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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3460/2017

ATAS/368/2018 du 30.04.2018 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3460/2017 ATAS/368/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 avril 2018

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1954, d’origine tunisienne, a épousé en octobre 1979 Madame B______, née le ______ 1958, ressortissante suissesse, domiciliée dans le canton de Genève. Le couple a eu quatre enfants, nés respectivement en 1981, 1982, 1989 et 1991. La famille a vécu en Tunisie de 1988 à 1995, puis est revenue à Genève, où l’assuré est resté domicilié depuis lors, tandis que son épouse et, par périodes, leurs enfants ou certains d’entre eux, sont retournés en Tunisie. Par décision du 3 décembre 2008, confirmée le 10 février 2010, l’assuré a été mis au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité dès le 1er janvier 2008. Par arrêt du 23 août 2011 (ATAS/761/2011 dans la cause A/479/2011), la chambre de céans a jugé que l’assuré avait droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er janvier 2008.

2.        Par décision du 13 mars 2009, l’assuré a été mis au bénéfice de prestations complémentaires fédérales (ci-après : PCF) et cantonales (ci-après : PCC), avec effet au 1er janvier 2008, de même qu’au bénéfice du subside d’assurance-maladie. Le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) a rendu par la suite plusieurs décisions concernant le droit de l’assuré aux PCF et PCC, dont certaines sur opposition qui ont donné lieu à des recours tranchés par la chambre de céans (ATAS/760/2014 du 24 juin 2014 ; ATAS/112/2015 du 10 février 2015 ; ATAS/1030/2016 du 13 décembre 2016).

3.        Par décision du 13 novembre 2015 (pièce 131), le SPC a recalculé le droit de l’assuré aux prestations complémentaires à compter du 1er août 2015 (l’un des enfants majeurs de ce dernier ayant terminé sa scolarité). L’assuré avait droit mensuellement à CHF 990.- de PCF et CHF 592.- de PCC, pour un total de dépenses reconnues de CHF 27'054.- en matière de PCF et CHF 37'274.- en matière de PCC et un revenu déterminant total de CHF 15'177.- en matière de PCF et de CHF 30'172.- en matière de PCC ; pour le calcul du revenu déterminant, le SPC a retenu une épargne de CHF 3'254.50, une fortune immobilière de CHF 68'941.50 et un produit de fortune immobilière de CHF 3'102.35. Pour la période du 1er août au 30 novembre 2015, le montant versé en trop à l’assuré se montait à CHF 2'980.- (CHF 9'308.- - CHF 6'328.-).

4.        Par courrier du 11 décembre 2015 (pièce 134), l’assuré a formé opposition à l’encontre de cette décision. À part le fait qu’il avait tenu le SPC informé de la situation de son fils, il indiquait, au titre du revenu déterminant, ne pas disposer d’une épargne et avoir une fortune immobilière équivalant à CHF 58'500.- (soit 120'000.- dinars tunisiens [ci-après : TND]).

5.        Le SPC lui a demandé de produire des pièces bancaires (pièce 135), ce que l’assuré a fait par courriers des 29 décembre 2015 (pièce 136) et 5 janvier 2016 (pièce 137).

6.        Par courrier recommandé du 24 juillet 2017 (pièce 165), le SPC a adressé deux décisions à l’assuré, portant cette même date, à savoir :

-          une décision sur opposition statuant sur la période précitée du 1er août au 30 novembre 2015 (période dite litigieuse) ;

-          une décision statuant sur la période courant du 1er décembre 2015 au 31 juillet 2017 (période dite postérieure à la période litigieuse).

Cette décision sur opposition ne retenait plus que CHF 1.45 d’épargne, une fortune immobilière de CHF 59'102.45 (compte tenu d’un taux de change au 1er août 2015 de CHF 1.- pour 0.49252004082 TND) et un produit de fortune immobilière de CHF 2'659.60 (calculé au taux de 4.5 %). Il s’ensuivait que, pour chacun des quatre mois considérés, l’assuré avait droit à CHF 1'102.- de PCF et CHF 656.- de PCC, et que le total du montant versé en trop pour ces quatre mois était ramené à CHF 2'276.- (CHF 9'308.- - CHF 7'032.-). L’opposition était ainsi admise partiellement.

7.        Par acte du 22 août 2017, l’assuré à recouru par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) contre cette décision sur opposition, tout en critiquant aussi l’autre décision, toutes deux étant selon lui « partiellement injustes et peu convaincantes ».

Pour la période d’août à novembre 2015, le loyer était non de CHF 7'260.- mais de CHF 4'840.- (4 x CHF 1'210.-). Un taux de calcul de la fortune immobilière de 4.5 % était excessif, alors que les banques offraient des taux compris entre 1.5 % à moins 2 %. Il ne s’expliquait pas les montants perçus en trop de CHF 4'127.- (pour la période du 1er décembre 2015 au 31 juillet 2017) et de CHF 2'276.- (pour la période litigieuse).

8.        Le 12 septembre 2017, le SPC a conclu à l’irrecevabilité du recours en tant qu’il était dirigé contre la décision (initiale, et non sur opposition) portant sur la période du 1er décembre 2015 au 31 juillet 2017, et à son rejet en tant qu’il portait sur la période litigieuse du 1er août au 30 novembre 2015, pour les motifs indiqués dans la décision sur opposition.

9.        Dans des observations du 4 octobre 2017, l’assuré a persisté dans son recours. Il a produit un rapport d’expertise d’évaluation d’apport immobilier de sa propriété en Tunisie, de juillet 2017, du bureau Archimed, évaluant ledit bien immobilier à TND 100'000.- au cours foncier alors pratiqué pour la ville d’Hammam considérée. Le cours du dinar tunisien était de CHF 10.- pour 25.185 TND au 19 septembre 2017. Aussi la valeur dudit bien immobilier était inférieure à CHF 40'000.- (dès juillet 2017) ; la fortune immobilière retenue par le SPC était fausse.

10.    Le 24 octobre 2017, le SPC a indiqué que l’assuré se référait à la période postérieure à la période litigieuse. Il examinerait ses arguments « dans le cadre de la procédure d’opposition actuellement en cours au SPC ».

11.    L’assuré n’a pas donné suite à l’invitation que la CJCAS lui a faite le 27 octobre 2017 de faire part de ses éventuelles observations et joindre toutes pièces utiles.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

2.        Les décisions initiales du SPC doivent faire l’objet d’une opposition auprès dudit service, seules les décisions sur opposition étant susceptibles de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre de céans (art. 56 al. 1 LPGA ; art. 42 s. LPCC), comme la chambre de céans l’a indiqué notamment dans un ATAS/846/2017 statuant dans la cause A/3461/2017 opposant le recourant à l’intimé.

Le recours n’est donc recevable que dans la mesure où il est dirigé contre la décision sur opposition du 24 juillet 2017, concernant la période du 1er août au 30 novembre 2015. Il est irrecevable dans la mesure où il porte sur la période postérieure à cette dernière, visée par la décision initiale également du 24 juillet 2017, et, dans cette mesure, est transmis pour raison de compétence à l’intimé pour qu’il le traite comme une opposition (ainsi qu’il a annoncé vouloir le faire, si ce n’est qu’il l’aurait fait dans l’intervalle).

3.        Le recours satisfait aux exigences, peu élevées, de forme et de contenu prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Le recourant a qualité pour recourir, étant touché par la décision attaquée et ayant un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification (art. 59 LPGA ; art. 60 al. 1 let. a et b LPA).

4.        a. Le recourant conteste le montant du loyer retenu par l’intimé, qui, pour la période litigieuse, serait de CHF 4'840.- (et non de CHF 7'260.-).

b. Selon l’art. 3 al. 1 let. a LPC, les prestations complémentaires se composent de la prestation complémentaire annuelle (en plus, le cas échéant, du remboursement des frais de maladie et d’invalidité). L’utilisation du terme « annuelle » signifie notamment que le calcul de ces prestations repose sur un calcul annuel (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015, n. 2 ad art. 3, p. 20). Le montant des prestations complémentaires auquel aboutit le calcul n’en est pas moins mensualisé, par une division par douze du montant annuel, ce qui donne en l’espèce mensuellement CHF 1'102.- pour les PCF (CHF 13'214.- / 12) et CHF 656.- (CHF 7'866.- / 12) pour les PCC.

C’est donc à bon droit que l’intimé a effectué un calcul sur une base annuelle. Le grief selon lequel il aurait dû ne tenir compte que de quatre mois de loyer pour la période litigieuse est mal fondé, et il ne porte au demeurant pas à conséquence négativement pour le recourant.

c. En l’espèce, le montant du loyer déterminant que l’intimé a retenu (soit CHF 7'260.-) représente – pour des motifs ici non litigieux – le 50 % de CHF 14'520.-, constitué du loyer net (CHF 12'600.-) et des charges locatives (CHF 1'920.-) présentés par le recourant pour l’année 2015, ici déterminante.

5.        a. Le recourant a produit un rapport d’expertise de la valeur de son bien immobilier en Tunisie, estimant celle-ci à TND 100'000.-, montant qu’il faudrait prendre en compte (d’après ce qui semble se déduire de ses écritures).

b. Cette valeur est cependant explicitement présentée dans ce rapport comme étant celle de juillet 2017, alors que la période ici litigieuse est celle d’août à novembre 2015 et que, selon ce que le recourant a lui-même indiqué dans son opposition du 11 décembre 2015, ledit bien immobilier valait l’équivalent de TND 120'000.-. L’intimé n’avait aucune raison de ne pas tenir compte de ce montant-ci dans les bases du calcul du droit du recourant aux prestations complémentaires.

c. Le recourant conteste le cours de change retenu par l’intimé, en faisant référence à un taux de change au 19 septembre 2017. Or, c’est bien le taux de change lors de la période litigieuse qui doit être retenu, à savoir – ainsi que l’intimé l’a fait dans la décision attaquée – celui au 1er août 2015, qui était de CHF 1.- pour TND 0.4925204082. La sensible baisse du dinar tunisien depuis 2015 n’a pas à être prise en compte ici (cf. p. ex. http://www.rfi.fr/emission/20170908-baisse-dinar-tunisien-fait-tousser-economie).

C’est donc à bon droit que l’intimé a converti TND 120'000.- en CHF 59'102.45.

6.        a. Le recourant fait grief à l’intimé d’avoir retenu un taux de 4.5 % pour calculer le produit de sa fortune immobilière.

b. Selon l’art. 11 al. 1 let. b LPC, les revenus déterminants comprennent le produit de la fortune mobilière et immobilière. Cette notion englobe tous les revenus de la fortune mobilière et immobilière, y compris le produit transférable en Suisse d’une fortune qui se trouve à l’étranger (ch. 3431.01 des directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI [DPC], éditées par l’office fédéral des assurances sociales, version n° 9 valable en 2015).

Selon la jurisprudence (ATAS/955/2013 du 26 septembre 2013 consid. 19), pour déterminer le produit de la fortune immobilière, on tient compte de la valeur locative du logement occupé par le propriétaire ou l’usufruitier ainsi que le revenu provenant de la sous-location, selon les critères de la législation sur l’impôt cantonal direct du canton de domicile (art. 12 de l'ordonnance du 15 janvier 1971 sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI - OPC-AVS/AI ; RS 831.301). Selon le Tribunal fédéral, lorsqu’un assuré ne loue pas son bien immobilier sis dans un autre canton, il occupe le logement dont il est propriétaire même s’il le met à disposition de certains membres de sa famille à des périodes déterminées de l'année. Dans un tel cas, il n’est pas critiquable de se fonder sur l’art. 12 OPC-AVS/AI pour déterminer la valeur locative (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 57/05 du 29 août 2006). Lorsqu’un immeuble n’est pas situé dans le canton de Genève, l’administration fiscale peut faire recours à un taux forfaitaire de 4.5 % de la valeur du bien pour fixer la valeur locative, et ce dans la mesure où les conditions locales ne peuvent pas être déterminées aisément, contrairement aux immeubles situés dans le canton (ATAS/43/2010 ; ATAS/732/2009 ; ATAS/399/07 ; ATAS 1040/05). L’emploi de ce taux n'apparaît pas comme excessif en comparaison intercantonale (ATFA non publié P 57/05, op. cit.).

c. C’est donc à bon droit que l’intimé a retenu en l’espèce ce taux de 4.5 %.

7.        Les griefs soulevés par le recourant à l’encontre de la décision sur opposition attaquable sont donc mal fondés. Aussi son recours doit-il être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

8.        La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA ; art. 89H al. 1 LPA).

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours irrecevable en tant qu’il est dirigé contre la décision initiale du service des prestations complémentaires du 24 juillet 2017 concernant la période du 1er décembre 2015 au 31 juillet 2017, et le transmet audit service pour traitement à titre d’opposition.

2.        Le déclare recevable en tant qu’il est dirigé contre la décision sur opposition dudit service du 24 juillet 2017 concernant la période du 1er août au 30 novembre 2015.

Au fond :

3.        Le rejette dans la mesure où il est recevable.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

Le président

 

 

 

 

Raphaël MARTIN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le