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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/851/2011

ATA/342/2012 du 05.06.2012 sur JTAPI/1104/2011 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 04.07.2012, rendu le 05.07.2012, IRRECEVABLE, 2D_36/2012
Descripteurs : ; RESSORTISSANT ÉTRANGER ; AUTORISATION DE TRAVAIL ; SÉJOUR ; AUTORISATION DÉROGATOIRE(EN GÉNÉRAL) ; LANGUE
Normes : LEtr.18 ; LEtr.21
Résumé : Confirmation d'un rejet de demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur d'un ressortissant russe, la société n'ayant pas respecté l'ordre de priorité prévu par la loi. Par ailleurs, l'intéressé ne peut se prévaloir d'un intérêt scientifique ou économique prépondérant, celui-ci étant récemment diplômé et sans expérience professionnelle. Ses seules connaissances linguistiques ne suffisent pas a déroger à l'ordre de priorité.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/851/2011-PE ATA/342/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 juin 2012

2ème section

 

dans la cause

 

O______ S.A.
représentée par Me Daniel Meyer, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

_________

 


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 octobre 2011 (JTAPI/1104/2011)


EN FAIT

1. O______ S.A. dont le siège est à Genève, appartient au groupe O______ & V______, un intermédiaire international indépendant du secteur financier actif dans diverses villes européennes. Le groupe, spécialisé en droit, prodigue des conseils en matière de planification fiscale et de services qui se rapportent au domaine fiduciaire.

2. En 2010, O______ S.A. a annoncé à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) la vacance d’un poste d’assistant/e marketing russophone. Elle a inséré des annonces dans la presse nationale (La Tribune de Genève – édition du 24 novembre 2010 et la Neue Zürcher Zeitung – éditions du 27/28 novembre 2010) et européenne (Le Figaro, Economie – édition du 29 novembre 2010). Elle avait aussi fait appel à la société S______ S.A., société de recrutement spécialisée dans la recherche et la sélection de cadres.

Parmi les critères de sélection, le candidat devait avoir une formation accomplie de niveau master, des relations professionnelles importantes, notamment dans les pays de l’Est, maîtriser parfaitement le russe, le français, l’anglais et être âgé entre vingt-cinq et trente-cinq ans.

3. Le 25 novembre 2010, S______ S.A. a fait part du caractère infructueux de ses recherches. Sur la quinzaine de dossiers reçus, aucun ne correspondait parfaitement au profil recherché : « il n'y a aucun candidat totalement trilingue et aucun ne dispose d’un réseau professionnel étendu en Russie, notamment auprès de clients à fort potentiel économique ou à hauts revenus (ci-après : HNWI) ».

4. Le 13 janvier 2011, O______ S.A. a déposé auprès de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : l’OCIRT), une demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur de Monsieur A______, qui était la personne qu'elle avait choisie pour le poste en question.

Celle-ci devait démarcher les clients russes, développer les supports marketing et s’occuper de l’ensemble des tâches liées au suivi administratif et comptable des dossiers. Le candidat devait avoir une formation universitaire accomplie, de niveau master ou équivalent, être doté d’un sens aigu du marketing et disposer un réseau professionnel étendu dans les marchés de l’Est. M. A______, ressortissant russe né le ______ 1985, était arrivé en Suisse à l’âge de huit ans pour y suivre sa scolarité, d’abord à l’Institut La Garenne et au Collège Beau Soleil à Villars, puis à l’établissement Interational School à Gstaad ; il avait ensuite obtenu en 2007 une licence en gestion d’entreprises de la Business School à Lausanne et il fréquentait la European University, à Lausanne, en vue d’obtenir un master en gestion d’entreprises. En 2009, il avait effectué deux stages de formation non rémunérés, le premier en qualité d’étudiant-assistant auprès de R______ S______ S.A., le second au sein de F______ S. à r. l., société active en matière de consulting et négoce de produits pétroliers ou autres.

Correspondant en tous points au profil du poste, ayant un important réseau social et bien introduit auprès des autorités gouvernementales de son pays, M. A______ était le candidat idéal. O______ S.A. avait conclu un contrat de travail avec lui le 7 janvier 2011, à condition d'obtenir le permis de séjour. La rémunération annuelle brute a été fixée à CHF 120'000.-. M. A______ disposait d’un logement à Genève.

5. Par décision du 17 février 2011, l'OCIRT a refusé la demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur de M. A______ au motif que l’ordre de priorité au sens de l'art. 21 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) n’avait pas été respecté. O______ S.A. n’avait pas démontré l’impossibilité de trouver pour ce poste un travailleur en Suisse ou un ressortissant de l’UE/AELE.

6. Le 22 mars 2011, O______ S.A. a recouru contre la décision précitée, qu'elle avait reçue le 21 février 2011, auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Elle a conclu à l’annulation de cette décision, à l’octroi d’un permis de séjour avec activité lucrative en faveur de M. A______, ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité de procédure.

Elle a produit un chargé de vingt-et-une pièces à l’appui de ses allégations dont deux attestations de stages de M. A______ auprès de R______ S______ S.A. et de F______ S. à r. l. L’OCE avait soumis deux dossiers de candidature, mais le premier candidat ne correspondait pas au profil recherché et le second n’avait pas fait suivre son dossier de candidature. S______ S.A. avait confirmé, par courrier du 24 février 2011, qu’elle n’avait pas trouvé de candidat totalement trilingue et ayant un vaste réseau professionnel en Russie. O______ S.A. avait, conformément aux directives de l’office fédéral des migrations (ci-après : l’ODM), procédé à des recherches d’emploi pendant plusieurs mois. Elle avait recouru aux services de l’OCE et de S______ S.A., inséré des annonces dans la presse nationale et internationale. Ses démarches s’étaient révélées infructueuses. Le seul dossier de candidature transmis par l’OCE démontrait l’absence de main-d’œuvre en ce domaine particulier. L’ordre de priorité avait ainsi été respecté. La demande d’autorisation de séjour en faveur de M. A______ servait les intérêts économiques du pays. Les conditions de rémunérations étaient conformes aux usages de la branche et M. A______ disposait des qualifications personnelles requises.

7. Dans ses observations du 20 mai 2011, l’OCIRT a exposé que M. A______ avait eu un permis de séjour pour études délivré par les autorités vaudoises de 1999 à 2007. A cette échéance, il avait déposé une nouvelle demande de permis, laquelle avait été transmise à l’ODM. Cet office l’avait rejetée et, suite à la confirmation de ce refus par le Tribunal administratif fédéral, lui avait imparti un délai au 28 février 2011 pour quitter le territoire suisse. Durant cette procédure de recours, M. A______ avait fréquenté l’European University de Lausanne en vue de l’obtention d'un master en gestion d’entreprises.

L’engagement de M. A______ relevait de la pure convenance personnelle car la description du poste vacant remis à l’OCE se calquait exactement sur le profil de ce dernier. La recourante n’avait pas déployé en temps opportun et de manière appropriée tous les efforts de recrutement requis dans le but de trouver un candidat ayant le profil recherché, passant outre l’exigence de priorité du marché local. M. A______ était titulaire d’une licence en gestion d’entreprises obtenue en 2007, mais il n’avait pas de master. S’agissant du réseau de clients HNWI dont devait justifier le candidat, il était trop jeune pour pouvoir se targuer d’un important réseau de clients capable d’investir des capitaux substantiels en matière bancaire. Il résidait d’ailleurs en Suisse depuis l’âge de 8 ans et n’avait qu’une maigre expérience professionnelle, constituée de deux stages. A ce sujet, son curriculum vitae mentionnait que son activité au sein des sociétés Russion S______ S.A. ainsi que F______ S. à r. l. avait constitué en des traductions et interprétations au sein d’entreprises de consulting, ce qui contredisait l’attestation non signée rédigée par F______ S. à r. l. selon laquelle M. A______ avait reçu une formation de consulting. Enfin, la nécessité d’être parfaitement trilingue n’était pas démontrée pour le poste à pourvoir dans la mesure où il s’agissait essentiellement de démarcher des clients russes et de développer des supports marketing. L’anglais et le russe seraient suffisants.

8. Dans sa réplique du 18 juillet 2011, O______ S.A. a admis que M. A______ n’avait pas obtenu son master en gestion d’entreprise, mais il ne lui restait que trois modules pour le terminer. Il avait une formation universitaire quasi-complète lui permettant d’assurer les charges exigées pour le poste à pourvoir. Les connaissances acquises durant ses deux stages de formation avaient été des éléments confortant le choix de sa candidature. Par sa famille et par le fait qu’il avait fréquenté depuis son enfance des établissements privés en Suisse accueillant des pensionnaires originaires des pays de l’Est, M. A______ avait un réseau personnel, social et professionnel étendu en Russie et cela présentait un intérêt majeur pour la société. S’agissant de la maîtrise du français, M. A______ intégrerait une structure sise à Genève et devrait maîtriser cette langue pour pouvoir communiquer avec ses collègues de travail, et traiter, occasionnellement, certains dossiers de clients francophones.

9. Le 5 août 2011, l’OCIRT a noté que M. A______ n’était pas titulaire d’un master alors que cette condition était exigée dans l’offre d’emploi d’O______ S.A. La recourante désirait engager un collaborateur efficace et disposant d’un réseau en Russie. Dans ce but, elle avait besoin d'une personne chevronnée, expérimentée et bien introduite dans le marché russe. Il était difficile de croire que M. A______ possédait ces qualités, à son âge et avec sa courte expérience acquise en tant que stagiaire. Le marché du travail local, varié et riche en compétences multiples, était à même de fournir à O______ S.A. un collaborateur correspondant parfaitement à ses exigences.

10. Le TAPI a tenu une audience de comparution personnelle le 4 octobre 2011.

a. O______ S.A. s'était mise en contact avec M. A______ durant l’été 2010 par des relations d’affaires. A ce moment-là, ce dernier n’était pas titulaire d’un master. O______ S.A. recherchait une personne bien intégrée en Suisse et ayant une expérience professionnelle. Celle-ci n’était toutefois pas primordiale puisqu’elle avait surtout besoin d’une personne pouvant lui ouvrir le marché vers l’Est. Parmi les candidats proposés, elle n’en avait pas trouvé d'autre capable de l’introduire auprès d’hommes d’affaires ou chefs d’entreprises dans des pays de l’Est. La recourante avait reçu d’autres candidats qui ne possédaient pas de master et dont elle était disposée à produire la liste.

b. L'OCIRT a relevé qu’O______ S.A. n’avait pas retenu toutes les exigences indiquées dans les annonces. Il était possible que d’autres candidats suisses ou européens possédaient le carnet d’adresses désiré et n'avaient pas postulé suite aux annonces.

11. Par jugement du 4 octobre 2011, le TAPI a rejeté le recours.

O______ S.A. avait effectué des recherches par le biais d'annonces et à l'aide de S______ S.A. en novembre 2010. Deux mois plus tard, elle s’était départie de ses exigences et avait proposé le poste à M. A______, lequel n’avait pas de master. La modification des conditions souhaitées pour engager un employé n’était pas prohibée, mais il convenait alors d’entamer de nouvelles recherches pour permettre à des candidats indigènes ou ressortissants de l’UE/AELE de se présenter dans le cadre de cette nouvelle prospection. Il était possible qu’un candidat possédant les connaissances linguistiques requises et un carnet d’adresses important, à titre personnel et non par le truchement de membres de sa famille comme dans le cas présent, mais sans master, n'avait pas déposé son dossier de candidature auprès de la recourante car il respectait scrupuleusement les revendications de cette dernière. C’était par pure convenance personnelle que la recourante désirait employer M. A______, lequel devait d’ailleurs, quitter la Suisse le 28 février 2011, soit un mois après avoir été engagé par la recourante.

12. Par pli recommandé du 11 novembre 2011, O______ S.A. a recouru contre le jugement précité, qu'elle avait reçu le 12 octobre 2011, auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant à l'annulation de celui-ci, à ce que l'autorisation de séjour avec activité lucrative soit accordée en faveur de M. A______, ainsi qu’à l’allocation d'une indemnité de procédure. Elle a repris pour l’essentiel les motifs déjà développés dans ses précédentes écritures.

Le TAPI avait fait preuve d'arbitraire dans l'appréciation des faits et moyens de preuves. La recourante ne s'était pas départie de ses exigences en proposant le poste à M. A______ lequel, bien que n’ayant pas achevé son master, remplissait la condition essentielle d'avoir un réseau personnel et professionnel étendu en Russie, condition d’engagement. La recourante n'avait pas modifié les conditions de recrutement mais les avait assouplies. Le TAPI avait négligé les intérêts économiques du pays. Il existait un intérêt manifeste pour le canton de Genève de compter parmi ses travailleurs du personnel non seulement qualifié mais également à même d’exporter les services helvétiques et d'attirer à Genève une clientèle prisée. Les qualifications personnelles de M. A______ répondaient en tous points aux critères énoncés à l'art. 23 LEtr.

13. Le 21 novembre 2011, le TAPI a déposé son dossier, sans formuler d'observations.

14. Par courrier déposé le 12 décembre 2011, l'OCIRT a présenté ses observations, en persistant dans les termes de sa décision et en concluant au rejet du recours.

Bien que l'exigence d'un master ait été une des conditions sine qua non posées dans l'offre d'emploi initiale d'O______ S.A., M. A______ n'avait pas obtenu ce diplôme. Au vu de la situation et compte tenu des licenciements enregistrés dans le secteur financier à Genève, il y avait de fortes chances que la recourante puisse trouver sur le marché local une personne adéquate, possédant des relations professionnelles dans les pays de l'Est et une solide expérience professionnelle nécessaire pour lui permettre de faire prospérer ses affaires dans cette région.

15. Le 10 février 2012, la recourante a répliqué et persisté dans ses conclusions.

L'annonce d'emploi posait comme exigences que le candidat ait une formation universitaire, de niveau master ou équivalent. Tandis que l'OCIRT avait considéré que l'obtention du master constituait une condition sine qua non pour obtenir le poste. Or, tel qu'exposé par O______ S.A., l'élément déterminant était de trouver un candidat ayant un tissu social en Suisse, capable de promouvoir la qualité des services helvétiques dans les pays de l'Est, et ayant un important réseau social et professionnel, particulièrement en Russie. M. A______ pouvait valablement se prévaloir d'une formation universitaire complète.

16. Le 16 mars 2012, la recourante a versé à la procédure un chargé de pièces complémentaires constitué du master de M. A______ en gestion d’entreprise délivré le 27 janvier 2012 par la European University, d’un document qui reprenait dans ses grandes lignes le descriptif du poste à pourvoir ; quatre pièces qui donnaient un large aperçu des domaines d'activités de la famille de M. A______, en particulier celles de sa mère Madame L______ C______. Elle était actionnaire à hauteur de 33.63% de la Banque commerciale « Universal Bank », établissement sis en Abkhazie et l'un des plus anciens établissements financiers du pays. Mme C______ était également actionnaire de 33.3% de l'étude d'avocats « konsultant » et aussi actionnaire à hauteur de 34 % de la société SP 000 « A-Moile ».

17. Le 17 avril 2012, l’OCIRT a répondu. Il maintenait ses précédentes conclusions dans leur intégralité.

La recourante argumentait que Mme C______ était une haute personnalité d'Abkhazie et qu’O______ S.A. pourrait tirer des avantages de cette parenté et se développer dans les pays d'Est. Cependant, la région d'Abkhazie avait déclaré son indépendance envers la Géorgie en 1992 et n'était reconnue que par six pays au monde, dont la Suisse ne faisait pas partie. La situation politique n'était pas stable. L’intérêt d’O______ S.A. à engager une personne non formée, sans expérience et dont le réseau social pouvait se modifier ou disparaître à tout moment n'était pas suffisamment démontré. La recourante avait engagé M. A______ dans le but que ce dernier puisse rester en Suisse.

18. Dans sa détermination du 7 mai 2012, O______ S.A. a persisté dans ses précédentes explications et conclusions.

La mère de M. A______, de par sa position sociale et ses diverses fonctions, avait tissé des liens privilégiés avec des personnes de haut niveau et issues de secteurs importants de l'économie, industrie et de la finance. Ses relations d'affaires s'étendaient au-delà des frontières d'Abkhazie, plus particulièrement en Russie. L’intérêt d’O______ S.A. était de tirer profit de son réseau social et M. A______ était en mesure d'apporter cela. Le développement d'une clientèle en Russie ne pouvait se faire sans un intermédiaire particulièrement bien introduit.

19. Le 8 mai 2012, la chambre administrative a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Formé en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La recourante était partie à la procédure devant la juridiction de première instance. Elle est touchée directement par le jugement précité et a un intérêt digne de protection à son annulation. Elle bénéficie donc de la qualité pour recourir (art. 60 al. 1 let. a et b LPA).

3. Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). Toutefois, les juridictions administratives ne peuvent revoir l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

4. La recourante estime que le TAPI a fait preuve d'arbitraire dans l'appréciation des faits et moyens de preuves.

5. Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst, lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2D.30/2008 du 21 mai 2008 consid. 5.1). L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 131 I 57 consid. 2 p. 61 et la jurisprudence citée ; 128 I 177 consid. 2.1 p. 182 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_171/2008 du 20 juin 2008 consid. 3.1 et les arrêts cités ; ATA/381/2008 du 29 juillet 2008 consid. 4a). Appelé à examiner le caractère arbitraire d’une décision, la chambre de céans suit le raisonnement du Tribunal fédéral en la matière (ATA/778/2011 du 20 décembre 2011 consid. 9 ; ATA/344/2008 du 24 juin 2008 consid. 6a).

6. L’exercice d’une activité lucrative par un étranger est soumis à autorisation, quelle que soit la durée de son séjour (art. 11 LEtr).

7. Conformément à l'art. 18 LEtr, un étranger peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative salariée aux conditions cumulatives suivantes :

a. son admission sert les intérêts économiques du pays ;             

b. son employeur a déposé une demande ;             

c. les conditions fixées aux art. 20 à 25 sont remplies. 

La notion d'« intérêts économiques du pays » est formulée de façon ouverte. Elle concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s'agit, d'une part, des intérêts de l'économie et de ceux des entreprises. D'autre part, la politique d'admission doit favoriser une immigration qui n'entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l'équilibre de ce dernier (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3469, p. 3485 s. et p. 3536). En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d'activité, il existe une demande durable à laquelle la main-d'œuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme (Arrêt du Tribunal administratif fédéral C_8717/2010 du 8 juillet 2011 consid.5.1 ; M. SPESCHA/A. KERLAND/P. BOLZLI, Handbuch zum Migrationsrecht, Zurich 2010, p. 137 ; cf. également art. 23 al. 3 LEtr et consid. 8.3 infra).                 

8. L'art. 18 LEtr étant rédigé en la forme potestative, les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation (M. SPESCHA in M. SPESCHA/H THÜR/A. ZÜND/P. BOLZLI , Migrationsrecht, Zurich 2009, 2ème édition, ch. 2 ad art. 18 LEtr p. 57 ; cf. dans le même sens L. OTT, in M. CARONI/T. GÄCHTER/D. THURNHERR, Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, Berne 2010, n° 5 ad remarques art. 18-29 LEtr p. 149s.; SPESCHA/KERLAND/BOLZLI, pp. 123 et 134).

9. Le Conseil fédéral peut limiter le nombre d'autorisations de séjour initiales octroyées en vue de l'exercice d'une activité lucrative (art. 20 al. 1 LEtr).             

10. Un étranger ne peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative que s'il est démontré qu'aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d'un Etat avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n'a pu être trouvé (art. 21 al. 1 LEtr). Il ressort de l'art. 21 al. 1 LEtr que l'admission de ressortissants d'Etats tiers n'est possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un Etat de l'Union européenne ou de l'AELE ne peut être recruté (Message précité, p. 3537 ; Arrêt du Tribunal administratif fédéral C_2907/2010 du 18 janvier 2011 consid. 7.1 et jurisprudence citée). Il s'ensuit que le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l'économie et du marché du travail.

11. Selon les directives établies par l'ODM quant à l'application de cette norme, pour qu'un étranger ayant accompli sa formation en Suisse puisse s'en prévaloir et obtenir ainsi une dérogation à l'ordre de priorité défini à l'art. 21 al. 1 LEtr, il doit réaliser les conditions suivantes : sur le plan personnel, l'étranger doit être diplômé d'une haute école ou d'une autre école spécialisée. Son activité lucrative doit revêtir un intérêt scientifique ou économique prépondérant. Sont concernés les scientifiques qualifiés dans des domaines où ils peuvent mettre en pratique à un haut niveau les connaissances acquises. Un intérêt économique prépondérant est établi lorsque le secteur d'activité correspondant à la formation a un besoin avéré de main-d'œuvre, lorsque l'orientation suivie est hautement spécialisée et en adéquation avec le poste ou lorsque l'occupation du poste dans le cadre d'un projet d'investissement permet de créer immédiatement de nouveaux postes ou génère de nouveaux mandats pour l'économie suisse (Directives et commentaires de l'ODM, Séjour avec activité lucrative, consulté le 18 mai 2012).

12. Sont considérés comme travailleurs en Suisse les ressortissants de ce pays, les étrangers titulaires d'une autorisation d'établissement ainsi que les étrangers titulaires d'une autorisation de séjour qui ont le droit d'exercer une activité lucrative (art. 21 al. 2 LEtr). En d'autres termes, l'admission de ressortissants d'Etats tiers n'est possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un Etat de l'Union européenne ou de l'AELE ne peut être recruté (Arrêt du Tribunal administratif fédéral C_1228/2006 du 6 mai 2008 consid. 4.5 in fine). Comme par le passé, le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l'économie et du marché du travail (cf. sous l'ancien droit, arrêt du Tribunal administratif fédéral C_1228/2006 consid. 4.3 ; C_2907/2010 du 18 janvier 2011 consid. 7.3 et la jurisprudence citée).                        

13. Aux termes du nouvel art. 21 al. 3 LEtr, entré en vigueur le 1er janvier 2011 (RO 2010 5957), il peut être dérogé à l'al. 1 - selon lequel ont la priorité dans le recrutement les ressortissants suisses ou d'un Etat de l'UE ou de l'AELE - si un étranger titulaire d'un diplôme d'une haute école ou d'une haute école spécialisée suisse souhaite exercer une activité lucrative qui revêt un intérêt scientifique ou économique prépondérant (Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 5 novembre 2009 FF 2010 373, 391).

14.  Selon l'OCIRT, la recourante n’avait pas respecté l’ordre de priorité.

15. Il s'agit d'examiner si la recourante a démontré à satisfaction de droit avoir agi conformément à l'art. 21 al. 1 LEtr.

Elle devait avoir entrepris des recherches à grande échelle afin de repourvoir le poste d'assistant/marketing responsable du marché de l’Est à un indigène ou à un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou de l'AELE.

De plus, il devait lui être absolument impossible de trouver une personne capable d'exercer cette activité (Arrêt du Tribunal administratif fédéral C_6074/2010 du 19 avril 2011 consid. 5.2 et jurisprudence citée).

En l'espèce, O______ S.A. a effectué des recherches par le biais d’annonces, respectivement dans « La Tribune de Genève » en dates du 24 novembre 2010, « La Neue Zürcher Zeitung » du 27/28 novembre 2010, « Le Figaro, Économie » du 29 novembre 2010 et à l’aide de S______ S.A. en novembre 2010. Elle a allégué que toutes les recherches effectuées depuis le mois de novembre 2010 ou début janvier 2011 pour trouver un assistant/marketing, responsable du marché de l’Est étaient demeurées infructueuses. En janvier 2011, elle s’est départie de ses exigences et a proposé le poste à M. A______, lequel à ce moment n’avait pas de master mais qui l'a obtenu depuis.

Même si la recherche d'un assistant/marketing idoine peut s'avérer ardue et nécessiter de nombreuses démarches auprès de candidats potentiels, ces difficultés ne sauraient à elles seules justifier une exception au principe de la priorité dans le recrutement énoncé à l'art. 21 al. 1 LEtr (Arrêt du Tribunal administratif fédéral C_8717/2010 du 8 juillet 2011 consid. 8.1). Par ailleurs, la recourante ne peut pas se prévaloir de l'application de l'art. 21 al. 3 LEtr, car M. A______, récemment diplômé, sans expérience professionnelle et ne possédant pas un carnet d'adresses important à titre personnel ne saurait justifier d'un intérêt scientifique ou économique prépondérant. Ses seules capacités linguistiques ne suffisent pas pour déroger à l'ordre de priorité. Même en tenant compte du souhait de la recourante de bénéficier du carnet d’adresses et des relations des parents de M. A______, l’octroi du permis qu’elle sollicite ne saurait justifier l’intérêt économique suisse.

16. Il découle de ce qui précède que la recourante n'a pas respecté l'ordre de priorité dans le recrutement au sens de l'art. 21 LEtr. Pour ce motif, c'est à juste titre et sans arbitraire que l'OCIRT, puis le TAPI, ont refusé la délivrance de l'autorisation de séjour.

17. Le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, à laquelle il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 LPA).


* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 novembre 2011 par O______ S.A. contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 octobre 2011 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 400.- ;

dit que, les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Daniel Meyer, avocat de la recourante, au Tribunal administratif de première instance, à l’office cantonal de l'inspection et des relations du travail, ainsi qu'à l'office fédéral des migrations.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 


Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.