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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1326/2018

ATAS/790/2018 du 10.09.2018 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1326/2018 ATAS/790/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 10 septembre 2018

6ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à VERSOIX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Anne TROILLET MAXWELL

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l’intéressée ou la recourante), née le ______ 1927, veuve depuis 2010, est au bénéfice d’une rente de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) de CHF 2'350.- par mois.

2.        Le 13 juin 2017, le fils de l’intéressée, agissant au nom et pour le compte de sa mère, a formé auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé) une demande de prestations complémentaires à cette rente en exposant qu’il envisageait avec ses sœurs et l’accord de leur mère, âgée de 90 ans, de placer cette dernière dans un EMS afin qu’elle bénéficie d’un cadre infirmier et d’un entourage permanent. Il a précisé qu’elle et feu son mari avaient acquis, « en 2004 sauf erreur », un appartement à Divonne-les-Bains (France) à titre de résidence secondaire et que d’accord avec l’intéressée, cet appartement devait être vendu. Sa mère ne disposait d’aucune fortune complémentaire.

3.        Le 10 août 2017, l’intéressée a fait parvenir au SPC notamment les documents suivants :

-         une estimation officielle de la valeur vénale de l’appartement de Divonne-les-Bains (ci-après : l’appartement), établie le 9 août 2017 par une agence immobilière locale (Cabinet immobilier gessien), fixant la valeur de ce bien à EUR 530'000.- ;

-         une attestation du Crédit mutuel du 30 juin 2017 confirmant l’existence d’un prêt immobilier de CHF 800'000.-, garanti par une hypothèque grevant ledit appartement ;

-         une attestation du Crédit mutuel du 23 décembre 2016 confirmant le montant mensuel des intérêts hypothécaires à hauteur de CHF 1'050.-.

L’intéressée a indiqué qu’elle n’avait, à ce jour, procédé à aucun amortissement du prêt de CHF 800'000.- qui avait été accordé à feu son mari et elle-même pour l’acquisition de l’appartement. Le montant des intérêts hypothécaires, à hauteur de
CHF 1'050.- mensuels, n’avait pas varié ces dernières années. Lorsqu’elle ne s’y trouvait pas, l’appartement était vide et ne générait aucun revenu locatif. Elle était attendue à l’EMS B______ à Versoix où elle disposerait d’une chambre dès le
14 août 2017. Compte tenu de ce placement en EMS, elle ne pourrait plus résider, même de manière secondaire, dans l’appartement en question. En examinant les attestations produites, on ne pouvait que noter la différence substantielle qui existait entre la valeur vénale de l’appartement (EUR 530'000.-) et le montant du prêt hypothécaire (CHF 800'000.-). Celle-ci s’expliquait davantage par l’évolution du taux de change entre 2004 et 2017 que le tassement des prix de l’immobilier. Dans ces circonstances, une vente de l’appartement se solderait par une perte une fois le prêt hypothécaire remboursé. Il était donc vraisemblable qu’en lieu et place d’une telle transaction déficitaire, elle donne prochainement à bail l’appartement pour un loyer de EUR 2'200.- par mois (estimation), dont à déduire CHF 1'050.- à titre d’intérêts hypothécaires. Enfin, elle a précisé qu’elle souhaitait pouvoir affecter le solde bénéficiaire (EUR 2'200.- moins CHF 1'050.-) à l’amortissement du prêt afin de pouvoir revendre l’appartement à tout le moins sans perte d’ici quelques années.

4.        L’assurée est devenue pensionnaire de l’EMS B______ dans le courant du mois d’août 2017.

5.        Par décision du 16 novembre 2017, le SPC a informé l’intéressée qu’elle remplissait les conditions d’octroi des prestations complémentaires fédérales (PCF) et cantonales (PCC) dès le 1er juin 2017 mais ne pouvait prétendre ni aux PCF ni aux PCC du 1er juin au 31 juillet 2017. Il ressortait en effet du plan de calcul annexé que sur cette période, les dépenses reconnues (qui comprenaient le poste « besoins/forfait », d’un montant de CHF 19'290.- pour les PCF, respectivement CHF 25'661.- pour les PCC, ainsi que les intérêts hypothécaires de l’appartement [CHF 11'104.-]), étaient inférieures au revenu déterminant, cette différence se montant à CHF 26'160.- pour les PCF, respectivement CHF 19'789.- pour les PCC. Selon les montants retenus par le SPC, le revenu déterminant, fixé à CHF 56'554.-, se composait non seulement de la rente AVS (CHF 28'200.-), des intérêts de l’épargne (CHF 2.60) mais aussi du produit des biens immobiliers, évalué à
CHF 28'350.95. À ce propos, il était précisé dans la rubrique « commentaires » du plan de calcul annexé que lorsque des immeubles ou bien-fonds ne servaient pas d’habitation au requérant ou à une personne comprise dans le calcul des prestations complémentaires, le revenu pris en compte correspondait aux loyers encaissés ou à un revenu déterminé sur la base de la valeur du bien selon le taux forfaitaires de l’administration fiscale cantonale genevoise.

6.        Dans une deuxième décision datée du même jour, fixant le droit aux prestations complémentaires à CHF 3'661.- par mois (CHF 0.- pour les PCC, respectivement CHF 3'661.- pour les PCF) à partir du 1er août 2017, le SPC s’est fondé sur le même revenu déterminant que dans la première décision (CHF 56'544.-). En revanche, le total des dépenses reconnues se montait à CHF 0.- pour les PCC et CHF 100'479.- pour les PCF. Cette dernière somme se composait de la pension due à l’EMS
(CHF 85'775.-), du forfait pour les dépenses personnelles (CHF 3'600.-) et des intérêts hypothécaires de l’appartement (CHF 11'104.-). En conséquence, l’intéressée pouvait prétendre à un versement rétroactif de CHF 14'644.- (soit 4 x CHF 3'661.-) pour la période du 1er août au 30 novembre 2017. Quant aux prestations complémentaires à venir, elles demeureraient inchangées à CHF 3'661.- par mois à partir du 1er décembre 2017.

7.        Par décision du 12 décembre 2017, le SPC a recalculé le montant des prestations complémentaires dues à l’intéressée dès le 1er janvier 2018. Selon les plans de calculs annexés, la composition et le total du revenu déterminant restaient inchangés (CHF 56'554.-), alors que le total des dépenses reconnues avait diminué à CHF 97'924.- (contre CHF 100'479.- précédemment) à la faveur d’une diminution du prix de pension de CHF 85'775.- à CHF 83'220.- annuels, de sorte que les prestations dues à compter du 1er janvier 2018 s’élevaient à CHF 3'448.- par mois.

8.        Le 18 décembre 2017, l’intéressée, représentée par un mandataire, a formé opposition à l’encontre des deux premières décisions du 16 novembre 2017, concluant à leur annulation et à la prise de nouvelles décisions tenant compte d’un montant de CHF 11'887.- à titre de produit du bien immobilier (en lieu et place de CHF 28'350.95.-), et d’un montant de CHF 11'887.- à titre de frais d’entretien et d’intérêts hypothécaires en lieu et place du montant de CHF 11'104.-. Subsidiairement, soit si le SPC ne tenait pas compte d’une valeur locative de
CHF 11'887.-, elle concluait à l’annulation des décisions du 16 novembre 2017 et
à ce que le SPC rende de nouvelles décisions tenant compte d’un montant de
CHF 14'997.40 à titre de frais d’entretien et d’intérêts hypothécaires (en lieu et place de CHF 11'104.-) et d’un montant supplémentaire de EUR 3'927.35 à titre de charges de copropriété dépenses reconnues.

À l’appui de ses conclusions, l’intéressée a fait valoir qu’elle ne comprenait pas à quoi correspondait le montant de CHF 28'350.95 accompagné de la mention « produit biens immobiliers ». En effet, l’appartement litigieux n’était pas loué et ne générait aucun revenu. Il ressortait de la brochure intitulée « Tout ce qui faut savoir sur la fortune lors d’une demande de prestations complémentaires », publiée sur le site du SPC, qu’en présence d’un bien immobilier qui n’était pas habité par le bénéficiaire des prestations, la valeur locative était prise en compte au titre de revenu de la fortune immobilière. En revanche, si le bien était loué, les loyers nets encaissés étaient comptés. Dans le cas particulier, il résultait de l’avis de taxation pour l’impôt immobilier complémentaire (IIC) du 19 avril 2017, relatif à l’année 2015, que l’administration fiscale cantonale (AFC) avait retenu un montant de
CHF 11'887.- à titre de valeur locative, montant qui correspondait à la valeur locative brute arrêtée par les autorités françaises (EUR 11'129.- selon l’avis d’impôt 2015, respectivement EUR 11'242.- selon l’avis d’impôt 2016). Ainsi, il convenait de retenir CHF 11'887.- (en lieu et place de CHF 28'350.95) à titre de produit du bien immobilier et de revenu déterminant.

S’agissant des dépenses, les intérêts hypothécaires se montaient à CHF 1'050.- par mois, soit CHF 12'600.- par an, montant auquel s’ajoutaient les frais d’entretien reconnus comme dépenses. Pour les frais d’entretien en question, le site internet de l’AFC indiquait qu’il existait une déduction forfaitaire s’élevant à 20% de la valeur locative pour les bâtiments de plus de dix ans. En l’espèce, les frais d’entretien reconnus comme dépenses devaient donc être arrêtés à CHF 2'377.40 (soit
CHF 11'887.- x 20%). Au total, les frais d’entretien et intérêts hypothécaires s’élevaient ainsi à CHF 14'977.40 (= CHF 12'600 + CHF 2'377.40). Cependant, comme les frais d’entretien des bâtiments et les intérêts hypothécaires n’étaient légalement reconnus qu’à concurrence du rendement brut de l’immeuble, c’était un montant de CHF 11'887.- qu’il y avait lieu de retenir. En d’autres termes, le produit et les dépenses en lien avec l’appartement s’annulaient dans le cas d’espèce. Toutefois, si le SPC entendait ne pas tenir compte de la valeur locative précitée (CHF 11'987.-), c’était le montant total de CHF 14'997.40 qui devait être retenu à titre de frais d’entretien et d’intérêts hypothécaires de l’appartement, montant auquel il convenait d’ajouter encore les charges de copropriété qui s’élevaient à
EUR 3'927.35.

9.        Par décision du 8 mars 2018, le SPC a partiellement admis l’opposition formée par l’intéressée en ce sens qu’il a admis que les dépenses reconnues devaient également comprendre les frais d’entretien de l’appartement à concurrence de 20% du produit de la fortune immobilière, soit CHF 5'670.- (20% de CHF 28'350.95). En revanche, s’agissant de ce même produit, le SPC en a confirmé le montant de CHF 28'350.95 en considérant que dans le cas où aucun produit réel n’était tiré d’un bien immobilier, il y avait lieu de tenir compte d’un montant représentant le loyer qui pourrait être obtenu aux conditions du marché. À cet égard, la valeur locative du bien au prix du marché, seule valeur déterminante s’agissant d’une résidence secondaire, avait été estimée à EUR 2'200.- mensuels par le Cabinet immobilier gessien en date du 9 août 2017. À la lumière de ces explications, les nouveaux plans de calcul annexés à la décision sur opposition du 8 mars 2018 révélaient que l’intéressée ne pouvait toujours pas prétendre au versement de prestations complémentaire, le revenu déterminant demeurant toujours supérieur aux dépenses reconnues en juin et juillet 2017. Cependant, pour la période comprise entre le
1er août 2017 et le 31 décembre 2017, la prise en compte des frais d’entretien des bâtiments à concurrence de CHF 5'670.20 annuels ainsi que l’augmentation du total des dépenses reconnues en découlant (CHF 106'149.- contre CHF 100'479.- précédemment), entrainait, à revenu déterminant égal (CHF 56'554.-), un versement d’arriérés de PCF de CHF 2'360.- pour la période d’août à décembre 2017 [(CHF 4'133.- moins CHF 3'661.-) x 5] et de CHF 1'416.- pour la période de janvier à mars 2018 [(CHF 3'920.- moins CHF 3'448.-) x 3].

10.    Le 20 avril 2018, l’intéressée a interjeté recours contre cette décision, concluant, principalement, à son annulation et, cela fait, à ce que la chambre de céans dise et constate que le produit du bien immobilier sis à Divonne-les-Bains correspondait à la valeur locative arrêtée par l’AFC, soit CHF 11'887.- et qu’en conséquence le montant des prestations complémentaires annuelles fût fixé à CHF 61'172.- par année (CHF 5'098.- mensuels) pour la période du 1er août 2017 au 31 décembre 2017 et à CHF 58'617.- (CHF 4'885.- mensuels) dès le 1er janvier 2018. Subsidiairement, elle invitait la chambre de céans à dire et constater que le produit du bien immobilier sis à Divonne-les-Bains devait correspondre à la valeur locative arrêtée par l’AFC (CHF 11'887.-) et à renvoyer la cause à l’intimé pour nouvelle décision au sens des considérants et nouvelle détermination du droit aux prestations complémentaires de la recourante, le tout sous suite de frais et dépens. Enfin, la recourante a conclu, préalablement, à ce que la chambre de céans interpelle au besoin l’AFC aux fins d’obtenir une confirmation sur la manière avec laquelle cette autorité fixait la valeur locative d’un bien immobilier situé en France.

À l’appui de ses conclusions, la recourante a rappelé qu’il ressortait de la brochure intitulée « Tout ce qui faut savoir sur la fortune lors d’une demande de prestations complémentaires », publiée sur le site du SPC, qu’en présence d’un bien immobilier qui n’était pas habité par le bénéficiaire des prestations, la valeur locative était prise en compte au titre de revenu de la fortune immobilière. Ce n’était que si le bien était loué que les loyers nets encaissés étaient comptés. A contrario, si le bien n’était pas loué, c’était la valeur locative qui devait être prise en considération, même lorsqu’il s’agissait d’un bien qui n’était pas habité par le bénéficiaire des prestations. En tant qu’elle imputait un dessaisissement à la recourante, la décision entreprise était contraire au droit. La réglementation applicable ne prévoyait aucune obligation à la charge d’un propriétaire immobilier de mettre son bien en location. Et même si l’on raisonnait en termes de contre-prestation adéquate, c’était précisément la valeur locative, arrêtée par les autorités fiscales (CHF 11'887.-), qui en tenait lieu, de sorte qu’il convenait de substituer cette valeur au montant de
CHF 28'350.95 à titre de produit du bien immobilier et de revenu déterminant. Vu la valeur locative de CHF 11'887.-, il convenait également d’adapter le montant déterminant à retenir au titre de frais d’entretien et des bâtiments, lequel correspondait à 20% de la valeur locative, soit un montant de CHF 2'377.40. Une fois ces correctifs apportés, le droit aux prestations complémentaires s’élevait à CHF 0.- pour la période du 1er juin au 31 juillet 2017, à CHF 61'172.- par an (CHF 5'098.- par mois) du 1er août au 31 décembre 2017 puis à CHF 58'617.- par an (CHF 4'885.- par mois) dès le 1er janvier 2018.

11.    Par courrier du 20 avril 2018 au SPC, l’intéressée a formé opposition contre la décision du 8 mars 2018 en tant qu’elle concernait la période « dès le 1er janvier 2018 », motif pris que le SPC avait modifié ses droits par rapport à la période antérieure, ceci sans que ce nouveau calcul n’ait au préalable et spécifiquement fait l’objet d’une décision initiale (soit une décision sujette à opposition). Ce calcul semblait avoir été effectué uniquement en raison d’une modification du prix de pension, les autres éléments retenus par le SPC étant identiques à ceux qui avaient fait l’objet de la première décision et de la procédure d’opposition. Dans la mesure où le prix de pension n’était pas contesté et que pour le surplus, les autres éléments retenus par le SPC pour la période « dès le 1er janvier 2018 » étaient identiques à ceux retenus pour les périodes antérieures, l’intéressée partait du principe que cette nouvelle décision pouvait également être examinée par la chambre de céans dans le cadre du recours interjeté le 20 avril 2018. Toutefois, si tel n’était pas le cas, l’intéressée formait opposition à l’encontre de la décision du 8 mars 2018 en
tant qu’elle concernait son droit aux prestations complémentaires à compter du
1er janvier 2018.

12.    Par réponse du 22 mai 2018, l’intimé a conclu au rejet du recours en faisant valoir en substance que la brochure intitulée « Tout ce qui faut savoir sur la fortune lors d’une demande de prestations complémentaires » distinguait deux situations en cas de fortune immobilière, celle dans laquelle l’intéressé habite son logement et celle dans laquelle il n’y habite pas, la première situation visant la résidence principale et la seconde la résidence secondaire. Or, si la brochure faisait mention, dans les deux cas, de la prise en compte de la valeur locative au titre de revenu de la fortune immobilière, ce n’était qu’en cas de résidence principale que la valeur locative se déterminait selon les principes prévus par la législation sur l’impôt cantonal direct. En d’autres termes, en cas de résidence secondaire non louée, il y avait lieu de se fonder sur la valeur locative du bien au prix du marché.

13.    Par réplique du 27 juin 2018, la recourante s’est inscrite en faux contre l’argumentation développée par l’intimé. La notion légale de « logement occupé par le propriétaire » visait aussi bien le logement principal qu’une résidence secondaire, si bien qu’il n’y avait pas lieu de faire une distinction entre l’un et l’autre, la détermination de la valeur locative selon les critères de la législation sur l'impôt cantonal direct du canton de domicile s’appliquant dans les deux cas.

14.    le 29 juin 2018, une copie de ce courrier a été transmise à l’intimé pour information.

15.    Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Les dispositions de la LPGA, en vigueur depuis le 1er janvier 2003, s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

3.        En matière de prestations complémentaires fédérales, les décisions sur opposition sont sujettes à recours dans un délai de trente jours (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA ; cf. également art. 9 de la loi cantonale sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité, du 14 octobre 1965 (LPFC – J 4 20) auprès du tribunal des assurances du canton de domicile de l’assuré (art. 58 al. 1 LPGA).

Selon l’art. 38 al. 4 let. b LPGA, applicable via par renvoi de l’art. 60 al. 2 LPGA, les délais en jours ou en mois fixés par la loi ou par l’autorité ne courent pas du 7ème jour avant Pâques au 7ème jour après Pâques inclusivement.

Suite à la notification de la décision querellée le 9 mars 2018, le délai de recours, de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA), a commencé à courir le lendemain. Suspendu du 25 mars au 8 avril 2018, il a repris son cours le 9 avril et est arrivé à échéance le 23 avril 2018. Posté 20 avril 2018, le recours a été interjeté en temps utile. Cet acte satisfait également aux exigences de forme et de contenu prévues par l’art. 61 let. b LPGA (cf. aussi art. 89B LPA), de sorte qu’il sera déclaré recevable.

4.        Il convient préalablement de déterminer le litige.

a.    De jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement et ayant modifié cette situation doivent faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (cf. ATF 131 V 242 consid. 2.1 p. 243, 121 V 362 consid. 1b). Pour des motifs d'économie de procédure, la procédure juridictionnelle administrative peut être étendue à une question en état d'être jugée qui excède l'objet de la contestation, c'est-à-dire le rapport juridique visé par la décision, lorsque cette question est si étroitement liée à l'objet initial du litige que l'on peut parler d'un état de fait commun, et à la condition que l'administration se soit exprimée à son sujet dans un acte de procédure au moins (ATF 130 V 501 consid. 1.2, ATF 122 V 34 consid. 2a et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_488/2012 consid. 3.1).

Les conditions auxquelles un élargissement du procès au-delà de l'objet de la contestation est admissible sont donc les suivantes: la question (excédant l'objet de la contestation) doit être en état d'être jugée; il doit exister un état de fait commun entre cette question et l'objet initial du litige; l'administration doit s'être prononcée à son sujet dans un acte de procédure au moins; le rapport juridique externe à l'objet de la contestation ne doit pas avoir fait l'objet d'une décision passée en force de chose jugée et les droits procéduraux des parties doivent être respectés (arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2011 du 4 janvier 2012 consid. 3.1).

L’extension de l'objet de la contestation ne peut pas conduire à inclure dans le litige une question qui a déjà été jugée par une décision entrée en force et à remettre celle-ci en cause, au-delà d'un examen sous l'angle des conditions de la reconsidération ou de la révision procédurale (arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2011 du 4 janvier 2012 consid. 3.3).

b.    L'art. 52 al. 1 LPGA prévoit que les décisions peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d'opposition auprès de l'assureur qui les a rendues, à l'exception des décisions d'ordonnancement de la procédure. Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l'opposition n'est pas ouverte sont sujettes à recours (art. 56 al. 1 LPGA). La procédure d'opposition est obligatoire et constitue une condition formelle de validité de la procédure de recours de droit administratif subséquente (arrêt du Tribunal fédéral 9C_777/2013 du 13 février 2014 consid. 5.2.1 et les références citées).

L'autorité valablement saisie d'une opposition devra se prononcer une seconde fois sur tous les aspects du rapport juridique ayant fait l'objet de sa décision initiale, quand bien même la motivation de la nouvelle décision portera principalement sur les points critiqués par l'opposant. La décision sur opposition remplace la décision initiale et devient, en cas de recours à un juge, l'objet de la contestation de la procédure judiciaire (arrêt 9C_777/2013 précité consid. 5.2.1).

Le principe jurisprudentiel selon lequel la décision sur opposition de l'organe de l'assurance sociale fixe la limite temporelle de l'état de fait déterminant (cf. notamment l’ATF 131 V 242 consid. 2.1) s'applique au contrôle judiciaire de la décision (sur opposition) qui clôt la procédure administrative. Selon la jurisprudence, le juge appelé à connaître de la légalité d'une décision rendue par les organes de l'assurance sociale doit apprécier l'état de fait déterminant existant au moment où la décision sur opposition litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b et les arrêts cités; 131 V 407 consid. 2.1.2.1). On ne saurait déduire de ce principe que l'organe d'exécution du régime des prestations complémentaires est en droit de prendre en considération tous les faits survenant entre sa décision initiale et la décision sur opposition qui la remplace. Il ne peut en tenir compte que dans la mesure où ils ont trait aux rapports juridiques sur lesquels il s'est initialement prononcé et sont susceptibles de modifier ceux-ci. En d’autres termes, l’autorité n’est pas habilitée à rendre une décision sur opposition sur un état de fait sur lequel l'administré n'a pas eu l'occasion de se prononcer. À défaut, ce dernier serait privé de la possibilité de formuler une opposition, ne lui laissant que le choix d'interjeter un recours devant le tribunal cantonal (arrêt 9C_777/2013 précité consid. 5.2.2).

c.    En l’espèce, la décision sur opposition du 8 mars 2018 ne se contente pas de recalculer le droit aux prestations complémentaires de la recourante du 1er juin au 31 juillet 2017 et du 1er août au 30 novembre 2017, soit les périodes concernées par la première, respectivement la seconde décision du 16 novembre 2017, elle prend également en considération l’état de fait visé par la décision 12 décembre 2017, soit la période s’ouvrant à compter du 1er janvier 2018, sans qu’il soit établi que cette décision ait bien été notifiée à la recourante, de manière à lui permettre d’y faire opposition en temps utile. Cette dernière question souffre toutefois de rester indécise. Force est en effet de constater qu’en tant qu’elle concerne la période faisant l’objet de la décision du 12 décembre 2017 (la période à partir du 1er janvier 2018), la décision sur opposition du 8 mars 2018 comporte également un nouveau calcul des prestations relatif à cette période, privant ainsi la recourante de former opposition à ce qui constitue une reconsidération d’office de la décision du
12 décembre 2017.

Cela étant, dans la mesure où la recourante a indiqué en substance dans son courrier du 20 avril 2018 à l’intimé que cette « nouvelle décision », soit celle du 8 mars 2018, en tant qu’elle concerne la période « dès le 1er janvier 2018 », pouvait également être examinée par la chambre de céans dans le cadre de l’examen du recours interjeté le même jour contre la décision sur opposition du 8 mars 2018 qui couvrait les périodes antérieures au 1er janvier 2018, rien ne s’oppose, notamment au vu du lien étroit avec l’objet initial du litige, à ce que la chambre de céans étende l’objet du litige à la période dès le 1er janvier 2018.

Dès lors que la recourante ne conteste pas n’avoir droit ni aux PCC (que ce soit à partir du 1er juin 2017 ou à partir du 1er janvier 2018) ni aux PCF, à tout le moins du
1er juin au 31 juillet 2017, soit pour la période précédant son admission en EMS, le litige concerne son droit à des PCF à compter du 1er août 2017, singulièrement le montant retenu à titre de produit de la fortune immobilière.

5.        a. Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de vieillesse de l'assurance-vieillesse et survivants, conformément à l'art. 4 al. 1 let. a LPC.

Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC). L’art. 9 al. 1er LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants. Les revenus déterminants comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière (art. 11 al. 1 let. b LPC) et les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s’est dessaisi (art. 11 al. 1 let. g LPC ; cf. ci-après : consid. 7).

b. Le législateur a adopté quelques règles spéciales pour déterminer la valeur de la fortune immobilière. Celles-ci sont destinées à permettre aux rentiers AVS/AI, qui bénéficient de faibles revenus, de continuer à vivre dans leur cadre habituel. Ces dispositions spéciales concernent l’évaluation de la fortune et le montant de la franchise (ou « deniers de nécessité »).

Aux termes de l’art. 11 al. 1 let. c LPC en effet, les revenus déterminants comprennent un quinzième de la fortune nette, un dixième pour les bénéficiaires
de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse CHF 37'500.- pour les personnes seules, CHF 60'000.- pour les couples et CHF 15'000.- pour les orphelins et les enfants donnant droit à des rentes pour enfants de l'AVS ou de l'AI; si le bénéficiaire de prestations complémentaires ou une autre personne comprise dans le calcul de ces prestations est propriétaire d'un immeuble qui sert d'habitation à
l'une de ces personnes au moins, seule la valeur de l'immeuble supérieure à
CHF 112’500 francs entre en considération au titre de la fortune.

Selon l’art. 17 al. 1 de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI – RS 831.301), la fortune prise en compte doit être évaluée selon les règles de la législation sur l'impôt cantonal direct du canton du domicile.

En revanche, lorsque des immeubles ne servent pas d'habitation au requérant ou à une personne comprise dans le calcul de la prestation complémentaire, ils seront pris en compte à la valeur vénale (art. 17 al. 4 OPC-AVS/AI).

L’art. 17 al. 4 OPC-AVS/AI constitue une dérogation au principe selon lequel la fortune prise en compte doit être évaluée selon les règles de la législation sur l’impôt cantonal direct du canton du domicile (sur l’ensemble de la question : Erwin CARIGIET, Uwe KOCH, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, 2ème éd. 2009 p. 167-168).

Si la valeur actuelle (valeur du marché) d’un immeuble n’est pas connue, on peut se fonder sur la valeur moyenne entre la valeur selon la législation sur l’impôt cantonal direct et la valeur d’assurance immobilière, pour autant que la valeur ainsi obtenue ne soit pas manifestement erronée. Quant aux immeubles sis à l’étranger, on peut se fonder sur une estimation établie à l’étranger s’il n’est pas raisonnablement possible de procéder à une autre estimation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_540/2009 du 17 septembre 2009 ; ch. 3444.03 des directives de l’office fédéral des assurances sociales concernant les prestations complémentaires à l’AVS et l’AI, état au 1er janvier 2017 [DPC]).

c/aa. S’agissant des dépenses, elles comprennent notamment les frais d'entretien des bâtiments et les intérêts hypothécaires, jusqu'à concurrence du rendement brut de l'immeuble (art. 10 al. 3 let. b LPC) et, pour les personnes qui vivent en permanence ou pour une longue période dans un home ou un hôpital, la taxe journalière (art. 10 al. 2 let. a LPC) ainsi qu’un montant, arrêté par les cantons, pour les dépenses personnelles (art. 10 al. 2 let b LPC).

c/bb. Pour les frais d’entretien des immeubles, seule la déduction fiscale forfaitaire applicable pour l’impôt cantonal direct du canton de domicile est prise en compte (art. 16 al. 1 OPC-AVS/AI). Il n’est donc pas possible de choisir entre la déduction forfaitaire et les frais effectifs comme en droit fiscal (arrêt du Tribunal fédéral 9C_822/2009 du 7 mai 2010 consid. 3.4 ; Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, p. 108-109
n. 54). Pour le canton de Genève, l’art. 20 al. 2 du règlement d'application de la loi sur l'imposition des personnes physiques (RIPP – D 3 08.01) dispose que cette déduction forfaitaire, calculée sur la valeur locative selon l’article 24 al. 2 de la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP – D 3 08), s’élève à 10 % si l’âge du bâtiment au début de la période fiscale est inférieur ou égal à 10 ans, et à 20 %, si l’âge du bâtiment au début de la période fiscale est supérieur à 10 ans. Cette déduction s’applique même si la personne n’habite pas le bien immobilier dont elle est propriétaire (ATAS/1122/2013 du 19 novembre 2013 consid. 16a et les références citées). Il n’est dès lors pas possible de se fonder sur les frais effectifs d’entretien des immeubles. Par ailleurs, d’autres frais éventuels – et notamment les amortissements de la dette hypothécaire – ne peuvent être pris en compte comme dépenses reconnues (ch. 3260.02 et 3260.03 des DPC). La déduction forfaitaire des frais d’entretien s’applique même si l’immeuble n’est pas situé dans le canton (ATAS/1122/2013 du 19 novembre 2013 consid. 16b).

6.        Aux termes de l'art. 11 al. 1 let. g LPC, les revenus déterminants pour calculer le montant de la prestation complémentaire annuelle comprennent notamment les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi. Par dessaisissement, il faut entendre, en particulier, la renonciation à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique ni contre-prestation équivalente (ATF 134 I 65 consid. 3.2 p. 70; 131 V 329 consid. 4.2. p. 332). La renonciation à des éléments de fortune ne constitue pas un dessaisissement lorsqu'il est établi qu'il existe une corrélation directe entre cette renonciation et une contre-prestation considérée comme équivalente (arrêt du Tribunal fédéral 9C_36/2014 du 7 avril 2014
consid. 3.1).

S’agissant plus spécifiquement du produit de la fortune immobilière, il y a dessaisissement au sens de l’art. 11 al. 1 let. g LPC lorsque les possibilités d’obtenir un revenu d’un immeuble ne sont pas exploitées ou ne le sont qu’insuffisamment. On doit admettre qu’il y a renonciation au revenu d’un immeuble lorsqu’il serait exigible de l’ayant droit – propriétaire, usufruitier ou locataire – et objectivement possible de mettre le bien immobilier à disposition d’un tiers moyennant finance. Une telle mise à disposition est objectivement possible lorsque la nature du droit d’utilisation le permet, lorsque le bien immobilier se prête à une exploitation à titre onéreux (Ralph JÖHL, Patricia USINGER-EGGER, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, in SBVR, 3ème éd. 2016 p. 1838 s. n. 157 ; pour un cas d’application : cf. notamment l’arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 33/05 du 8 novembre 2005 consid. 3 ; cf. ég. l’arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 37/03 du 15 octobre 2003).

Le revenu déterminant tiré d’un immeuble est celui qui pourrait effectivement être réalisé en cas de location, c'est à dire le loyer conforme au marché (cf. SVR 1997, EL n° 38 consid. 6). En revanche, un tel loyer ne doit pas être pris en considération dans le cas où une location est effectivement difficile, voire impossible (cf. ATAS/191/2016 du 8 mars 2016 consid. 21; ATAS/676/2006 du 26 juillet 2006). En dehors de ces exceptions, il y a lieu de retenir un loyer conforme à l’usage local ou un revenu moyen reflétant le rendement pendant la durée de vie des bâtiments situés sur le terrain lorsque le bénéficiaire de prestations complémentaires n’habite pas le bien immobilier et que celui-ci n’est pas loué. Selon la doctrine, ce revenu moyen hypothétique peut être estimé à 5 %. Il convient cependant d’en déduire les frais d’entretien forfaitaires et les intérêts hypothécaires (cf. Erwin CARIGIET, Uwe KOCH, op.cit. p. 172).

Pour les immeubles sis à l'étranger, le Tribunal fédéral, appelé à trancher la question de savoir si le revenu imputable à un bénéficiaire devait être calculé en se fondant sur le taux d'intérêt moyen de l'épargne l'année précédant la demande de prestations ou sur le revenu reflétant le rendement pendant la durée de vie des bâtiments érigés sur l'immeuble (soit 5% ou 4% après déduction du forfait applicable pour l'entretien des bâtiments), a considéré que ces deux méthodes permettaient d'obtenir des valeurs approximatives proches de la valeur locative réelle d'un immeuble sis à l'étranger et qu'il était impossible de déterminer d'emblée laquelle aboutissait à la valeur la plus réaliste. Il en a conclu que c'était donc à l'autorité d'exécution, ou au juge en cas de litige, de déterminer la valeur reflétant le mieux la situation du marché (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 33/05 du
8 novembre 2005, consid. 3 et 4).

Pour sa part, la chambre de céans a confirmé, à plusieurs reprises, que lorsqu'un immeuble n'est pas situé dans le canton de Genève, le recours à un taux forfaitaire de 4,5 % de la valeur vénale retenu à titre de valeur locative (au sens large) ou de rendement de l'immeuble n'est pas excessif, et ce, dans la mesure où les conditions locales ne peuvent pas être déterminées aisément, contrairement aux immeubles situés dans le canton (cf. ATAS/752/2017; ATAS/131/2017; ATAS/237/2012, ATAS/43/2010, ATAS/732/2009; ATAS/399/2007 ; ATAS 1040/2005, confirmé sur recours par l’arrêt du Tribunal fédéral P 57/05 du 29 août 2006). Enfin, la chambre de céans a également considéré qu’un taux de 5% était admissible (ATAS/1127/2017 du 11 décembre 2017).

7.        a. En l’espèce, la recourante conteste exclusivement le montant de CHF 28'350.95.-retenu par l’intimé au titre du produit de l’appartement dont elle est propriétaire à Divonne-les Bains. Selon elle l’intimé aurait dû appliquer les art. 11 al. 1 let. b LPC et 12 al. 1 OPC-AVS/AI, de manière à retenir, à titre de produit de la fortune immobilière, la valeur locative fixée à CHF 11'887.- par l’AFC dans l’avis de taxation 2016. Elle soutient que l’application de l’art. 11 al. 1 let. g LPC serait exclue pour le produit d’un bien immobilier et qu’il n’existerait aucune obligation à charge du propriétaire d’un immeuble de mettre son bien en location.

Ces thèses ne trouvent cependant aucun appui, que ce soit dans le texte même des dispositions invoquées, la jurisprudence ou la doctrine (cf. ci-dessus : consid. 7). En effet, l’art. 12 al. 1 OPC-AVS/AI ne constitue pas une lex specialis qui interdirait de prendre en compte un dessaisissement du produit de la fortune immobilière en application de l’art. 11 al. 1 let. g LPC. Au contraire, l’art. 12 OPC-AVS/AI vise deux situations bien précises : soit l’immeuble est habité par le propriétaire, soit il est « sous-loué ». Dans les deux cas, ce sont les critères de la législation sur l'impôt cantonal direct du canton de domicile (al. 1) ou, en l'absence de tels critères, ceux de l'impôt fédéral direct (al. 2) qui font foi pour déterminer la valeur locative, respectivement le revenu provenant de la sous-location. Par ailleurs, une application concurrente des art. 11 al. 1 let. g LPC et 12 OPC-AVS/AI est tout à fait envisageable dans le cas suivant : lorsqu’un propriétaire donne à bail (ou donnerait à bail s’il trouvait un locataire) une partie du bien immobilier qu’il habitait auparavant lui-même, il y a lieu de prendre en compte seulement la quote-part de la valeur locative correspondant à la partie de l’immeuble qui continue à être habitée par l’intéressé. S’agissant en revanche de l’autre partie du bien, on se fondera (en lieu et place de la valeur locative correspondante) sur les revenus locatifs – cas échéant hypothétiques (Ralph JÖHL, Patricia USINGER-EGGER, op. cit. p. 1836 n. 152).

En l’espèce toutefois, il est clairement établi que l’appartement de Divonne-les-Bains n’est ni donné à bail ni habité par la recourante – fût-ce en partie – et que rien ne s’oppose objectivement à sa location, la recourante ayant même indiqué le
10 août 2017, par la voix de son fils, qu’elle envisageait sérieusement de le louer pour un montant de EUR 2'200.- par mois plutôt que de le revendre à perte aux conditions actuelles. En conséquence, le produit de la fortune immobilière n’a pas lieu d’être déterminé selon les modalités prévues par l’art. 12 OPC-AVS/AI mais il convient de le fixer en application de l’art. 11 al. 1 let. g LPC. Étant donné que le fait de ne pas louer un appartement dont la recourante est propriétaire – et qui pourrait en soi être loué – équivaut à une renonciation à mettre en valeur une source de revenus (et donc à un dessaisissement ; cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 37/03 du 15 octobre 2013 consid. 3), la décision querellée ne prête pas le flanc à la critique en tant qu’elle retient, à titre de produit de la fortune immobilière, un loyer qui pourrait être obtenu aux conditions du marché.

b. Reste à déterminer si en fixant ce produit à CHF 28'350.95 par année, l’intimé est resté dans les limites de rendement tracées par la doctrine (consid. 7) et si les frais d’entretien et les frais hypothécaires de l’immeuble ont été correctement déduits.

Il ressort de la motivation de la décision entreprise que pour la fortune sise à l’étranger, l’intimé dit appliquer par analogie les taux de conversion des devises que les DPC prévoient pour les rentes étrangères (ch. 3451.01 ss DPC).

Selon les directives en question, pour les rentes et pensions qui sont versées en devises d’Etats parties à l’Accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (RS 0.142.112.68 – ALCP), le cours de conversion applicable est le cours du jour publié par la Banque centrale européenne (ci-après : BCE). Est déterminant le dernier cours du jour disponible du mois qui précède immédiatement le début du droit à la prestation (cf. ch. 3a de la décision H3 du 15 octobre 2009 relative à la date à prendre en compte pour établir les taux de change visée à
l’art. 90 du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, mentionnée sous la section B de l’ALCP et citée au chiffre 3452.01 DPC).

En l’espèce, l’intimé s’est fondé sur la valeur vénale de l’appartement, estimée à EUR 530'000.- le 9 août 2017 par le Cabinet immobilier gessien, pour retenir que la contre-valeur de ce bien s’élevait à CHF 569'167.-. Cela correspond à un taux de conversion de CHF 1.0739, soit un taux inférieur à celui en vigueur au 1er juin 2017 (CHF 1.0883 selon cours du jour de la BCE), date à laquelle la recourante remplissait les conditions d’octroi des PCF et PCC (sans pouvoir prétendre ni aux unes ni aux autres du 1er juin au 31 juillet 2017). Ce taux de CHF 1.0739 est également inférieur à celui en vigueur le 9 août 2017, date de l’estimation du bien (CHF 1.1293 selon cours du jour de la BCE) ainsi qu’à l’évolution du taux de conversion sur la période subséquente déterminante pour les prestations litigieuses, soit jusqu’en mars 2018 – et même à ce jour. En effet, les taux de conversion de la BCE se sont maintenus de manière constante au-dessus de CHF 1.0739. Dans ces circonstances, on ne voit pas concrètement en quoi l’intimé aurait appliqué par analogie les taux de conversion des devises que les DPC prévoient pour les rentes étrangères. Qu’à cela ne tienne : comme la contre-valeur de l’appartement s’élève à CHF 569'167.- pour l’ensemble des périodes de calcul visées par la décision litigieuse (ce qui, dans le cas particulier, est favorable à la recourante, vu l’affaiblissement du franc suisse face à l’euro entre juin 2017 et mars 2018), le montant retenu à titre de produit hypothétique de la fortune immobilière
(CHF 28'350.95 par an) représente 4.98 % de cette fortune (soit CHF 28'350.95 x 100 / CHF 569'167 = 4.98) et se situe ainsi dans les limites de ce qui peut être admis à titre de rendement d’un bien immobilier non occupé par son propriétaire. Par ailleurs, si l’on se réfère aux montants avancés par la recourante le
10 août 2017 (loyer mensuel potentiel estimé à EUR 2'200.- sur le marché locatif, soit EUR 26'400.- par an, respectivement CHF 28'350.96 au même taux de
CHF 1.0739), on s’aperçoit que le produit de la fortune immobilière litigieux
(CHF 28'350.95) confirme au besoin que la prise en compte d’un rendement hypothétique de 4.98 % apparaît correcte dans le cas d’espèce.

S’agissant des dépenses, il n’est pas contesté – et n’apparaît pas contestable – qu’un montant de CHF 11'104.-, tel qu’il figure dans l’avis de taxation 2016 de la recourante, doit être admis à titre d’intérêts hypothécaires et que le montant déterminant à retenir au titre de frais d’entretien des bâtiments correspond à 20 % de la valeur locative (in casu : produit hypothétique de la fortune immobilière), le bien immobilier en cause étant âgé de plus 10 ans (cf. ci-dessus : consid. 5c/bb). En conséquence, la prise en compte d’un montant de CHF 5'670.20 (soit 20 % de
CHF 28'350.95) n’apparaît pas critiquable.

8.        Compte tenu de ce qui précède, le recours, mal fondé, doit être rejeté.

La recourante, qui succombe, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA). Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA ; art. 89H al. 1 LPA).

 

*****


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le