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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2988/2014

ATA/794/2014 du 10.10.2014 ( EXPLOI ) , ACCORDE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2988/2014-EXPLOI ATA/794/2014

"

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 10 octobre 2014

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pierre Bayenet, avocat

contre

SERVICE DU COMMERCE

 



 

Attendu, en fait, que :

1) Monsieur A______ exploite une épicerie-tabacs au ______, rue B______ dans le quartier des Pâquis, à l'enseigne « C______ ». Il est au bénéfice depuis le 20 juin 2013 d'une autorisation, délivrée par le service du commerce (ci-après : Scom), de vente à emporter de boissons alcooliques fermentées et distillées.

2) Du 11 juin 2014 au 2 juillet 2014, « C______ » a fait l'objet d'une fermeture immédiate prononcée par le Scom, qui reprochait à M. A______ plusieurs violations de la loi sur la vente à l'emporter des boissons alcooliques du 22 janvier 2004 (LVEBA - I 2 24).

3) Des rapports de dénonciation ont été dressés par la police, d'une part pour ouverture pendant la période précitée (rapport du 23 juin 2014 pour des faits remontant au 21 juin 2014 à 22h23), d'autre part pour vente de boissons alcooliques en dehors des heures légales (rapport du 27 août 2014 pour des faits constatés le 21 août 2014 à 21h50, 22h00 et 22h15, et le 22 août 2014 à 6h10).

4) Le 2 septembre 2014, le Scom a imparti à M. A______ un délai au 14 septembre 2014 pour se prononcer sur les infractions à la loi qui lui étaient imputées. M. A______ n'a pas donné suite à cette invite.

5) Le 10 septembre 2014, M. A______ a néanmoins demandé au Scom une copie du dossier. Selon ses dires, il n'a reçu aucune réponse.

6) Par décision du 24 septembre 2014, le Scom a prononcé la fermeture immédiate de « C______ » pour une durée de soixante jours, soit du mercredi 24 septembre 2014 à 14h30 au dimanche 23 novembre 2014 à 14h30. La décision a été déclarée exécutoire nonobstant recours et assortie de la menace des peines prévues à l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP – RS 311.0).

7) Par acte déposé le 2 octobre 2014, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif et à l'octroi d'un délai pour compléter le recours, et principalement à l'annulation de la décision attaquée et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

On ne voyait pas bien quel intérêt public poursuivait l'exécution immédiate de la décision.

Si une telle fermeture immédiate pouvait certes se justifier pour des motifs d'ordre public dans la première hypothèse de l'art. 14 al. 2 LVEBA, il en allait autrement lorsque la décision de fermeture était prise à titre de sanction.

8) Le 7 octobre 2014, le Scom a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

L'interprétation légale faite par M. A______ était erronée, l'art. 14 al. 1 LVEBA ne faisant qu'accorder à l'officier de police une compétence particulière de procéder à la fermeture immédiate d'un commerce pour une durée maximale de quatre jours.

Il convenait de procéder à une pesée d'intérêts. La fréquence à laquelle M. A______ violait ses obligations et son attitude consistant à réitérer sans cesse des actes prohibés sans tirer de leçons de ses précédentes infractions et sanctions avaient conduit à prononcer la décision attaquée, et l'intérêt public au maintien de l'ordre, de la tranquillité et de la santé publics primait l'intérêt économique privé de M. A______ à poursuivre l'exploitation de son commerce jusqu'à droit jugé sur le fond.

9) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l'effet suspensif.

 

Considérant, en droit, que :

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est, prima facie, recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 LPA).

Lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA).

3) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/566/2012 du 21 août 2012 consid. 4 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2).

4) a. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

b. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

5) La chambre de céans a déjà eu l'occasion de juger que l'exécution d'une sanction avant que la décision qui la prononce ne soit définitive n'est en règle générale pas justifiée (ATA/84/2013 du 15 février 2013). Des exceptions sont certes concevables, mais dans des domaines où l'exécution de la sanction assure également la sécurité publique, laquelle nécessiterait par hypothèse une telle exécution immédiate (hygiène déficiente, risque de transmission de maladies, etc.). La fermeture immédiate d'une épicerie qui ne respectait pas les horaires d'ouverture des magasins ne poursuivait pas de tels buts, et cet aspect de la sanction n'était donc pas justifié, ce d'autant moins qu'il avait pour effet d'affaiblir la protection juridique des administrés (ATA/716/2013 du 29 octobre 2013).

6) En l'espèce, l'exécution immédiate de la sanction n'est pas davantage justifié, et a pour effet de réduire considérablement la protection juridique pourtant voulue par le constituant fédéral en adoptant l'art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

7) Dès lors, la demande de restitution de l'effet suspensif sera acceptée, et le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

Vu l’art. 66 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ;

vu l’art. 7 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 21 décembre 2010 ;

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

restitue l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Pierre Bayenet, avocat du recourant, ainsi qu'au service du commerce.

 

 

Le président :

 

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :