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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2934/2014

ATA/984/2014 du 09.12.2014 sur JTAPI/1073/2014 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 31.12.2014, rendu le 13.05.2015, IRRECEVABLE, 2C_56/2015
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2934/2014-PE ATA/984/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 décembre 2014

2ème section

 

dans la cause

 

M. A______

représenté par Me Aude Baer, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 octobre 2014 (JTAPI/1073/2014)



EN FAIT

1) M. A______, né le ______ 1979, est ressortissant du Sénégal.

2) Il a obtenu de l’office cantonal de la population, devenu l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), une autorisation de séjour pour effectuer des études à Genève dès le 2 octobre 2005.

3) Par décision du 7 août 2014, l’OCPM lui a refusé le renouvellement dudit permis de séjour.

4) Cette décision mentionnait qu’elle pouvait faire l’objet d’un recours au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) dans un délai de trente jours dès sa notification. Le délai était respecté si le recours était remis au TAPI ou à son adresse, à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse au plus tard le dernier jour du délai.

5) Selon les données du système de suivi des envois postaux « Tack & Trace » de La Poste Suisse (ci-après : Tack & Trace), le pli recommandé, notifié à l’intéressé à son adresse genevoise _______, avenue B_______ à Thônex, lui a été distribué le 8 août 2014.

6) Le 12 septembre 2014, l’intéressé a rédigé un recours à l’adresse du TAPI, concluant à l’annulation de la décision de l’OCPM du 7 août 2014.

Selon Tack & Trace, ce pli a été posté à Dakar le 15 septembre 2014, reçu par La Poste Suisse le 24 septembre 2014 et remis au TAPI le 25 septembre 2014.

7) Le 30 septembre 2014, un avocat mandaté par l’intéressé a écrit au TAPI. Vu la date de l’arrivée du recours, le délai de recours de trente jours n’avait pas été respecté. Il avait cependant recouru seul contre la décision de l’OCPM sans l’aide d’un avocat et n’était pas au courant des spécificités de la notification du recours et du respect des délais légaux. À réception de la décision de l’OCPM, il s’était rendu à la Conférence Universitaire des Associations d’ÉtudiantEs (ci-après : CUAE), qui lui avait indiqué qu’il avait jusqu’au 15 septembre 2014 pour faire recours mais n’avait pas donné de précisions concernant les règles de computation des délais.

L’OCPM avait en toute connaissance de cause notifié la décision du 7 août 2014 à l’intéressé alors qu’il savait qu’il ne se trouvait pas à Genève puisqu’il avait été mis au bénéfice d’un visa pour repartir au Sénégal pendant une période s’étendant du 4 juillet au 30 septembre 2014. L’OCPM avait sciemment envoyé la décision de refus pendant cette période, l’empêchant de faire appel à un avocat genevois pour protéger correctement ses droits. L’avocat demandait l’octroi d’une prolongation du délai légal de recours au 24 septembre 2014.

Au recours étaient annexées les pièces suivantes :

-                un courriel du 13 août 2014 d’un collègue de l’intéressé lui transmettant la décision de l’OCPM en l’informant qu’il avait trente jours pour répondre ;

-                deux courriels adressés le 25 août 2014 par l’intéressé à la CUAE pour lui demander son aide. Si dans l’un d’entre eux l’intéressé mentionnait qu’il était dans le nord du Sénégal, il n’indiquait pas à quelle date il entendait rentrer en Suisse ;

-                une réponse de la CUAE du 26 août 2014 l’informant que le délai de recours échéait le 15 septembre 2014.

8) Par jugement du 7 octobre 2014, le TAPI a déclaré le recours irrecevable pour cause de tardiveté. Les délais légaux ne pouvaient être prolongés. La décision contestée mentionnait expressément les modalités de dépôt d’un recours depuis l’étranger. L’intéressé ne pouvait pas avoir été empêché d’agir en temps utile en raison d’un cas de force majeure, les vacances au Sénégal ne constituant pas un tel cas.

9) Par acte déposé le 6 novembre 2014, M. A______ a interjeté recours contre le jugement du TAPI du 7 octobre 2014, reçu le 9 octobre 2014. Il conclut à son annulation et au renvoi de la cause au TAPI pour nouvelle décision.

Il entendait fermement poursuivre ses études en réalisant une thèse de doctorat comparant les systèmes d’enseignement du français entre le Sénégal et la Suisse. C’était la raison pour laquelle il s’était rendu en été 2014 au Sénégal pour effectuer des recherches. L’OCPM était au courant de son absence puisqu’il lui avait accordé un visa du 4 juillet au 30 septembre 2014 l’autorisant à se déplacer au Sénégal pendant cette période. Il s’était rendu au Sénégal le 3 août 2014 et était rentré à Genève le 22 septembre 2014. C’était un ami qui avait réceptionné la décision de l’OCPM et qui l’avait avisé de celle-ci le 13 août 2014. Il avait demandé conseil auprès de la CUAE. Une de ses membres l’avait informé qu’il avait un délai au 15 septembre 2014 pour recourir. C’était en suivant ce conseil qu’il avait posté le recours le 15 septembre 2014 à la poste de Dakar, pensant avoir respecté le délai.

Le TAPI avait à tort jugé son recours irrecevable car il devait lui être reconnu qu’il se trouvait dans un cas de force majeure autorisant la restitution du délai légal. Le non-respect du délai de recours provenait d’une erreur qui ne lui était pas imputable. Il avait pris des dispositions auprès de l’Université de Genève pour obtenir de l’aide. En outre, les modalités de recours figuraient certes dans la décision du 7 août 2014, mais en petit caractères au bas de celle-ci. Il était choquant de lui reprocher de ne pas les avoir lues correctement, dès lors qu’étant en petits caractères, il était normal de penser qu’elles n’étaient que de peu d’importance et par forcément utiles. En outre, à réception d’une décision de refus, il se trouvait en état de choc. L’OCPM lui avait notifié une décision alors qu’il savait qu’il se trouvait à l’étranger. Son droit d’être entendu avait été violé par le TAPI, lequel n’avait pas examiné la question de la mauvaise foi de l’OCPM dans sa décision.

10) Le 11 novembre 2014, le TAPI a transmis au juge délégué le dossier de première instance, sans formuler d’observations. Le recours a été transmis à l’OCPM sans qu’il soit invité à se déterminer.

11) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

 

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Aux termes de l’art. 62 LPA, le délai de recours devant le TAPI est de trente jours, s’il s’agit d’une décision finale ou d’une décision en matière de compétence (art. 62 al. 1 let. a LPA) ; le délai court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 62 al. 3 LPA).

b. Lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou sur un jour légalement férié, le délai expire le premier jour utile (art. 17 al. 3 LPA).

c. Les écrits doivent parvenir à l’autorité ou être remis à son adresse à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse au plus tard le dernier jour du délai avant minuit (art. 17 al. 4 LPA). Les délais sont réputés observés lorsqu’une partie s’adresse par erreur en temps utile à une autorité incompétente (art. 17 al. 5 LPA).

Selon l’art. 63 al.1 LPA, sauf certaines exceptions qui ne concernent pas le présent cas, les délais, en jours ou en mois, fixés par la loi ou par l’autorité ne courent pas pendant certaines périodes, parmi lesquelles celle allant du 15 juillet au 15 août. Si une décision est notifiée durant la période de suspension, le délai de recours ne commence à courir que le premier jour suivant la fin de celle-ci. Pour les décisions notifiées avant le début de la période de suspension, le délai est suspendu pendant celle-ci et recommence à courir à son issue.

3) Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1, 1ère phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (ATA/212/2014 du 1er avril 2014 et la jurisprudence citée). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/677/2013 du 8 octobre 2013 consid. 3a ; ATA/712/2010 du 19 octobre 2010 et les références citées).

Les cas de force majeure sont réservés, conformément à l’art. 16 al. 1, 2ème phr. LPA. Tombent sous cette notion, les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (ATA/212/2014 précité et les références citées).

Les conditions pour admettre un empêchement de procéder à temps sont très strictes. La restitution du délai suppose que l’intéressé n’a pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (ATF 119 II 86 ; 112 V 255 ; ATA/251/2014 du 13 mai 2014 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 444 n. 1348). Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. L’empêchement doit être de nature telle que le respect des délais aurait impliqué la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/397/2013 du 25 juin 2013 consid. 9 ; ATA/744/2012 du 30 octobre 2012 ; ATA/38/2011 du 25 janvier 2011).

En l’occurrence, le délai de recours contre la décision de l’OCPM du 7 août 2014 a commencé à courir le 16 août 2014 pour se terminer le lundi 15 septembre 2014. Si le recourant a posté son courrier à l’attention du TAPI le 15 septembre 2014, il l’a fait depuis une poste du Sénégal, si bien que La Poste Suisse ne l’a reçu que bien après l’échéance du délai de recours. Sous l’angle de l’art. 17 al. 4 LPA, le recours était donc tardif.

Le recourant ne peut faire valoir de circonstances équivalentes à un cas de force majeure autorisant une restitution de délai. En effet, les vacances ou une occupation professionnelle ou estudiantine ne constituent pas des situations extraordinaires échappant à la volonté de l’administré. S’il est exact que le recourant a pris des renseignements auprès d’un organisme universitaire et estudiantin et que les renseignements transmis par ce dernier ont été imprécis, cela lui est en partie imputable dans la mesure où il n’a pas précisé qu’il resterait au Sénégal jusqu’au-delà du dernier jour du délai de recours. Or, il ressortait des informations communiquées par l’OCPM au sujet des possibilités de recours que si celui-ci était envoyé de l’étranger il était soumis à un système de computation des délais particulier prenant en compte, pour admettre que le délai de recours était respecté, soit la date de dépôt de celui-ci dans une représentation diplomatique ou consulaire suisse ou, en cas d’envoi postal, la réception du recours par La Poste Suisse.

C’est à juste titre que le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

Le recours sera rejeté.

4) Le recourant ayant été mis au bénéfice de l’assistance juridique, la chambre administrative renoncera au prélèvement d’un émolument (art. 13 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 novembre 2014 par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 octobre 2014 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Aude Baer, avocate du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’à l’office fédéral des migrations.

Siégeants : Mme Junod, présidente, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.