutanées, constatées médicalement sur le cou, sur la nuque, en région latéro-thoracique, en région lombaire droite et au niveau de la hanche gauche, soit dans une région du corps comportant plusieurs organes vitaux et autres vaisseaux sanguins importants, ce que le prévenu ne pouvait ignorer. L'existence de plusieurs coups révèle qu'il ne s'agit nullement d'un accident ou d'un geste maladroit. La profondeur de certaines plaies, associée à la description du couteau, témoignent en outre de l'intensité des coups assénés. Les médecins-légistes ont au demeurant relevé que certaines plaies comportaient un mécanisme pénétrant.

Même si les blessures effectivement causées n'ont pas mis en danger la vie de la victime, il faut retenir que ces coups ont été portés avec force, notamment dans des zones sensibles, alors qu'X venait d'attaquer A______ par surprise, en pleine nuit, et alors que l'intéressé n'était vêtu que d'un t-shirt et d'une veste. A cela s'ajoute un contexte généralisé d'alcoolisation, ce qui rend encore plus dangereuse toute manœuvre au moyen d'un couteau, vu la possibilité que la victime ne fasse un mouvement brusque.

Le comportement d'X______, consistant à vouloir poursuivre ses actes alors que la victime s'était mise à terre et cherchait à se protéger, le fait que c'est l'intervention d'un tiers qui l'a fait cesser, ainsi que son départ précipité du lieu des faits, sans se préoccuper de quoi que ce soit, sont des points supplémentaires démontrant l'intention qui l'animait.

En faisant preuve d'une détermination sans faille et en assénant à sa victime, avec une certaine force, plusieurs coups de couteau, possiblement au nombre de cinq, dans une zone du corps comportant plusieurs organes vitaux et autres vaisseaux sanguins importants, X______ ne pouvait qu'envisager la possibilité de lui causer des blessures mortelles.

Le Tribunal retiendra ainsi que son intention homicide, à tout le moins sous la forme du dol éventuel, est établie.

Aucun fait justificatif n'est réalisé. En particulier, les conditions de la légitime défense ne sont pas remplies.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal considère que les éléments du dossier sont suffisants pour retenir que les faits décrits dans l'acte d'accusation sont établis et constitutifs de tentative de meurtre au sens des art. 22 et 111 CP, infraction dont le prévenu sera reconnu coupable.

L'infraction d'empêchement d'accomplir un acte officiel au sens de l'art. 286 al. 1 CP est également réalisée, étant relevé que rien ne permet de mettre en doute les constatations de policiers assermentés qui ont vu le prévenu prendre la fuite en courant. Un verdict de culpabilité sera ainsi prononcé de ce chef également.

Il en ira de même pour les infractions de séjour illégal et d'infraction à l'art. 19a ch. 1 LStup, dès lors que le prévenu les admet et que le dossier contient des éléments suffisants pour appuyer ses aveux.

Peine

2.1.1. Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 135 IV 130 consid. 5.3.1). Le facteur essentiel est celui de la faute (arrêt du Tribunal fédéral 6B_992/2008 du 5 mars 2009 consid. 5.1). La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1; 129 IV 6 consid. 6.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_759/2011 du 19 avril 2012 consid. 1.1).

2.1.2. En application de l'art. 19 CP, l'auteur n'est pas punissable si, au moment d'agir, il ne possédait pas la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation (al. 1). Le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation (al. 2).

En droit suisse, le législateur postule l’existence d’une « présomption de la normalité » chez l’auteur. On peut dans ces conditions estimer que l’auteur, qui a la capacité de comprendre et de se comporter en connaissance de cause, agit de façon fautive. Pour apprécier l’existence, comme l’appréciation d’une responsabilité restreinte, le juge pourra se fonder sur une expertise qui figure au dossier si elle est encore d’actualité (Moreillon et al., Commentaire romand du Code pénal I, 2ème éd., Bâle 2021, n°4 et 30b ad art. 19).

2.1.3. Conformément à l'art. 34 al. 1 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur.

2.1.4. Selon l'art. 40 CP, la durée de la peine privative de liberté va de trois jours à 20 ans.

2.1.5. A teneur de l'art. 43 al. 1 CP, le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur.

Pour l'octroi du sursis, le juge doit poser un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 consid. 4.2.1; 128 IV 193 consid. 3a). Selon le nouveau droit, le sursis est la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable; il prime en cas d'incertitude (ATF 134 IV 5 consid. 4.2.2).

2.1.6. A teneur de l'art. 46 CP, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel (al. 1). S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation (al. 2).

2.1.7. Si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (art. 49 al. 1 CP).

2.1.8. Aux termes de l'art. 51 CP, le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée.

2.1.9. Sauf disposition contraire de la loi, le montant maximal de l'amende est de CHF 10'000.- (art. 106 CP).

2.2. La faute du prévenu est très grave, considérant notamment le fait qu'il s'en est pris au bien juridique le plus précieux, soit la vie, à l'encontre d'un homme qu'il ne connaissait pour ainsi dire pas et avec lequel il n'avait jusqu'alors aucun contentieux.

Le prévenu a fait preuve d'un comportement colérique et mal maîtrisé. Il a agi pour des motifs futiles, réagissant d'une façon incompréhensible et disproportionnée, dans le prolongement d'une intervention des amis de D______ en faveur de cette dernière.

Le Tribunal veut bien considérer que l'état d'alcoolisation du prévenu a pu le rendre plus sensible à la situation, mais cela ne saurait pour autant le dédouaner, étant par ailleurs rappelé que l'expert-psychiatre a retenu que sa responsabilité était pleine et entière, sans compter que la consommation de stupéfiants alléguée n'est pas établie.

Une intensité criminelle importante doit être relevée, en relation avec l'acharnement dont le prévenu a fait preuve, alors qu'il pouvait s'arrêter à tout moment, qu'il y avait d'autres personnes dans les environs et que des cris étaient poussés. Ce n'est que l'intervention d'un tiers qui l'a empêché de poursuivre ses agissements.

Le fait que la vie de la victime n'ait pas été concrètement mise en danger n'est pas décisif et relève davantage du hasard et de la chance.

La situation personnelle du prévenu, qui n'est certes pas idéale, ne permet pas de justifier son acte envers A______. Il en va de même des autres infractions commises.

Sa collaboration a été très mauvaise, étant souligné qu'il a adopté une posture de victime et qu'il n'a pas hésité à faire valoir des motifs peu crédibles, en particulier le racisme, qu'il reproche à des personnes avec lesquelles il avait pourtant partagé un repas peu avant.

La prise de conscience du prévenu est nulle. Persistant à nier les faits, il n'a exprimé ni regrets ni excuses.

Son parcours pénal est marqué par une précédente condamnation portant sur une agression sexuelle, soit un acte comportant une dimension de violence envers une autre personne, sans compter des antécédents en matière de droit des étrangers.

Il sera tenu compte du fait que l'infraction la plus grave est demeurée au stade de la tentative, ce qui donnera lieu à une atténuation.

Au regard de ce qui précède, le Tribunal considère, en relation avec la tentative de meurtre, qu'une peine privative de liberté s'impose, peine dont la quotité est incompatible avec l'octroi d'un sursis, même partiel.

Une peine pécuniaire ferme viendra sanctionner l'empêchement d'accomplir un acte officiel et le séjour illégal, infractions entrant en concours.

Une amende sera enfin prononcée en lien avec la contravention à la LStup.

En conséquence, le prévenu sera condamné à une peine privative de liberté de 5 ans, sous déduction de 599 jours de détention avant jugement, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 10.-, ainsi qu'à une amende de CHF 100.-.

Au vu des peines prononcées et de l'effet dissuasif qu'elles comportent, le sursis accordé le 16 mai 2020 ne sera pas révoqué.

Expulsion

3.1.1. A teneur de l'art. 66a al. 1 let. a CP, le juge expulse de Suisse l'étranger qui est condamné pour meurtre, quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans. La solution est identique en cas de tentative (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, 2ème éd., Bâle 2017, n°1 ad art. 66a).

Selon l'art. 66a al. 2 CP, le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. À cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l'étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse.

3.1.2. Selon l'art. 66c al. 2 CP, la peine ou partie ferme doit être exécutée avant l'expulsion.

3.1.3. Selon l'art. 20 de l'ordonnance sur la partie nationale du Système d'information Schengen (N-SIS) et sur le bureau SIRENE (Ordonnance N-SIS), les ressortissants d'Etats tiers ne peuvent être signalés aux fins de non-admission ou d'interdiction de séjour que sur la base d'une décision prononcée par une autorité administrative ou judiciaire. L'inscription dans le SIS des signalements aux fins d'expulsion pénale est requise par le juge ayant ordonné cette mesure.

Un signalement dans le SIS présuppose que les conditions de signalement des art. 21 et 24 du règlement (CE) No 1987/2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (Règlement SIS II) soient remplies. Conformément aux art. 21 et 24 par. 1 du Règlement SIS II, un signalement dans le SIS ne peut être effectué que sur la base d'une évaluation individuelle tenant compte du principe de proportionnalité. Il est ainsi nécessaire que ledit signalement soit justifié par le caractère raisonnable, la pertinence et l'importance de l'affaire.

3.2. En l'espèce, vu le verdict de tentative de meurtre, le prévenu est visé par une expulsion obligatoire. La clause de rigueur ne trouve pas à intervenir, faute, notamment, pour le prévenu d'avoir un intérêt à demeurer en Suisse, pays dans lequel il est arrivé en février 2020, où il n'est pas autorisé à séjourner et où il n'a pas d'attaches. Une mesure d'expulsion, dont la durée sera fixée à 7 ans, sera ainsi prononcée à son encontre.

De plus, il sera ordonné le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen.

Conclusions civiles

4.1.1. La partie plaignante peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure (art. 122 al. 1 CPP), l'autorité judiciaire saisie de la cause pénale jugeant les conclusions civiles indépendamment de leur valeur litigieuse (art. 124 al. 1 CPP).

En vertu de l'art. 126 al. 1 let. a CPP, le tribunal statue sur les prétentions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu. En revanche, il renvoie la partie plaignante à agir par la voie civile lorsqu'elle n'a pas chiffré ses conclusions de manière suffisamment précise ou ne les a pas suffisamment motivées (art. 126 al. 2 let. b CPP).

4.1.2. À teneur de l'article 41 al. 1 CO, chacun est tenu de réparer le dommage qu'il cause à autrui d'une manière illicite, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence.

La preuve du dommage incombe au demandeur (art. 42 al. 1 CO).

4.2. En l'occurrence, la partie plaignante n'a pas chiffré ni motivé son dommage de manière suffisante, de sorte qu'elle sera renvoyée à agir par la voie civile.

Sort des objets et valeurs patrimoniales séquestrés

5. Le Tribunal ordonnera les confiscations, destructions et restitutions qui s'imposent (art. 267 al. 1 et 3 CPP et 69 CP).

6. En application de l'art. 442 al. 4 CPP, une compensation interviendra entre les valeurs patrimoniales saisies et la créance de l'Etat portant sur les frais de la procédure.

Indemnisation et frais

7. Le défenseur d'office sera indemnisé (art. 135 CPP).

8. Les frais de la procédure, s'élevant à CHF 16'140.65, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.-, seront mis à la charge du prévenu (art. 426 al. 1 CPP et 10 al. 1 let. e RTFMP).

 


 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL

statuant contradictoirement :

Déclare X______ coupable de tentative de meurtre (art. 22 al. 1 cum 111 CP), d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et d'infraction à l'art. 19a ch. 1 LStup.

Condamne X______ à une peine privative de liberté de 5 ans, sous déduction de 599 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

Condamne X______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 10.-.

Condamne X______ à une amende de CHF 100.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution d'un jour.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Renonce à révoquer le sursis octroyé le 16 mai 2020 par le Ministère public de Genève (art. 46 al. 2 CP).

Ordonne l'expulsion de Suisse d'X______ pour une durée de 7 ans (art. 66a al. 1 let. a CP).

Dit que l'exécution de la peine prime celle de l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).

Ordonne le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) (art. 20 de l'ordonnance N-SIS; RS 362.0).

Ordonne, par prononcé séparé, le maintien en détention pour des motifs de sûreté d'X______ (art. 231 al. 1 CPP).

Renvoie la partie plaignante A______ à agir par la voie civile (art. 126 al. 2 CPP).

Ordonne la restitution à X______ de la casquette et du téléphone portable figurant sous chiffres 3 et 5 de l'inventaire n° 28183920200907 du 7 septembre 2020.

Ordonne la confiscation et la destruction de la veste à capuche noire tachée de sang figurant sous chiffre 4 de l'inventaire n° 28183920200907 du 7 septembre 2020.

Ordonne la confiscation et la destruction des 1.2 grammes bruts de haschich figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 27974020200815 du 15 août 2020 et de l'emballage plastique contenant moins de 0.1 gramme de poudre blanche figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 28183920200907 du 7 septembre 2020.

Fixe à CHF 12'333.80 l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d'office d'X______ (art. 135 CPP).

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 16'140.65, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.- (art. 426 al. 1 CPP).

Compense à due concurrence la créance de l'Etat portant sur les frais de la procédure avec les valeurs patrimoniales séquestrées figurant sous chiffre 2 de l'inventaire n°27974020200815 du 15 août 2020 et sous chiffre 2 de l'inventaire n° 28183920200907 du 7 septembre 2020 (art. 442 al. 4 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Secrétariat d'Etat aux migrations, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

 

La Greffière

Céline DELALOYE JAQUENOUD

La Présidente

Dania MAGHZAOUI

 

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

14399.65

Frais du Tribunal des mesures de contraintes

CHF

50.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

120.00

Frais postaux (convocation)

CHF

21.00

Emolument de jugement

CHF

1500.00

Etat de frais

CHF

50.00

Total

CHF

16140.65

 

 

 

 

 

 

Indemnisation du défenseur d'office

Vu les art. 135 CPP et 16 RAJ et les directives y relatives;

Indemnité :

Fr.

9'320.00

Forfait 10 % :

Fr.

932.00

Déplacements :

Fr.

1'200.00

Sous-total :

Fr.

11'452.00

TVA :

Fr.

881.80

Total :

Fr.

12'333.80

Observations :

- 45h30 à Fr. 200.00/h = Fr. 9'100.–.
- 2h à Fr. 110.00/h = Fr. 220.–.

- Total : Fr. 9'320.– + forfait courriers/téléphones arrêté à 10 % vu l'importance de l'activité déployée (art 16 al 2 RAJ) = Fr. 10'252.–

- 12 déplacements A/R à Fr. 100.– = Fr. 1'200.–

- TVA 7.7 % Fr. 881.80

L'état de frais intermédiaire est accepté.

S'agissant de l'état de frais final, le travail du chef d'étude et du stagiaire n'est pas compté à double. Partant, le Tribunal retient, pour le chef d'étude, 1h30 d'entretien client, 4h de préparation d'audience, 4h30 d'audience de jugement et 2 déplacement. Il retient en outre, pour l'avocat-stagiaire qui a aussi plaidé, 2h de préparation d'audience.

 

Voie de recours si seule l'indemnisation est contestée

Le défenseur d'office peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours, devant la Chambre pénale de recours contre la décision fixant son indemnité (art. 135 al. 3 let. a et 396 al. 1 CPP; art. 128 al. 1 LOJ).

 

Restitution de valeurs patrimoniales et/ou d'objets

Lorsque le présent jugement sera devenu définitif et exécutoire, il appartiendra à l'ayant-droit de s'adresser aux Services financiers du pouvoir judiciaire (finances.palais@justice.ge.ch et +41 22 327 63 20) afin d'obtenir la restitution de valeurs patrimoniales ou le paiement de l'indemnité allouée, ainsi que, sur rendez-vous, au Greffe des pièces à conviction (gpc@justice.ge.ch et +41 22 327 60 75) pour la restitution d'objets.

 

Notification au prévenu, à la partie plaignante et au Ministère public par voie postale.