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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1945/2014

ATA/971/2014 du 09.12.2014 ( MARPU ) , REJETE

Parties : TRANSVOIRIE SA / PRADERVAND TRANSPORT SÀRL, COMMUNE DE CORSIER, COMMUNE D'HERMANCE, COMMUNE D'ANIERES ET AUTRES
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1945/2014-MARPU ATA/971/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 décembre 2014

 

dans la cause

 

TRANSVOIRIE SA
représentée par Me Michel Bussard, avocat

contre

COMMUNES DE CORSIER, HERMANCE et ANIÈRES

représentées par Me Bertrand R. Reich, avocat

 

et

 

PRADERVAND TRANSPORTS SÀRL, appelée en cause



EN FAIT

1) En date du 15 avril 2014, les communes de Corsier, Hermance et Anières, représentées par MMD Consulting, Myriam MATTHEY-DORET, ont publié un appel d’offres, en procédure ouverte, soumis aux accords internationaux, avec délai de dépôt au 28 mai 2014 à 12h00, pour la collecte et le transport des déchets desdites communes, lots n° 1 (levée en porte-à-porte) et/ou n° 2 (levée dans les points de récupération).

À la 1ère page du dossier d’appel d’offres (ci-après : document K2) devait être complétée une case pour le lot n° 1 et une autre pour le n° 2, par l’indication dans les deux cases du montant total, TVA incluse, de l’offre.

Était également annexé un modèle de contrat entre les trois communes et le futur prestataire, à compléter. Dans le point « conditions financières » (3.1), les prix devaient être indiqués à la tonne pour les différents postes mentionnés, sans qu’il soit fait une distinction entre les communes.

Faisaient partie du comité d’évaluation des offres un adjoint au maire par commune, les responsables du service technique de la commune de Corsier, respectivement Anières, ainsi que Mme MATTHEY-DORET, experte et conseillère juridique, des suppléants étant en outre mentionnés.

Les critères d’adjudication étaient les suivants :

1.      « organisation du marché et qualité de l’offre » (pondéré à 30 %), les éléments d’appréciation étant : « organisation de l’exécution du marché » ; « qualité et intérêts des solutions proposées » ; « qualité du dossier d’offre (forme, lisibilité, caractère professionnel du rendu) » ;

2.      « montant de l’offre, analyse du prix en rapport avec le cahier des charges » (pondéré à 25 %) ;

3.      « organisation du soumissionnaire » (pondéré à 20 %), les éléments d’appréciation étant : « organisation du soumissionnaire » ; « qualification et références des personnes clés » ; « affectation du personnel » ;

4.      « contribution de l’entreprise à la composante environnementale et sociale du développement durable » (pondéré à 15 %), les éléments d’appréciation étant : « mesures et pratique de l’entreprise (…) » ; « certification et système de management (p. ex. ISO 14001, OHSAS 18001, ISO 26000 et autres pratiques RSE, etc.) » ; « formation et intégration (…) » ; « itinéraires parcourus par les véhicules » ;

5.      « qualification, qualité des références et expérience acquise pour un marché du même type » (pondéré à 10 %), les éléments d’appréciation étant : « expériences acquises dans le domaine » ; « référence du soumissionnaire pour des marchés de même type » ; « connaissance du territoire communal ».

2) Le 25 mai 2014, Transvoirie SA, sise à Satigny, qui œuvrait à cette date dans la collecte de déchets pour les trois communes, a déposé une offre pour les lots n° 1 et n° 2 pour les montants totaux de respectivement CHF 502'518.75 et CHF 79'482.-.

3) A également déposé une offre Pradervand Transports Sàrl, sise à Vandoeuvres, pour les lots n° 1 et n° 2, pour les prix totaux de respectivement CHF 390'305.10 et CHF 88'298.95.

Une autre société a déposé une offre pour le seul lot n° 2.

4) Le 13 juin 2014, le comité d’évaluation a auditionné les représentants de Transvoirie SA, respectivement de Pradervand Transports Sàrl, ceux-ci répondant aux questions posées par le comité.

5) Les offres déposées ont été examinées les 6 et 13 juin 2014 par les membres susmentionnés du comité - ou groupe - d’évaluation, qui ont signé le 13 juin 2014 des tableaux avec leurs appréciations pour chaque critère et chaque candidat, ainsi qu’un procès-verbal d’évaluation.

À la fin de chacun desdits tableaux figurait le « résultat de l’analyse et de l’évaluation », avec les « points forts/positifs » et les « points faibles/négatifs », « la note [étant] justifiée par l’entier des éléments énoncés ci-dessus pour chaque sous-critère et dans les points forts ».

a. S’agissant du critère « organisation du marché et qualité de l’offre » (n° 1), le comité d’évaluation n’a relevé, sous les éléments d’appréciation, que des points positifs ou simplement factuels concernant l’offre de Pradervand Transports Sàrl, par exemple : « Proposition d’harmonisation des jours des collectes pour les trois communes » ; le résultat de son analyse ne contient que des « points forts/positifs » , dont la teneur est la suivante : « L’organisation du marché est précise et claire avec une présentation facile à appréhender et bien documentée, avec plusieurs solutions proposées allant au-delà des attentes de la commune. La qualité du dossier est excellente et particulièrement clair (sic) sans redondance. Le soumissionnaire fait montre d’une très grande souplesse et d’une disponibilité particulièrement relevée. Les réponses fournies aux questions se sont avérées particulièrement claires, ciblées et personnalisées ». La note pour le lot n° 1 était 4,2 (126 points), étant précisé que les notes pouvaient aller de 0 à 5 et que 1 signifiait « insuffisant », 2 « partiellement suffisant », 3 « suffisant », 4 « bon et avantageux », 5 « très intéressant » (document K2, point 4.9).

Pour ce même critère n° 1, les remarques du comité d’évaluation relatives à l’offre de Transvoirie SA étaient soit neutres et factuelles (p. ex. « Système de sonde de remplissage géré par Transvoirie »), soit positives (p. ex. « Désodorisant performant pour conteneurs de surface et enterrés »), soit négatives (p. ex.
« L’organisation sur le site de la Compostière n’a pas semblé convaincante après audition »), soit positives et négatives à la fois (p. ex. « Entreprise ouverte 6j s/ 7 et service de piquet le dimanche, mais la pratique monte (sic) que l’efficacité attendu (sic) n’est pas remplie avec plus expérience des communes (sic). L’information n’est pas transmise en cas de non intervention », ou « Il est prévu dans le véhicule du matériel pour laisser les lieux aussi propres que possible, ce qui laisse à penser que la prestation peut ne pas être adéquate »). Le résultat de l’analyse ne contenait pas de « points forts/positifs », mais seulement des « points faibles/négatifs » au contenu suivant : « L’organisation avec des prix différenciés à la tonne pour chaque commune va complètement à l’encontre de l’objectif poursuivi par les communes en ouvrant un marché public conjoint. Les explications données lors de l’audition n’ont absolument pas modifié cette position. Erreur de calcul dans la TVA du lot 2. Même si le comité d’évaluation constate le travail effectué pour rendre un dossier fouillé, il déplore les nombreuses redondances et le manque de concision qui en rend la compréhension et la lecture difficiles. Plusieurs solutions proposées sont peu convaincantes et ne répondent pas aux attentes des communes ». La note pour le lot n° 1 était 2,70
(81 points).

b. Pour ce qui est du critère « montant de l’offre, analyse du prix en rapport avec le cahier des charges » (n° 2), concernant Pradervand Transports Sàrl, le comité d’évaluation n’a rempli que le sous-critère « crédibilité des prix énoncés », dont le texte a la teneur suivante : « Les prix sont crédibles avec des tarifs identiques pour toutes les communes ce qui est adéquat dans le cadre de la collaboration intercommunale défendue par les communes de Coheran (NDR : « Coheran » signifie Corsier, Hermance et Anières). Il a été démontré la crédibilité des prix lors de l’audition avec une explication très claire du mode de calcul parfaitement convaincant ». La note pour le lot n° 1 était 5 (125 points).

Pour Transvoirie SA, le comité d’évaluation n’a rempli que le sous-critère
« tous les éléments ont-ils été correctement chiffrés » avec la phrase « Non erreur de calcul sur la TVA dans le lot 2 », ainsi que le sous-critère « crédibilité des prix énoncés », indiquant : « Les prix sont crédibles mais différenciés par commune. Le mode de calcul est difficile à appréhender et peu convaincant dans une prestation intercommunale ». La note pour le lot n° 1 était 3,02 (75,41 points).

c. S’agissant du critère « organisation du soumissionnaire » (n° 3), le comité d’évaluation a noté, pour Pradervand Transports Sàrl, sous le sous-critère
« organisation du soumissionnaire » : « Organisation familiale proche de ses clients avec une flexibilité de travail entre les chauffeurs et les manutentionnaires. Grande souplesse et disponibilité. Large temps d’ouverture du secrétariat et chauffeurs et (sic) atteignables en tout temps. Même le patron est atteignable 24h. sur 24 7 jours sur 7. Excellente description de la répartition du travail entre les personnes en charge du marché. Organigramme clair et précis. PHS très précis simple et facile à appréhender par le personnel et par les communes » ; sous le sous-critère « qualification et références des personnes clés » : « Très bonnes qualifications des personnes clés avec justificatifs, certificats et CV. Réponses parfaitement adéquates lors de l’audition, avec une connaissance parfaite du dossier » ; sous le sous-critère « affectation du personnel » : « Personnel dédié au marché selon le type de déchets et de véhicules, avec toujours 2 ripeurs non remis en cause » ; seuls des « points forts/positifs » étaient retenus : « Grandes souplesse et disponibilité dans l’organisation du soumissionnaire avec une répartition des tâches bien décrite et un organigramme très précis et clair. Présentation détaillée des personnes clés ». La note pour le lot n° 1 était 4 (80 points).

Pour Transvoirie SA, le comité d’évaluation a retenu, sous le sous-critère
« organisation du soumissionnaire » : « Organigramme très clair avec description des tâches du personnel et leurs coordonnées (tél. portable). Le soumissionnaire dispose d’une infrastructure importante permettant d’assurer le marché, mais crainte des communes vu la dimension de l’entreprise compensée avec la création d’un Monsieur Coheran. Organigramme complexe et difficile à appréhender entre Helvetia Environnement et Transvoirie (NDR : dans son recours, Tansvoirie SA a précisé être la filiale de Helvetia Environnement Holding SA). PQHS détaillé mais difficile à appréhender » ; sous le sous-critère « qualification et références des personnes clés » : « Très bonnes qualifications et références des personnes clés. Lors de l’audition la présence de 4 personnes semblait exagérée. Les réponses données n’étaient ciblées sur les questions (sic) et l’attitude par rapport aux questions posées n’a pas semblé adéquate. Cela laisse à penser qu’au niveau de la disponibilité et de la réactivité de l’entreprise le soumissionnaire pourrait ne répondre pas (sic) aux attentes des communes » ; sous le sous-critère « affectation du personnel » : « Personnel dédié œuvrant sur ce marché depuis de nombreuses années ayant une bonne expérience. Même équipe dédiée pour les 3 communes de Coheran et équipage de secours dédié. Bonne solution avec désignation de
M. Coheran » ; comme « points forts/positifs » étaient indiqués « Désignation d’un M. Coheran et équipe de secours aussi dédiée », et comme « points faibles/négatifs », « Organisation complexe et difficile à appréhender ». La note pour le lot n° 1 était 3,20 (64 points).

d. Concernant le critère « contribution de l’entreprise à la composante environnementale et sociale du développement durable » (n° 4), il était entre autres relevé dans le cadre du sous-critère « itinéraires parcourus par les
véhicules » de Pradervand Transports Sàrl : « La parfaite connaissance du périmètre et la proximité du dépôt permettent d’appréhender de la meilleure des manières les aléas des itinéraires (travaux, trafic etc.) et de garantir une réactivité optimale. Les trajets proposés sont optimisés et réduisent grandement les nuisances par la limitation des kilomètres parcourus, y compris entre le dépôt et les lieux de levées. Réduction de CO2 de plus de 20 tonnes par an grâce à la proximité. Prise en compte de la charge de trafic du réseau routier » ; seuls des
« points forts/positifs » étaient retenus pour ce soumissionnaire : « Pour une entreprise de la taille du soumissionnaire le nombre de mesures environnementales et sociales est excellent. Les itinéraires sont parfaitement optimisés ». La note pour le lot n° 1 était 3,50 (52,50 points).

Les « points forts/positifs » de Transvoirie SA étaient : « Grand nombre de mesures prises par le soumissionnaire en matière environnementale et sociale, qui sont bonnes au regard de la taille de l’entreprise, à l’exception de la formation d’apprentis (voir ci-dessous). Excellente certification » ; et les « points faibles/négatifs » : « Formation d’apprentis beaucoup trop faible pour une entreprise de cette taille ». La note pour le lot n° 1 était 4,30 (64,50 points).

e. Pour ce qui est du critère « qualification, qualité des références et expérience acquise pour un marché du même type » (n° 5), il était notamment relevé pour Pradervand Transports Sàrl, sous le sous-critère « Expériences acquises dans le domaine » : « Bonne planification des moyens avec documents précis » ; les « points forts/positifs » de cette société étaient les suivants : « Les références sont attestées avec des lettres de recommandation. Lors de l’audition la parfaite connaissance du territoire a été mise en avant, dans les réponses aux questions posées. L’expérience pour le PàP (NDR : porte-à-porte) et la disponibilité ont été mises en évidence lors des réponses aux questions posées » ; les « points faibles/négatifs » : « Moins d’expérience que les autres soumissionnaires dans les levées de point de récupération et dans l’utilisation et la pose de capteurs pour laquelle le soumissionnaire fait appel à des tiers ». La note pour le lot n° 1 était 4,70 (47 points).

Pour Transvoirie SA, étaient relevés, sous le sous-critère « Expérience acquise dans le domaine » : « Grande expérience dans le domaine de la levée porte-à-porte et points de récupération pour les collectivités publics (sic), avec bonne expérience sur les capteurs. Présence dans 24 communes genevoises. Bonne planification des moyens avec document précis » ; sous le sous-critère
« référence du soumissionnaire pour des marchés du même type », notamment :
« Plusieurs références pour des marchés de même types (sic) pour collecte PàP et points de récupération dont plusieurs marchés récemment obtenus suite à des AIMP » et « Références aussi pour l’installation de capteurs » ; les « points forts/positifs » étaient : « Grande expérience dans les marchés des deux lots » ; les « points faibles/négatifs » : « Selon les informations en possession du comité d’évaluation la qualité des prestations n’est pas toujours à la hauteur des attentes des communes. Malgré la connaissance des territoires communaux il n’a pas été mis en avant des problèmes rencontrés dans les levées alors que parfois le soumissionnaire n’intervient pas sans en avoir fait part aux communes pour lesquels (sic) le soumissionnaire œuvre ». La note pour le lot n° 1 était 3,80
(38 points).

Dans le tableau multicritères annexé au procès-verbal d’évaluation, le comité d’évaluation a, pour le lot n° 1 et comme résultats de l’addition des points susmentionnés, attribué à Pradervand Transports Sàrl un total de points de 430,50 et à Transvoirie SA 322,91.

6) Par décision du 20 juin 2014 signée par Mme MATTHEY-DORET et reçue le 23 juin suivant par Transvoirie SA, les exécutifs des trois communes ont informé celle-ci de ce que, « sur la base de l’évaluation conduite par un comité désigné pour ce faire », ils avaient adjugé le lot n° 1 à Pradervand Transports Sàrl, pour le montant de CHF 390'305,10 TTC. Transvoirie SA avait été classée au second rang sur deux offres évaluées.

7) À sa demande, Transvoirie SA a été reçue le 30 juin 2014 par le comité d’évaluation, afin d’obtenir des explications concernant cette décision.

8) Par acte déposé le 3 juillet 2014 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), Transvoirie SA a formé recours contre ladite décision, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif, au fond, préalablement à la production par les trois communes de l’ensemble du dossier d’adjudication, principalement à l’annulation de la décision d’adjudication querellée portant sur le lot n° 1, au constat que ce marché devait être attribué à elle-même et au renvoi de la cause à cette fin aux trois communes pour nouvelle décision d’adjudication, subsidiairement au constat du caractère illicite de l’adjudication du marché litigieux selon la décision du 20 juin 2014 et à l’octroi d’un délai adéquat pour quantifier et motiver sa prétention en réparation de son dommage.

9) Par lettre du 3 juillet 2014, le juge délégué de la chambre administrative a interdit aux trois communes de conclure le contrat d’exécution de l’offre jusqu’à droit jugé sur la requête de restitution de l’effet suspensif, ordonné l’appel en cause de Pradervand Transports Sàrl et imparti des délais à cette dernière et aux trois communes pour se déterminer sur l’effet suspensif, et sur le fond.

10) Par écritures du 10 juillet 2014, respectivement du 14 juillet 2014, Pradervand Transports Sàrl et les trois communes ont conclu au rejet de la requête de restitution de l’effet suspensif.

11) Par décision du 22 juillet 2014, la présidence de la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif au recours, et réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

12) Dans leurs déterminations au fond du 24 juillet 2014, respectivement du
25 juillet 2014, Pradervand Transports Sàrl et les trois communes ont conclu au rejet du recours, ces dernières précisant en outre qu’il n’y avait pas lieu de donner suite aux conclusions préalables de la recourante et qu’une indemnité de procédure devait lui être allouée.

13) Par lettre du 29 juillet 2014, les trois communes ont informé la chambre administrative de ce qu’elles s’étaient liées contractuellement le 28 juillet 2014 avec Pradervand Transports Sàrl.

14) Dans ses observations du 13 août 2014, Transvoirie SA a persisté dans les conclusions prises dans son recours et complété son argumentation.

15) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

16) Les arguments des parties ainsi que certains faits allégués à leur appui seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1) a. Le recours, interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, est recevable sous ces angles (art. 15 al. 1bis let. d et al. 2 de l'Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi du 12 juin 1997 autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

b. Au regard notamment des art. 18 al. 2 AIMP et 3 al. 3 L-AIMP, la recourante, en tant que soumissionnaire évincée, et bien que le contrat ait été déjà conclu, conserve un intérêt actuel à recourir contre la décision d’adjudication au sens de l’art. 60 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), son recours étant à même d’ouvrir ses droits à une indemnisation (ATF 125 II 86 consid. 5b ; ATA/360/2014 du 20 mai 2014
consid. 3).

Contrairement à ce que semblent soutenir les intimées, la recourante ne conclut pas seulement contre l’adjudication à l’appelée en cause, mais aussi à l’attribution du marché en cause à elle-même.

Elle dispose donc de la qualité pour recourir.

c. Dès lors que toutes les conditions énumérées ci-dessus sont remplies, le recours est recevable.

2) a. La recourante soutient tout d’abord que, dans la configuration actuelle, la décision adjugeant le marché à l’appelée en cause, pour l’ensemble des intimées et sur la base d’un tarif à la tonne moyen identique pour les trois, viole les principes décrits dans la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 (LAC -
B 6 05), en particulier aux art. 51 ss, notamment dans la mesure où la mise en commun d’efforts dans le but d’assurer des tâches publiques ne pourrait passer que par l’adoption de statuts par les autorités communales compétentes. Selon elle, il appartenait aux trois communes de procéder chacune selon leur propre procédure ouverte et d’aboutir chacune à une décision d’adjudication indépendante, retenant l’offre économiquement la plus avantageuse indépendamment pour chacune d’entre elles.

b. En vertu de l’art. 15 al. 1 et 1bis let. a AIMP et 55 let. a RMP, l’appel d’offres est réputé décision sujette à recours.

Conformément à la jurisprudence, les griefs à l’encontre de l’appel d’offres ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d’un recours dirigé contre la décision d’adjudication (arrêt du Tribunal fédéral 2P.47/2004 du 6 avril 2004 ; ATA/20/2014 du 14 janvier 2014 consid. 13 ; ATA/399/2012 du 26 juin 2012 consid. 3 ; ATA/677/2005 du 12 octobre 2005). Le Tribunal fédéral a en outre déjà jugé qu’il était admissible d’exiger des candidats qu’ils contestent immédiatement les documents d’appels d’offres prétendument incomplets ou entachés d’autres vices de forme lors de la procédure d’appel d’offres déjà et non dans le cadre d’un recours dirigé contre la décision d’adjudication (ATF 130 I 241 consid 4.2 ; 129 I 313 consid. 6.2 ; 125 I 203).

c. Ce grief, ressortant des circonstances déjà connues par la recourante à la lecture de l’appel d’offres, aurait donc dû faire l’objet d’un recours contre l’appel d’offres lui-même, sous peine de forclusion.

Au demeurant, ce n’est pas un groupement intercommunal de communes ayant des statuts et le caractère de corporation de droit public au sens des art. 51 à 53 LAC qui a procédé à l’appel d’offres, examiné les offres et pris la décision d’adjudication litigieuse, mais les trois communes représentées chacune dans le cadre du comité d’évaluation et en accord entre elles. À cet égard, la charte de collaboration intercommunale signée par les trois communes entre le 7 novembre 2006 et le 30 janvier 2007 ne tend en tant que telle pas à la création d’une entité ayant la personnalité juridique.

Ce grief est dès lors irrecevable.

3) a. La recourante fait ensuite valoir une violation du principe de la transparence. Selon elle, le cahier des charges et les annexes remises aux soumissionnaires décrivaient de manière précise et complète le contenu du dossier d’appel d’offres. En revanche, l’autorité adjudicatrice a, d’après elle, violé le principe de transparence en retenant que la recourante n’avait pas respecté le cahier des charges en proposant des offres financières différenciées selon chacune des trois communes, alors que le dossier d’appel d’offres l’invitait à indiquer les prix à la tonne pour chacune des communes concernées et non un prix moyen identique pour chaque commune. Ladite autorité aurait ainsi tenu compte, de manière prépondérante, de critères ne faisant pas l’objet du cahier des charges, ni du dossier de soumission.

b. À teneur de l’art. 1 al. 3 AIMP, deux des objectifs poursuivis par la réglementation sur les marchés publics sont d’assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (let. a) et d’assurer la transparence des procédures de passation des marchés (let. c).

Selon la jurisprudence, le principe de la transparence est le principe cardinal et incontournable des marchés publics. Il limite le large pouvoir d’appréciation dont dispose le pouvoir adjudicateur (Olivier RODONDI, Les critères d’aptitude et les critères d’adjudication dans les procédures de marchés publics, in RDAF 2001 I 387 ss, spéc. 403 ss). La concurrence permet la comparaison des prestations et de choisir ainsi l’offre garantissant un rapport optimal entre le prix et la prestation (ATF 125 II 86 consid. 7c).

La transparence est une condition indispensable au contrôle du respect de l'application de la loi et du bon déroulement des procédures. Elle est une exigence essentielle ; il est important en effet que les participants puissent connaître à l'avance les diverses étapes de la procédure et leur contenu. À quoi on pourrait ajouter qu'il est aussi important que les participants connaissent à l'avance toutes les informations minimales et utiles pour leur permettre de présenter une offre valable et correspondant pleinement aux exigences posées par le pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 7c).

Le principe de la transparence exige du pouvoir adjudicateur qu'il énumère par avance et dans l'ordre d'importance tous les critères d'adjudication qui seront pris en considération lors de l'évaluation des soumissions ; à tout le moins doit-il spécifier clairement l'importance relative qu'il entend accorder à chacun d'eux. En outre, lorsqu'en sus de ces critères, le pouvoir adjudicateur établit concrètement des éléments d’appréciation qu'il entend privilégier, il doit les communiquer par avance aux soumissionnaires, en indiquant leur pondération respective. En tous les cas, le principe de la transparence interdit de modifier de manière essentielle, après le dépôt des offres, la présentation des critères. Il n'exige toutefois pas, en principe, la communication préalable d’éléments d’appréciation ou de catégories qui tendent uniquement à concrétiser le critère publié, à moins que ceux-ci ne sortent de ce qui est communément observé pour définir le critère principal auquel ils se rapportent ou que l'adjudicateur ne leur accorde une importance prépondérante et leur confère un rôle équivalent à celui d'un critère publié. De la même manière, une simple grille d'évaluation ou d'autres aides destinées à noter les différents critères et éléments d’appréciation utilisés (telles une échelle de notes, une matrice de calcul, etc.) ne doivent pas nécessairement être portées par avance à la connaissance des soumissionnaires, sous réserve d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation (ATF 130 I 241 consid. 5.1).

c. En l’espèce, dans l’évaluation effectuée par les intimées concernant la recourante, sous le critère « organisation du marché et qualité de l’offre », sous le sous-critère « qualité et intérêts des solutions proposées », figure entre autres la phrase « Les prix sont différenciés par commune, ce qui ne correspond pas du tout aux attentes des 3 communes ; sous « points faibles/négatifs » du même critère, est indiqué notamment : « L’organisation avec des prix différenciés à la tonne pour chaque commune va complètement à l’encontre de l’objectif poursuivi par les communes en ouvrant un marché public conjoint. Les explications données lors de l’audition n’ont absolument pas modifié cette position. Erreur de calcul dans la TVA du lot 2 ». Toujours s’agissant de la recourante, sous le critère
« montant de l’offre, analyse du prix en rapport avec le cahier des charges », sous l’élément d’appréciation « crédibilité des prix énoncés », est écrit : « Les prix sont crédibles mais différenciés par commune. Le mode de calcul est difficile à appréhender et peu convaincant dans une prestation intercommunale ».

La recourante a, dans le document « descriptif des prestations et offre financière », complété, à côté des noms de chaque commune et du tonnage 2013 pré-imprimés, des prix à la tonne différents selon les communes, et, à côté du « tonnage total », le prix à la tonne moyen et le prix total pour les trois communes. L’appelée en cause a au contraire indiqué des prix à la tonne identiques pour chacune des trois communes. En revanche, dans le document K2, la recourante a indiqué le montant total de son offre et complété par des montants le « tableau récapitulatif des prestations de base », sans faire de distinction entre les trois communes.

À l’appui de leur position selon laquelle les soumissionnaires devaient indiquer des prix à la tonne identiques pour chacune des trois communes, les intimées se prévalent du ch. 1, 1ère phrase, du cahier des charges de l’appel d’offres, à teneur duquel « le présent cahier des charges fait partie intégrante, tout comme le descriptif de prestations et offre financière du dossier d’appel d’offres, relatif au marché public, en procédure ouverte pour la conclusion d’un contrat pour la collecte et le transport des déchets des communes d’Anières, Corsier et Hermance (Genève) avec des avenants par commune - marché de service public publié sur le simap ». Selon le modèle de contrat se trouvant dans le dossier d’appel d’offres, le ch. 3.1 relatifs aux conditions financières mentionne des prix à la tonne, sans aucune précision afférente aux communes concernées. Enfin, la page de garde du document K2 mentionne une seule offre à formuler.

Cela étant, contrairement à ce que prétendent les intimées, il ne ressort pas clairement du dossier d’appel d’offres que les soumissionnaires ne pouvaient pas faire une distinction des prix selon les communes avant de formuler un montant total valant pour les trois ensembles.

Néanmoins, même si ledit dossier ne pouvait pas être lu comme excluant de distinguer les prix selon les communes, il ne pouvait pas non plus être compris comme incitant les soumissionnaires à le faire, et rien n’interdisait aux intimées de noter défavorablement une telle distinction dans la mesure où celle-ci rendrait la compréhension du mode de fixation des prix plus difficile à leurs yeux. Pour le surplus, les principes du pollueur-payeur, d’équivalence et de couverture
(ATF 137 I 257), invoqués par la recourante, sont sans aucune portée dans le cadre du présent litige, qui concerne l’attribution d’un marché public.

Ce grief est donc sans pertinence, comme il sera vu également ci-après.

4) a. La recourante invoque ensuite une violation du principe de non-discrimination et d’égalité de traitement, reprochant aux intimées de s’être concentrées, de manière quasi-exclusive, sur les points positifs de l’offre de l’appelée en cause et sur les points négatifs de sa propre offre.

b. Selon l’art. 1 al. 3 let. b AIMP, un des objectifs de l’accord est de garantir l’égalité de traitement envers tous les soumissionnaires et d’assurer l’impartialité de l’adjudication.

En vertu de l’art. 11 let. a AIMP, lors de la passation de marchés, les principes de non-discrimination et d’égalité de traitement de chaque soumissionnaire doivent être respectés.

À teneur de l’art. 16 RMP, toute discrimination des candidats ou des soumissionnaires est interdite, en particulier par la fixation de délais ou de spécifications techniques non conformes à l’art. 28 RMP, par l’imposition abusive de produits à utiliser ou le choix de critères étrangers à la soumission (al. 1) ; le principe de l'égalité de traitement doit être garanti à tous les candidats et soumissionnaires et dans toutes les phases de la procédure (al. 2).

Par ailleurs, aux termes de l’art. 43 RMP (critères d’adjudication), l'évaluation est faite selon les critères prédéfinis conformément à l'art. 24 et énumérés dans l'avis d'appel d'offres et/ou les documents d'appel d'offres (al. 1) ; le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (al. 2) ; le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix. Outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement (al. 3).

c. Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 138 V 176 consid. 8.2 ; 131 I 1 consid. 4.2 ; 129 I 346 consid. 6 ; Vincent MARTENET, Géométrie de l’égalité, 2003, p. 260 ss). La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 131 I 1 consid. 4.2).

Le respect de l’égalité de traitement entre soumissionnaires oblige l’autorité adjudicatrice à traiter de manière égale les soumissionnaires pendant tout le déroulement formel de la procédure (ATA/884/2004 du 26 octobre 2004 ; Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corinne MAILLARD/Nicolas MICHEL, Droit des marchés publics, 2002, p. 109 ; Benoît BOVAY, La non-discrimination en droit des marchés publics, in RDAF 2004 I 227 ss, spéc. 241). La chambre administrative a rappelé le caractère formaliste du droit des marchés publics qu’impose le respect de ce principe (ATA/150/2009 du 14 mars 2009 ; ATA/10/2009 du 13 janvier 2009). L’égalité de traitement impose que les conditions d’accès au marché soient similaires pour tous (Guide romand pour les marchés publics, version du 2 juin 2005, actualisée et complétée les 9 juin 2006, 18 décembre 2006 et 12 septembre 2008, annexe D, ch. 2).

La non-discrimination est un acquis fondamental, invoqué tel quel s’il y a trace d’inégalité ou de discrimination dans une procédure de marchés publics, avec pour résultat l’annulation ou le constat d’illicéité de la décision incriminée (Benoît BOVAY, op. cit., in RDAF 2004 I 227 ss, spéc. 237). C’est un principe essentiel de l’ouverture des marchés. Il vise à garantir que certains soumissionnaires, ou catégories de soumissionnaires, ne soient pas écartés ou exclus des procédures de manière arbitraire ou en raison de caractéristiques qui ne doivent plus avoir cours dans la passation des marchés publics, tels que l’origine, le lieu de siège et la provenance (Guide romand pour le marchés publics, op. cit.).

d. Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur les considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux de droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 73 ;
123 V 150 consid. 2). Selon l’art. 9 Cst., toute personne a le droit d’être traitée par les organes de l’État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi.

Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité (ATF 138 I 49
consid. 7.1 et les arrêts cités). À cet égard, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-là est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain (ATF 136 III 552 consid. 4.2 ; 132 III 209 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_227/2012 du 11 avril 2012). L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 49 consid. 7.1 ; ATF 137 I 1 consid. 2.4 ; ATF 136 I 316 consid. 2.2.2 ; ATF 134 II 124 consid. 4.1).

Appelée à examiner le caractère arbitraire d’une décision, la chambre de céans suit le raisonnement du Tribunal fédéral en la matière (ATA/117/2013 du 26 février 2013 consid. 9 ; ATA/342/2012 du 5 juin 2012 consid. 5).

La jurisprudence reconnaît une grande liberté d’appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6). L’appréciation de la chambre administrative ne saurait donc se substituer à celle de ce dernier. Seul l’abus ou l’excès de pouvoir d’appréciation doit être sanctionné, ce que le Tribunal fédéral a affirmé à maintes reprises (ATF 130 I 241 précité consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.111/2003 du 21 janvier 2004 consid. 3.3 ; 2P.172/2002 du 10 mars 2003 consid. 3.2). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d’appréciation (décision de la Commission fédérale de recours en matière de marchés publics du 29 juin 1998, publiée in JAAC 1999 p. 136 consid. 3a).

Ainsi, même dans les marchés publics soumis à l’AIMP, le pouvoir adjudicateur n’est pas lié par telle ou telle méthode, mais il lui est loisible de choisir celle qui est la mieux appropriée au marché. La loi ne lui impose aucune méthode de notation particulière. Le choix de ladite méthode relève ainsi du pouvoir d’appréciation de l’autorité adjudicatrice, sous réserve d’abus ou d’excès du pouvoir d’appréciation (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_549/2011 du 27 mars 2011 consid. 2.3 et 2.4 ; 2P.172/2002 précité
consid. 3.2 ; ATA/117/2013 du 26 février 2013 ; ATA/260/2001 du 24 avril 2001 consid. 9 ; Denis ESSEIVA, note ad S12 in DC 2/2003, p. 62). L’opportunité de ce choix ne peut être revue par l’autorité de recours (art. 16 al. 2 AIMP). De surcroît, aucune norme n’impose à l’autorité de faire connaître à l’avance la méthode de notation (arrêt du Tribunal fédéral 2P.172/2002 précité consid. 2.3 ; ATA/834/2004 du 26 octobre 2004 consid. 6 ; arrêt du Tribunal administratif vaudois du 26 janvier 2000, in DC 2/2001, p. 67, et note de Denis ESSEIVA précitée ; Olivier RODONDI, op. cit., in RDAF I 2001 I 387 ss, spéc. 406).

e. Dans le cas présent, relativement au critère « organisation du marché et qualité de l’offre » (n° 1), rien n’est allégué ou démontré qui permette de retenir que les intimées ont évalué les offres de l’appelée en cause et de la recourante de manière discriminatoire et arbitraire en défaveur de la seconde. Le fait qu’elles aient préféré notablement le dossier de la première ne saurait en tant que tel excéder leur pouvoir d’appréciation, qui n’exclut pas une part de conviction et de subjectivité. Même si elle peut paraît discutable, la remarque « Il est prévu dans le véhicule du matériel pour laisser les lieux aussi propres que possible, ce qui laisse à penser que la prestation peut ne pas être adéquate » ne saurait en soi relever de l’arbitraire. Par ailleurs, dans l’évaluation de la recourante, les éléments relevés ne sont pas tous négatifs et sont même parfois positifs à l’égard de la recourante. Le fait que seule la case « points faibles/négatifs » ait été remplie peut s’expliquer par l’insatisfaction des intimées sur plusieurs points de l’offre de la recourante, à savoir les différences de prix à la tonne par commune, une lecture rendue difficile par les redondances et le manque de concision ainsi que le caractère peu convaincant de plusieurs propositions.

Contrairement à ce que soutient la recourante, des propositions de la part de l’appelée en cause telles que « Proposition d’harmonisation des jours des collectes pour les 3 communes » ne constituent pas des variantes, lesquelles « ne sont pas admises et ne seront donc pas prises en considération pour l’évaluation multicritères et lors de la décision d’adjudication » (document K2, point 3.16), mais bien plutôt « des propositions d’optimisation du cahier des charges, des suggestions de modification de la liste des matériaux ou des équipements, ou une variante d’exécution ou de projet » admissibles (ibid.). Au surplus, l’un des éléments d’appréciation du critère n° 1 était « qualité et intérêts des solutions et options proposées ».

Comme retenu plus haut, les intimées étaient en droit de tenir compte des différences de prix à la tonne selon les communes en tant qu’élément en défaveur de l’offre de la recourante, relativement aux critères « organisation du marché et qualité de l’offre » (n° 1) et « montant de l’offre, analyse du prix en rapport avec le cahier des charges » (n° 2). Cette prise en compte négative sous deux critères différents ne saurait en tant que telle être considérée comme doublement pénalisante, contrairement à ce que prétend la recourante, cette distinction pouvant être jugée négativement sous deux aspects différents, l’offre en général puis le prix. En tout état de cause, il n’est pas établi que cette appréciation négative faite par les intimées ait eu une portée disproportionnée ou déterminante sur l’évaluation générale de l’offre de la recourante pour ces deux critères. Le fait qu’elle ait conduit à une diminution de la note pour les critères n° 1 et n° 2 n’est en soi pas arbitraire, les intimées ayant estimé que le procédé de la recourante avait notablement compliqué la compréhension de l’offre et du mode de calcul du prix.

En tout état de cause, le prix total de l’offre de l’appelée en cause est 22 % moins cher que celui de l’offre de la recourante, ce qui justifie pour une grande part la supériorité de la note (5) de la première. Au demeurant, la note 3,02 attribuée à la recourante est « suffisante », ce qui signifie que le contenu de l’offre de celle-ci « répond aux attentes minimales », mais « ne présente aucun avantage particulier par rapport aux autres candidats » (document K2, point 4.9). Il n’y a là aucune inégalité de traitement ou arbitraire.

S’agissant du critère « organisation du soumissionnaire » (n° 3), l’évaluation par les intimées de l’offre de la recourante contient plusieurs points positifs, comme la désignation d’un « Monsieur Coheran », les « très bonnes qualifications et références des personnes clés » et l’attribution à la levée des déchets des trois communes d’employés ayant une bonne expérience de ce marché. Même s’il peut paraître discutable, le reproche fait à la recourante d’avoir envoyé quatre représentants lors de l’audition devant le comité d’évaluation n’apparaît en soit pas arbitraire et n’a du reste pas été repris dans les « points faibles/négatifs », ce qui laisse penser qu’il n’a pas pu avoir un effet notable sur l’évaluation. Le fait que les intimées n’aient pas été complètement convaincues par les réponses de ces représentants lors de l’audition et qu’elles aient considéré la recourante comme trop grande à leurs yeux et son organigramme comme complexe ne saurait relever de l’arbitraire, ce d’autant moins que la note, de 3,20, était « suffisante ».

Concernant le critère « contribution de l’entreprise à la composante environnementale et sociale du développement durable » (n° 4), la question peut demeurer ouverte de savoir si le fait d’être stationnée sur la rive gauche du canton de Genève et non loin des trois communes permettrait ou non à l’appelée en cause de réduire considérablement l’émission de CO2 par rapport à un transporteur sis sur la rive droite. En effet, cet élément n’est mentionné que sous le sous-critère « itinéraires parcourus par les véhicules » de l’appelée en cause et n’a à tout le moins pas eu une incidence importante sur le résultat de l’analyse. Quant au grief de la recourante relatif à l’absence d’autorisation de l’appelée en cause pour le stockage de déchets, les intimées y ont répondu de manière circonstanciée dans leur réponse en indiquant qu’il ne s’agissait que d’un dépôt provisoire de déchets dans une benne et concernant le seul lot n° 2, non litigieux ; la recourante n’a pas répliqué sur ce grief, qui n’a dès lors plus d’objet. Au demeurant, la recourante a reçu, pour ce critère, des éloges ainsi qu’une note (4,30 ; « bon et avantageux ») nettement supérieure à celle de l’appelée en cause (3,50).

Pour ce qui est du dernier critère « qualification, qualité des références et expérience acquise pour un marché du même type » (n° 5), on ne saurait suivre la recourante lorsqu’elle soutient que la disponibilité et la bonne planification relevées pour l’appelée en cause seraient une répétition de ce qui était déjà retenu concernant les autres critères. Ces qualités entrent dans le cadre de la « qualification », qui n’est pas redondante par rapport aux critères « organisation du marché et qualité de l’offre » et « organisation du soumissionnaire ».

Le fait que la recourante ait, pour ce dernier critère, obtenu une moins bonne note (3,80) que l’appelée en cause (4,70), de même qu’à tout le moins deux critiques formulées dans le cadre du premier critère résultent manifestement pour une part des expériences que les intimées ont eues relativement aux prestations passées de la recourante, pour le marché en cause. Au regard notamment du grand écart entre les points totaux de l’appelée en cause (430,50) et ceux de la recourante (322,91) l’influence de ces expériences sur le résultat global des évaluations n’apparaît en tout état de cause pas déterminante, mais faible, dans la mesure où elles ne pourraient avoir eu qu’un effet minime sur le critère n° 1 pondéré à 30 % et où le critère n° 5 n’est pondéré qu’à 10 %.

Quoi qu’il en soit, la prise en considération des expériences passées faites avec un des soumissionnaires est, dans l’hypothèse où elle favorise celui-ci, admissible pour autant qu’elle soit clairement motivée (dans ce sens, arrêt du Tribunal administratif saint-gallois du 26 octobre 1999, cité in Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corinne MAILLARD/Nicolas MICHEL, Droit des marchés publics, Présentation générale, éléments choisis et code annoté, 2002, p. 252). En l’espèce et en tout état de cause, rien ne permet de penser que ces expériences, qui ont été prises en compte - à l’inverse - en défaveur de la recourante, ne seraient pas en rapport avec la réalité, ni qu’elles auraient eu un poids surdimensionné dans les évaluations. La chambre administrative n’est pas habilitée à se substituer à la grande liberté d’appréciation des intimées et une procédure de marchés publics n’a pas pour objet de déterminer les éventuels manquements du soumissionnaire dans sa collaboration passée avec l’autorité adjudicatrice. Une éventuelle insatisfaction de celle-ci par rapport aux tâches effectuées par l’un des soumissionnaires ne saurait en tant que telle être considérée comme relevant de l’arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 2D_48/2012 du 22 février 2013 consid. 4.3) pour autant qu’elle ne repose pas sur des arguments inexacts, illicites ou contraires à la bonne foi, ce qui n’est nullement établi en l’occurrence. Dans le cas présent, cette insatisfaction se réfère à des éléments objectifs, par exemple « l’information n’est pas transmise en cas de non intervention » et les reproches des intimées sont nuancés par des remarques positives telles que « très bonnes qualifications et références des personnes clés » et « grande expérience dans les marchés des deux lots ». L’allégation de la recourante selon laquelle le comité d’évaluation aurait dit à ses représentants le 30 juin 2014 que ses prestations étaient bonnes et qu’il regretterait l’équipage de la recourante, de même que le résultat de l’enquête de satisfaction produite avec la réplique n’y changent rien, étant donné que les intimées n’ont pas considéré que son offre n’était pas bonne, mais lui ont préféré celle de l’appelée en cause, jugée meilleure. Dès lors, aucune violation du principe de l’interdiction de l’arbitraire, ni du reste des autres principes, ne peut être retenue sur ce point.

Enfin, au regard des constatations qui précèdent, en particulier des appréciations nuancées concernant l’offre de la recourante, une violation du principe de non-discrimination et d’égalité de traitement n’est pas établie.

5) La recourante allègue par ailleurs que le prix de l’offre de l’appelée en cause - inférieur de près de 30 % au sien - serait anormalement bas.

En vertu de l’art. 41 RMP, en présence d'une offre paraissant anormalement basse, l'autorité adjudicatrice doit demander au soumissionnaire de justifier ses prix, selon la forme prévue à l'art. 40 al. 2 RMP (explications fournies par écrit), et, à teneur de l’art. 42 al. 1 let. e RMP, l'offre est écartée d'office lorsque le soumissionnaire n'a pas justifié les prix d'une offre anormalement basse, conformément à l'art. 41 RMP.

En l’espèce, rien ne permet de supposer que l’offre de l’appelée pourrait être anormalement basse. En effet, dans ses écritures, celle-ci a indiqué que le prix qu’elle avait proposé avait été calculé selon les méthodes reconnues dans la profession, à savoir celles édictées par l’Association suisse des transports routiers (ci-après : ASTAG), et que son offre comportait une marge bénéficiaire, faisant notamment valoir que ses camions parcourraient moins de kilomètres que ceux de la recourante. Les chiffres invoqués par cette dernière dans sa réplique - prix d’environ CHF 500'000.- selon le nombre d’heures estimées par elle-même à 2'160 et sur la base des calculs de l’appelée en cause -, si tant est qu’ils soient pertinents, ne sont pas établis. Quant à la prétendue nécessité d’un second ripeur qui aurait renchéri l’offre de la recourante de CHF 67'000.-, elle ne ressort que des réponses formulées par les représentants de celle-ci lors de l’audition du 13 juin 2014, sans reposer sur des éléments de fait probants. Il est au demeurant relevé que même si une telle diminution du prix était admise, l’offre de l’appelée en cause demeurerait nettement plus intéressante financièrement pour les intimées.

Partant, ce grief sera également écarté.

6) La recourante conclut enfin, dans sa réplique, à la production du certificat ISO 14001 de l’appelée en cause, s’agissant d’un critère d’évaluation que l’autorité adjudicatrice aurait omis de mentionner dans son évaluation.

La question de savoir si ce point est pertinent ou non peut demeurer indécise. En effet, l’appelée en cause a rempli l’annexe Q1 (organisation qualité du candidat pour satisfaire les exigences du client) au document K2, dont il ressort que l’obtention par celle-ci de la certification ISO 14001 était envisagée pour l’été 2014 et qu’une société spécialisée dans cette certification la suivait à cette fin depuis novembre 2012, selon attestation de ladite société du 5 mai 2014. Au moment de l’évaluation, la recourante était donc à un stade avancé en matière de certification.

En conséquence, il n’y a pas lieu de donner suite à cette requête de la recourante, la question de la certification n’apparaissant en tout état de cause pas problématique et n’étant pas susceptible d’avoir une incidence sur l’issue du litige, ce d’autant moins qu’elle ne représente que l’un des quatre éléments d’appréciation d’un critère qui a une pondération de seulement 15 % par rapport à l’ensemble.

7) En définitive, l’attribution du marché public litigieux à l’appelée en cause étant conforme au droit, le recours sera rejeté.

8) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’500.-, comprenant les frais liés à la procédure de restitution de l'effet suspensif, sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée ; en revanche, une indemnité de procédure de CHF 1’500.-, à la charge de la recourante, sera allouée aux trois communes intimées qui ont dû recourir aux services d’un avocat et qui comptent chacune moins de 10’000 habitants, de sorte qu’elles ne sont pas tenues de disposer d’un service juridique (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/113/2013 du 26 février 2013 consid. 15).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 juillet 2014 par Transvoirie SA contre la décision des Communes de Corsier, Hermance et Anières du 20 juin 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Transvoirie SA un émolument de CHF 1’500.- ;

alloue aux communes de Corsier, Hermance et Anières, solidairement entre elles, une indemnité de procédure de CHF 1’500.- à la charge de Transvoirie SA ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- sinon, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Bussard, avocat de la recourante, à
Me Bertrand Reich, avocat des communes de Corsier, Hermance et Anières, à Pradervand Transports Sàrl, ainsi qu'à la commission de la concurrence, pour information.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :