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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3545/2017

ATA/928/2018 du 11.09.2018 ( AMENAG ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : PLAN DIRECTEUR ; ZONE DE VILLAS ; ZONE RÉSERVÉE ; GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ ; INTÉRÊT PUBLIC ; PROPORTIONNALITÉ ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; SÉCURITÉ DU DROIT ; LÉGALITÉ ; EFFET ANTICIPÉ ; INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL)
Normes : Cst.26.al1; LAT.27; RaLAT.10; LaLAT.13C; LAT.4; Cst.29.al2
Parties : RAMPINI Marco et autres, RAMPINI Nicolas, RAMPINI ITSOUHOU MADZOU Marina, RAMPINI Raphael / CONSEIL D'ETAT
Résumé : Absence de violation de la garantie de la propriété des recourants dès lors que le projet de zone réservée, reposant sur une base légale non contestée, relève d'un intérêt public résidant dans la nécessité de construire un nombre plus important de logements en cas de pénurie dans ce domaine, et est proportionné dans la mesure où il porte sur un périmètre déterminé pour une durée limitée dans le but de préserver le potentiel de densification et d'éviter ultérieurement des mesures éventuellement plus intrusives. La publication d'une carte sur le site internet du département, désignant les périmètres de la zone réservée, avant l'adoption formelle et définitive de ceux-ci dépasse les exigences du devoir d'information de la population. Une telle démarche impliquant un déploiement anticipé des effets de la mesure envisagée pour les propriétaires concernés, la durée de publication doit être déduite de celle de la zone réservée. Recours partiellement admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3545/2017-AMENAG ATA/928/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 septembre 2018

 

dans la cause

 

Messieurs Marco, Nicolas et Raphaël RAMPINI et
Madame Marina
RAMPINI ITSOUHOU MADZOU
représentés par Me François Bellanger, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT
représenté par Me Alain Maunoir, avocat

 



EN FAIT

1. Messieurs Marco, Nicola et Raphaël RAMPINI ainsi que Madame Marina RAMPINI ITSOUHOU MADZOU (ci-après : les consorts RAMPINI) sont propriétaires de la parcelle no 2006, feuille 7 de la commune d’Onex, sur laquelle sont érigés un bâtiment d’habitation, un garage privé ainsi qu’un bâtiment souterrain, à l’adresse 29, chemin de la Genévrière.

Cette parcelle est colloquée en cinquième zone de construction (ci-après : zone villas).

2. Le 20 septembre 2013, le Grand Conseil a adopté le plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCn 2030), approuvé le 29 avril 2015 par le Conseil fédéral sur la base d'un rapport d'examen effectué par l'office fédéral du développement territorial du 13 avril 2015.

Le PDCn 2030, document de référence et de coordination pour l'aménagement du territoire cantonal, est composé d'un concept de l'aménagement cantonal qui énonce les principes de l'organisation du territoire à l'horizon 2030, contraignant les autorités cantonales, communales et fédérales, et d'un schéma directeur cantonal comprenant plusieurs fiches qui en constituent le volet opérationnel et précisent les conditions de la mise en œuvre de la politique d'aménagement.

Selon la fiche A03 annexée à celui-ci, consacrée à l'extension de la densification de la zone villas par modification de zone, il s'agit de « procéder à la densification de secteurs de la zone villas, par mutation progressive, afin de créer de nouveaux quartiers denses d'habitat ou d'affectations mixtes, intégrés dans la structure urbaine et répondant à des besoins d'intérêt général […].

La densification de la zone villas, en principe forte, pourra[it] se faire de façon différenciée en fonction des situations, selon [certains] critères […] ».

À cette fin, des mesures d'accompagnement pour les propriétaires des villas sises sur les périmètres de villas à déclasser étaient prévues, « comme par exemple, des échanges avec des appartements à bâtir ».

Selon la démarche envisagée, « en coordination avec les fondations immobilières de droit public et les acteurs privés, les collectivités publiques anticip[aient] la densification des quartiers de villas en se portant progressivement acquéreurs des parcelles stratégiques, si celles-ci ne [faisaient] pas déjà l'objet d'opérations privées conformes aux buts poursuivis, de façon à déclencher la mutation de ces quartiers ».

3. a. Dans cette perspective, le Conseil d'État a déposé, le 26 mars 2014 au Grand Conseil, un projet de loi (ci-après : PL) 11411 modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30 ; refus conservatoire).

L'art. 1 souligné du PL 11411 prévoyait l’introduction d’un nouvel art. 13B al. 2 LaLAT qui avait la teneur suivante : « Il ne peut s’écouler plus de cinq années entre la décision de refus et l’adoption, la modification ou l’abrogation d’un plan d’affectation du sol, la mise à l’enquête du projet devant intervenir dans les quarante-huit mois à compter de la décision de refus. À défaut, le propriétaire reprend la libre disposition de son terrain, dans les limites des lois ou plans d’affectation du sol en vigueur, soit, dans les zones de développement, selon les normes de la zone ordinaire ou selon le plan d’affectation spécial en force ».

Selon l'exposé des motifs y relatif, afin d'assurer la préservation du potentiel à bâtir prévu par la PDCn 2030, il s'agissait d'étendre les délais, actuellement trop courts, pour permettre à l'administration et au Grand Conseil d'adopter les mesures nécessaires, l'objectif étant de lutter de manière efficiente contre la pénurie de logements sévissant sur le canton. Les possibilités de densification offertes par les nouvelle dispositions de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), modifiée le 30 novembre 2012, risquaient de réduire à néant le potentiel de mutation des quartiers de villas, du fait du renouvellement du parc bâti et du morcellement des terrains. En effet, de nombreuses autorisations de construire avaient dû être délivrées ou étaient en cours d'examen dans les périmètres. Les requêtes portaient fréquemment sur la substitution d'une villa par plusieurs.

b. Ce PL 11411 a été renvoyé sans débat à la commission d'aménagement du canton le 10 avril 2014.

4. Vu les préoccupations soulevées par les députés, notamment en raison du caractère insuffisamment circonscrit de la modification proposée quant à l'assiette de son application, et les bases légales applicables, le Conseil d'État a proposé de transformer le PL 11411 en motion de commission (ci-après : M) afin de lui donner mandat d'agir en vue de préserver le potentiel de densification du PDCn 2030 par la création de zones réservées (ci-après : ZR ; PL 11411-A p. 20).

5. Lors de sa séance du 5 juin 2015, le Grand Conseil a accepté de transformer le PL 11411 en motion et adopté la M 2278 avec renvoi au Conseil d'État, sur la base des documents déposés le 15 mai 2015 par la commission d'aménagement du canton.

À teneur de la M 2278, le Grand Conseil « invit[ait] le Conseil d'État :

-          à appliquer les dispositions du droit fédéral, le cas échéant, par voie réglementaire, en vue de permettre l'adoption par le Conseil d'État, pour une durée provisoire de cinq ans au plus, de ZR dans les secteurs de la zone villas destinées à une densification, selon la fiche A03 du PDCn 2030, et pour lesquels une modification de zone est prévue dans un délai de cinq ans ;

-          à faire une application restrictive de l'art. 59 al. 4 LCI afin de préserver le potentiel de densification prévu par la fiche A03 du PDCn 2030 pour les secteurs de la zone villas destinés à une densification par modification de zone dans un délai supérieur à cinq ans ;

-          à adopter une pratique administrative qui permette néanmoins aux propriétaires de terrains, sis dans des secteurs de la zone villas voués à faire l'objet de mesures de densification au titre de la fiche A03 du PDCn 2030 et qui ne font pas l'objet du refus conservatoire au sens de l'art. 138 LaLAT [recte : art. 13B LaLAT], des agrandissements modérés de constructions existantes ou des nouvelles constructions de peu d'importance, ne créant aucun nouveau logement ».

6. Le 9 décembre 2015, le Conseil d'État a déposé au Grand Conseil son rapport M 2278-A, au terme duquel il exposait les diverses mesures prises.

a. Il avait ainsi modifié le 17 juin 2015 le règlement d’application de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 1er juillet 1992 (RaLAT - L 1 30.01).

Selon le nouvel art. 10 RaLAT, entré en vigueur le 24 juin 2015, lorsque la sauvegarde des buts et principes régissant l’aménagement du territoire l’exigeait, notamment lorsqu’une modification des normes d’une zone était envisagée en vue d’une meilleure utilisation de terrains à bâtir, le Conseil d’État pouvait, à titre provisoire et pour une durée de cinq ans, adopter un plan portant création d’une ZR. À l’intérieur de celle-ci, rien ne devait être entrepris qui était de nature à compromettre des objectifs d’urbanisme ou la réalisation d’équipements publics. À cet effet, le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie, devenu depuis le département du territoire (ci-après : le département) pouvait refuser l’autorisation de construire sollicitée.

b. En parallèle, le Conseil d'État avait complété et mis à jour la pratique administrative relative aux enquêtes en autorisation de construire selon les secteurs de densification des quartiers de villas prévus par le PDCn 2030. Selon celle-ci, publiée le 1er juillet 2015, sur le site internet du département, une autorisation de construire pouvait être délivrée pour un agrandissement mesuré, une construction de peu d'importance ou des travaux de confort dans le périmètre de la fiche A03 du PDCn 2030, à condition que :

-          « une construction [ait] été autorisée ou exist[ait] déjà sur la parcelle concernée,

-          aucun nouveau logement [n'était] créé,

-          en cas d'agrandissement, celui-ci [devait] être modéré. [Était] considéré comme modéré l'agrandissement qui [était] de l'ordre de 20 % des surfaces brutes de plancher existantes mais au maximum de 40 m2,

-          le propriétaire [devait] s'engager, quelle que soit la nature des travaux, à accepter que la valeur d'estimation qui [pouvait] être admise dans un plan financier, ou que la valeur prise en compte en cas de préemption ou expropriation, un abattement forfaitaire de CHF 100'000.-,

-          en tous les cas, les constructions de peu d'importance, au sens de l'art. 3 al. 3 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 ainsi que les vérandas non chauffées de moins de 20 m2 [étaient] autorisées, à condition que le propriétaire s'engage[ait] à renoncer à leur valorisation,

-          les deux engagements précités [faisaient] l'objet d'une mention inscrite au registre foncier, en application de l'art. 153 LCI ».

c. Finalement, il avait « défini une douzaine de périmètres de ZR qui fer[aient] prochainement l'objet de procédures simplifiées en vue de l'adoption effective de ces zones par [lui] dans le courant de l'année 2016 » (M 2278-A p. 3).

7. Le 14 juillet 2015, le département a présenté sur son site internet une carte du canton intitulée « programme de densification des quartiers de villas », laquelle désignait les périmètres de la zone villas faisant l'objet de modification de zones en cours, ainsi que ceux sur lesquels il envisageait l'instauration d'une ZR. La légende de cette carte précisait qu'il n'y aurait pas d'application de la dérogation prévue par l'art. 59 al. 4 LCI (ou dans une mesure limitée pour des travaux d'agrandissement et d'amélioration d'une villa existante) et qu'un refus conservatoire serait prononcé pour les modifications de zone en cours d'élaboration ou les zones réservées sur les zones 5, ZD 5, 4B protégée et ZD 4A.

8. Lors de la séance du 29 janvier 2016 du Grand Conseil, les députés ont accepté le renvoi du rapport du Conseil d'État sur la M 2278 à la commission d'aménagement du canton.

Selon certains députés, le PL 11411 avait été refusé aux motifs que le refus conservatoire « s'appliquait à l'ensemble du territoire genevois et qu'il était tout à fait illogique de vouloir aller plus vite en procédant à un gel pour cinq ans ». La publication de la carte sur le site internet du département indiquant douze périmètres concernant plus de deux mille cinq-cents maisons aboutissait à une expropriation matérielle qui n'était pas admissible et s'éloignait du but visé initialement. Sous cet angle, ils n'adhéraient pas davantage à l'application des ZR telle que prévue par le Conseil d'État, car « il n'avait jamais été prévu que l'on applique ces zones réservées sur un périmètre aussi grand et aussi important, dans la mesure où il était prévu que l'on puisse le faire sur des périmètres restreints » (Mémorial du Grand Conseil [ci-après : MGC] [En ligne], séance du 29 janvier 2016 à 15h, http://ge.ch/grandconseil/memorial/seances/010213/83/23/).

9. Le 11 mars 2016, le département a achevé le plan du projet de ZR no 30032-527, d'une superficie de 163'708 m2 recouvrant cent cinquante-huit parcelles sur le territoire de la commune d'Onex dans le secteur de Pierre-Longue. Le périmètre concerné était délimité par le chemin des Laz, le chemin de la Genévrière et le chemin Charles-Borgeaud.

10. Le 23 mars 2016, le département a publié une nouvelle carte relative au « programme de densification du quartier de villas », indiquant une réduction – environ de moitié – du nombre et de la surface des périmètres destinés à passer en ZR et a ensuite informé tous les propriétaires de parcelles visées par le projet de ZR no 30032-527 de la création de celle-ci en application de l'art. 10 RaLAT et de sa prochaine mise à l'enquête publique.

11. Par pli du 29 mars 2016, le département a informé tous les propriétaires de parcelles visées par le projet de ZR no 30032-527, dont les consorts RAMPINI, de la création de celle-ci en application de l'art. 10 RaLAT et de sa prochaine mise à l'enquête publique.

12. L’enquête publique a été ouverte par publication du 5 avril 2016 dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) jusqu'au 4 mai 2016.

Selon l'exposé des motifs du Conseil d'État relatif au projet de ZR
no 30032-527, la réalisation des objectifs du PDCn 2030 nécessitait la mutation de larges pans du territoire genevois à l'horizon 2030. La mise en œuvre de celle-ci, impliquant des modifications de régimes de zones basées sur des études urbaines, n'était pas réalisable en totalité dans un temps court. Les périmètres des ZR, basées sur les art. 27 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) et 10 RaLAT, reprenaient ceux identifiés par le PDCn 2030 comme devant faire l'objet d'une densification de la zone villas par modification de zone d'ici 2030.

13. Par envoi du 4 mai 2016, les consorts RAMPINI ont fait part de leurs observations en contestant la délimitation de la ZR. La portion nord de la future ZR ne présentait pas de proximité avec les grands axes routiers ou les transports publiques. La zone villa était extrêmement arborisée et d’une qualité paysagère notable comme l’attestait le plan directeur communal du 2 septembre 2014, elle ne se prêtait pas à une densification.

14. Le 5 août 2016, le département a répondu aux observations des consorts RAMPINI.

Les ZR répondaient à un intérêt public défini par le PDCn 2030 dans la mesure où elles visaient une meilleure utilisation des périmètres constructibles. Le délai de cinq ans n'était pas excessif. L'intention concrète de modifier la planification territoriale dans le secteur concerné découlait des cartes contenues dans le PDCn 2030, désormais en vigueur. Rien n'indiquait qu'une des parcelles concernées ait fait l'objet d'un refus conservatoire. La compétence du Conseil d'État découlait des art. 36 al. 2 LAT et 10 al. 1 RaLAT. Si le refus conservatoire au sens de l'art. 13B LaLAT visait un objectif similaire à celui des ZR, il ne constituait toutefois pas en tant que tel, une mesure d'aménagement du territoire ayant pour but de fixer, sur le plan des zones, les périmètres du territoire cantonal destinés à se densifier, par le biais d'une adaptation du plan d'affectation. Le contenu de la planification future n'était pas connu à ce stade. Lors de son élaboration, il serait tenu compte des particularités du secteur, lesquelles ne pouvaient cependant faire obstacle à la mise en place d'une ZR. Le PDCn 2030 considérait ce périmètre comme devant faire l'objet d'une densification différenciée, ce qui signifiait que le type de zone qui serait retenu dépendrait des caractéristiques des secteurs concernés. Le travail de réflexion serait engagé prochainement sur la base d'une démarche participative englobant les propriétaires, la commune et les habitants concernés. Finalement, la pratique administrative avait été mise à jour le 23 mars 2016, de sorte qu'au sein de la ZR no 30032-527, des transformations et agrandissements restaient possibles jusqu'à concurrence de 40 m2 supplémentaires. Les requêtes visant à se conformer à des exigences imposées par l'État n'étaient pas contraintes par cette pratique.

15. Conformément à la demande du département du 19 octobre 2016, le Conseil administratif d'Onex lui a transmis son préavis défavorable le 15 novembre 2016, en maintenant son opposition, exprimée par courrier du 26 avril 2016, aux deux projets de ZR portant sur son territoire, dont la ZR no 30032-527 dans le secteur de Pierre-Longue.

Il s'étonnait du fait qu’Onex soit la seule commune affectée par « deux secteurs de taille majeure en ZR sans "conditions spéciales" ». La planification directrice cantonale ne prenait pas en considération la construction de plus de huit mille logements sur des terrains sis en zone agricole dans les années 1960/1970, les projets actuels de densification substantielle, soit les projets des Moraines du Rhône et des Ormeaux prévoyant la construction de plus de cinq cents logements, et son plan directeur communal, approuvé par le Conseil d'État le 11 mars 2015 après une longue concertation et préconisant une densification qualitative par poches. Cette situation était incohérente par rapport aux autres communes. S'il ne s'opposait pas à la promulgation de ZR sur les périmètres identifiés par le plan-guide à l'étude, comme ayant un potentiel de densification et permettant la production de logements à court terme, aucune modification de zone ne serait entreprise tant que le plan-guide ne serait pas finalisé et entré en vigueur. Ni en tant que propriétaire, ni en tant que collectivité, il ne pouvait soutenir la création des ZR portant sur son territoire communal.

16. La procédure d'opposition a été ouverte le 14 février 2017 jusqu'au 16 mars 2017.

17. Dans ce délai, les consorts RAMPINI ont formé opposition au projet de ZR no 30032-527, invoquant l’argumentation déjà développée dans leurs observations.

18. Le 12 mai 2017, le Grand Conseil a adopté le PL 12023, déposé le 29 novembre 2016 par un groupe de députés, comportant un nouvel art. 13C LaLAT, entré en vigueur le 29 juillet 2017, insérant la notion de ZR dans cette loi.

19. Par arrêté du 28 juin 2017, déclaré exécutoire nonobstant recours, le Conseil d'État a rejeté les oppositions précitées, vu l'arrêté séparé du même jour adoptant la ZR no 30032-527.

Compte tenu de la situation tendue du marché du logement à Genève, le PDCn 2030 avait notamment pour objectif la construction de 50'000 logements d'ici 2030. L'augmentation de la population constatée entre 2000 et 2012 avait évolué plus vite que prévu. La production de logements durant cette période avait toutefois été inférieure à l'objectif annuel, le déficit cumulé atteignant environ 2'300 logements. L'augmentation de la taille moyenne des logements constatée cette dernière décennie n'avait en outre fait que retarder la satisfaction des besoins. Ces facteurs, ajoutés à une croissance démographique soutenue, expliquaient la forte pénurie de logements constatée actuellement, avec un taux de vacance de seulement 0,45 % en juin 2016. Dans ce contexte, la fiche A03 du PDCn 2030 visant l'extension de la densification de la zone villas par modification de zone, revêtait un caractère prioritaire.

La garantie constitutionnelle de la propriété, ancrée à l'art. 26 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101), n'était pas absolue. Il existait un intérêt public particulièrement important à créer de nouvelles surfaces d'habitation, dans le respect des buts et principes régissant l'aménagement du territoire. En prévoyant d'incorporer en ZR les parcelles comprises dans son périmètre, d'une superficie de 163'708 m2, colloquées en 5ème zone destinée aux villas, le projet de plan querellé apparaissait comme une mesure adéquate en vue de préserver le potentiel de densification prévu par le PDCn 2030.

L'art. 27 LAT constituait une base légale suffisante pour pouvoir instaurer une ZR et ne nécessitait, selon la jurisprudence, pas de dispositions cantonales d'exécution. Une loi cantonale formelle n'étant pas nécessaire, l'art. 10 RaLAT était applicable. La ZR n'avait pas pour unique but de permettre la réduction des zones à bâtir surdimensionnées, selon l'art. 15 al. 2 LAT. Au contraire, l'instauration d'une ZR était envisageable chaque fois qu'il existait un intérêt public prépondérant à la modification du plan d'affectation en vigueur, ce qui était le cas en l'occurrence vu la densification dont devait faire l'objet le secteur du territoire cantonal concerné, par le biais d'une modification de zone.

Quant au rapport avec l'art. 13B LaLAT visant le refus conservatoire, l'existence, en parallèle, de plusieurs instruments d'aménagement du territoire ayant des objectifs similaires n'était, en soi, contraire à aucune norme de droit supérieur.

S'agissant de l'intérêt public, selon la jurisprudence et la doctrine, il était suffisant de démontrer, avec une certaine vraisemblance, que le plan de zone en vigueur ne correspondait plus aux objectifs du PDCn 2030 et qu'une modification du régime des zones s'imposait, ce qui était le cas en l'occurrence.

S'agissant du principe de la proportionnalité, l'instrument de la ZR avait notamment pour conséquence de délimiter un périmètre précis à l'intérieur duquel une modification du régime des zones était projetée. Contrairement à l'art. 13B LaLAT, les effets de la ZR étaient limités à une petite partie du territoire cantonal. L'instauration du projet de ZR n'empêcherait pas les propriétaires concernés de continuer à utiliser leur bien immobilier tel qu'il existait, par exemple en y habitant ou en le louant. Le projet de ZR respectait le principe de la proportionnalité, vu qu'il n'était pas plus vaste que le périmètre déterminé par le PDCn 2030 ni d'une durée excessive, compte tenu des contraintes existantes et des analyses encore à mener.

