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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2677/2018

ATA/990/2018 du 25.09.2018 ( PROC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2677/2018-PROC ATA/990/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 septembre 2018

 

dans la cause

 

A______
B______
représentées par Me Christian Reiser, avocat

contre

C______
représentée par Me Jean-Charles Lopez, avocat

et

D______

et

TRANSPORTS PUBLICS GENEVOIS
représentés par Me Bertrand Reich, avocat

et

COUR DE JUSTICE - CHAMBRE ADMINISTRATIVE

 



EN FAIT

1. Le 28 juin 2017, les Transports publics genevois (ci-après : les TPG) ont lancé un appel d’offres, en procédure ouverte et soumis aux traités internationaux, pour le marché de sous-traitance de plusieurs lignes TPG. Il était divisé en quatre lots, concernant des lignes de transport différentes.

2. Par décisions du 31 octobre 2017, les TPG ont adjugé les différents lots.

Le lot 4 était attribué à la A______ et B______ SA
(ci-après : le consortium).

3. Le 13 novembre 2017, C______ (ci-après : C______) a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée (cause A/4504/2017) ainsi que contre les décisions d’adjudication des lots 1 et 3 (causes A/4502/2017 et A/4503/2017).

4. Par courriers du 25 juin 2018, alors que l’instruction était close et que les causes avaient été gardées à juger, C______ a retiré les trois recours.

5. Dans le cadre de la procédure A/4504/2017, le consortium a conclu à ce qu’une pleine et entière indemnité de procédure de CHF 6'472.50, TVA comprise, lui soit allouée, à la charge d’C______.

Il a produit deux notes d’honoraires, respectivement de CHF 3'780.- pour l’activité déployée jusqu’au 31 décembre 2017 et CHF 2'692.50 pour l’activité effectuée entre le 1er janvier et le 30 juin 2018.

Les mêmes notes étaient produites dans les deux autres dossiers.

6. Par arrêt du 10 juillet 2018, la chambre administrative a rayé la cause A/4504/2017 du rôle.

En sus des écritures sur effet suspensif et celles au fond, des observations complémentaires avaient été formulées par le consortium à la suite de la production de pièces. Le litige s’inscrivait dans un contexte de trois recours identiques dans les problématiques et l’issue, mais portant sur l’exploitation de lignes différentes. En conséquence, une indemnité de procédure de CHF 1'000.- était allouée au consortium, à charge d’C______.

Des arrêts identiques étaient prononcés dans les deux autres causes.

7. Le 9 août 2018, le consortium a saisi la chambre administrative d’une réclamation sur émolument, concluant à l’octroi d’une indemnité de procédure de CHF 6'472.50 à charge d’C______.

L’arrêt querellé n’était pas motivé. Il ne faisait pas mention de la complexité de l’affaire, de l’importance de la cause, notamment du prix du marché, du temps utile que l’avocat avait consacré au dossier, ni du résultat obtenu. Le montant de l’indemnité de procédure était arbitraire.

Le consortium détaillait le nombre de pages de chacune de ses écritures (respectivement douze, dix-huit et treize), de celles des autres parties (quarante-trois pages au total pour les trois écritures de la recourante et quarante-cinq pages au total pour les trois écritures du pouvoir adjudicateur), y compris le nombre de pages des deux décisions de la chambre administrative (quatorze au total). Toutes les parties avaient au surplus produit des chargés de pièces.

8. Le 7 septembre 2018, C______ a conclu au rejet de la réclamation. La somme allouée au titre de l’indemnité de procédure était dans la fourchette prévue par la loi et conforme à la pratique de la chambre administrative dès lors que le présent litige s’inscrivait dans un contexte de trois dossiers similaires, mais concernant des lignes différentes. Le consortium avait en conséquence perçu CHF 3'000.- d’indemnité de procédure.

9. Les TPG s’en sont rapportés à justice. Ils relevaient que les indemnités de procédure allouées par la chambre de céans dans les procédures de marchés publics revenaient, par leur montant plutôt symbolique, à souvent laisser indirectement à la charge de la collectivité les frais générés par des entreprises disposant de moyens considérables, parfois largement supérieurs à ceux de la collectivité.

10. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. La juridiction administrative qui rend la décision statue sur les frais de procédure et émoluments (art. 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Elle peut, sur requête, allouer à la partie ayant eu entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al. 2 LPA).

Ces questions peuvent faire l’objet d’une réclamation dans le délai de trente jours dès la notification de la décision (art. 87 al. 4 LPA).

2. Adressée en temps utile à la chambre de céans, la présente réclamation est recevable.

3. a. La juridiction administrative statue sur les frais de procédure, indemnités et émoluments dans les limites établies par règlement du Conseil d'État et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; ATA/581/2009 du 10 novembre 2009 et les références citées).

L’art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), intitulé « indemnité », prévoit que la juridiction peut allouer à une partie, pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d’un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.-.

b. La juridiction saisie dispose d’un large pouvoir d’appréciation également quant à la quotité de l’indemnité allouée et, de jurisprudence constante, celle-ci ne constitue qu’une participation aux honoraires d’avocat (ATA/334/2018 du 10 avril 2018 ; ATA/1484/2017 du 14 novembre 2017), ce qui résulte aussi, implicitement, de l’art. 6 RFPA dès lors que ce dernier plafonne l’indemnité à CHF 10'000.-. Enfin, la garantie de la propriété (art. 26 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) n'impose nullement une pleine compensation du coût de la défense de la partie victorieuse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_152/2010 du 24 août 2010).

4. Dans un premier grief, le consortium se plaint d’un défaut de motivation de l’arrêt sur la question du montant de l’indemnité de procédure allouée.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les décisions des tribunaux en matière de frais et dépens n’ont pas à être motivées, l’autorité restant néanmoins liée par le principe général de l’interdiction de l’arbitraire (ATF 114 Ia 332 consid. 2b ; 111 Ia 1 ; 111 V 48 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_245/2011 du 7 juillet 2011 consid. 2.2 ; 5D_2010 du 28 février 2011 consid. 4).

En l’espèce, l’arrêt de la chambre administrative du 10 juillet 2018 relevait que le consortium avait dû produire trois écritures, respectivement sur effet suspensif, au fond, puis des observations après la décision de la chambre de céans de refuser l’accès aux offres par la recourante.

Elle relevait surtout que la procédure s’inscrivait dans un contexte de trois recours identiques dans les problématiques et l’issue, mais portant sur l’exploitation de lignes différentes.

La décision contenait une motivation suffisante au vu des exigences jurisprudentielles.

Le grief est infondé.

5. Le consortium conteste le montant de l’indemnité.

a. La fixation des dépens implique une appréciation consciencieuse des critères qui découlent de l'esprit et du but de la réglementation légale (ATF 107 Ia 202 consid. 3 ; arrêts 1C_435/2015 du 17 septembre 2015 consid. 3; 1P.63/2005 du 22 mars 2005 consid. 3). La fixation des dépens s'effectue en fonction des circonstances particulières de chaque cas d'espèce, tenant compte notamment de la nature et de l'importance de la cause, du temps utile que l'avocat lui a consacré, de la qualité de son travail, du nombre d'audiences auxquelles il a pris part, des opérations effectuées et du résultat obtenu (ATF 122 I 1 consid. 3a.; arrêt 2D_35/2016 du 21 avril 2017 consid. 6.2 ; 2C_825/2016 du 6 février 2017 consid. 3.1).

b. En l’espèce, la cause A/4504/2017 s’inscrivait dans un contexte de trois procédures identiques, à savoir trois décisions d’adjudication du même jour, ce que le consortium ne remet pas en question. Sur effet suspensif déjà, cet argument se révélait pertinent, ce que la décision de la chambre de céans relevait. La procédure a abouti à un retrait du recours.

Certes, le marché portait sur un montant important, soit supérieur à
vingt millions de francs. Bien que la problématique relève des marchés publics, elle n’était pas d’une grande difficulté, dès lors qu’il était reproché à la recourante de ne pas être en mesure d’assumer les conséquences de l’admission, ne serait-ce que d’un seul des trois recours, ne disposant pas des véhicules nécessaires à l’exploitation des lignes. Sur effet suspensif déjà, cet argument se révélait pertinent.

Concernant le temps utile, la longueur des écritures peut certes donner une indication. Elles s’inscrivent toutefois dans un ordre de grandeur habituel. Les notes d’honoraires produites ne mentionnent que les démarches effectuées. Le conseil n’indique ni le temps consacré, même globalement à l’affaire, ni de tarif horaire. Aucune audience n’a été nécessaire. Il y a aussi lieu de tenir compte du fait que les intérêts de l’adjudicataire sont communs avec ceux de l’autorité adjudicatrice.

Le consortium produit, dans les trois dossiers, des notes d’honoraires strictement identiques, alors même que l’activité n’a pas pu être similaire. Une fois la problématique du premier lot appréhendée, le travail pour les deux autres causes était insignifiant, relevant plus du toilettage des écritures pour éviter des confusions sur les lots que d’un travail juridique, indépendamment de la valeur du marché. Le consortium ne soutient pas le contraire. Une indemnité identique dans les trois dossiers est infondée. Le consortium ne démontre d’ailleurs pas les raisons pour lesquelles des montants identiques seraient justifiés dans les trois causes.

L’indemnité doit en conséquence être appréhendée dans sa globalité.

Les adjudicataires réclament trois fois CHF 6'472.50, soit CHF 19'417.50. Ce montant est le double de ce qu’autorise le RFPA, lequel limite l’indemnité à CHF 10'000.-.

C’est en conséquence en réalité CHF 3'000.- qui ont été attribués aux adjudicataires au titre d’indemnité de procédure, soit un peu moins du tiers du maximum autorisé par le règlement, ce qui, compte tenu notamment de l’absence de complexité du dossier, apparaît conforme à la législation applicable. Le montant du marché n’ayant toutefois pas été suffisamment pris en compte, l’indemnité sera augmentée de CHF 500.-, la portant en conséquence à CHF 1'500.- dans chacune des trois causes, ce qui portera le montant global de l’indemnisation à CHF 4'500.- au lieu des CHF 3'000.- initiaux, soit presque la moitié du montant maximum autorisé par le RFPA. Une augmentation moindre, mais dans chacune des procédures se justifie dès lors que les sociétés adjudicataires, bien que défendues de la même manière par le même conseil, ne sont pas identiques.

6. Conformément à la pratique constante de la juridiction de céans (ATA/1196/2017 du 22 août 2017 et les références citées), aucun émolument ne sera perçu dans la présente cause. De même, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable la réclamation formée le 9 août 2018 par A______ et B______ contre l’arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice du 10 juillet 2018 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à B______ et A______ à la charge d’C______;

dit qu’il n’est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure dans la présente cause ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- sinon, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Reiser, avocat des recourantes, à
Me Jean-Charles Lopez, avocat d’C______ , à Me Bertrand Reich, avocat des Transports publics genevois ainsi qu’à D______.

Siégeant : Mme Junod, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf, M. Pagan,
Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :