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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2362/2014

ATA/920/2016 du 01.11.2016 sur JTAPI/164/2015 ( PE ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS ; CAS DE RIGUEUR ; ÉTAT DE SANTÉ ; SANTÉ ; ATTEINTE À LA SANTÉ ; SOINS MÉDICAUX ; FAMILLE ; ASSISTANCE PUBLIQUE ; INTÉGRATION SOCIALE ; RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS) ; DÉCISION DE RENVOI
Normes : LEtr.1 ; LEtr.2 ; LEtr.30.al1.letb ; LEtr.30.al1.letb ; LEtr.64.al1.letc ; LEtr.64d.al1 ; LEtr.83 ; OASA.31.al1 ; aOLE.13.alf
Résumé : Admission partielle du recours d'une ressortissante marocaine dont le renvoi n'est pas raisonnablement exigible. Renvoi du dossier à l'autorité intimée pour qu'elle propose une admission provisoire au SEM. Le dossier révèle de sévères lacunes dans le système social de santé marocain, en particulier dans la région où vivent les proches de la recourante. Or, en l'absence de ressources financières suffisantes et à défaut d'une prise en charge étatique, la recourante sera contrainte d'arrêter son traitement médical. L'hypothèse d'une issue fatale confine ainsi à la certitude. De plus, la situation de la recourante est particulière en ce sens, principalement, qu'elle a vécu en Suisse durant une trentaine d'années, qu'elle n'a que peu cotisé à l'AVS en raison de la nature de ses emplois successifs, que pendant toute cette durée, elle a été au bénéfice exclusivement de cartes de légitimation, que si tel n'avait pas été le cas, il lui aurait vraisemblablement été possible de bénéficier aujourd'hui d'un permis d'établissement, qu'elle a toujours travaillé ou manifesté sa volonté de travailler, encore récemment en sollicitant à plus de 60 ans une autorisation d'être employée comme femme de ménage, qu'en l'état les CHF 30'000.- ne sont même pas garantis dès lors que seules sont versées les cotisations effectivement acquittées à la caisse concernée.
En fait
En droit

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2362/2014-PE ATA/920/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er novembre 2016

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Dominique Bavarel, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 février 2015 (JTAPI/164/2015)


EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1953, est ressortissante du Maroc.

2) Le 23 juin 1983, le Département fédéral des affaires étrangères
(ci-après : le DFAE) a délivré à Mme A______ une carte de légitimation.

Celle-ci était valable jusqu'en décembre 1983. Elle avait ensuite été renouvelée jusqu'en décembre 1984. Mme A______ était autorisée à travailler au service du représentant permanent du Royaume F______ à Genève, en tant qu'employée de maison.

Le 19 février 1991, le DFAE a délivré une nouvelle carte de légitimation valable jusqu'au 1er décembre 1991. Mme A______ était autorisée à travailler au service d'un membre de la Délégation permanente de la Ligue G______ à Genève, en tant qu'employée de maison.

3) a. Le 28 mai 2011, Mme A______ a déposé une demande d'autorisation de séjour auprès de l'office cantonal de la population et des migrations
(ci-après : OCPM).

Elle résidait en Suisse depuis le 10 juin 1983. Elle avait bénéficié pendant vingt-huit ans d'une carte de légitimation et souhaitait obtenir un permis B.

Elle gagnait un salaire mensuel de CHF 3'550.- et était logée par son employeur, membre de la Mission permanente de la République H______. Le formulaire M, rempli par son employeur le 14 février 2011, était joint à sa demande.

Elle se sentait bien à Genève, y avait ses amis et ses connaissances. Elle aimait la Suisse, notamment son organisation, sa politique, sa démocratie et sa justice et elle voulait y finir sa vie.

Elle était mère de trois enfants, deux fils qui vivaient au Maroc et d'un fils aîné qui y était décédé en début d'année.

b. Mme A______ a joint à sa demande plusieurs documents soit notamment :

- son curriculum vitae : elle avait travaillé à Genève de 1983 à 2009 auprès de différents employeurs qui étaient, pour la majorité d'entre eux, employés des organisations internationales. Son époux était décédé au mois de novembre 1991. Elle était alors retournée vivre au Maroc durant une année ;

- un courrier du 17 mars 1993 de la Mission permanente de la Suisse refusant de délivrer à la Mission permanente du Royaume du Maroc une nouvelle carte de légitimation en faveur de Mme A______ au motif que cette dernière avait signé, le 4 mars 1991, une déclaration selon laquelle elle s'engageait à quitter la Suisse à la fin du contrat la liant à son employeur. Ce dernier ayant quitté le pays, la carte de légitimation avait été annulée le 20 janvier 1993 ;

- un certificat de travail délivré par la société B______ SA selon lequel
Mme A______ avait été engagée en qualité de femme de ménage du 13 mars 2003 au 30 novembre 2006. La société avait mis fin aux rapports de travail pour des raisons administratives ;

- une carte de légitimation indiquant qu'elle était arrivée en Suisse le
8 avril 2002 et qu'elle travaillait pour un membre de la Mission permanente de la République H______ depuis le 1er août 2009. La carte était valable du
9 février 2012 au 31 décembre 2012 ;

- une attestation du 24 octobre 2012 d'un membre de la Mission permanente de la République H______, employeur de Mme A______, selon laquelle les fonctions de ce dernier auprès de la Mission permanente de la République du Soudan prendraient fin en juin 2013 ;

- un courriel du 5 novembre 2013 du Centre social protestant (ci-après : CSP) à l'OCPM. La carte de légitimation de Mme A______ était arrivée à échéance fin mai 2013, suite à la perte de son emploi dans le domaine de l'économie domestique. Étant donné qu'elle habitait depuis environ trente ans à Genève, il s'agissait d'un cas d'extrême gravité.

Une procuration du même jour était annexée à ce courriel. Mme A______ donnait pouvoir au CSP de la représenter pour toutes démarches et procédures en lien avec son statut de séjour.

4) Le 23 décembre 2013, l'Hospice général (ci-après : l'hospice) a transmis à l'OCPM une attestation selon laquelle Mme A______ recevait des prestations financières depuis le 1er décembre 2013.

5) Par courrier du 18 février 2014, l'OCPM a signifié à Mme A______ son intention de refuser sa demande. Elle disposait d'un délai de trente jours pour transmettre ses observations.

6) a. Le 6 mars 2014, le CSP a adressé un courrier à l'OCPM.

Mme A______ vivait de manière continue à Genève, au bénéfice d'une carte de légitimation du DFAE, depuis près de trente ans. Elle retournait régulièrement un mois au Maroc pour ses vacances d'été, mais elle n'avait jamais quitté Genève en dehors de ces périodes. Un retour dans son pays d'origine constituerait un véritable déracinement pour elle.

b. Des pièces étaient produites à l'appui de ce courrier, soit notamment :

- dix témoignages écrits d'amis ou de connaissances de longue date, rencontrés soit en 1985, 1988, 1990, 1992, 2004 ou encore en 2010 à Genève, attestant que Mme A______ était une personne active, serviable et bien intégrée ;

- une attestation délivrée le 4 mars 2014, selon laquelle Mme A______ participait depuis 2010 aux cours d'alphabétisation de l'Université ouvrière de Genève (ci-après : UOG), dispensés deux fois deux heures par semaine.

7) Par décision du 22 juillet 2014, l'OCPM a refusé d'octroyer à Mme A______ une autorisation de séjour. Il a prononcé son renvoi en lui impartissant un délai au 22 septembre 2014 pour quitter la Suisse.

Mme A______ avait conservé de fortes attaches avec son pays d'origine puisqu'elle y retournait régulièrement pour des vacances durant un mois. Elle n'avait pas démontré qu'elle avait résidé de façon continue à Genève depuis près de trente ans. Arrivée en Suisse à l'âge de 38 ans, elle avait passé toute sa jeunesse, son adolescence et une partie de sa vie d'adulte au Maroc, années essentielles pour la formation de la personnalité et pour l'intégration sociale et culturelle. Elle ne pouvait pas se prévaloir d'une bonne intégration. Elle émargeait à l'aide sociale depuis le 1er décembre 2013 et ses connaissances du français étaient encore lacunaires. Elle suivait en effet des cours d'alphabétisation auprès de l'UOG.

8) Par courrier du 12 août 2014, Mme A______ a recouru auprès du
Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre la décision précitée, concluant à son annulation et à la délivrance d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur, sous réserve de l'approbation de l'autorité fédérale.

Elle vivait à Genève depuis plus de trente ans et s'y sentait parfaitement intégrée. Durant cette période, elle avait été longtemps au bénéfice d'une carte de légitimation du DFAE. N'ayant pas de permis de séjour, elle n'arrivait pas à retrouver du travail et avait dû, par conséquent, solliciter l'aide de l'hospice.

9) Le 17 octobre 2014, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

10) Le 29 octobre 2014, l'OCPM a écrit au TAPI afin de l'informer de la délivrance, deux jours plus tôt, d'une autorisation de travail provisoire à
Mme A______, devant lui permettre d'être employée par une entreprise en qualité de nettoyeuse, à raison de quarante heures par semaine pour un salaire mensuel brut de CHF 1'650.-.

11) Mme A______ en a fait de même le 6 novembre 2014.

12) Par jugement du 9 février 2015, le TAPI a rejeté le recours de
Mme A______. Elle n'avait pas démontré répondre aux conditions du cas de rigueur.

Mme A______ ne pouvait se prévaloir de la durée de son séjour en Suisse, dès lors que le temps passé au bénéfice d'une carte de légitimation du DFAE, de même que les séjours illégaux ou précaires, ne sauraient en principe être pris en considération. Depuis le mois de juin 2013, elle demeurait en Suisse au bénéfice d'une simple tolérance de l'OCPM.

Mme A______ n'avait pas démontré avoir fait preuve d'une intégration socioprofessionnelle hors du commun et n'avait pas accompli en Suisse une ascension professionnelle particulièrement remarquable. Elle avait dû recourir à l'assistance sociale pendant plusieurs mois. Les relations d'amitié ou de voisinage que Mme A______ avait pu nouer pendant son séjour ne sauraient justifier une exception aux mesures de limitation du nombre des étrangers.

Mme A______ avait passé toute son enfance, son adolescence ainsi qu'une partie de sa vie d'adulte au Maroc. Elle y avait gardé de fortes attaches, s'y rendant un mois par an. Ses enfants pouvaient l'aider à son arrivée au Maroc et sa réintégration devrait être également facilitée par les cours d'alphabétisation suivis à Genève.

Son renvoi n'était ni illicite, ni impossible, ni non raisonnablement exigible.

13) Par acte posté le 6 mars 2015, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation. Elle sollicitait en parallèle l'assistance juridique.

Le TAPI n'avait pas suffisamment instruit le dossier et avait rendu son jugement en étant mal documenté et en ignorant, sans en motiver les raisons, des faits pourtant pertinents.

En Suisse, elle était parfaitement intégrée. Un retour forcé serait un déracinement. Elle était illettrée, âgée, veuve et sans relations proches au Maroc. Elle s'y rendait pour certaines obligations familiales seulement, mais n'y conservait aucune amitié. Elle entretenait de mauvaises relations avec ses deux fils.

En raison de son incapacité à lire et à écrire, pour toutes questions administratives, elle avait toujours été dépendante de ses employeurs. Ces derniers l'avaient mal informée du caractère temporaire de son statut en Suisse. Les autorités helvétiques ne s'étaient jamais assurées qu'elle participait aux démarches administratives et qu'elle était informée de ses droits.

14) Le 10 mars 2015, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

15) Dans ses déterminations du 2 avril 2015, l'OCPM a conclu au rejet du recours et transmis son dossier.

Mme A______ était parfaitement consciente qu'elle devait, à terme, retourner dans son pays, et ne pouvait invoquer son analphabétisme pour soutenir le contraire. Il soupçonnait Mme A______ de prétendre qu'elle entretenait de mauvaises relations avec ses fils pour les besoins de la cause.

16) a. Le 12 mai 2015, sous la plume de son conseil, Mme A______ a conclu, principalement, à l'annulation du jugement du TAPI et de la décision de l'OCPM et à ce qu'il soit ordonné à ce dernier de soumettre avec un préavis positif la demande d'autorisation de séjour à l'autorité fédérale. Subsidiairement, elle a conclu à ce qu'il soit constaté que l'exécution du renvoi n'était pas raisonnablement exigible et qu'il soit ordonné à l'OCPM de soumettre la demande de Mme A______ à l'autorité fédérale, en vue de l'octroi d'une admission provisoire.

Elle était suivie depuis novembre 2014 par la Doctoresse C______, spécialiste FMH en médecine interne. Son état de santé évoluait de façon négative. Seule une prise en charge médicale rapprochée permettait d'espérer d'éviter une dégradation rapide. Or, l'accès aux soins de santé au Maroc était inégalitaire et les services de santé souffraient d'une pénurie de médicaments et de personnel.

Elle évoquait ses problèmes de santé pour la première fois, dès lors qu'en l'absence d'un conseiller juridique, elle ne connaissant pas la pertinence de cette allégation auparavant.

Les autorités ne pouvaient pas soutenir que Mme A______ pourrait trouver un emploi alors qu'elle était âgée de 62 ans, qu'elle n'était plus domiciliée au Maroc depuis trente ans et qu'elle était atteinte dans sa santé.

Elle n'avait cotisé ni à l'AVS, ni au système de sécurité social marocain, en raison de ses emplois auprès du personnel diplomatique. Dépendante de l'assistance publique et d'une éventuelle aide de sa famille, son accès aux soins serait limité et insuffisant.

L'existence d'un cas d'extrême gravité devait être reconnue. Le renvoi au Maroc n'était pas raisonnablement exigible.

b. A l'appui de sa réplique, Mme A______ a produit un chargé de pièces comprenant :

- le rapport de la banque mondiale du 12 décembre 2014 sur le soutien au secteur de la santé au Maroc.

- un courrier de la Dresse C______ du 10 avril 2015.

Elle était le médecin traitant de Mme A______ depuis novembre 2014. Cette dernière présentait plusieurs atteintes à sa santé, rendant un renvoi dans son pays d'origine contre-indiqué. Elle souffrait :

1) d'une hypertension artérielle sévère malgré une trithérapie antihypertensive avec un contrôle à ce jour insatisfaisant. Cette hypertension se compliquait d'une microalbuminurie importante (début d'atteinte rénale) ainsi que d'un début d'atteinte cardiaque (remodelage concentrique du ventricule gauche). Elle était actuellement sous quadrithérapie ;

De multiples combinaisons de traitement avaient été essayées. Ils tentaient de trouver la thérapie adéquate qui occasionnait le moins d'effets secondaires. Une prise en charge rapprochée et un suivi médical régulier étaient indispensables. À défaut, elle pouvait s'attendre à une dégradation rapide de la fonction rénale (pouvant aboutir à la dialyse), à une insuffisance cardiaque, voire même à un accident vasculaire cérébral. Elle n'était pas certaine que les traitements dont elle bénéficiait actuellement étaient pris en charge au Maroc ;

2) d'un syndrome d'apnée obstructive du sommeil qui nécessitait le suivi d'une thérapie par Continuous Positive Airway Pressure (ci-après : CPAP), soit le port d'un appareil la nuit. Il fallait craindre que ce traitement ne soit pas pris en charge dans les prestations de base au Maroc. Or, des apnées non traitées étaient une cause d'hypertension résistante au traitement et pouvaient favoriser la survenue d'accidents vasculaires (cérébral et cardiaque) ;

3) d'une carence en fer sans anémie pour laquelle des investigations endoscopiques du tube digestif devaient être effectuées ;

4) d'une polyarthrose, d'un probable syndrome du tunnel carpien bilatéral et d'une incontinence urinaire.

17) Le 4 juin 2015, l'OCPM a sollicité la suspension de la procédure.

Compte tenu des problèmes de santé évoqués pour la première fois depuis le dépôt de la demande, il devait vérifier si les traitements actuellement suivis par Mme A______ pouvaient se poursuivre au Maroc.

18) Le 16 juin 2015, Mme A______ ne s'est pas opposée à la demande de suspension.

19) Par décision du 18 juin 2015, la chambre administrative a suspendu la procédure.

20) a. Par courriers des 22 décembre 2015 et 11 février 2016, l'OCPM a sollicité la reprise de l'instruction et a persisté dans ses précédentes conclusions.

L'ambassade de Suisse à Rabat lui avait confirmé que l'ensemble des soins prodigués à Mme A______ en Suisse était également disponible au Maroc.

b. L'OCPM a produit son échange de courriel avec l'ambassade de Suisse au Maroc.

Le CPAP pour faciliter la respiration nocturne et éviter les apnées du sommeil était disponible dans le commerce et le prix variait selon les modèles entre CHF 670.- pour le manuel et CHF 990.- pour l'automatique. Tous les médicaments nécessaires étaient commercialisés au Maroc. Leur prix se situait entre CHF 2.50 et CHF 28.60 pour vingt capsules environ. L'État marocain prenait en charge le coût des soins des détenteurs de la carte RAMED, délivrée couramment aux personnes sans ressources financières. L'affiliation à une assurance maladie privée était possible. Le coût de celle-ci variait en fonction de la couverture médicale ou chirurgicale demandée. Les employeurs étaient obligés de souscrire une assurance maladie pour leurs employés.

21) a. Dans ses observations du 23 mars 2016, Mme A______ a persisté dans les termes de son recours.

Le système RAMED dysfonctionnait en raison de la forte demande et les bénéficiaires n'avaient pas la priorité, voire étaient refoulés des centres hospitaliers.

Le faible capital qu'elle pourrait percevoir de l'AVS serait rapidement épuisé. Ses enfants vivaient dans la précarité. Le risque qu'elle ne puisse bénéficier d'une prise en charge médicale afin d'éviter une dégradation rapide de son état de santé était ainsi élevé.

Le critère de la réussite professionnelle remarquable, de même que celui de dépendance à l'aide sociale, devaient être relativisés, compte tenu de son âge et des difficultés de trouver un emploi à 63 ans. Elle souffrait dans sa santé.

b. Mme A______ a transmis plusieurs pièces à la chambre administrative :

- un courrier de la Dresse C______ du 25 janvier 2016.

Elle était parvenue à stabiliser la tension de sa patiente depuis l'été 2015. De nombreux traitements avaient été tentés auparavant et les résultats souvent insatisfaisants étaient accompagnés d'effets secondaires importants.

Après avoir pris connaissance des échanges de courriels entre l'OCPM et l'ambassade de Suisse au Maroc, elle constatait que, dans ce pays, le prix du traitement médicamenteux s'élevait à CHF 1'500.- par année environ, sans compter l'appareil d'assistance respiratoire, les contrôles médicaux associés ainsi que les examens de laboratoire.

Pour autant qu'on en ait les moyens financiers, tous les traitements et toutes les spécialités médicales étaient présents au Maroc. Il était cependant nécessaire de s'assurer que Mme A______ pourrait bénéficier de ces traitements, de façon durable, avant son renvoi ;

- des articles de journaux faisant la critique du RAMED ;

- l'extrait au 26 mai 2015, du compte individuel de Mme A______ auprès de la caisse genevoise de compensation portant sur les années 2002 à 2013, soit la seule période durant laquelle elle avait cotisé auprès de l'AVS. Elle avait alors gagné CHF 420'690.- auprès de différents employeurs ;

- le courrier du 5 août 2015 de la caisse genevoise de compensation. Selon le calcul provisionnel effectué de la future rente AVS de Mme A______, celle-ci s'élevait à CHF 490.- ;

- un courrier du 11 mars 2016 d'un des fils de Mme A______.

Sa vie était difficile avec sa femme et son frère, également marié et père d'un petit garçon. Leur maison était trop petite pour accueillir une personne de plus. Leur condition de vie était très modeste. Leur mère était malade et l'État marocain ne lui donnerait pas de quoi acheter ses médicaments. Au Maroc, elle ne pouvait pas vivre avec CHF 400.- par mois.

22) Le 27 avril 2016, l'OCPM a fait part de sa détermination.

Mme A______ pourrait obtenir le remboursement de ses cotisations AVS, lui permettant ainsi une prise en charge substantielle de son traitement pendant un certain nombre d'années. Les contrôles médicaux devraient pouvoir être effectués dans les dispensaires. Le prix du traitement médicamenteux au Maroc serait d'environ CHF 711.- par année. Quant au CPAP, la machine avait déjà dû être achetée puisque vraisemblablement déjà utilisée.

23) Le 24 mai 2016, Mme A______ a déposé au greffe de la chambre administrative un courrier du 20 mai 2015 (sic) de la Dresse C______.

Le CPAP nocturne n'avait pas été acheté, mais loué.

Elle avait effectué une nouvelle fois le calcul du coût du traitement conformément aux informations transmises par l'OCPM. Étant rappelé qu'une boîte de médicaments contenait vingt pilules, leur prix par mois s'élevait à
CHF 128.40, sans compter le coût des médicaments de réserve à ne prendre qu'en cas de besoin (Bilaxten, Ventolin et Tramadol). Par conséquent, le prix annuel du traitement était d'au moins CHF 1'540.-.

24) Le 31 mai 2016, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties

Mme A______ a été entendue. Son dernier employeur était la mission permanente de la République H______. Elle n'avait plus travaillé depuis. La dernière autorisation demandée n'avait pas abouti, en raison de l'employeur.

Elle percevait une aide financière de l'hospice de CHF 400.- par mois. Elle n'avait pas d'autres revenus. Elle n'avait pas d'appartement et logeait gratuitement chez des amis.

Son état de santé était conforme au certificat médical produit.

Durant les trente ans passés en Suisse, elle avait fait des séjours au Maroc de quelques mois. Elle y était allée pour la dernière fois deux ans auparavant et avait logé chez ses enfants et sa soeur, soit sa seule famille proche. Ses enfants vivaient à Salé, grande ville à proximité de Rabbat.

Elle apprenait le français depuis cinq ans et continuait à suivre des cours deux fois deux heures par semaine auprès de l'UOG. Elle y exerçait également une activité de bénévole.

Le conseil de Mme A______ estimait que le montant en capital qu'elle pourrait percevoir en remboursement des cotisations sociales, avoisinait les
CHF 30'000.-. Il ne disposait toutefois d'aucun document l'établissant.

L'OCPM a persisté dans ses conclusions.

25) Le 14 juin 2016, suite à l'audience et dans le délai qui lui avait été imparti, Mme A______ a déposé des pièces complémentaires :

- les décomptes de l'hospice pour les mois d'avril à juin 2016, selon lesquels elle avait reçu CHF 412.- par mois ;

- l'attestation du 12 juin 2016 signée par Monsieur D______, pour le compte de Madame E______, qui attestait mettre à disposition de Mme A______ une chambre indépendante dans l'immeuble où elle résidait.

26) Le 16 juin 2016, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l'opportunité d'une décision prise en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ;
art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du
16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

3) a. La loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007
(OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEtr).

b. Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEtr, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité. Dans un tel cas, une autorisation de séjour peut être octroyée (art. 31 al. 1 ab initio OASA). Aux termes de l'art. 31 al. 1 OASA, lors de l'appréciation, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse par le requérant (let. b), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l'état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/827/2016 du 4 octobre 2016 ; ATA/603/2016 du 12 juillet 2016 ; SEM, Directives et commentaire, Domaine des étrangers, 2013, état au
18 juillet 2016, ch. 5.6.4).

c. La jurisprudence développée au sujet des cas de rigueur selon le droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007 (art. 13 let. f de l'ordonnance limitant le nombre des étrangers du 6 octobre 1986 - aOLE) est toujours d'actualité pour les cas d'extrême gravité qui leur ont succédé (ATF 136 I 254 consid. 5.3.1 ; ATA/827/2016 du 4 octobre 2016 ; ATA/603/2016 précité consid. 4b).

d. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEtr et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200
consid. 4 ; ATA/827/2016 du 4 octobre 2016 ; ATA/400/2016 du 10 mai 2016). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour
(ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_200/2012 du 5 mars 2012 consid. 3.1).

4) a. L'art. 30 al. 1 let. b LEtr n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004
consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3).

b. Pour admettre l'existence d'un cas d'extrême gravité, il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue,
c'est-à-dire que le refus de soustraire l'intéressé à la règlementation ordinaire d'admission comporte pour lui de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré socialement et professionnellement et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité ; il faut encore que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que l'intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 124 II 110 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.429/2003 du 26 novembre 2003 consid. 3 ; ATA/827/2016 du 4 octobre 2016).

c. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable ou une maladie grave ne pouvant être soignée qu'en Suisse. L'intégration professionnelle est qualifiée d'exceptionnelle lorsque le requérant possède des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou lorsque son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/827/2016 du
4 octobre 2016).

d. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5414/2013 du 30 juin 2013 consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3 ;
C-1240/2012 du 24 juillet 2014 consid. 5.3 ; C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.3 ; ATA/827/2016 du 4 octobre 2016 ; ATA/350/2016 du 26 avril 2016).

e. Les étrangers séjournant en Suisse au bénéfice d'une carte de légitimation du DFAE ne peuvent ignorer que leur présence et celle de leur famille en Suisse, directement liées à la fonction qu'ils occupent, revêt un caractère temporaire (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5160/2011 du 19 novembre 2012 consid. 5.1). Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que la durée du séjour que les détenteurs d'une carte de légitimation avaient accompli en Suisse à ce titre n'était en principe pas déterminante pour la reconnaissance d'un cas personnel d'extrême gravité (arrêts du Tribunal fédéral 2A.59/2006 du 3 mai 2006 consid. 3 ; 2A.321/2005 du 29 août 2005 consid. 4.1 ; 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.1 et les références citées). Ils ne peuvent donc en principe pas obtenir un titre de séjour fondé sur un cas de rigueur lorsque prend fin la fonction ou la mission pour laquelle une autorisation de séjour - d'emblée limitée à ce but précis - leur avait été délivrée, sous réserve de circonstances tout à fait exceptionnelles (arrêts du Tribunal fédéral 2A.540/2005 du 11 novembre 2005 consid. 3.2.1 ; 2A.321/2005 du 29 août 2005 consid. 4.1 et 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5 ; ATAF 2007/44 du 12 juillet 2007 consid. 4.3 ; 2007/16 du 1er juin 2007 consid. 7 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5160/2011 du 19 novembre 2012 consid. 5.1 et C-5829/2009 du 29 avril 2011 consid. 7.1).

f. En règle générale, la durée des séjours illégaux en Suisse n'est en principe pas prise en compte dans l'examen d'un cas de rigueur. Sinon, l'obstination à violer la législation en vigueur serait en quelque sorte récompensée (arrêts du Tribunal fédéral 2A.718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3 ; 2A.225/2003 du
21 mai 2003 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C_6051/2008 et C_6098/2008 du 9 juillet 2010 consid. 6.4 ; ATA/827/2016 du 4 octobre 2016).

5) a. Selon la jurisprudence, des motifs médicaux peuvent, selon les circonstances, conduire à la reconnaissance d'un cas de rigueur lorsque l'intéressé démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation. De même, l'étranger qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour réclamer une telle exemption (ATF 128 II 200
consid. 5.3 ; ATA/827/2016 du 4 octobre 2016).

b. Lorsque la personne concernée se prévaut de problèmes de santé d'une certaine gravité, les critères prévus par la let. a et par la let. d de l'art. 31 al. 1 OASA doivent faire l'objet d'un examen plus approfondi. Dans cette hypothèse, l'intégration (sociale et professionnelle) de la personne, de même que sa situation financière et sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation doivent en effet être appréciées en fonction de son état de santé, en tenant compte de sa capacité de travail effective (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-2712/2012 du 9 juillet 2014 consid. 5.8 ; C-3216/2010 du 29 janvier 2014 consid. 3.6 ; C-5710/2011 consid. 5.1 et la jurisprudence citée).

c. En l'absence de liens d'une certaine intensité avec la Suisse, l'aspect médical et les éventuelles difficultés de réintégration de la personne concernée dans le pays d'origine ne sauraient justifier, à eux seuls, l'octroi d'un permis humanitaire pour cas de rigueur (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-2712/2012 précité consid. 5.7 ; C-3216/2010 précité consid. 3.6 ; C-5710/2011 précité consid. 5.1 ; C-3513/2007 du 6 avril 2010 consid. 8.3 ; C-7450/2006 du 5 mars 2010
consid. 5.5.3 et C-8650/2007 du 5 mars 2010 consid. 8.3.4.3). Le cas échéant, ces critères ne peuvent en effet être pris en considération que dans le cadre de l'examen de la licéité et de l'exigibilité de l'exécution du renvoi (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-2712/2012 précité consid. 5.7 ; C-3216/2010 précité consid. 3.6 ; C-5710/2011 précité consid. 5.1)

6) En l'espèce, la recourante est arrivée en Suisse la première fois en 1983, au bénéfice d'une carte de légitimation. Elle est retournée vivre au Maroc durant une année suite au décès de son mari survenu à la fin de l'année 1991. Hormis ce séjour, elle a vécu en Suisse depuis 1983, additionnant ainsi une trentaine d'années sur sol helvétique. Malgré la durée exceptionnellement longue de son séjour en Suisse et quand bien même la recourante y a presque vécu une moitié de sa vie, celle-là ne peut en principe pas être déterminante dans l'examen du cas individuel d'extrême gravité, dès lors qu'elle y a séjourné au bénéfice d'une carte de légitimation ou de manière illégale.

Elle est arrivée en Suisse à l'âge de 38 ans et a ainsi vécu dans son pays d'origine son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d'adulte, soit les années reconnues comme étant essentielles à la formation de la personnalité et pour l'intégration sociale et culturelle. Ses enfants ont tous été élevés par leur père au Maroc. Confrontée au tragique décès de son fils aîné en 2011, elle a gardé contact avec ses deux cadets, qui y habitent avec leur famille. Sa soeur y réside également. Ainsi, malgré la durée importante de son séjour en Suisse, la recourante a conservé d'importantes attaches au Maroc, où elle est régulièrement retournée pour des vacances de quelques semaines, parfois d'un mois.

L'intégration socioprofessionnelle de la recourante en Suisse n'est pas exceptionnelle. En effet, elle ne peut pas se prévaloir de compétences professionnelles spécifiques à la Suisse, ou d'une ascension professionnelle remarquable, susceptible de justifier une exception aux règles restreignant le séjour des étrangers en Suisse. Au contraire, en ayant exercé comme
aide-ménagère auprès de différentes familles ou entreprises, elle pourra valoriser ses expériences au Maroc, étant précisé qu'elle maîtrise partiellement le français, qualité susceptible de faciliter également sa réinsertion professionnelle.

Si, grâce à son activité dans l'économie domestique, la recourante a réussi pendant longtemps à ne pas émarger à l'aide sociale, elle a été contrainte de recourir à l'aide de l'hospice depuis le 1er décembre 2013, en raison du départ de Suisse de son employeur. La perte de son emploi n'est pas due à une diminution de sa capacité de travail en raison de son âge ou de ses problèmes de santé, mais uniquement aux difficultés rencontrées en raison de l'absence de régularisation de son statut légal en Suisse. Il sera par contre admis que ses recherches actuelles d'emploi sont rendues difficiles en raison de sa santé, mais également de son âge, dès lors que la recourante aura bientôt atteint celui de la retraite.

Certes, ses efforts d'intégration sont louables. De nombreux témoignages versés à la procédure attestent que la recourante a lié en Suisse de nombreuses amitiés, qu'elle est une personne de confiance et socialement très appréciée. Cependant, ses relations ne peuvent être qualifiées d'exceptionnelles pour une personne habitant en Suisse depuis plus de trente ans. Malgré ses nombreuses années passées dans une région francophone, elle n'a pas acquis la maîtrise de la langue française, ni d'aucune autre langue nationale. Bien que l'apprentissage d'une langue puisse être rendu compliqué lorsqu'on ne sait ni lire ni écrire, l'illettrisme ne saurait justifier ce retard. En effet, de par les contacts sociaux et l'environnement dans lequel elle vivait, la recourante aurait pu au moins acquérir la maîtrise de l'expression et de la compréhension orales du français. Tel n'est cependant pas le cas, comme l'atteste d'ailleurs sa demande formulée auprès de la juridiction de céans, de pouvoir être assistée d'un interprète lors de sa comparution, ce quand bien même la recourante suit actuellement, depuis quelques années, des cours de français.

Au vu de ce qui précède, la recourante ne peut se prévaloir de liens d'une certaine intensité avec la Suisse.

En cas de retour au Maroc, la recourante ne sera pas dépourvue de réseau social et pourra bénéficier de l'appui de sa famille. Ses enfants ont témoigné par écrit dans le cadre de la procédure, pour exprimer leur inquiétude face à un retour de leur mère au Maroc. Ils y vivent tous ensemble dans une modeste demeure et craignent de ne pas y avoir la place pour accueillir la recourante, ce d'autant plus qu'ils sont également confrontés à des difficultés financières. Cependant, dès lors qu'ils bénéficient d'un logement et ne vivent pas dans le dénuement, apporter leur aide à leur mère, au moins dans un premier temps, n'apparaît pas impossible, étant précisé qu'ils ont confirmé leur attachement vis-à-vis de celle-ci. Sa soeur a également déjà eu l'occasion de la loger par le passé.

L'impossibilité de réintégration invoquée par la recourante en raison de son âge et de ses problèmes de santé, qui l'empêcheraient sur place de trouver un travail, notamment en lien avec son expérience acquise, ne peut être déterminante dans l'appréciation du cas individuel d'extrême gravité, quand bien même sa maladie est apparue récemment et durant son séjour en Suisse. Il s'agit de circonstances générales, affectant l'ensemble des personnes âgées et restreintes dans leur force de travail, lesquelles ne peuvent dès lors être prises en considération. En effet, l'exception prévue par la loi dont doit pouvoir bénéficier le requérant se trouvant dans un cas d'extrême gravité n'a pas pour but de le soustraire aux conditions de vie dans son pays d'origine.

Ainsi, il n'est pas contesté que la recourante se retrouverait confrontée à d'importantes difficultés en cas de retour et qu'une période d'adaptation serait vraisemblablement nécessaire. Cependant, elle ne se trouverait pas personnellement dans une situation si grave qu'on ne puisse exiger de sa part qu'elle ne tente pas de se réadapter à la vie dans son pays d'origine.

Dans ces circonstances, soit en l'absence de liens d'une certaine intensité avec la Suisse, les problèmes de santé et les difficultés de réintégration que la recourante rencontrerait dans son pays d'origine ne peuvent justifier la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité.

Toutefois, il convient de prendre ces critères en compte dans le cadre de la licéité et de l'exigibilité de l'exécution du renvoi. Les affections médicales dont souffre actuellement la recourante ont d'ailleurs été largement documentées dans le cadre de la procédure de recours.

7) a. Tout étranger dont l'autorisation est refusée est renvoyé de Suisse (art. 64  al. 1 let. c LEtr). La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64d al. 1 LEtr).

b. Les autorités cantonales peuvent toutefois proposer au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) d'admettre provisoirement un étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 et 6 LEtr). La portée de cette disposition étant similaire à celle de l'art. 14a de l'ancienne loi sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 (aLSEE), la jurisprudence rendue ou la doctrine éditée en rapport avec cette disposition légale reste d'actualité (ATA/827/2016 du 4 octobre 2016 ; ATA/368/2014 du 20 mai 2014).

8) a. L'exécution de la décision ne peut être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEtr).

Cette disposition s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile et de violence généralisée et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les exposer à un danger concret, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin ou qu'elles seraient, objectivement, au regard des circonstances d'espèce et selon toute probabilité, conduites irrémédiablement à un dénuement complet, exposées à la famine et ainsi à une dégradation grave de leur état de santé, à l'invalidité, voire à la mort. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois, et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; ATAF 2010/41 consid 8.3.6 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral D-5434/2009 du 4 février 2013 consid. 15.1 et
E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

b. Le Maroc ne connaît pas une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée qui permettrait d'emblée - et indépendamment des circonstances du cas d'espèce - de présumer, à propos de tous les ressortissants du pays, l'existence d'une mise en danger concrète au sens de l'art. 83 al. 4 LEtr (arrêts du Tribunal administratif fédéral E-6298/2015 du 22 octobre 2015
consid. 4.2 ; E-1754/2014 du 7 juillet 2014 consid. 7.2 ;  E-3784/2013 du
20 novembre 2015 consid. 5.2 ; ATA/287/2016 du 5 avril 2016).

c. S'agissant plus spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l'exécution du renvoi ne devient inexigible que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-6298/2015 du 22 octobre 2015
consid. 4.3.1 et les références citées ; ATA/598/2016 du 12 juillet 2016).
L'art. 83 al. 4 LEtr, vu son caractère d'exception, ne confère pas un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-6298/2015 du
22 octobre 2015 consid. 4.3.1 et la jurisprudence citée ; ATA/598/2016 précité). Ainsi, l'art. 83 al. 4 LEtr ne fait pas obligation à la Suisse de pallier les disparités entre son système de soins et celui du pays d'origine du requérant en fournissant des soins de santé gratuits et illimités à tous les étrangers dépourvus du droit de demeurer sur son territoire. En revanche, si, en raison de l'absence de possibilité de traitement effectif dans le pays d'origine, l'état de santé de la personne concernée se dégraderait très rapidement, au point de conduire, d'une manière certaine, à la mise en danger concrète de son intégrité physique et psychique, ledit article peut trouver application (arrêt du Tribunal administratif fédéral
E-6298/2015 du 22 octobre 2015 consid. 4.3.1 et la jurisprudence citée ; ATA/598/2016 précité).

9) a. En l'espèce, la recourante souffre d'une hypertension artérielle sévère, compliquée en raison d'une microalbuminurie importante (début d'atteinte rénale) ainsi que d'un début d'atteinte cardiaque (remodelage concentrique du ventricule gauche). Mise sous quadrithérapie, les nombreux traitements précédemment tentés ont eu des résultats souvent insatisfaisants et des effets secondaires importants. Une prise en charge rapprochée et un suivi médical régulier sont indispensables. À défaut, elle peut s'attendre à une dégradation rapide de sa fonction rénale (pouvant aboutir à la dialyse), à une insuffisance cardiaque, voire même à un accident vasculaire cérébral.

La recourante souffre également d'un syndrome d'apnée obstructive du sommeil qui nécessite un CPAP. Ce traitement est essentiel car les apnées peuvent favoriser la survenue d'accidents vasculaires (cérébral et cardiaque). De même, elles rendent l'hypertension résistante au traitement.

La recourante souffre encore d'une carence en fer sans anémie exigeant des investigations endoscopiques du tube digestif, d'une polyarthrose, d'un probable syndrome du tunnel carpien bilatéral et d'une incontinence urinaire.

b. L'intimé s'est assuré auprès de l'ambassade de Suisse au Maroc de l'existence des traitements nécessaires à la recourante et l'officier de liaison pour les questions de migration lui a confirmé que tous les médicaments nécessaires existaient au Maroc, soit sous la même appellation, parfois sous un autre nom ou pouvaient être remplacés par d'autres médicaments. Ces faits ne sont pas contestés, ni par la recourante, ni par son médecin traitant selon lequel, pour autant qu'on en ait les moyens financiers, tous les traitements et toutes les spécialités médicales y sont présents.

c. Or, le traitement médical de la recourante engendrera des charges financières considérables.

En effet, son médecin traitant a effectué un calcul précis et détaillé de ce montant. Elle a tenu compte du nombre de médicaments contenus dans chaque boîtes, du prix de celles-ci et du dosage nécessaire au traitement de sa patiente, estimant ainsi le coût annuel total du traitement à CHF 1'500.- au moins, sans compter la location ou l'achat du CPAP. Ce montant n'inclut pas non plus les frais des contrôles médicaux subséquents et essentiels, en raison de la quadrithérapie, et des difficultés qui y sont associées, soit les possibles effets secondaires, dont la recourante a déjà souffert en Suisse, avant que ses thérapeutes trouvent un juste équilibre entre chacun. À ces coûts viendront inévitablement encore s'additionner ceux des examens de laboratoire.

Or, l'intimé a réduit ces frais de moitié, estimant à CHF 750.- le prix annuel du traitement. Ce montant ne tient pas compte des besoins de la recourante et du dosage nécessaire de médicaments, pourtant étayés par son médecin traitant, du coût des visites médicales, des traitements de réserves, de la location du CPAP et cas échéant, des frais de contrôle de laboratoire. Par conséquent, ce calcul n'apparaît pas crédible et sera écarté au bénéfice de celui, plus précis, effectué par le médecin traitant de la recourante.

En plus d'avoir minimisé les coûts du traitement médical dont doit bénéficier la recourante, l'intimé lui a attribué des ressources financières non étayées. En effet, il ne peut prétendre qu'elle dispose de suffisamment d'argent pour prendre en charge les coûts de son traitement, alors que sa seule fortune, à son départ de Suisse, correspondra au montant qui lui sera dû par l'AVS. Employée principalement par des diplomates internationaux, elle y a peu cotisé. Le conseil de la recourante estime cette somme à CHF 30'000.- environ. Ce chiffre n'a pas été contesté par l'intimé. Cette évaluation est par ailleurs compatible avec les pièces du dossier notamment l'extrait du compte individuel de la recourante auprès de la caisse cantonale genevoise de compensation et le taux, stable depuis 1973, de 8,4% de cotisations AVS, seules exportables en cas de départ au Maroc (art. 5 al. 1, 13, 18 al. 3 de la loi fédérale sur l'assurance vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 - LAVS - RS 831.10 ; http://www.bsv.admin.ch/praxis/02504/index.html?lang=fr.; https://www.ch.ch/fr/avs-depart-definitif-suisse/ relatif à l'évolution du taux de cotisations depuis 1948, consultés le 27 octobre 2016). Cette somme ne sera pas suffisante pour couvrir ses frais médicaux à long terme, étant précisé qu'à ceux-ci viendra s'ajouter le coût de la vie, soit les besoins de base dont la recourante doit pouvoir bénéficier afin que sa dignité soit garantie.

À son arrivée au Maroc, pour autant que ses problèmes médicaux et son âge ne rendent pas une prise d'emploi impossible, la recourante traversera vraisemblablement dans un premier temps une période sans emploi. Ses enfants, qui vivent dans des conditions modestes, pourront apparemment la loger et lui offrir leur aide pour ses besoins de base. Par contre, conformément à leurs déclarations, ces derniers n'auront pas les moyens financiers de payer son traitement.

10) Confrontée à ces difficultés financières, la recourante devra faire les démarches nécessaires afin de pouvoir s'inscrire en tant que bénéficière du régime d'assistance médical (ci-après : le RAMED), opérationnel au Maroc depuis janvier 2013.

a. Outre l'Assurance-maladie obligatoire de base (AMO) - dont bénéficient les personnes exerçant une activité lucrative, les titulaires de pension, ou les
étudiants -, le Maroc a instauré ces dernières années un nouveau régime de couverture médicale de base : le RAMED. Ce système est fondé sur les principes de l'assistance sociale et de la solidarité nationale, au profit des personnes économiquement démunies qui ne sont pas éligibles au régime de l'AMO (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-3784/2013 du 20 novembre 2015 consid. 5.4.5.3).

Toutefois, malgré des résultats globalement positifs, la mise en oeuvre du RAMED est encore entravée par plusieurs obstacles, notamment des problèmes liés à son financement, à la gestion des ressources et à la gouvernance (La couverture médicale confiée à une instance indépendante, Aujourd'hui Le Maroc, 20.05.2015, disponible en ligne sur le lien http://www.aujourdhui. ma/maroc/societe /la-couverture-medicale-confiee-a-une-instance-independante-118528, consulté le 18 octobre 2016 et cité dans l'arrêt du Tribunal administratif fédéral E-3784/2013 du 20 novembre 2015 consid. 5.4.5.4). En outre, des iniquités subsistent et sont rapportées à différents niveaux. Les bénéficiaires sont ainsi parfois amenés à payer les frais liés à certains examens (analyses biologiques, imagerie médicale, etc.) ou médicaments, par leurs propres moyens, en raison de leur indisponibilité dans les hôpitaux publics au moment de leur hospitalisation. Les difficultés d'approvisionnement de certains médicaments et dispositifs médicaux ainsi que les ruptures de stocks y afférentes nuisent également à l'efficacité du système, de même que le manque de personnel qualifié et les longs délais d'attente pour les bénéficiaires de prestations médicales gratuites (M. A. HAJJI, évaluation du régime d'assistance médicale au centre hospitalier préfectoral de Salé, Rabat 2014, disponible en ligne sur le lien : http://www.bdsp.ehesp.fr/Base/487709/, consulté le 18 octobre 2016 ; Accès aux
soins : ce qu'a permis le RAMED, H24 Info.ma, 20.03.2015, disponible en ligne sur le lien http://www.h24info.ma/maroc/societe/acces-aux-soins-ce-que-le-regime-ramed-permis-au-maroc/31618, consulté le 18 octobre 2016, cités dans l'arrêt du Tribunal administratif fédéral E-3784/2013 du 20 novembre 2015
consid. 5.4.5.4).

b. Dans un rapport public récent, rédigé par son service d'analyse sur les pays, le SEM relève également ces problèmes et fait état de plusieurs situations dans lesquelles les bénéficiaires du RAMED doivent malgré tout payer certains frais et médicaments par leurs propres moyens, sans remboursement subséquent (SEM, Section Analyses, Focus Marokko, Gesundheitsversorgung, 25 février 2015,
p. 31, disponible en ligne sur le lien https://www.sem. admin.ch/dam/data/sem/internationales/herkunftslaender/afrika/mar/MAR-focus-gesundheitsversorgung-d.pdf, consulté le 18 octobre 2016, cité dans l'arrêt du Tribunal administratif fédéral E-3784/2013 du 20 novembre 2015 consid. 5.4.5.4 ). Dans ce rapport, le SEM souligne que l'accès gratuit à certaines prestations médicales, en principe couvertes par le RAMED, n'est pas toujours garanti en pratique, notamment lorsqu'il s'agit de soins complexes et très onéreux, disponibles uniquement dans les hôpitaux universitaires. Certaines opérations spécifiques sont en outre réalisées uniquement moyennant un paiement, y compris pour les bénéficiaires du RAMED. Enfin, le SEM ajoute que certains soins "routiniers" (par exemple les dialyses) relèvent parfois d'un partenariat
public-privé et sont alors pris en charge dans des hôpitaux privés ; en conséquence, les "ramedistes" ne peuvent pas toujours bénéficier des traitements nécessaires de manière prioritaire (le SEM donne notamment l'exemple d'un patient qui nécessitait trois dialyses par semaine et qui s'était vu accorder seulement deux rendez-vous hebdomadaires ; SEM, Focus Marroko, op. cit., p. 31 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral E-3784/2013 du 20 novembre 2015 consid. 5.4.5.4).

c. Selon les recherches effectuées et la littérature consultée par la juridiction de céans, les traitements médicamenteux des ramedistes ne sont pris en charge qu'en cas d'hospitalisation. En effet, selon les informations officielles mises en ligne par le royaume du Maroc, afin justement d'informer la population sur le panier des soins pris en charge, il apparaît que seules les prestations médicalement requises et disponibles dans les centres de santé et les hôpitaux sont couvertes et ce en fonction du niveau des prestations offert par ces établissements. Concernant les traitements, seuls les médicaments et produits pharmaceutiques administrés durant les soins sont couvert par le RAMED selon les informations disponibles en ligne sur le lien : https://www.ramed.ma/(S(n0tet3ic4aztgmj3a1qxkguc))/fr/SInformer /PanierSoins.aspx, consulté le 18 octobre 2016.

Selon l'article disponible en ligne sur le site : http://www.economie-entreprises.com/le-ramed-va-droit-dans-le-mur, consulté le 18 octobre 2016, « les plus téméraires, ou du moins ceux qui ne craignent pas la lenteur administrative et qui finissent par obtenir leur carte RAMED, ne sont pas épargnés par les rouages, déjà rouillés, du régime médical. Car s'il couvre la totalité des soins et médicaments délivrés par l'hôpital au cours de l'hospitalisation, le RAMED ne présente aucun dispositif de suivi. À sa sortie de l'hôpital, le patient pris en charge devra payer lui-même ses médicaments puisque aucune pharmacie n'est concernée par le régime, et aucun système de remboursement n'a été considéré ».

11) En l'espèce, dans un premier temps, la recourante devra surmonter les difficultés administratives puis, si elle parvient à s'inscrire en tant que bénéficiaire du RAMED, elle n'a aucune garantie quant à la prise en charge de ses traitements. Dans tous les cas, un délai d'attente sera nécessaire, alors que l'intéressée doit pouvoir bénéficier, dès son arrivée au Maroc, d'un suivi multidisciplinaire, permettant d'assurer immédiatement et dans la durée l'équilibre entre les différents traitements qui doivent lui être administrés, étant rappelé qu'elle est sous quadrithérapie. L'octroi éventuel d'une aide au retour ne suffira pas à lui garantir un accès durable aux soins nécessités par son état de santé.

En possession de la carte RAMED, et pour autant qu'elle puisse être admise dans une structure hospitalière, la recourante devra encore surmonter les difficultés mentionnées supra, soit celles notamment de l'accès aux soins, des délais d'attente, ou du risque de devoir elle-même prendre en charge le coût de certains médicaments. Dans un arrêt récent cité supra (E-3784/2013 du
20 novembre 2015 consid. 5.4.5.4), le Tribunal administratif fédéral s'est référé à un article mis en ligne qui traitait de l'évaluation du régime d'assistance médicale au centre hospitalier préfectoral de Salé, soit la ville dans laquelle séjournent les enfants de la recourante et où elle sera vraisemblablement accueillie. Selon
celui-ci, « les bénéficiaires y sont parfois amenés à payer les frais liés à certains examens ou médicaments, en raison de leur indisponibilité dans les hôpitaux publics au moment de leur hospitalisation ; les difficultés d'approvisionnement de certains médicaments et dispositifs médicaux ainsi que les ruptures de stocks y afférentes nuisent également à l'efficacité du système, de même que le manque de personnel qualifié et les longs délais d'attente pour les bénéficiaires de prestations médicales gratuites ».

Le dossier révèle ainsi de sévères lacunes dans le système social de santé marocain, en particulier dans la région où vivent les proches de la recourante. Or, le coût élevé de ses traitements et surtout leur inscription dans la durée rendent nécessaire une prise en charge étatique. À défaut, seul le constat que son existence pourrait être à court terme mise en danger en cas de retour dans son pays peut être effectué. Ne disposant pas des ressources financières suffisantes, elle sera en effet contrainte, d'arrêter son traitement. Sa fonction rénale ne pourra ainsi que se péjorer, étant précisé que le coût des dialyses ne semble pas être pris en charge par le RAMED. De même, son état de santé général risque d'empirer, avec un danger important d'AVC et d'attaque cardiaque. L'hypothèse d'une issue fatale pour la recourante confine ainsi à la certitude.

Au vu de ce qui précède, suite à l'audition de la recourante, et compte tenu des circonstances bien particulières du cas d'espèce, telles qu'elles ressortent du dossier, la chambre administrative a acquis la conviction, dans le cadre d'une appréciation globale de la situation, que l'exécution du renvoi de cette dernière la priverait des soins essentiels nécessaires à son traitement, engendrant un risque concret pour sa vie et son intégrité physique.

En effet, indépendamment des arguments développés ci-dessus, à savoir que la recourante a maintenant atteint un âge avancé et qu'elle est gravement atteinte dans sa santé, sans disposer des ressources suffisantes pour prendre en charge son traitement, que le suivi de ce dernier dans son pays d'origine n'est pas assuré en raison du manque de moyens financiers de la recourante et que l'interruption des soins mettra à court terme son existence en danger, la situation de la recourante est particulière en ce sens, principalement, qu'elle a vécu en Suisse durant une trentaine d'années, qu'elle n'a que peu cotisé à l'AVS en raison de la nature de ses emplois successifs, que pendant toute cette durée, elle a été au bénéfice exclusivement de cartes de légitimation, que si tel n'avait pas été le cas, il lui aurait vraisemblablement été possible de bénéficier aujourd'hui d'un permis d'établissement, qu'elle a toujours travaillé ou manifesté sa volonté de travailler, encore récemment en sollicitant à plus de 60 ans une autorisation d'être employée comme femme de ménage, qu'en l'état les CHF 30'000.- ne sont même pas garantis dès lors que seules sont versées les cotisations effectivement acquittées à la caisse concernée.

Le renvoi de la recourante n'est par conséquent pas raisonnablement exigible et il convient de renvoyer le dossier à l'autorité intimée pour qu'elle propose une admission provisoire au SEM.

12) Dans ces circonstances, le recours sera partiellement admis et le jugement du TAPI ainsi que la décision de l'OCPM seront annulés. Le dossier sera renvoyé à ce dernier pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

13) Vu l'issue de litige et le fait que la recourante plaide au bénéfice de l'assistance juridique, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA ;
art. 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la recourante à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

Les frais d'interprète de CHF 80.- sont laissés à la charge de l'État.

 

* * * * *

 

 


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 mars 2015 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 février 2015 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 février 2015 ;

annule la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du
22 juillet 2014 ;

renvoie le dossier à l'office cantonal de la population et des migrations pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à Madame A______ à la charge de l'État de Genève ;

laisse les frais d'interprète à hauteur de CHF 80.- à la charge de l'État de Genève ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dominique Bavarel, avocat de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.