Concernant les effets et la durée de la ZR, l'art. 10 al. 1 RaLAT prévoyait une durée de cinq ans sans permettre de prolongation de délai. Celui-ci apparaissait aujourd'hui a priori suffisant pour procéder à l'élaboration puis à la modification de zone envisagée. Il n'était pas non plus prévu de cumuler ni d'additionner plusieurs mesures conservatoires. L'interdiction de bâtir se limitant à une durée proportionnée aux intérêts en présence, il n'y avait pas lieu à indemnisation en faveur des propriétaires.

Au sujet du principe de l'égalité de traitement, il était dans la nature même de l'aménagement local que la délimitation des zones créait des inégalités et que des terrains de même situation et nature pouvaient être traités différemment en ce qui concernait tant leur attribution à une zone déterminée que leur possibilité d'utilisation. Les surfaces définies par le PDCn 2030 étaient cohérentes et s'étendaient sur des surfaces suffisamment importantes.

Concernant la délimitation géographique, la mise en service du tram Cornavin-Onex-Bernex (ci-après : TCOB) sur la route de Chancy offrait l'opportunité d'une densification progressive des quartiers de villas limitrophes, soit environ 500 m de part et d'autre de l'axe, et d'un rééquilibrage emplois/logements de la commune d'Onex, en privilégiant le développement d'activités en bordure de la route de Chancy requalifiée. Les contours et l'emplacement du projet de ZR avaient donc été fixés sur la base de critères sérieux et convaincants. Le patrimoine naturel et bâti situé à l'intérieur du périmètre du projet de ZR, ou à proximité, faisait partie des contraintes qui devraient être analysées au cours des prochaines années, dans le cadre de l'élaboration de la planification future. Ces éléments ne paraissaient cependant pas empêcher toute forme de densification dans leur périmètre proche, ou en tout cas dans la surface de la ZR projetée. IL n'était en effet pas exclu qu'une partie des futurs droits à bâtir doivent se concrétiser sur une autre parcelle, contigüe ou non aux parcelles des opposants. Dans ces conditions, les spécificités d'un site ne pouvaient en aucun cas conduire à l'exclure du périmètre de la ZR.

Par rapport aux effets sur la valeur des terrains concernés, dans la mesure où l'instauration d'une ZR était liée à un objectif de densification de la zone villas, il n'y avait en principe pas à craindre d'effets défavorables sur la valeur économique des terrains visés puisque la mesure visait à terme à étendre leurs droits à bâtir. Le principal impact consistait donc à reporter dans le temps un éventuel projet de densification ou de valorisation de la parcelle concernée. Une interdiction de bâtir légèrement supérieure à dix ans, nécessaire à l'adoption d'un plan de quartier ou à la mise sur pied de l'équipement, n'entraînant pas une expropriation matérielle. Tel était a fortiori le cas d'une interdiction temporaire de cinq ans.

Dans la balance des intérêts en présence, la concrétisation des objectifs fixés par la planification directrice conforme à la nouvelle LAT devait l'emporter sur les intérêts privés des propriétaires à pouvoir librement exercer leurs droits sans entraves, même temporaires.

20. Le 27 juillet 2017, le département a publié sur internet une modification de la carte relative au programme de densification du quartier de villas. Celle-ci comportait des surfaces colorées en jaune dans lesquelles il était envisagé de ne pas accorder des dérogations selon l'art. 59 al. 4 LCI, des surfaces colorées en rouge vif dans lesquelles une modification de zone était en cours, et des surfaces colorées en grenat dans lesquelles une ZR avait été adoptée.

21. Par acte du 30 août 2017, les consorts RAMPINI ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre l'arrêté précité, en concluant principalement à son annulation et subsidiairement, à la modification du périmètre de ZR pour qu’elle ne s'étende pas au périmètre Nord, situé entre le chemin des Merles à l'ouest, le chemin des Laz et le Vieux-Chemin d'Onex au Nord, le chemin de la Genévrière et le chemin de Tirelonge à l'est, ainsi que le chemin de la Genévrière au sud. Préalablement, ils demandaient la restitution de l'effet suspensif au recours.

Le projet de ZR portait atteinte à leur garantie de la propriété et consacrait plusieurs violations du droit.

L'institution de la ZR était utilisée de manière contraire à son but avec l'intention expresse de contourner les règles relatives au refus conservatoire, afin de bénéficier de délais plus longs. Les dispositions cantonales d'exécution de l'art. 27 LAT n'étaient pas conformes à celui-ci. Les art. 13C LaLAT et 10 RaLAT n'étaient pas conformes au droit supérieur. Les conditions pour la création d’une ZR (« lorsque la sauvegarde des buts et principes régissant l'aménagement du territoire l'exige ») ne correspondaient pas à celle posées par l'art. 27 LAT (« s'il n'exist[ait] pas de plan d'affectation ou que l'adaptation d'un tel plan s'impos[ait] »). Le principe de la légalité était donc manifestement violé.

L'intérêt public et la proportionnalité n'étaient pas non plus respectés par la mise en place de la ZR sur le périmètre Nord du projet, dont les caractéristiques empêchaient toute densification, vu l'accessibilité très limité de ce périmètre, tant en ce qui concernait les axes routiers (accès par des chemins privés) que s'agissant des transports publics et des pistes cyclables, et la nécessité de préserver le patrimoine naturel (haies bocagères) et historique (voies historiques de la Suisse), selon le plan directeur communal. Il n'y avait donc manifestement aucun intérêt public à instituer une ZR sur ce périmètre, puisque la densification prétendument envisagée par les autorités ne serait pas possible. En indiquant que la planification à mettre en œuvre devait prendre en considération une multitude de facteurs et déterminer le contenu précis de la future modification de zone, le Conseil d'État admettait clairement que la délimitation de la ZR contestée ne reposait sur aucun critère objectif et avait été établie de façon extrêmement sommaire et sans prendre en compte la réalité du périmètre et les possibilités effectives de pouvoir densifier la zone.

L'objectif visé par le projet de ZR pouvait déjà être réalisé en inscrivant une ZR dans les parties Sud et Sud-Ouest de celui-ci, sans qu'il soit nécessaire d'inclure à la ZR la partie Nord. La mise en place d'une ZR avait pour conséquence des limitations importantes des droits des propriétaires concernés, dont ils faisaient partie, en les privant, pendant cinq ans, du droit d'ériger de nouvelles constructions sur leur parcelle, ainsi que de celui de rénover et d'agrandir leur bien. En particulier, l'engagement du propriétaire effectuant des travaux d'accepter de renoncer à les valoriser à concurrence de CHF 100'000.- dans un plan financier ou en cas de préemption ou expropriation constituait une exigence manifestement disproportionnée. Le propriétaire était ainsi incité à ne pas faire des travaux essentiels sous peine de perdre leur valeur et forcé de voir la valeur de son bien baisser faute d'entretien. Il était donc gravement lésé par la mesure. Ainsi, leur intérêt à éviter une atteinte importante à leurs droits était clairement prépondérant par rapport à l'intérêt public inexistant à densifier le périmètre Nord.

Aucune des conditions posées à la mise en place d'une ZR n'étant réalisée en l'espèce, il s'imposait de restituer l'effet suspensif à leur recours. Aucun objectif de « sécurisation » de la ZR n'entrait en ligne de compte.

22. Dans ses écritures responsives du 3 novembre 2017, le Conseil d'État a conclu au rejet du recours tant sur effet suspensif que sur le fond.

Compte tenu de l'art. 27 LAT et de la jurisprudence y relative, un projet de ZR pouvait être instauré sur le territoire du canton de Genève sans disposition cantonale d’exécution. En outre, la motion M 2278 lui donnait mandat de la part du Grand Conseil d'appliquer directement le droit fédéral et de créer des ZR pour préserver le potentiel de densification prévu par le PDCn 2030. L'instrument de la ZR était utilisé en l'espèce conformément au but visé par les art. 27 LAT et 10 RaLAT, qui était d’éviter que la délivrance d'une autorisation de construire conforme à la zone en vigueur ne vienne compromettre la concrétisation de la planification future.

L’adoption de la ZR avait comme conséquence de délimiter un périmètre à l’intérieur duquel rien ne pouvait être entrepris qui puisse mettre en cause la planification future. Le contenu précis des futures modifications de zones n’était par définition pas connu et dépendra d’études, d’analyses, de consultation et de procédures futures qui prendront en considération une multitude de facteurs dont ceux soulevés par les recourants, soit l’accessibilité, la mobilité et la sauvegarde du patrimoine bâti et naturel.

Le projet de ZR respectait le principe de la proportionnalité. Il n’était pas plus vaste que le périmètre déterminé par le PDCn 2030 et n’était pas d’une durée excessive.

Contrairement à ce qu'affirmaient les consorts RAMPINI, la pratique mise en place par le département au sujet des effets de la ZR permettait aux propriétaires concernés d'assurer l'entretien courant de leurs biens immobilier et de procéder à un léger agrandissement des bâtiments existants ou à l'édification de constructions de peu d'importance, dans le respect de certaines exigences et limitations, liées à une éventuelle future opération de densification de la parcelle concernée. Au surplus, il était rappelé que le refus conservatoire de l'art. 13B LaLAT imposait, dans le périmètre couvert par la ZR, des contraintes excessives de délais à l'autorité chargée de l'aménagement du territoire. En particulier, le délai maximum de deux ans pour l'adoption d'une nouvelle modification du plan des zones apparaissait, pour certains périmètres spécifiques nécessitant par exemple une concertation poussée, comme nettement insuffisant.

L'octroi aux consorts RAMPINI d'une autorisation de construire appliquant les normes de la zone villas serait manifestement contraire aux objectifs poursuivis par la ZR elle-même, de sorte que, compte tenu de sa nature de mesure provisionnelle, la ZR ne devrait pas pouvoir faire l'objet d'une décision de restitution de l'effet suspensif. Les consorts RAMPINI ne soutenaient pas non plus avoir un intérêt concret et immédiat à ce que les effets de la ZR restent suspendus pendant la période de recours, notamment en raison d'une demande d'autorisation de construire appliquant les dispositions de la zone villas.

23. Le 19 décembre 2017, les consorts RAMPINI ont répliqué, en persistant dans leurs conclusions et leurs précédents développements.

Le seul fait que les art. 13C LaLAT et 10 RaLAT puissent prévoir plusieurs hypothèses, non prévues par l'art. 27 LAT, qui énonçait comme critère permettant la mise en place d'une ZR uniquement la nécessité de modifier la planification d'affectation en vigueur, n'était pas conforme au droit fédéral. Dépourvus de toute densité normative, ne permettant ainsi pas aux administrés de savoir dans quelles hypothèses les bien-fonds dont ils étaient propriétaires risquaient de se voir inclus dans le périmètre d'une ZR. La comparaison avec la législation vaudoise n'était pas pertinente, la ZR étant utilisée dans ce canton pour redimensionner une zone à bâtir trop étendue, et non pas pour augmenter la densification de la zone villas existante. Par ailleurs, d'autres lois cantonales d'aménagement du territoire ne contenaient pas de dispositions aussi imprécises sur les ZR que les cantons de Genève et de Vaud. Contrairement à ce qu'indiquait le Conseil d'État, le fait que le périmètre de la ZR appartenait aux secteurs expressément désignés par le plan directeur cantonal comme devant faire l'objet d'une densification ne dispensait pas les autorités d'affiner les délimitations effectuées par celui-ci, précisément pour en exclure les périmètres pour lesquels une densification apparaissait impraticable. Finalement, la restitution de l'effet suspensif n'était pas exclue en soi dans la contestation d'une mesure provisionnelle. En l'occurrence, il existait de justes motifs l'imposant puisque la densification du périmètre Nord apparaissant manifestement irréaliste au vu des contraintes physiques existantes.

24. Sur quoi, les parties ont été informées le 20 décembre 2017 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. En vertu de l’art. 61 LPA, le recours peut être formé : a) pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation ; b) pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1) ; les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

3. Le litige porte sur la conformité au droit de l'arrêté du Conseil d'État du 28 juin 2017 rejetant les oppositions des recourants au projet de création de la ZR no 30032-527, adopté par arrêté séparé du même jour.

4. Les recourants font valoir que l'instauration de la ZR no 30032-527 viole la garantie de leur propriété. L'intérêt public à une réorganisation du sol ne pourrait leur être opposé alors qu'il n'existe aucun projet concret d'aménagement et vu l'importance du dommage qui leur est causé. Le périmètre dans lequel se situait leur parcelle n’était pas propice à un développement.

5. a. À teneur de l’art. 26 Cst., la propriété est garantie. Cette garantie constitutionnelle comprend la faculté de disposer de son terrain dans les limites des lois et des plans d’affectation du sol. Pour être admissible, sa restriction doit répondre aux exigences de l’art. 36 Cst., soit reposer sur une base légale (al. 1 ; ATF 135 I 233 consid. 2.1 p. 241), répondre à un intérêt public (al. 2 ; ATF 140 I 201 consid. 6.7 p. 213 ; 137 I 167 consid. 3.6 p. 175) et respecter le principe de la proportionnalité (al. 3 ; ATF 140 I 168 consid. 4.2.1 p. 173 ; 135 I 233 consid. 3.1 p. 246).

b. À teneur de l'art. 27 LAT, s'il n'existe pas de plan d'affectation ou que l'adaptation d'un tel plan s'impose, l'autorité compétente peut prévoir des ZR dans des territoires exactement délimités. À l'intérieur de ces zones, rien ne doit être entrepris qui puisse entraver l'établissement du plan d'affectation (al. 1). Une ZR ne peut être prévue que pour cinq ans au plus ; le droit cantonal peut prolonger ce délai (al. 2).

Une ZR, au sens de l'art. 27 LAT, est une mesure conservatoire ou provisionnelle. La ZR équivaut à un plan d'affectation et elle entraîne des restrictions à la propriété (ATF 113 Ia 362 consid. 2 p. 364 ; DFJP/OFAT, Étude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, nos 2 et 15 ad art. 27) ; elle permet notamment d'interdire temporairement toute construction (DFJP/OFAT, op. cit., no 13 ad art. 27). Une telle mesure doit cependant, en vertu du droit fédéral, être limitée dans le temps (art. 27 al. 2 LAT). Elle ne doit pas servir à repousser indéfiniment la mise à l'enquête ou l'adoption de la nouvelle réglementation. La mesure ne peut trouver aucune justification si elle se prolonge pour toute autre raison que celle d'être au service de l'adoption de la nouvelle réglementation (Manuel BIANCHI, Réflexions autour des mesures provisionnelles à l'occasion de la révision d'un plan d'aménagement local, ZBl 1987 396, p. 407). La mesure doit être levée dès qu'elle n'est plus nécessaire (Alexander RUCH, Commentaire LAT, n 56 ad art.27 LAT; Berhnard WALDMANN/Peter HÄNNI, Raumplanungsgesetz, Berne 2006, no 16 ad art. 27 LAT ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.365/2006 du 5 octobre 2006 consid. 3.1 et 3.4). 

L'art. 27 LAT est considéré comme une base légale suffisante et ne nécessite pas de dispositions cantonales d'exécution (DFJP/OFAT, op. cit., n7 et 12 ad art. 27). L'intérêt public attaché à la création d'une ZR implique une sérieuse volonté d'aménager et présuppose l'admissibilité du projet d'aménagement futur ; le principe de la proportionnalité exige quant à lui que la ZR ne soit pas plus vaste et ne dure pas plus longtemps que ne le requiert le but poursuivi (ATF 113 Ia 362 consid. 2a-c ; 105 Ia 223 consid. 2d; arrêt du Tribunal fédéral 1P.365/2006 du 5 octobre 2006 consid. 3.1).

c. En vertu de l'art. 10 RaLAT entré en vigueur le 16 juin 2015, lorsque la sauvegarde des buts et principes régissant l'aménagement du territoire l'exige, notamment lorsqu'une modification des normes d'une zone est envisagée en vue d'une meilleure utilisation de terrains à bâtir, le Conseil d'État peut, à titre provisoire et pour une durée de cinq ans, adopter un plan portant création d'une ZR au sens de l'art. 27 LAT (al. 1). À l'intérieur de celle-ci, rien ne doit être entrepris qui soit de nature à compromettre des objectifs d'urbanisme ou la réalisation d'équipements publics. À cet effet, le département peut refuser l'autorisation de construire sollicitée en vertu de l'art. 1 LCI (al. 2). La procédure, prévue à l'art. 20 al. 7 LaLAT, pour l'adoption, la modification ou l'abrogation des plans localisés agricoles, est applicable par analogie, à l'exception de l'art. 5 al. 11 de la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités du 9 mars 1929 (LExt - L 1 40 ; al. 3). Si les circonstances le justifient, le Conseil d'État peut modifier ou abroger une ZR avant l'expiration du délai prévu à l'al. 1 ; la procédure est identique à celle prévue à l'al. 3 (al. 4).

d. Selon l'art. 13C al. 1 LaLAT, adopté le 12 mai 2017 et entré en vigueur le 29 juillet 2017, lorsque la sauvegarde des buts et principes régissant l’aménagement du territoire l’exige, notamment lorsqu’une modification des limites de zones est envisagée, le Conseil d’État peut adopter, à titre provisoire et pour une durée de cinq ans au plus une ZR au sens de l’art. 27 LAT.

e. Selon la doctrine et la jurisprudence, en droit de la construction, la loi applicable est celle en vigueur au moment où statue la dernière instance saisie du litige. La jurisprudence admet ainsi d’une façon générale qu’une demande d’autorisation de bâtir déposée sous l’empire du droit ancien est examinée en fonction des dispositions en vigueur au moment où l’autorité statue sur cette demande, même si aucune disposition légale ou réglementaire ne le prévoit ; les particuliers doivent en effet toujours s’attendre à un changement de réglementation (ATF 101 Ib 297 consid. 2b ; ATA/653/2014 du 19 août 2014 ; ATA/56/2013 du 29 janvier 2013). En statuant sur une demande d’autorisation suivant des prescriptions devenues obligatoires après son dépôt, le juge ne tombe pas dans l’arbitraire, ni ne viole une disposition impérative ou la garantie de la propriété (ATF 107 Ib 133 consid. 3 ; ATA/653/2014 précité).

f. Dans un arrêt récent du 13 juin 2017 (ATA/659/2017) examinant le bien-fondé du refus de délivrance d'une autorisation de construire en zone villas en raison de l'incompatibilité de ce projet avec l'objectif de densification de la cinquième zone concernée par une modification de zone, la chambre de céans a retenu, en regard de l'art. 10 RaLAT, que la condition de l'intérêt public était donnée dans la mesure où il s'agissait de permettre la construction d'un nombre plus important de logements, conformément au PDCn 2030. Il en allait de même de la condition de la proportionnalité, étant donné qu'il s'agissait d'éviter que la future densification par modification de zone prévue par le PDCn 2030 ne soit mise en péril. L'intérêt public d'une densification par modification de zone primait sur l'intérêt privé de la recourante de densifier sa parcelle au sens de la dérogation prévue par l'art. 59 al. 4 let. a LCI, dans le contexte genevois qui connaissait une pénurie de logements.

g. Comme rappelé ci-dessus, en matière de ZR, des dispositions cantonales d'exécution de l'art. 27 LAT ne sont pas nécessaires. Au demeurant, celles-ci existent désormais – à tout le moins – depuis l'entrée en vigueur de l'art. 13C LaLAT. Il en va de même de la compétence du Conseil d'État pour instaurer de telles mesures provisionnelles. Le renvoi du rapport du Conseil d'État le 29 janvier 2016 à la commission d'aménagement du canton n'apporte en l'état aucun changement à ces bases légales.

Concernant l'exigence d'un intérêt public, il a déjà été retenu de jurisprudence récente que la nécessité de construire un nombre plus important de logements en cas de pénurie dans ce domaine, y satisfait. À cela s'ajoute que l'obligation de densification des autorités genevoises résulte du PDCn 2030 qu'elles ont adopté et qui a été approuvé par le Conseil fédéral. Ce document fondateur illustre leur réelle intention de procéder aux aménagements nécessaires, induits par le manque d'habitations préoccupant. À cet égard, il sied de rappeler que l'adoption d'un plan d'utilisation du sol ne constitue pas un prérequis à l'instauration d'une ZR.

S'agissant de l'utilisation du refus conservatoire, hypothèse initialement proposée par le Conseil d'État par l'intermédiaire du PL 11411, celle-ci a été expressément écartée par le législateur en raison de l'absence de circonscription du périmètre sur lequel cette mesure provisionnelle aurait porté. Faute d'une possible délimitation précise, elle aurait été applicable sur tout le territoire du canton.

Ainsi, en tant qu'elle vise une superficie aux contours définis, la ZR a été choisie par les deux pouvoirs comme étant la mesure provisionnelle la plus adaptée à la mise en œuvre du PDCn 2030. En outre, le 23 mars 2016, le Conseil d'État a mis à jour la carte intitulée « programme de densification du quartier de villas » en indiquant une réduction du nombre et de la surface des périmètres destinés à passer en ZR. Si ce type de revirement peut, de prime abord, permettre de douter de la précision du travail effectué en amont, il démontre néanmoins, de manière subséquente, une certaine prise en considération des divers enjeux et intérêts en présence, ainsi qu'une approche tendant à une rationalisation.

Finalement, le préavis de la commune revêtant un caractère consultatif, il n'appartient pas à la chambre de céans de revoir l'opportunité de la décision du Conseil d'État ou du département.

Il en va de même de la délimitation du périmètre de la ZR que les recourants tentent de remettre en cause. En effet, les choix liés à la planification du sol sont essentiellement politiques et relèvent de l’opportunité, qui n’est revue que par le Conseil d’État lors de la procédure d’opposition. La chambre administrative n'est ainsi pas habilitée à examiner l'opportunité des mesures d'aménagement dont elle a à connaître sur recours (art. 61 al. 2 LPA et 35 LaLAT ; Jean-Charles PAULI, L'élargissement des compétences du Tribunal administratif en matière d'aménagement du territoire et ses premières conséquences sur la conduite des procédures à Genève, RDAF 2000, vol. I, p. 526 ; Thierry TANQUEREL, Le contentieux de l'aménagement du territoire, in 3ème journée du droit de la propriété, 2000, p. 10).

Si les inconvénients de cette situation, subis par les propriétaires des parcelles touchées, sont à l'évidence non-négligeables, ceux-ci ne permettent cependant pas de s'écarter de l'intérêt public de la population entière à pouvoir se loger convenablement. En tant que la ZR concerne un périmètre déterminé pour une durée limitée dans le but de préserver le potentiel de densification et d'éviter des mesures éventuellement plus intrusives, elle apparaît également conforme au principe de la proportionnalité. Ces considérations n'impliquent cependant pas que l'instauration des ZR préjuge de l'adoption des mesures de déclassement envisagées.

Il résulte de ce qui précède que le Conseil d'État pouvait valablement rejeter l'opposition des recourants quant à l'instauration de la ZR no 30032-527, intégrant leurs parcelles.

6. Cela dit, il convient encore d’examiner la durée effective de la mesure, soit la ZR no 30032-527.

7. a. À teneur de l'art. 13C al. 2 LaLAT, la durée de cinq ans visée à l’art. 13C al. 1 LaLAT commence à courir dès l’adoption de la ZR sur le périmètre concerné. Lorsqu’il a été préalablement fait application de l’art. 13B LaLAT, elle est, pour la parcelle concernée, réduite de celle correspondant aux effets de cette mesure. Cette durée ne peut, au surplus, être matériellement prolongée par toute autre mesure conservatoire. L'art. 13C al. 3 LaLAT précise encore que seule la publication dans la FAO de la décision d’adoption de la ZR permet de la porter à la connaissance du public par le biais d’une carte ou de tout autre moyen de publicité.

  À cet égard, il était prévu que le département supprime sans délai toute carte identifiant des ZR si celles-ci n’avaient pas été adoptées selon la procédure visée à l’art. 13C al. 4 LaLAT (art. 36 al. 5 LaLAT).

Selon les travaux préparatoires relatifs au PL 12023 ayant proposé l'adoption de l'art. 13C LaLAT, celle-ci tendait notamment à assurer une base légale cantonale formelle à l'art. 10 RaLAT, soit l'instauration des ZR
(PL 12023-A p. 1). En outre, il avait été relevé que la procédure suivie par le Conseil d'État, consistant notamment à publier sur le site internet du département une carte des ZR envisagées comportant onze périmètres en juin 2015 sans que ceux-ci ne fassent pourtant l'objet d'arrêtés d'adoption de ZR, était problématique. Cette publication avait eu un effet immédiat pour les propriétaires touchés qui dès lors, avaient vu l'estimation de leur parcelle être particulièrement précaire, voire dévaluée (PL 12023-A p. 2). À cette occasion, les représentants du département avaient confirmé leur intention de ne pas cumuler les ZR et d'autres mesures conservatoires telles que le refus conservatoire (PL 12023-A p. 5).

Lors des débats devant le Grand Conseil, les aspects précités ont été rappelés. Il a également été souligné que le but de cette disposition était de « régler l'avenir, en prévoyant que le délai de départ des cinq ans de la ZR commen[çait] au moment où un arrêté du Conseil d'État entr[ait] en vigueur, il vis[ait] également à empêcher que toute autre mesure provisionnelle du même type puisse s'appliquer avant ou après la mesure de ZR et donc puisse augmenter ce délai de cinq ans qui, au regard de la jurisprudence fédérale, [était] un délai maximal ». La commission d'aménagement du canton, en charge du traitement du PL 12023 avait « étudié la question de l'impact sur les valeurs immobilières, sans préjuger aucunement des questions juridiques ouvertes, soit la possibilité pour les propriétaires visés de tenter de faire valoir leurs droits pour indiquer que le délai [avait] commencé à courir en juin 2015, ou l'éventualité pour ces mêmes propriétaires d'actionner l'État en responsabilité s'ils considér[aient] que la publication anticipée de la carte leur [avait] causé un dommage. [Elle avait] auditionné des experts immobiliers qui [leur avaient] indiqué que la décote sur ces parcelles touchées par les ZR serait de 10 % à 15 % environ, décote qui s'ajout[ait] à une décote originelle […] due à leur inscription au plan directeur cantonal en vue d'un déclassement. [C'était] donc une double peine qui touch[ait] ces propriétaires puisqu'ils subiss[aient] une première décote parce qu'ils [étaient] visés par des déclassements, et une deuxième par cette mesure de ZR ». Pour le conseiller d'État en charge du département, la ZR permettait « d'informer les propriétaires de ce qui [allait] se produire. Dans ce cadre, elle [devait] être bien régulée, être d'une durée maximale de cinq ans, y compris le temps des refus conservatoires ». La ZR repositionnait également le marché immobilier selon les inscriptions au Registre foncier montrant que les propriétaires de villas en ZR avaient pu vendre leur bien essentiellement à des promoteurs-développeurs (MGC [En ligne], séance du 12 mai 2017 à 14h, disponible sur http://ge.ch/grandconseil/memorial/seances/010403/14/23/#1563983).

b. L'art. 4 LAT se distingue de l'art. 29 al. 2 Cst., dès lors que les deux dispositions poursuivent des buts différents (ATF 135 II 286 consid. 4). En vertu de l'art. 4 LAT, les autorités chargées de l'aménagement du territoire renseignent la population sur les plans dont la loi prévoit l'établissement, sur les objectifs qu'ils visent et sur le déroulement de la procédure (al. 1) ; ils veillent à ce que la population puisse participer de manière adéquate à l'établissement des plans (al. 2) ; les plans prévus par la LAT peuvent être consultés (al. 3).

Le droit fédéral ne définit pas l'étendue de l'information et de la participation prévues à l'art. 4 LAT. Si l'organisation de séances d'information constitue un moyen efficace de mettre en œuvre cette disposition, il ne s'agit pas d'une obligation légale (DFJP/OFAT, op.cit., no 7 ad art. 4). L'art. 4 al. 1 LAT implique ainsi que la collectivité publique fournisse à la population l'information qui lui est nécessaire pour se forger valablement une opinion (DFJP/OFAT, op.cit., no 12 ad art. 4). Il est par exemple envisageable que la mise en consultation d'un dossier suffise à satisfaire aux exigences du droit d'information et de participation prévu par la législation fédérale. Les autorités compétentes disposent ainsi d'un large pouvoir d'appréciation dans l'application de l'art. 4 LAT (ATF 133 II 120 consid. 3.2 et les références).

La participation des administrés doit intervenir dès la genèse de la planification, c'est-à-dire à un stade où celle-ci n'a pas encore de portée irréversible. Il s'agit non seulement d'asseoir la légitimité démocratique des outils de planification, mais aussi d'éviter autant que possible les diverses oppositions. En principe, toutes les personnes touchées sur le territoire concerné par la mesure d'aménagement doivent être informées, soit par le biais de séances d'information, voire par voie de publication officielle, soit par l'intermédiaire des médias. Toute personne peut par ailleurs demander des renseignements à titre individuel sans avoir à justifier d'un intérêt particulier. Le droit de participation prévu à l'art. 4 al. 2 LAT tend à éviter que les projets soient élaborés à huis-clos ou que la population soit mise devant le fait accompli. Celle-ci doit disposer d'un moyen réel d'intervenir effectivement dans le processus, en exerçant une véritable influence sur le résultat à atteindre (DFJP/OFAT, op.cit., no 3 ad art. 4 ; Peter HÄNNI, Planungs-, Bau- und besonderes Umweltschutzrecht, Berne 2016, p. 140). L'art. 4 al. 1 et 2 LAT donne ainsi un mandat législatif aux cantons, à qui il appartient de déterminer le type d'information et les autorités compétentes (ATF 135 II 286 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_266/2016 du 14 juin 2017 consid. 2.1).

c. Conformément aux principes de la sécurité du droit et de la légalité, lorsque le droit cantonal prévoit l'effet anticipé négatif d'une norme non encore approuvée, et empêche ainsi la construction d'un ouvrage supposé conforme au droit en vigueur, il est nécessaire que cette mesure soit limitée dans le temps (Manuel BIANCHI, La révision du plan d'affectation communal, thèse Lausanne 1990, p. 187). Cette limitation découle de la nature juridique de l'effet anticipé, qui équivaut à une suspension de la procédure ou à un blocage temporaire, en d'autres termes à des mesures provisionnelles (arrêt du Tribunal fédéral 1C_694/2013 du 31 janvier 2014 consid. 2.2 et les références citées). Par ailleurs, l'effet anticipé positif, soit l'application du droit futur, qui n'est pas encore en vigueur, en lieu et place du droit actuel, n'est pas admissible, même s'il est prévu dans une loi. L'art. 27 LAT ne permet pas non plus que des projets soient jugés exclusivement selon les intentions de planifications, c'est-à-dire selon le droit futur (Alexander RUCH, Commentaire pratique LAT : Planifier l'affectation, 2016, no 55 ad art. 27 LAT et les références citées).

d. La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Le juge ne se fonde cependant sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 137 IV 180 consid. 3.4). En revanche, lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause, il y a lieu de déroger au sens littéral d’un texte clair (ATF 137 I 257 consid. 4.1) ; il en va de même lorsque le texte conduit à des résultats que le législateur ne peut avoir voulus et qui heurtent le sentiment de la justice et le principe de l’égalité de traitement (ATF 135 IV 113 consid. 2.4.2). De tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi (ATF 135 II 78 consid. 2.2). Si le texte n’est ainsi pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 136 III 283 consid. 2.3.1). Le juge ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme (ATF 139 IV 270 consid. 2.2 ;
137 IV 180 consid. 3.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_839/2015 du 26 mai 2016
consid. 3.4.1 ; 1C_584/2015 du 1er mars 2016 consid. 4.1).

e. En l'espèce, le département a effectivement publié sur son site internet en date du 14 juillet 2015 une carte intitulée « programme de densification des quartiers de villas », désignant notamment les périmètres de ladite zone sur lesquels seraient instaurées des ZR. En procédant de la sorte, le département, soit pour lui, le Conseil d'État, ne conteste pas avoir porté à la connaissance de tous des intentions de mesures d'aménagement du territoire qui n'avaient pourtant pas encore été formellement adoptées. Les principaux intéressés, les propriétaires des parcelles concernées, n'en avaient d'ailleurs même pas encore été informé, puisque ce n'est que par courrier du 29 mars 2016 qu'ils l'ont été. À cela s'ajoute que, dès l'instant où le Grand Conseil a examiné cette démarche lors de sa séance du 29 janvier 2016, il s'y est opposé, renvoyant le rapport du Conseil d'État M 2278-A à la commission d'aménagement du canton pour étude. Nonobstant cette prise de position, le département a maintenu la publication de ladite carte sur son site internet, se contentant de l'actualiser le 23 mars 2016 en réduisant la portée des ZR.

Dans ce contexte, le Conseil d'État ne saurait faire valoir qu'il s'agissait uniquement pour le département de satisfaire à un devoir d'information de la population au sujet du PDCn 2030 au sens de l'art. 4 LAT, alors qu'il ne pouvait raisonnablement en ignorer les répercussions, que les renseignements fournis dépassaient largement le contenu stricto sensu du PDCn 2030 et que la mise à l'enquête publique n'avait même pas encore eu lieu.

En adoptant l'art. 13C LaLAT, le législateur a d'ailleurs clairement mentionné sa volonté de circonscrire l'application des ZR, notamment au niveau temporel, en précisant que toute appréciation ou voie d'action en rapport avec les conséquences de la publication de la carte susmentionnée au mois de juillet 2015 étaient réservées. En effet, il était alors relevé que, selon les auditions menées par les députés dans le cadre de l'étude du PL 12023, une décote supplémentaire de l'ordre de 10 % à 15 % des valeurs immobilières en résultait et s'ajoutait à une décote initiale équivalente due à l'inscription desdites parcelles au PDCn 2030. Qu'un repositionnement du marché de l'immobilier ait pu être constaté par le département du fait de ces mesures, apparaît ainsi incontestable. Il ne permet toutefois pas d'occulter les conséquences financières de celles-ci pour les propriétaires visés. Autrement dit, bien qu'elles n'eussent pas encore été régulièrement adoptées au mois de juillet 2015, les ZR ont commencé à déployer leurs effets dès cette date. En ces circonstances, le retrait de la carte en cause a été prévu par le législateur à l'art. 36 al. 5 LaLAT disposant que le département supprime sans délai toute carte identifiant des ZR si celles-ci n’ont pas été adoptées selon la procédure visée à l’art. 13C al. 4 LaLAT.

Au vu de ce qui précède et de la prohibition du cumul des mesures provisoires prévue à l'art. 13C al. 2 LaLAT, il faut retenir que la durée durant laquelle la carte intitulée « programme de densification des quartiers de villas » a été publiée sur le site internet du département doit être déduite de celle autorisée pour l'instauration d'une ZR. Ladite carte ayant été publiée du 14 juillet 2015 jusqu'au, vraisemblablement, 29 juillet 2017, date de l'entrée en vigueur des art. 13C et 36 al. 5 LaLAT, une période équivalente devra être imputée du délai de cinq ans prévu par les art. 27 al. 2 LAT et 13C al. 1 LaLAT.

8. À titre principal, le recours sera rejeté s’agissant de l'instauration de la ZR no 30032-527 et de la compétence du Conseil d'État pour y procéder. Il sera partiellement admis sur la question de la durée effective de la mesure provisionnelle en cause, considérant la publication du 14 juillet 2015 de la carte intitulée « programme de densification des quartiers de villas » sur le site internet du département.

9. Le présent arrêt au fond rend la demande de restitution de l’effet suspensif sans objet.

10. Vu l’issue du litige et dans la mesure où les recourants succombent sur l'essentiel de leur recours, il ne sera pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 août 2017 par Messieurs Marco, Nicolas et Raphaël RAMPINI, ainsi que Madame Marina RAMPINI ITSOUHOU MADZOU contre l'arrêté du Conseil d'État du 28 juin 2017 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

dit que la période, durant laquelle la carte intitulée « programme de densification des quartiers de villas » a été publiée sur le site internet du département de l’aménagement, du logement et de l’énergie, devenu depuis le département du territoire, à partir du 14 juillet 2015, doit être déduite de la durée de la mesure provisionnelle concernée, soit la zone réservée no 30032-527 ;

confirme l’arrêté du Conseil d’état du 28 juin 2017 pour le surplus ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat des recourants, à Me Alain Maunoir, avocat du Conseil d’État, ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial (ARE).

Siégeant : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Krauskopf, M. Pagan, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

K. De Lucia

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :