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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/346/2015

ATA/891/2015 du 01.09.2015 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/346/2015-FPUBL ATA/891/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er septembre 2015

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Christian Bruchez, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1) Le 19 septembre 2012, le conseil administratif de la Ville de Genève (ci-après : le CA de la ville) a délégué l'un de ses membres, en la personne de Monsieur A______, ______, pour la représenter au sein du conseil d’administration des Transports publics genevois (ci-après : le CA des TPG).

2) Par arrêté du 26 septembre 2012, et en application de la loi sur les transports publics genevois du 21 novembre 1975 (LTPG - H 1 55), le Conseil d’État (ci-après : le CE) a nommé A______, notamment, en qualité d'administrateur des TPG pour la période du 1er octobre 2012 au 31 mai 2014.

3) Dans sa séance du 12 octobre 2012, le Grand Conseil (ci-après : le GC) a adopté le projet de loi modifiant la LTPG (ci-après : PL 11’001). L'art. 9 al. l let. b, c et d LTPG a été modifié. Suite à un amendement qui a été accepté, l'art. 11 LTPG a été complété par un nouvel al. 3, à teneur duquel les membres du CA des TPG ne pouvaient siéger dans un exécutif cantonal ou communal, à l'exception du membre visé à l'art. 9 al. l let. d (de la LTPG), à savoir du membre désigné par l'Association des communes genevoises.

4) Le 14 novembre 2012, le CE a écrit au CA de la ville pour l'informer de ces modifications, qui entreraient en vigueur « vraisemblablement au début du mois de décembre 2012 ». Le membre du CA de la ville au sein du CA des TPG serait dès lors « considéré comme démissionnaire du fait de la loi ». Le CA de la ville était invité à proposer d'ici le 30 novembre 2012 un nouveau représentant.

5) Le 28 novembre 2012, le CE a rappelé - par un courrier transmis à A______ par porteur - la teneur de sa précédente communication. La loi du 12 octobre 2012 - dont le délai référendaire était bientôt échu - serait vraisemblablement promulguée le 5 décembre 2012. Elle ne comportait pas de disposition transitoire. Dès lors, A______ - désigné, comme indiqué ci-dessus, par arrêté du CE (ci-après : ACE) du 26 septembre 2012 - ne serait plus habilité du fait de la loi à siéger au sein du CA des TPG.

6) La nouvelle loi a été promulguée comme prévu, le 5 décembre 2012.

7) Après avoir obtenu une prolongation du délai au 6 décembre 2012, le CA de la ville a fait savoir au CE que A______ n'entendait démissionner ni du CA de la ville, ni du CA des TPG, ayant été nommé membre de ce dernier jusqu'au 31 mars (recte : mai) 2014. Le CA de la ville n'entendait pas davantage nommer un remplaçant de A______ à ce stade.

Cette autorité poursuivait en ces termes : « notre Conseil n'a pas la même compréhension que le CE des conséquences temporelles de la modification introduite par le GC le 12 octobre dernier. Il entend en outre examiner minutieusement - une fois la loi promulguée et la teneur des débats parlementaires connue - la question de la conformité au droit supérieur des modifications législatives introduites par la novelle ». Le CA de la ville ne manquerait pas d'informer le CE des suites qu'il entendait donner à la requête de ce dernier.

8) La novelle du 12 octobre 2012 a été publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 7 décembre 2012, son entrée en vigueur étant fixée au lendemain de sa publication, soit le 8 décembre 2012.

9) Par arrêté du 7 décembre 2012, déclaré immédiatement exécutoire nonobstant recours, et transmis par porteur à A______, le CE a constaté l'incompatibilité de celui-ci pour siéger au sein du CA des TPG, en raison de sa qualité de conseiller administratif de la ville, et constaté que l'intéressé n'était plus membre dudit CA dès le 8 octobre 2012 (sic).

10) Le 11 décembre 2012, A______, ______, a adressé, sous sa seule signature, un recours à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à l'encontre dudit arrêté en déclarant agir également pour la ville (cause A/3736/2012), concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif et, principalement, à l'annulation de l'arrêté attaqué.

11) Le 12 décembre 2012, le CE a pris un nouvel arrêté, déclaré immédiatement exécutoire nonobstant recours, annulant et remplaçant le précédent, constatant derechef l'incompatibilité de A______ pour siéger au sein du CA des TPG en raison de sa qualité de conseiller administratif de la ville et constatant que le précité n'était plus membre dudit CA dès le 8 décembre 2012.

12) Un nouveau recours contre l'ACE du 12 décembre 2012 a été déposé le 14 décembre 2012 auprès de la chambre administrative (cause A/3801/2012) au nom du CA de la ville, sur papier à en-tête de ce dernier et signé par A______ en qualité de maire et de Monsieur B______, directeur général de l’administration municipale de la ville, concluant à l'octroi de l'effet suspensif, les autres conclusions étant similaires à celles du premier recours, étant précisé que selon le texte du second recours, les recourants étaient la ville et A______.

13) Par décision du 21 décembre 2012, la présidente de la chambre de céans a constaté que l'ACE du 7 décembre 2012 ayant été annulé, le recours du 11 décembre 2012 concluant à l'annulation de celui-là avait perdu tout objet, raison pour laquelle la cause A/3736/2012 était rayée du rôle.

14) Par décision du même jour, la présidente de la chambre administrative a rejeté la demande d’octroi d’effet suspensif et de mesures provisionnelles au recours de A______ et de la ville contre l’ACE du 12 décembre 2012 (cause A/3801/2012).

15) Dans le cadre de cette procédure, les recourants ont relevé que le PL 11’001 déposé le 26 juillet 2012 par le CE devant le GC tendant à modifier la LTPG avait pour but de préserver la part de financement de ceux-ci par la Confédération à hauteur de 30 %. À aucun moment il n’avait été envisagé d’introduire une incompatibilité pour les conseillers administratifs de la ville. Alors que A______ avait été désigné par le conseil administratif le 19 septembre 2012 et par l’ACE du 26 septembre 2012 pour siéger jusqu’au 31 mai 2014 au sein du CA des TPG, le GC avait introduit lors de sa séance plénière des 11 et 12 octobre 2012 une nouvelle incompatibilité pour le représentant de la ville. Une telle incompatibilité avait cependant été refusée lors des débats en commission.

Le 14 novembre 2012, le CE avait invité le CA de la ville à proposer la désignation d’un nouveau représentant, en prévision de l’entrée en vigueur de la modification législative précitée.

Pourtant, A______ avait reçu le 6 décembre 2012 un courrier électronique de la secrétaire du CA des TPG, le conviant comme les autres membres dudit conseil à une séance de la commission « audit et finances » des TPG devant se tenir le 13 décembre 2012. La ville a produit ce courrier électronique accompagné du procès-verbal de la séance précédente du 29 novembre 2012, à laquelle A______ avait participé. Lors de la séance du 13 décembre 2012, la commission s’était interrogée, comme cela résultait du point 2 du procès-verbal y relatif, sur la présence à cette occasion de A______, compte tenu de l’ACE du 7 décembre 2012 et du fait qu’une décision sur retrait de l’effet suspensif ne serait prise qu’à partir du 20 décembre 2012. A______ considérant que sa présence était légitime, la commission avait décidé de poursuivre normalement ses travaux. Selon le planning des séances du CA des TPG, A______ s’était présenté à celle prévue le 17 décembre 2012. Alors qu’aucune décision sur effet suspensif n’avait été rendue, la présidente du CA des TPG avait décidé d’interrompre la séance et de reconvoquer celle-ci à une date ultérieure. Les recourants se disaient convaincus que cette interruption « était certainement consécutive à une intervention personnelle et directe du CE à l’endroit des TPG ».

Par décision du 21 décembre 2012, la présidente de la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif, comme indiqué ci-dessus. Le 16 janvier 2013, le CE avait signifié par porteur à A______ un arrêté pris le même jour ordonnant l’ouverture d’une enquête disciplinaire à son encontre au motif qu’il avait participé, postérieurement aux ACE des 7 et 12 décembre 2012, « à au moins une séance d’une commission du CA des TPG et le 17 décembre 2012 a[vait] pénétré dans les locaux des TPG, accompagné d’un certain nombre de personnes, dans l’intention de participer à la séance du CA des TPG, rendant la tenue de cette séance impossible et entraînant le renvoi de cette dernière à une date ultérieure ».

Depuis, les recourants avaient découvert que l’un des membres du CA des TPG, Monsieur C______, siégeant comme président de la communauté de communes du Genevois, était également maire de la commune française de Chevrier et donc membre d’un exécutif communal, à tout le moins depuis 2008. Or, le CE n’avait, à leur connaissance, pris aucune mesure ou décision à l’encontre de cette personne. De plus, depuis 1974, date de l’inscription dans la Constitution genevoise des incompatibilités relatives à l’activité des conseillers administratifs, le législateur avait considéré comme évidente la place qui revenait à la fois aux membres des conseils administratifs respectifs, à savoir la ville, le représentant des communes genevoises et le représentant des communes frontalières, chacun de ces organes étant partie intrinsèque à l’organisation des TPG, et plus généralement aux fondations de droit public. Au cours des cinq dernières années, la ville avait consacré plus de CHF 60'000'000.- à « l’implémentation » (sic) d’infrastructures telles que le tram Cornavin-Onex-Bernex (ci-après : TCOB). Depuis de nombreuses années, le magistrat communal chargé des constructions et de l’aménagement siégeait ainsi au CA des TPG.

Les recourants persistaient dans leurs conclusions et entendaient démontrer que les « décisions constatatoires des 7 et 12 décembre 2012 » étaient fondées sur une loi violant l’autonomie communale et la hiérarchie des normes, ainsi que l’égalité de traitement et l’interdiction de l’arbitraire. Ces décisions étaient formellement nulles, une décision constatatoire ne pouvant se substituer à une décision formatrice. De plus, elles avaient été prises en violation de leur droit d’être entendu et étaient abusives.

16) Le 16 janvier 2013, le CE a ouvert une procédure disciplinaire contre A______.

17) Par arrêt du 27 mars 2013 (ATA/202/2013), la chambre administrative a rejeté le recours formé par A______ contre l’ACE du 12 décembre 2012. La règle d’incompatibilité figurant à l’art. 11 al. 3 LTPG était conforme au droit supérieur et l’ACE du 12 décembre 2012, fondé sur cette disposition, était pleinement valable.

18) Le 8 mai 2013, le CE a ordonné la reprise de l’instruction de la procédure disciplinaire ouverte à l’encontre de A______, chargeant une délégation de ses membres d’instruire cette enquête et de lui soumettre des propositions, après l’audition de l’intéressé.

19) Le 17, puis le 24 mai 2013, A______ a écrit au CE, l’informant avoir recouru au Tribunal fédéral contre l’arrêt de la chambre administrative du 27 mars 2013. La procédure disciplinaire ouverte à son encontre devait ainsi être suspendue, ce d’autant que certains des griefs soulevés dans le cadre de son recours n’avaient pas été examinés par la juridiction cantonale et que la Haute Cour devait se déterminer à leur propos.

20) Par courrier du 29 mai 2013, le CE lui a répondu, indiquant qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à sa requête. Dès lors que l’arrêté du 16 janvier 2013 avait suspendu la procédure disciplinaire ouverte à son encontre jusqu’à droit jugé par la chambre administrative dans la cause A/3801/2012, qui était alors pendante, et que cette juridiction avait prononcé son arrêt le 27 mars 2013, la procédure disciplinaire devait être reprise.

21) Le 31 mai 2013, A______ s’est adressé au CE en demandant sa récusation dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte à son encontre. Cette autorité avait adopté une attitude contradictoire, ordonnant d’abord la suspension de la procédure disciplinaire alors que la cause A/3801/2012 était pendante devant la chambre administrative et la refusant alors que cette dernière l’était devant le Tribunal fédéral. Un tel revirement, au demeurant non motivé, était incompréhensible et choquait le sentiment de justice et d’équité, ce d’autant que dans le cadre des deux procédures, le CE revêtait d’une part la qualité de partie intimée et d’autre part d’autorité de décision. Amené à statuer sur le même complexe de fait, il ne pouvait ainsi adopter une attitude partiale dans la procédure judiciaire et impartiale dans la procédure disciplinaire. Puisque la question de la récusation devait être tranchée avant l’accomplissement de tout acte de procédure, sa prochaine audition devait être annulée.

22) Par arrêté du 12 juin 2013, le CE a rejeté la demande de récusation formée par A______. Une nouvelle audience serait fixée par pli séparé.

23) Par courrier du même jour, A______ a informé le CE qu’il entendait recourir auprès de la chambre administrative contre l’arrêté du 12 juin 2013, de sorte que la nouvelle audience annoncée par pli séparé ne pouvait se tenir tant que cette juridiction ne s’était pas prononcée sur sa demande de récusation.

24) Par acte du 24 juin 2013, A______ a recouru contre l’arrêté du CE du 12 juin 2013 auprès de la chambre administrative, concluant à son annulation et à ce qu’il soit dit que le CE devait se récuser dans le cadre de la procédure disciplinaire à son encontre.

25) Par arrêts du 14 novembre 2013 (1C_461/2013 et 1C_462/2013), le Tribunal fédéral a rejeté les recours de A______ et de la ville dans la cause A/3801/2012 et confirmé la légalité de l’ACE du 12 décembre 2012 constatant l’impossibilité pour A______ de siéger au CA des TPG.

La modification de la LTPG ne prévoyant aucune disposition transitoire, elle pouvait sans arbitraire immédiatement être appliquée à A______. Par ailleurs, le CE n’avait pas agi de manière arbitraire en recourant au prononcé d’une décision constatatoire, le principe de subsidiarité n’empêchant de rendre une telle décision que lorsque le justiciable était en droit d’obtenir, sur la même question, une décision formatrice, ce qui n’était pas le cas en l’occurrence.

26) Le 21 novembre 2013, le juge délégué a écrit à A______, lui demandant s’il maintenait son recours, au vu du renouvellement du CE intervenu dans l’intervalle.

27) Le 16 décembre 2013, A______ a déclaré maintenir son recours, dans la mesure où sa demande de récusation n’était pas dirigée contre certains de ses membres à titre personnel, mais contre le CE en tant que tel.

28) Le 14 janvier 2014, A______ a formé une demande de révision de l’arrêt du Tribunal fédéral précité le concernant.

29) Le 27 mai 2014, la chambre administrative a rejeté le recours de A______ du 24 juin 2013 (ATA/385/2014).

30) Le recours en révision de A______ a été rejeté par le Tribunal fédéral le 3 juillet 2014 (1F_2/2014).

31) Le 20 août 2014, le CE a écrit à A______. Il désirait, par le biais d’une délégation composée de son président et d’un conseiller d’État, procéder à son audition le 16 septembre 2014.

32) Par courrier du 9 septembre 2014, A______ a requis le classement de la procédure disciplinaire dès lors que le CE n’était pas l’autorité compétente pour traiter du contentieux disciplinaire en rapport avec le complexe de faits relaté dans la décision d’ouverture d’une procédure disciplinaire du 16 janvier 2013. Cette compétence revenait « aux organes des TPG » sur la base de la LTPG et non pas au CE sur la base de son pouvoir disciplinaire. Si celui-ci ne devait pas partager cette opinion, il lui appartiendrait de se prononcer par la voie d’une décision incidente. Cette décision devrait également aborder la question du droit applicable. Dans ce même courrier, l’intéressé se plaignait de ne pas avoir reçu le dossier établi par l’autorité.

33) Le 10 septembre 2014, le CE a transmis à A______ une copie du dossier de la procédure disciplinaire qu’il réclamait. Une copie de celui-ci lui avait déjà été communiquée ; il s’agissait d’une version réactualisée.

34) Le 12 septembre 2014, A______ a accusé réception du dossier précité. Il restait dans l’attente d’une décision de classement ou d’une décision incidente sur compétence.

35) Le 15 septembre 2014, le président du CE a écrit au conseil de A______ pour confirmer la tenue de l’audition du 16 septembre 2014.

36) Le 16 septembre 2014, A______ a été entendu par la délégation du CE dans la composition qui lui avait été annoncée. Après que les faits faisant l’objet de la procédure disciplinaire eurent été rappelés à l’intéressé, celui-ci a refusé de faire sa déposition au sujet des faits qui lui étaient reprochés. Le CE devait préalablement statuer sur sa compétence avant que le fond de l’affaire ne soit abordé.

37) Le 17 septembre 2014, le CE a écrit à A______. Les éventuelles questions de droit qu’il avait soulevées seraient tranchées lors de l’examen du fond de l’affaire. Il impartissait un délai au 30 septembre 2014 à A______ pour se déterminer par écrit sur les faits ressortant de l’arrêté du 16 janvier 2013.

Ce courrier ne comportait pas de mention de voies de droit.

38) Le 23 septembre 2014, A______ a interjeté un recours auprès de la chambre administrative contre le refus de statuer par voie de décision sur sa compétence, signifié le 17 septembre 2014 par le CE (cause A/2878/2014).

Il a conclu à titre « pré-provisionnel » et provisionnel à ce que la chambre administrative fasse interdiction au CE, sous la menace de sanctions pénales, de procéder à tout acte d’instruction dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte à son encontre et qu’elle annule le délai au 30 septembre 2014 qui lui avait été imparti pour se déterminer. Sur le fond, la chambre administrative devait constater que le CE avait commis un déni de justice en refusant de rendre une décision sur sa compétence pour une procédure disciplinaire. Ordre devait donc lui être donné de rendre une telle décision.

L’art. 13 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) imposait à l’autorité dont la compétence était contestée de rendre une décision incidente susceptible de recours immédiat, indépendamment de l’existence d’un préjudice irréparable comme le prévoyait l’art. 57 al. 1 let. b LPA. Le législateur genevois avait voulu garantir dans tous les cas par ce biais au justiciable visé par une procédure administrative le droit de faire examiner la compétence de l’autorité avant que le fond de la cause soit examiné. Un tel droit avait été retenu par une commission de recours dans une décision du 27 août 2004 qu’il citait.

Tant que la compétence du CE n’était pas acquise définitivement, celui-ci ne devait pas être autorisé à poursuivre l’instruction de la procédure disciplinaire. Dans l’ATA/591/2009 du 12 novembre 2009, la chambre administrative avait admis la possibilité de prononcer des mesures provisoires en anticipant le jugement au fond si la protection du droit ne pouvait être réalisée autrement.

39) Le 30 septembre 2014, le CE a conclu au rejet de la requête en mesures provisionnelles et, sur le fond, au rejet du recours.

Le recours était d’emblée voué à l’échec. Dans les arrêtés successifs que le CE avait pris depuis l’ouverture de la procédure disciplinaire, il avait précisé que celle-ci était ouverte à l’encontre de A______ en sa qualité de conseiller administratif de la ville (arrêté du 16 janvier 2013) et qu’il agissait en application de ses compétences de surveillance constitutionnelles. Dans l’arrêt que la chambre administrative avait rendu sur recours de A______ contre la décision d’ouvrir la procédure disciplinaire (ATA/385/2014 du 27 mai 2014), la juridiction cantonale n’avait pas douté de cette compétence que le recourant, au demeurant, n’avait pas lui-même contestée dans son acte de recours. L’intéressé ne l’avait de même pas remise en cause lorsqu’il avait demandé la récusation du CE et recouru auprès de la chambre administrative contre la décision qu’avait prise ce dernier sur cette requête. Ayant admis sa compétence, le CE n’avait pas à rendre immédiatement une nouvelle décision sur requête de l’intéressé et pouvait, comme il l’avait fait, renvoyer le traitement de cette question dans sa décision finale. Le CE n’avait pas commis de déni de justice et n’avait pas violé l’art. 13 LPA. L’intention du recourant était de bloquer la procédure disciplinaire en multipliant les recours et son recours était constitutif d’un abus de droit.

Les conclusions sur mesures d’extrême urgence et sur mesures provisionnelles se confondaient avec celles formulées sur le fond puisque, dans chacune d’elles, il était fait interdiction au CE d’entreprendre des actes d’instruction dans le cadre de la procédure disciplinaire. La poursuite de la procédure disciplinaire dans l’attente d’un arrêt sur le fond du recours ne causait aucun préjudice irréparable au recourant. L’ATA/591/2009 cité par le recourant visait un cas dans lequel l’administré n’avait eu de cesse depuis le début de la procédure de remettre en cause la nomination de la greffière de l’enquêteur administratif, qui ne s’appliquait pas au cas d’espèce.

40) Le 2 octobre 2014, le président de la chambre administrative a refusé la requête en mesures pré-provisionnelles et provisionnelles formée par A______ et retourné la cause au CE pour la suite de la procédure au sens des considérants.

41) Le 3 octobre 2014, A______ a déposé au greffe de la chambre administrative une réplique à l’écriture du CE du 30 septembre 2014, sur le fond du recours. Il persistait dans les conclusions prises sur le fond de son recours. L’opinion du CE selon laquelle il avait déjà statué sur sa compétence ne pouvait être suivie. Il n’avait jamais examiné, dans une décision formelle motivée sur ce point, la question de sa compétence pour ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre de A______, fondée sur les art. 80 ss de la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 (LAC - B 6 05) et portant sur les faits reprochés en lien avec l’exercice de son mandat de membre du CA des TPG. Il était contradictoire de soutenir cette position alors qu’il avait indiqué dans son courrier du 17 septembre 2014 qu’il allait examiner celle-ci simultanément avec le fond de l’affaire. Il n’était pas possible pour une autorité administrative de différer dans le temps l’examen d’une contestation sur compétence formulée par un administré. Tant que le CE n’aurait pas statué sur ce point, il n’avait pas le droit d’aller de l’avant dans la procédure disciplinaire.

42) Par arrêt du 11 novembre 2014 (ATA/869/2014), la chambre administrative a déclaré irrecevable le recours précité.

Les autorités administratives n’étaient pas contraintes de statuer incidemment au sujet de leur compétence lorsque la procédure était déjà engagée et qu’une partie contestait leur compétence ; elles gardaient dans certains cas le pouvoir de reporter l’examen de cette question dans leur décision finale, notamment pour des impératifs d’économie de procédure. En l’espèce, le recourant n’avait contesté la compétence du CE que tardivement ; cette autorité pouvait ne statuer sur sa compétence que lors de sa décision au fond.

43) Par arrêté du 22 décembre 2014, le CE a clos la procédure disciplinaire et prononcé à l’encontre de A______ un avertissement.

Sa compétence se fondait sur les art. 82 et 83 LAC. Il avait ouvert la procédure disciplinaire contre A______ en sa qualité d’autorité de surveillance des communes au sens des art. 137 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00 et art. 61 LAC, l’intéressé étant incriminé pour des comportements liés à l’exercice de ses fonctions de conseiller administratif de la ville.

La lex mitior était le droit applicable au moment de faits, soit l’ancienne LAC (ci-après : aLAC). En effet, l’art. 83 de l’actuelle LAC prévoyait un large éventail de sanctions, allant du blâme à la révocation, en passant par l’amende et la suspension temporaire des fonctions et du traitement. L’aLAC prévoyait la révocation, et à défaut, l’avertissement seul. En l’espèce, la révocation constituait une mesure trop sévère, mais l’avertissement une mesure trop clémente. En obligeant l’autorité à prononcer un avertissement du fait de la disproportionnalité d’une révocation, l’aLAC était plus favorable au recourant.

En ne se conformant pas aux ACE qui lui avaient été signifiés, soit en se rendant sans droit à des séances du CA des TPG dans le but d’y siéger, le recourant avait violé les devoirs de sa fonction de conseiller communal, ainsi que le serment qu’il avait prononcé lors de son entrée en fonction. En tant que maire de la ville, A______ assumait une fonction importante de magistrat et d’agent public chargé de veiller au respect des lois et des procédures applicables. Il se devait, à ce titre, d’être un exemple de rigueur pour ses administrés. Le CE était consterné par le comportement incriminé. La gravité des actes commis l’avait conduit à envisager une révocation, mais il avait finalement considéré qu’une mesure moins incisive pouvait lui faire prendre conscience des exigences de dignité et de moralité s’imposant à un magistrat communal. L’avertissement était par trop clément, mais constituait la seule sanction possible dans un tel cas, en application de la lex mitior.

44) Le même jour, le CE a diffusé sur son site internet un communiqué de presse, rédigé comme suit :

« En sa qualité d’autorité de surveillance des communes, le Conseil d’Etat a infligé un avertissement à M. A______, conseiller administratif de la Ville de Genève, pour violation de ses devoirs de fonction.

Le 17 décembre 2012, A______ a pénétré au siège des Transports publics genevois (TPG), accompagné d’un certain nombre de personnes, perturbant ainsi une séance du conseil d’administration alors qu’il n’avait pas le droit d’y assister. La tenue de cette séance a ainsi été rendue impossible, entrainant son renvoi à une date ultérieure. Pour cette raison, le 16 janvier 2013, le Conseil d’Etat a ouvert une procédure disciplinaire à l’encontre de M. A______.

En effet, suite à l’entrée en vigueur, le 8 décembre 2012, d’une modification de la loi sur les transports publics, votée par le Grand Conseil sur son initiative, A______ ne pouvait plus siéger au sein du conseil d’administration des TPG en raison de sa qualité de conseiller administratif de la Ville de Genève, les deux mandats étant devenus incompatibles au sens de la nouvelle loi.

À la suite de l’ouverture de cette procédure disciplinaire, A______ a déposé par moins de six procédures successives devant les instances judiciaires genevoises et fédérales contestant la compétence du Conseil d’Etat. Toutes ces requêtes ont été soit rejetées, soit déclarées irrecevables par les instances judiciaires saisies.

Il s’agit :

1. D’un recours en décembre 2012 à la Chambre administrative de la Cour de justice (CACJ) contre les arrêtés du Conseil d’Etat constatant son incompatibilité.

2. D’un recours de droit public en mai 2103 (recte : 2013) auprès du Tribunal fédéral contre l’arrêt de la CACJ du 27 mars 2013 (ATA/202/2013) confirmant son incompatibilité.

3. D’une demande de révision en janvier 2014 contre l’arrêt du Tribunal fédéral du 14 novembre 2013 (ATF 1C_462/2013 et ATF 1F_2/2014) confirmant la décision du Conseil d’Etat, respectivement de la CACJ.

4. D’une demande de récusation du Conseil d’Etat in corpore en mai 2013 dans la procédure disciplinaire, qui a été rejetée par arrêté du 12 juin 2013.

5. D’un recours en juin 2013 contre cette décision. La CACJ l’a débouté de ses conclusions dans son arrêt du 27 mai 2014 (ATA/385/2014).

6. D’une contestation de la compétence du Conseil d’Etat de statuer en matière disciplinaire en septembre 2014 auprès de la Cour de justice, assortie de mesures provisionnelles visant à interdire au Conseil d'Etat de procéder à tout acte d’instruction.

À la suite du dernier arrêt, publié le 11 novembre 2014 (ATA/869/2014), le Conseil d’Etat a enfin été en mesure de statuer sur le fond.

Il a considéré que la violation par M. A______ de ses devoirs de fonction imposés par la législation revêtait une importance certaine, sans toutefois impliquer nécessairement sa révocation. C’est la raison pour laquelle il a prononcé un avertissement à son encontre, conformément à l’art. 83 de la loi sur l’administration des communes. ».

45) A______ a recouru contre l’arrêté précité auprès de la chambre administrative par acte du 2 février 2015 en concluant à son annulation, sous suite de frais. Subsidiairement, il a demandé que l’affaire soit renvoyée au CE pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

Le CE avait violé son droit d’être entendu en n’accédant pas aux mesures d’instruction qu’il avait demandées, soit l’apport à la procédure des pièces suivantes :

- Procès-verbal de la séance du Conseil d’administration des TPG du 17 décembre 2012 ;

- L’intégralité de la correspondance entre le Conseil d’État, respectivement l’ancien département de l’intérieur, de la mobilité et de l’environnement (ci-après : DIME) et les TPG en lien avec la modification de l’article 11 al. 3 LTPG ;

- L’intégralité de la correspondance entre le Conseil d’État, respectivement le DIME et les TPG en lien avec les arrêtés du Conseil d’État des 7 et 12 décembre 2012 (excluant A______ du conseil d’administration des TPG) ;

- L’intégralité de la correspondance entre le Conseil d’État, respectivement le DIME et les TPG en lien avec le recours (avec requête d’effet suspensif) de la Ville de Genève et de A______ contre les arrêtés du Conseil d’État des 7 et 12 décembre 2012 ;

- L’intégralité de la correspondance entre le Conseil d’État, respectivement le DIME et les TPG en lien avec la séance du Conseil d’administration des TPG du 17 décembre 2012. 

Il requérait par ailleurs l’audition des personnes suivantes en qualité de témoins :

- Monsieur D______ (lequel avait conseillé A______ à propos de la portée des décisions du Conseil d’État et de l’effet du recours déposé, avec demande d’effet suspensif),

- Monsieur E______ (président de la commission audit et finances du conseil d’administration des TPG, présent lors de la séance de ladite commission du 13 décembre 2012),

- Madame F______ (présidente du conseil d’administration des TPG, présente lors de la séance du 17 décembre 2012),

- Madame G______ (magistrate en charge des TPG lors de la modification de l’article 11 al. 3 LTPG),

- Madame H______ (conseillère municipale de la Ville de Genève),

- Monsieur I______ (conseiller municipal de la Ville de Genève),

- Madame J______ (conseillère municipale de la Ville de Genève),

- Monsieur K______ (conseiller municipal de la Ville de Genève),

- Monsieur L______ (conseiller municipal de la Ville de Genève),

- Monsieur M______ (conseiller municipal de la Ville de Genève),

- Monsieur N______ (conseiller municipal de la Ville de Genève). 

Ces mesures d’instruction étaient nécessaires pour démontrer son absence d’intention de violer la loi et de négligence ou d’imprudence grave au sens de l’art. 82 LAC. La chambre n’ayant pas le même pouvoir d’examen que le CE, il convenait de renvoyer la cause à cette autorité pour qu’elle procède auxdites mesures d’instruction, si l’ACE n’était pas annulé pour d’autres motifs.

Sur le fond, la décision était viciée, sans qu’il soit toutefois nécessaire de développer cette question, vu les nombreux motifs d’annulation susexposés et le fait qu’il était impossible, en l’état, d’établir qu’il avait intentionnellement voulu siéger sans droit lors de la séance du CA des TPG du 17 décembre 2012 ou qu’il avait commis une négligence ou imprudence grave à cet égard.

Enfin, la loi dont on lui reprochait la violation avait été jugée par le GC arbitraire et discriminatoire, et modifiée, ce qui rendait l’arrêté attaqué d’autant plus choquant.

46) Le 6 mars 2015, le CE a conclu au rejet du recours.

La chambre administrative avait déjà statué sur l’impartialité du CE dans la présente cause et les éléments allégués par le recourant n’étaient pas de nature à remettre en question le raisonnement adopté. M. O______ avait une opinion politique et la diffusion du communiqué de presse était rendue obligatoire par la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08).

47) Le 25 mars 2015, A______ a informé le juge délégué qu’il avait été à nouveau nommé membre du CA des TPG, sur proposition de la ville, selon arrêté du CE du 25 février 2015.

Il sollicitait par ailleurs la tenue d’une audience publique par-devant la chambre administrative.

48) Le 12 mai 2015, une audience publique de plaidoiries s’est tenue devant le plenum des juges de la chambre administrative, lors de laquelle les parties ont développé leurs arguments et persisté dans leurs conclusions.

49) Au terme de cette audience, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) Le recourant soutient que l’arrêté du 22 décembre 2014 est entaché d’un défaut d’impartialité, le CE ayant statué dans la procédure disciplinaire à la fois comme partie adverse et comme autorité de surveillance.

La question de l’impartialité du CE comme autorité intervenant dans la procédure disciplinaire mettant en cause le recourant, a déjà été tranchée par la chambre de céans dans l’ATA/385/2014 du 27 mai 2014.

Le recourant considère cependant que des faits nouveaux sont survenus, qui seraient à même de remettre en question cette impartialité ; ainsi, depuis ce prononcé, le CE s’était opposé au projet de loi révisant l’amendement du 12 octobre 2012. Par là, il avait manifesté la volonté du CE d’empêcher son retour au CA et de maintenir une loi que le GC avait finalement jugée arbitraire et discriminatoire. Le communiqué de presse du 22 décembre 2014 était par ailleurs entaché de partialité.

a. Selon l’art. 63 de la loi portant règlement du GC de la République et canton de Genève du 13 septembre 1985 (LRGC - B 1 01), les conseillers d’État assistent aux séances du GC. Lors de ces séances, le CE, par la voix de l’un des siens, peut faire des déclarations, prendre part aux discussions et/ou présenter des amendements et faire toutes propositions (art. 65 LRGC).

Lors des débats parlementaires liés au projet de loi révisant l’amendement du 12 octobre 2012 à la LTPG, M. O______, représentant le CE, a exprimé qu’il pensait « qu’il (fallait) laisser faire un peu les choses de manière à ne pas toujours voir les mêmes personnes au même endroit ». Cette intervention, qui a eu lieu dans le cadre d’un débat politique, pouvait difficilement être plus mesurée, par son contenu. Elle évoque des difficultés de principe liées aux mandats multiples et n’est pas dirigée contre le recourant en particulier. À suivre ce dernier, le CE devrait renoncer à toute intervention touchant la modification d’une loi dont l’application est en cause dans une procédure disciplinaire visant un magistrat ou un fonctionnaire. Une telle exception, qui ne serait pas sans conséquences politiques, n’est pas prévue par la loi et n’est pas exigée par l’art. 30 al. 1er de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

b. S’agissant du communiqué de presse du 22 décembre 2014, le fait de ne pas informer la population de ce que l’amendement litigieux avait été abrogé n’établit pas l’existence d’une attitude partiale du CE. En effet, d’une part, ce communiqué est fondé sur l’art. 18 al. 1 et 2 LIPAD. Celui-ci dispose que les institutions communiquent spontanément au public les informations qui sont de nature à l’intéresser, à moins qu’un intérêt prépondérant ne s’y oppose, l’information donnée devant être exacte, complète, claire et rapide. Le communiqué de presse litigieux avait pour fonction d’informer les citoyens de la clôture de la procédure disciplinaire et de la décision prise à son terme, sachant que l’affaire avait été largement relayée par la presse et qu’il existait ainsi un intérêt du public à connaître cette information, ce que le recourant ne conteste d’ailleurs pas. D’autre part, la modification de la LTPG du 9 octobre 2014, dont fait état le recourant, avait déjà été largement diffusée et portée à la connaissance du public par les voies idoines et par la presse. Sauf à vouloir ouvrir un débat public sur le caractère justifié ou non de l’attitude reprochée au recourant, ce qui n’était pas l’objet dudit communiqué, le CE n’avait aucune obligation - voire aurait été malvenu - de rappeler, dans ce document, cette modification légale au public qui la connaissait déjà.

Dans les deux cas exposés ci-dessus, le CE a agi dans l’exécution de devoirs prescrits par la loi, avec la mesure requise par les circonstances. Ses interventions ne sont pas de nature à mettre en doute l’analyse faite par la chambre de céans dans l’arrêt précité de l’impartialité de cette autorité dans cette affaire.

Ce grief sera dès lors rejeté.

3) Selon le recourant, le CE n’était pas compétent pour ouvrir une procédure disciplinaire à son encontre et statuer par une sanction.

Le droit applicable doit être préalablement déterminé.

Conformément aux principes généraux du droit intertemporel, lorsqu'un changement de droit intervient au cours d'une procédure administrative contentieuse ou non contentieuse, la question de savoir si le cas doit être tranché sous l'angle du nouveau ou de l'ancien droit se pose. En l'absence de dispositions transitoires, s'il s'agit de tirer les conséquences juridiques d'un événement passé constituant le fondement de la naissance d'un droit ou d'une obligation, le droit applicable est celui en vigueur au moment dudit événement. Dès lors, en cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste en principe celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATA/19/2014 du 14 janvier 2014 ; ATA/834/2013 du 17 décembre 2013 consid. 4b ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 403 ss). En matière de sanction disciplinaire, on applique toutefois le principe de la lex mitior lorsqu’il appert que le nouveau droit est plus favorable à la personne incriminée.

En l’espèce, et d’une manière générale, le droit applicable est constitué de la LTPG et de la LAC dans leur teneur applicable en décembre 2012 (ci-après : aLAC et aLTPG, pour les dispositions qui ont été modifiées depuis). Ce même droit est applicable à la sanction, les dispositions de l’aLAC étant plus favorables au recourant. En effet, le CE ayant renoncé à prononcer une révocation, l’aLAC ne lui laisse plus que la possibilité de prononcer un avertissement, qui constitue une sanction plus légère que le blâme prévu par le nouveau droit à titre de sanction minimum, alors que la LAC actuelle permettrait au CE de prononcer l’amende ou la suspension temporaire des fonctions et du traitement (art. 83 let. b et c LAC), qui paraîtraient plus proportionnées à la situation pour les motifs exposés ci-dessous.

L’aLTPG et l’aLAC sont ainsi applicables.

4) Selon l’art. 9 al. 1 LTPG (non modifié), l’administration des TPG est confiée à un CA, formé notamment d’un membre désigné par le conseil administratif de la ville (let. c). Les TPG, établissement autonome de droit public (art. 191 al. 4 Cst.-GE), sont placés sous la surveillance du CE et de l’autorité fédérale compétente (art. 2 al. 3 LTPG). En outre, les communes sont placées sous la surveillance du CE, qui exerce cette prérogative plus spécialement par l’intermédiaire du département (art. 61 LAC).

En sa qualité d’autorité de surveillance des communes, le CE peut prendre à l’encontre des conseillers administratifs qui violent leurs devoirs de fonction deux sanctions : l’avertissement ou la révocation (art. 83 let. a et b aLAC). Dans sa fonction d’autorité de surveillance des TPG, le CE peut révoquer un membre du CA pour diverses raisons (art. 16 LTPG).

Dans l’arrêté entrepris, le CE a reproché à A______ – à tort ou à raison, là n’est pas la question à ce stade de l’examen de la cause – , un membre du CA d’une commune, de n’avoir pas respecté une décision étatique qui lui avait été signifiée, et de s’être comporté de manière contraire aux devoirs de sa charge de magistrat communal.

Le CE a ainsi statué dans le cadre de la compétence qui lui est accordée par l’art. 83 let. a et b aLAC. Les griefs du recourant relatifs à la question de savoir si les comportements qui lui sont reprochées relèvent de son mandat de magistrat communal et s’ils constituent une violation des devoirs de cette fonction relèvent du fond.

L’exception d’incompétence soulevée par le recourant sera ainsi écartée.

5) Le recourant sollicite de la chambre administrative qu’elle constate la violation par le CE de son droit d’être entendu et lui renvoie la cause pour nouvelle décision, après avoir enjoint à cette autorité d’ordonner les mesures d’instruction listées ci-dessus, demandées dans un courrier adressé à cette autorité le 27 octobre 2014. Il expose que celles-ci sont indispensables pour élucider la manière dont les faits se sont déroulés entre le 7 et le 17 décembre 2012 et pour établir la nature intentionnelle ou l’existence d’une négligence ou imprudence graves exigées par l’art. 82 aLAC.

Les faits à l’appui desquels le CE a pris l’arrêté litigieux, tels qu’exposés ci-dessous, sont tous établis ; ils découlent très clairement des pièces du dossier et des divers arrêts rendus dans les causes connexes à la présente procédure. Il en va de même, comme on le verra ci-dessous, de la nature consciente et volontaire des actes reprochés à A______.

Le CE n’a ainsi pas violé le droit d’être entendu du recourant en ne procédant pas aux mesures d’instruction sollicitées.

6) Le recourant argue que la sanction dont il fait l’objet serait infondée en raison du fait que la loi sur laquelle elle se fonde a été par la suite jugée arbitraire et discriminatoire par le GC, qui l’aurait modifiée pour ce motif. Il allègue que son intention de vouloir siéger sans droit au CA lors des séances du CA des TPG litigieuses n’a pas été établie. Il considère enfin que les actes qui lui sont reprochés ne relèvent pas de son mandat de magistrat communal et qu’aucune violation à ses devoirs de fonction n’a été commise.

7) L’obligation de se soumettre aux lois et aux décisions prises par les autorités administratives et judiciaires est le corollaire de tout État de droit (art. 5 al. 1 Cst.).

Parmi ces autorités administratives figure le CE (art. 5 al. 1 let. a LPA). Selon les art. 11 et 66 al. 1 LPA, ce dernier peut prendre toute décision relevant de sa compétence et déclarer celle-ci exécutoire nonobstant recours (art. 66 al. 1 LPA). Lorsque tel est le cas, le recours – même assorti d’une demande de mesures provisionnelles – perd son effet suspensif automatique (art. 66 al. 1 LPA).

En l’espèce, les arrêtés des 7 et 12 décembre 2012, notifiés par porteur à A______, étaient ainsi exécutoires dès le jour de leur adoption.

8) Même lorsqu’elles sont illégales, les décisions déclarées exécutoires nonobstant recours doivent être exécutées (art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0 ; art. 54 LPA). Les citoyens – et a fortiori les personnes investies d’une tâche publique – ont l’obligation de s’y conformer, tant et aussi longtemps que cette illégalité n’aura pas été constatée par les voies idoines ou leur suspension prononcée à titre provisionnel (art. 66 LPA). Cette obligation est contrebalancée par les possibilités, accordées par les lois topiques, d’obtenir réparation en cas de dommages subis (art. 1 ss de la loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes du 24 février 1989 - LREC - A 2 40).

Les arrêtés litigieux emportaient l’interdiction pour A______ de siéger au CA des TPG dès le 8 décembre 2012. Cet arrêté était basé sur la novelle, publiée dans la FAO le 7 décembre 2012 et entrée en vigueur le 8 décembre 2012, prescrivant cette incompatibilité. L’arrêté litigieux mettait un terme à des échanges épistolaires de fin novembre et de début décembre 2012, ayant eu lieu entre le CE et le CA de la ville, portant sur le statut de A______ relativement à sa qualité de membre du CA des TPG, dans lequel le CA de la ville avait exposé ne pas avoir « la même compréhension que le CE des conséquences temporelles de la modification introduite par le GC le 12 octobre (2012) ».

Nonobstant cet arrêté dont il avait connaissance, A______ s’est rendu de son propre chef à la séance du CA des TPG du 17 décembre 2012 et a tenté d’y siéger volontairement, sans droit.

9) Provenant de l’autorité de surveillance des TPG et des communes, en application d’une loi dont le sens ne prêtait pas à discussion, l’ACE du 12 décembre 2012 ne pouvait être de bonne foi considéré par A______ comme nul de plein droit, et par conséquent de nul effet. Les discussions portant sur la légalité de cet arrêté ressortaient clairement du débat judiciaire et non d’une nullité manifeste, de sorte que A______, comme tout un chacun, avait le devoir de le respecter, même s’il croyait de bonne foi en son illégalité et le désapprouvait. Le courriel du 6 décembre 2012 de la secrétaire du CA des TPG le convoquant à la séance du CA des TPG du 17 décembre 2012 perdait à l’évidence tout effet du fait de l’arrêté en question. Tant qu’aucune décision contraire n’avait été prise – et notamment à titre provisionnel – l’arrêté exécutoire nonobstant recours ne pouvait être de bonne foi que considéré comme prédominant.

10) L’art. 41 LAC dispose par ailleurs qu’avant d’entrer en fonctions, les conseillers administratifs, maires et adjoints prêtent, devant le CE, le serment suivant :

« Je jure ou je promets solennellement : d’être fidèle à la République et canton de Genève ; d’obéir à la constitution et aux lois et de remplir consciencieusement les devoirs de ma charge ».

Le terme « consciencieusement » fait appel aux devoirs moraux de la charge, que sont notamment l’exemplarité dans sa conduite, dans l’usage de la bonne foi, dans la responsabilité pour les actes commis, dans sa droiture et sa probité.

Par son comportement, A______ a violé intentionnellement son obligation de se conformer à une décision dont le contenu et le caractère immédiatement exécutoire lui avaient été signifiés en mains propres.

Ce comportement constitue une violation de l’obligation générale incombant à tout un chacun de respecter les décisions administratives. La gravité de cette violation à ce devoir général est accrue par la qualité de magistrat élu du recourant, revêtu de la charge de l’exemple.

11) Il est enfin incontestable que A______ représentait la ville lorsqu’il a agi de la sorte, sa fonction de conseiller communal étant une condition sine qua non à sa nomination au CA des TPG (art. 9 al. 1er let. c LTPG).

12) En marquant son désaccord par une transgression à la loi et aux règlements, le recourant a pris des risques qui emportent des conséquences auxquelles il est malvenu de vouloir se soustraire, en tant que représentant d’une autorité officielle. Il sied enfin de préciser que le devoir de soumission aux lois et aux décisions incombe à tout un chacun et que si un citoyen, quel qu’il soit, transgresse un arrêté du CE déclaré exécutoire nonobstant recours, il est passible de sanctions administratives et/ou pénales, en application des lois spéciales et/ou de l’art. 292 CP.

En demandant qu’aucune violation de la loi ne soit reconnue à son égard, alors qu’il a transgressé volontairement un acte à lui signifié, le recourant sollicite en réalité un privilège, qui ne saurait lui être accordé.

Le CE est ainsi resté dans le cadre de la loi en considérant que A______ avait violé les devoirs liés à sa fonction.

Cette violation doit être considérée comme moyennement grave, la tenue de la séance du CA des TPG du 17 décembre 2012 ayant dû être annulée en raison de ces faits.

13) Reste à examiner la légalité de la sanction entreprise.

Selon l’art. 83 aLAC, le CE peut prononcer un avertissement ou une révocation.

Le CE révoque, par décision motivée, notamment, les conseillers administratifs, maires et adjoints qui refusent d'obéir aux ordres qui leur ont été adressés par le CE dans les limites constitutionnelles et légales (art. 84 al. 1 let. a aLAC), commettent une négligence grave dans l'exercice de leurs fonctions (art. 84 al. 1 let. d aLAC) ou une infraction grave aux lois et règlements (art. 84 al. 1 let. f aLAC).

14) En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou à l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/694/2015 du 30 juin 2015 et les références citées).

En l’espèce, le CE, faisant usage de ce pouvoir, a prononcé un avertissement après avoir considéré que la révocation était disproportionnée.

L’avertissement étant prévu par la loi et constituant la sanction la plus modeste, l’arrêté entrepris ne saurait violer le principe de la proportionnalité.

Le recours sera en conséquence rejeté.

15) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe, et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 février 2015 par Monsieur A______ contre l’arrêté du Conseil d’État du 22 décembre 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2’000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s’il porte sur des décisions en matière de rapports de travail de droit public qui concernent une contestation non pécuniaire qui ne touchent pas la question de l’égalité des sexes ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Bruchez, avocat du recourant, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

 

la greffière :