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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2988/2014

ATA/892/2014 du 17.11.2014 ( EXPLOI ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2988/2014-EXPLOI ATA/892/2014

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 17 novembre 2014

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pierre Bayenet, avocat

contre

SERVICE DU COMMERCE

 



Attendu, en fait, que :

1) Monsieur A______ exploite une épicerie-tabacs au _____, rue B______ dans le quartier des Pâquis, à l'enseigne « C______ ». Il est au bénéfice depuis le 20 juin 2013 d'une autorisation, délivrée par le service du commerce (ci-après : Scom), de vente à emporter de boissons alcooliques fermentées et distillées.

2) Du 11 juin 2014 au 2 juillet 2014, « C______ » a fait l'objet d'une fermeture immédiate prononcée par le Scom, qui reprochait à M. A______ plusieurs violations de la loi sur la vente à l'emporter des boissons alcooliques du 22 janvier 2004 (LVEBA - I 2 24).

3) Des rapports de dénonciation ont été dressés par la police, d'une part pour ouverture pendant la période précitée (rapport du 23 juin 2014 pour des faits remontant au 21 juin 2014 à 22h23), d'autre part pour vente de boissons alcooliques en dehors des heures légales (rapport du 27 août 2014 pour des faits constatés le 21 août 2014 à 21h50, 22h00 et 22h15, et le 22 août 2014 à 6h10).

4) Le 2 septembre 2014, le Scom a imparti à M. A______ un délai au 14 septembre 2014 pour se prononcer sur les infractions à la loi qui lui étaient imputées. M. A______ n'a pas donné suite à cette invite.

5) Le 10 septembre 2014, M. A______ a néanmoins demandé au Scom une copie du dossier. Selon ses dires, il n'a reçu aucune réponse.

6) Par décision du 24 septembre 2014, le Scom a prononcé la fermeture immédiate de « C______ » pour une durée de soixante jours, soit du mercredi 24 septembre 2014 à 14h30 au dimanche 23 novembre 2014 à 14h30. La décision a été déclarée exécutoire nonobstant recours et assortie de la menace des peines prévues à l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP – RS 311.0).

7) Par acte déposé le 2 octobre 2014, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif et à l'octroi d'un délai pour compléter le recours, et principalement à l'annulation de la décision attaquée et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

On ne voyait pas bien quel intérêt public poursuivait l'exécution immédiate de la décision.

Si une telle fermeture immédiate pouvait certes se justifier pour des motifs d'ordre public dans la première hypothèse de l'art. 14 al. 2 LVEBA, il en allait autrement lorsque la décision de fermeture était prise à titre de sanction.

8) Le 7 octobre 2014, le Scom a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

L'interprétation légale faite par M. A______ était erronée, l'art. 14 al. 1 LVEBA ne faisant qu'accorder à l'officier de police une compétence particulière de procéder à la fermeture immédiate d'un commerce pour une durée maximale de quatre jours.

Il convenait de procéder à une pesée d'intérêts. La fréquence à laquelle M. A______ violait ses obligations et son attitude consistant à réitérer sans cesse des actes prohibés sans tirer de leçons de ses précédentes infractions et sanctions avaient conduit à prononcer la décision attaquée, et l'intérêt public au maintien de l'ordre, de la tranquillité et de la santé publics primait l'intérêt économique privé de M. A______ à poursuivre l'exploitation de son commerce jusqu'à droit jugé sur le fond.

9) Par décision du 10 octobre 2014 (ATA/794/2014), la présidence de la chambre administrative a restitué l'effet suspensif au recours.

L'exécution d'une sanction avant que la décision qui la prononce ne soit définitive n'était en règle générale pas justifiée. Des exceptions étaient concevables lorsque la sécurité publique était en jeu, par exemple en cas d'hygiène déficiente ou de risques de propagation de maladies. Tel n'était pas en l'espèce, le caractère immédiat de la mesure ayant en outre pour effet de considérablement réduire la protection juridique due au justiciable.

10) Le 20 octobre 2014, le Scom a introduit une demande de retrait de l'effet suspensif.

Le soir même où M. A______ avait rouvert son établissement, un nouveau constat de violation avait été effectué. La police avait ainsi constaté la vente d'une bière à un client à 21h35 le lundi 13 octobre 2014.

Les troubles causés à la santé et à la sécurité publiques étaient graves, et justifiaient de revoir la décision de restitution de l'effet suspensif.

11) Le 28 octobre 2014, M. A______ s'est opposé à la demande de retrait de l'effet suspensif.

Il contestait avoir vendu une boisson alcoolisée le 13 octobre 2014 après 21h00. Pour éviter toute confusion de la part de ses clients, il avait fait poser des cadenas sur les portes du réfrigérateur de l'épicerie.

De plus, le Scom ne faisait état d'aucun fait grave troublant la santé ou la sécurité publiques. Le constat éventuel d'une violation en cours d'instance pouvait le cas échéant influer sur la quotité de la sanction, non sur son caractère immédiat.

12) Le 6 novembre 2014, M. A______ a interjeté recours contre une décision du Scom du 31 octobre 2014 lui retirant, là encore avec effet immédiat et de manière exécutoire nonobstant recours, sa patente de vente de boissons alcooliques fermentées et distillées. Il demandait la restitution de l'effet suspensif. La cause a été enregistrée sous numéro A/3380/2014.

13) Le 11 novembre 2014, le Scom a signalé qu'un nouveau rapport de police lui avait été transmis, qui faisait état d'une vente de boissons alcooliques le 6 novembre 2014 à 21h45.

14) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

 

Considérant, en droit, que :

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est, prima facie, recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 LPA).

Lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA).

3) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/566/2012 du 21 août 2012 consid. 4 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2).

4) a. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

b. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

5) La chambre de céans a indiqué clairement dans sa décision du 10 octobre 2014, ainsi que dans la jurisprudence antérieure qui y est citée, que l'exécution d'une sanction avant que la décision qui la prononce ne soit définitive n'était en règle générale pas justifiée, et que des exceptions étaient concevables, mais seulement lorsque la sécurité publique était en jeu, par exemple en cas d'hygiène déficiente ou de risques de propagation de maladies.

À cet égard, les faits nouveaux avancés par l'intimé ne permettent pas de déceler une atteinte concrète, et encore moins grave, à la sécurité publique.

Le retrait de l'effet suspensif se justifie d'autant moins qu'actuellement, le recourant fait l'objet d'une décision de retrait – pour l'instant exécutoire – de sa patente de vente de boissons alcooliques, étant rappelé par ailleurs que la multiplication des demandes préjudicielles dans la présente cause a nécessairement pour effet de retarder l'issue de la procédure sur le fond.

6) La demande de restitution de l'effet suspensif sera refusée, et le sort des frais réservé jusqu'à droit jugé au fond.

Vu l’art. 66 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ;

vu l’art. 7 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 21 décembre 2010 ;

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de retirer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Pierre Bayenet, avocat du recourant ainsi qu'au service du commerce.

 

 

Le président :

 

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :