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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2878/2014

ATA/869/2014 du 11.11.2014 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2878/2014-FPUBL ATA/869/2014

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 novembre 2014

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Christian Bruchez, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1) Le 19 septembre 2012, le conseil administratif de la Ville de Genève (ci-après : le conseil administratif) a délégué l’un de ses membres, en la personne de Monsieur A______, ______, pour la représenter au sein du conseil d’administration des B______ (ci-après : TPG).

2) Par arrêté du 26 septembre 2012, et en application de la loi sur les B______ du 21 novembre 1975 (LTPG - H 1 55), le Conseil d’État a nommé M. A______, notamment, en qualité d’administrateur des TPG pour la période du 1er octobre 2012 au 31 mai 2014.

3) Dans sa séance du 12 octobre 2012, le Grand Conseil a adopté le projet de loi modifiant la LTPG (ci-après : PL 11’001). L’art. 9 al. l let. b, c et d LTPG a été modifié. Suite à l’acceptation d’un amendement, l’art. 11 a été complété par un nouvel alinéa 3, à teneur duquel les membres du conseil d’administration des TPG ne peuvent siéger dans un exécutif cantonal ou communal, à l’exception du membre visé à l’art. 9 al. l let. d (de la loi), à savoir le membre désigné par l’Association des communes genevoises.

4) Le 14 novembre 2012, le Conseil d’État a écrit au conseil administratif pour l’informer de ces modifications, qui entreraient en vigueur « vraisemblablement au début du mois de décembre 2012 ». Le membre du conseil administratif au sein du conseil d’administration des TPG serait dès lors « considéré comme démissionnaire du fait de la loi ». Le conseil administratif était invité à proposer d’ici le 30 novembre 2012 un nouveau représentant.

5) Le 28 novembre 2012, le Conseil d’État a rappelé - par un courrier transmis à M. A______ par porteur - la teneur de sa précédente communication. La loi du 12 octobre 2012 - dont le délai référendaire serait échu le 3 décembre 2012 - serait vraisemblablement promulguée le 5 décembre 2012. Elle ne comportait pas de disposition transitoire. Dès lors, M. A______ - désigné, comme indiqué ci-dessus, par arrêté du Conseil d’État (ci-après : ACE) du 26 septembre 2012 - ne serait plus habilité du fait de la loi à siéger au sein du conseil d’administration des TPG.

Afin que son droit d’être entendu soit respecté, M. A______ était invité à se déterminer à cet égard d’ici au 3 décembre 2012 à 18h00.

6) La nouvelle loi a été promulguée le 5 décembre 2012 et est entrée en vigueur le 8 décembre 2012.

7) Après une prolongation du délai au 6 décembre 2012 pour que M. A______ se détermine, le conseil administratif a fait savoir au Conseil d’État que celui-ci n’entendait démissionner ni du conseil administratif ni du conseil d’administration des TPG, ayant été nommé membre de ce dernier jusqu’au 31 mars (recte : mai) 2014. Le conseil administratif n’entendait pas davantage nommer un remplaçant de M. A______ à ce stade.

Le conseil administratif poursuivait en ces termes : « notre Conseil n’a pas la même compréhension que le Conseil d’État des conséquences temporelles de la modification introduite par le Grand Conseil le 12 octobre dernier. Il entend en outre examiner minutieusement - une fois la loi promulguée et la teneur des débats parlementaires connue - la question de la conformité au droit supérieur des modifications législatives introduites par la novelle ». Le conseil administratif ne manquerait pas d’informer le Conseil d’État des suites qu’il entendait donner à la requête de ce dernier.

8) La novelle a été publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève le 7 décembre 2012, son entrée en vigueur étant fixée au lendemain de sa publication, soit le 8 décembre 2012.

9) Par arrêté du 7 décembre 2012, déclaré immédiatement exécutoire nonobstant recours, et transmis par porteur à M. A______, le Conseil d’État a constaté l’incompatibilité de celui-ci pour siéger au sein du conseil d’administration des TPG, en raison de sa qualité de conseiller administratif de la Ville de Genève, et constaté que l’intéressé n’était plus membre dudit conseil d’administration dès le 8 octobre 2012 (sic).

10) Le 11 décembre 2012, M. A______ a adressé un recours à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à l’encontre de l’arrêté précité en déclarant agir également pour la Ville de Genève (cause A/3736/2012), concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif et principalement à l’annulation dudit arrêté.

11) Le 12 décembre 2012, le Conseil d’État a pris un nouvel arrêté, déclaré immédiatement exécutoire nonobstant recours, annulant et remplaçant le précédent, constatant derechef l’incompatibilité de M. A______ pour siéger au sein du conseil d’administration des TPG en raison de sa qualité de conseiller administratif de la Ville de Genève et constatant que le précité n’était plus membre dudit conseil d’administration dès le 8 décembre 2012.

12) M. A______ et la Ville de Genève ont interjeté le 14 décembre 2012 un nouveau recours contre l’arrêté précité auprès de la chambre administrative (cause A/3801/2012), concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif et sur le fond à l’annulation dudit arrêté.

13) Le 21 décembre 2012, le président de la chambre administrative a rayé la cause A/3736/2012 du rôle, le recours étant devenu sans objet après l’annulation de l’arrêté du 7 décembre 2012. Il a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif au recours de M. A______ et de la Ville de Genève contre l’arrêté du Conseil d’État du 12 décembre 2012.

14) Le 16 janvier 2013, le Conseil d’État a communiqué par porteur à M. A______ un arrêté pris le même jour ordonnant l’ouverture d’une enquête disciplinaire à son encontre. Postérieurement aux arrêtés des 7 et 12 décembre 2012, il avait participé « à au moins une séance d’une commission du conseil d’administration des TPG et le 17 décembre 2012 [avait] pénétré dans les locaux des TPG, accompagné d’un certain nombre de personnes, dans l’intention de participer à la séance du conseil d’administration des TPG, rendant la tenue de cette séance impossible et entraînant le renvoi de cette dernière à une date ultérieure ».

Il ne s’était pas conformé aux décisions du Conseil d’État prises par celui-ci en sa double qualité d’autorité de surveillance des communes et des TPG. Il avait perturbé le fonctionnement de l’établissement public autonome. En tant que conseiller administratif de la Ville de Genève, il était susceptible d’avoir violé ses devoirs de fonction et son serment de magistrat communal. Ces faits le rendaient passible de sanctions disciplinaires au sens de la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 (LAC - B 6 05).

Le Conseil d’État fondait sa décision d’ouvrir une procédure disciplinaire en sa qualité d’autorité de surveillance des communes. L’arrêté du 16 janvier 2013 se référait à l’art. 153 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE A 2 00) et aux art. 82 ss LAC, dont l’art. 83 dans sa teneur antérieure au 26 avril 2014.

La procédure était suspendue jusqu’à droit jugé dans la cause A/3801/2012.

15) Par arrêt du 27 mars 2013 (ATA/202/2013) rendu dans la cause précitée, la chambre administrative a rejeté les recours formés le 11 décembre 2012 par M. A______ et la Ville de Genève. Par la suite, les recours en matière de droit public formés par M. A______ et par la Ville de Genève auprès du Tribunal fédéral contre l’arrêt précité ont été rejetés le 14 novembre 2013 (1C_461/2013).

16) Le 14 janvier 2014, M. A______ a formé une demande de révision de l’arrêt du Tribunal fédéral précité.

17) Par arrêté du 8 mai 2013 notifié à M. A______, le Conseil d’État a décidé de reprendre l’instruction de la procédure disciplinaire ouverte à l’encontre celui-là le 16 janvier 2013. Par courrier du même jour, il lui a adressé une convocation pour qu’une délégation de ses membres puisse procéder à son audition le 4 juin 2013.

18) Le 31 mai 2013, M. A______ a demandé la récusation du Conseil d’État.

Il avait informé le Conseil d’État de ce qu’il avait recouru auprès du Tribunal fédéral contre l’arrêt de la chambre administrative du 27 mars 2013. Il se justifiait dès lors de maintenir la suspension décidée le 16 janvier 2013 jusqu’à droit connu définitif sur ce recours. En refusant cela, le Conseil d’État adoptait une position contradictoire, « non motivée » et « incompréhensible », « choquant le sentiment de justice et d’équité ». Celui-ci s’opposait à lui à la fois dans le cadre de la procédure pendante devant le Tribunal fédéral et dans la procédure disciplinaire. Or, il ne pouvait être à la fois l’autorité chargée d’instruire la procédure disciplinaire de manière impartiale et la personne contre laquelle la procédure de récusation pendante devant le Tribunal fédéral avait été ouverte.

Le 12 juin 2013, le Conseil d’État a rejetée ladite requête par arrêté du 12 juin 2013. M. A______ a saisi le 24 juin 2013 la chambre administrative d’un recours contre ledit arrêté, lequel a été rejeté par celle-ci le 27 mai 2014 (ATA/385/2014).

19) Le recours en révision de M. A______ a été rejeté par le Tribunal fédéral le 3 juillet 2014 (1F_2/2014).

20) Le 20 août 2014, le Conseil d’État a écrit à M. A______. Il désirait, par le biais d’une délégation composée et de son président et d’un conseiller d’État, procéder à son audition le 16 septembre 2014. Il lui rappelait ses droits procéduraux.

21) Par courrier du 9 septembre 2014, M. A______ a requis le classement de la procédure disciplinaire dès lors que le Conseil d’État n’était pas l’autorité compétente pour traiter du contentieux disciplinaire en rapport avec le complexe de faits relaté dans la décision d’ouverture d’une procédure disciplinaire du 16 janvier 2013. Cette compétence revenait « aux organes des TPG » sur la base de la LTPG et non pas au Conseil d’État sur la base de son pouvoir disciplinaire. Si celui-ci ne devait pas partager cette opinion, il lui appartiendrait de se prononcer par la voie d’une décision incidente. Cette décision devrait également aborder la question du droit applicable. Dans ce même courrier, l’intéressé se plaignait de ne pas avoir reçu le dossier établi par l’autorité.

22) Le 10 septembre 2014, le Conseil d’État a transmis à M. A______ une copie du dossier de la procédure disciplinaire qu’il réclamait. Une copie de celui-ci lui avait été déjà communiquée ; il s’agissait d’une version réactualisée.

23) Le 12 septembre 2014, M. A______ a accusé réception du dossier précité. Il restait dans l’attente d’une décision de classement ou d’une décision incidente sur compétence.

24) Le 15 septembre 2014, le président du Conseil d’État a écrit au conseil de M. A______ pour confirmer la tenue de l’audition du 16 septembre 2014.

25) Le 16 septembre 2014, M. A______ a été entendu par la délégation du Conseil d’État dans la composition qui lui avait été annoncée. Après que les faits faisant l’objet de la procédure disciplinaire eurent été rappelés à l’intéressé, celui-ci a refusé de faire sa déposition au sujet des faits qui lui étaient reprochés. Le Conseil d’État devait préalablement statuer sur sa compétence avant que le fond de l’affaire ne soit abordé.

26) Le 17 septembre 2014, le Conseil d’État a écrit à M. A______. Les éventuelles questions de droit qu’il avait soulevées seraient tranchées lors de l’examen du fond de l’affaire. Il impartissait un délai au 30 septembre 2014 à M. A______ pour se déterminer par écrit sur les faits ressortant de l’arrêté du 16 janvier 2013.

Ce courrier ne comportait pas de mention de voies de droit.

27) Le 23 septembre 2014, M. A______ a interjeté un recours auprès de la chambre administrative contre le refus de statuer par voie de décision sur sa compétence, signifié le 17 septembre 2014 par le Conseil d’État.

Il a conclu à titre « pré-provisionnel » et provisionnel à ce que la chambre administrative fasse interdiction au Conseil d’État, sous la menace de sanctions pénales, de procéder à tout acte d’instruction dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte à son encontre et qu’elle annule le délai au 30 septembre 2014 qui lui avait été imparti pour se déterminer. Sur le fond, la chambre administrative devait constater que le Conseil d’État avait commis un déni de justice en refusant de rendre une décision sur sa compétence pour une procédure disciplinaire. Ordre devait donc lui être donné de rendre une telle décision.

L’art. 13 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) imposait à l’autorité dont la compétence était contestée de rendre une décision incidente susceptible de recours immédiat, indépendamment de l’existence d’un préjudice irréparable comme le prévoyait l’art. 57 al. 1 let. b LPA. Le législateur genevois avait voulu garantir dans tous les cas par ce biais au justiciable visé par une procédure administrative le droit de faire examiner la compétence de l’autorité avant que le fond de la cause soit examiné. Un tel droit avait été retenu par une commission de recours dans une décision de 2004 du 27 août 2004 qu’il citait.

Tant que la compétence du Conseil d’État n’était pas acquise définitivement, celui-ci ne devait pas être autorisé à poursuivre l’instruction de la procédure disciplinaire. Dans l’ATA/591/2009 du 12 novembre 2009, la chambre administrative avait admis la possibilité de prononcer des mesures provisoires en anticipant le jugement au fond si la protection du droit ne pouvait être réalisée autrement.

28) Le 30 septembre 2014, le Conseil d’État a conclu au rejet de la requête en mesures provisionnelles et, sur le fond, au rejet du recours.

Le recours était d’emblée voué à l’échec. Dans les arrêtés successifs que le Conseil d’État avait pris depuis l’ouverture de la procédure disciplinaire, il avait précisé que celle-ci était ouverte à l’encontre de M. A______ en sa qualité de conseiller administratif de la Ville de Genève (arrêté du 16 janvier 2013) et qu’il agissait en application de ses compétences de surveillance constitutionnelles. Dans l’arrêt que la chambre administrative avait rendu sur recours de M. A______ contre la décision d’ouvrir la procédure disciplinaire (ATA/385/2014 du 27 mai 2014), celle-ci n’avait pas douté de cette compétence que le recourant, au demeurant, n’avait pas lui-même contestée dans son acte de recours. L’intéressé ne l’avait de même pas remise en cause lorsqu’il avait demandé la récusation du Conseil d’État et recouru auprès de la chambre administrative contre la décision qu’avait prise ce dernier sur cette requête. Ayant admis sa compétence, le Conseil d’État n’avait pas à rendre immédiatement une nouvelle décision sur requête de l’intéressé et pouvait, comme il l’avait fait, renvoyer le traitement de cette question dans sa décision finale. Le Conseil d’État n’avait pas commis de déni de justice et n’avait pas violé l’art. 13 LPA. L’intention du recourant était de bloquer la procédure disciplinaire en multipliant les recours et son recours était constitutif d’un abus de droit.

Les conclusions sur mesures d’extrême urgence et sur mesures provisionnelles se confondaient avec celles formulées sur le fond puisque, dans chacune d’elles, il était fait interdiction au Conseil d’État d’entreprendre des actes d’instruction dans le cadre de la procédure disciplinaire. La poursuite de la procédure disciplinaire dans l’attente d’un arrêt sur le fond du recours ne causait aucun préjudice irréparable au recourant. L’ATA/591/2009 cité par le recourant visait un cas dans lequel l’administré n’avait eu de cesse depuis le début de la procédure de remettre en cause la nomination de la greffière de l’enquêteur administratif, qui ne s’appliquait pas au cas d’espèce.

29) Le 2 octobre 2014, le président de la chambre administrative a refusé la requête en mesures pré-provisionnelles et provisionnelles formée par M. A______ et retourné la cause au Conseil d’État pour la suite de la procédure au sens des considérants.

30) Le 3 octobre 2014, M. A______ a déposé au greffe de la chambre administrative une réplique à l’écriture du Conseil d’État du 30 septembre 2014, sur le fond du recours. Il persistait dans les conclusions prises sur le fond de son recours. L’opinion du Conseil d’État selon laquelle il avait déjà statué sur sa compétence ne pouvait être suivie. Il n’avait jamais examiné, dans une décision formelle motivée sur ce point, la question de sa compétence pour ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre de M. A______, fondée sur les art. 80 ss LAC et portant sur les faits reprochés en lien avec l’exercice de son mandat de membre du conseil d’administration des TPG. Il était contradictoire de soutenir cette position alors qu’il avait indiqué dans son courrier du 17 septembre 2014 qu’il allait examiner celle-ci simultanément avec le fond de l’affaire. Il n’était pas possible pour une autorité administrative de différer dans le temps l’examen d’une contestation sur compétence formulée par un administré. Tant que le Conseil d’État n’aurait pas statué sur ce point, il n’avait pas le droit d’aller de l’avant dans la procédure disciplinaire.

31) Le 17 octobre 2014, le Conseil d’État a persisté dans les termes et conclusions de ses écritures du 30 septembre 2014, qui traitaient également du fond.

32) Le 3 novembre 2014, le juge délégué a écrit aux parties. Le Conseil d’État ayant répondu sur le fond et le recourant ayant exercé son droit à la réplique suite à la transmission de ladite réponse, la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) La chambre administrative est la juridiction compétente pour connaître des recours contre les décisions au sens de l’art. 4 LPA prises par les autorités et juridictions administratives.

2) a. Au sens de l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal, et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).

Constituent également des décisions, les décisions incidentes, les décisions sur réclamation ou recours, celles en matière d’interprétation ou de révision (art. 4 al. 2 LPA).

Lorsqu’une autorité mise en demeure de le faire refuse sans droit de statuer ou s’abstient de le faire, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA).

b. Le Conseil d’État est l’une des autorités dont les décisions peuvent faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative (art. 5 LPA).

c. À teneur de l’art. 57 LPA, sont susceptibles de recours les décisions finales (let. a), les décisions par lesquelles l’autorité décline ou admet sa compétence (let. b), les décisions incidentes si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l’admission du recours peut conduire à une décision finale permettant d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. c).

En l’occurrence, sommé de statuer sur sa compétence par le recourant dans ses courriers des 9 octobre et 12 octobre 2014, ainsi que lors de l’audience qui s’est tenue le 16 septembre 2014 devant sa délégation, le Conseil d’État ne s’est pas abstenu mais a refusé de statuer immédiatement sur cette question, différant le traitement de celle-ci dans la décision qu’il prendrait à l’issue de la procédure disciplinaire. Au sens de l’art. 4 al. 4 LPA, ce refus, dans la mesure où il ne serait pas fondé en droit - ce qui doit faire l’objet de l’examen subséquent - serait assimilable à une décision sujette à recours. Cette décision, prise en cours de procédure, constitue une décision incidente au sens de l’art. 4 al. 2 LPA. Dans la mesure où elle se rapporte à une question de compétence, un recours auprès de la chambre administrative est ouvert à son encontre en vertu de l’art. 57 al. 1 let. b LPA.

3) Les décisions administratives notifiées aux parties doivent comporter la mention des voies de droit disponibles et les délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). L’absence de telles mentions ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

Dans la mesure où le recourant, nonobstant l’absence de mentions des voies de droit et de délais de recours dans la décision attaquée, a saisi la chambre administrative en respectant un délai de dix jours, soit dans le délai de recours le plus court de l’art. 62 al. 1 LPA, le recours, à l’exception de la question de légitimité précitée qui reste à traiter, remplit les autres conditions de recevabilité.

4) Selon l’art. 11 al. 1 LPA, la compétence des autorités est définie par la loi. De même, à teneur de l’art. 11 al. 2 LPA, l’autorité examine d’office sa compétence. En cas de contestations à ce propos, cette question est réglée à l’art. 13 LPA. En particulier, l’autorité qui se tient pour compétente le constate dans une décision si une partie conteste sa compétence (art. 13 al. 1 LPA).

L’art. 13 LPA reprend textuellement la teneur de l’art. 9 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2000, p. 98). Selon ce dernier auteur, dès qu’une partie conteste la compétence ou l’incompétence de l’autorité, cette dernière doit statuer et rendre une décision incidente (Benoît BOVAY, op. cit., p. 99). La chambre administrative et le Tribunal administratif qui l’a précédée n’ont jamais eu à statuer sur cette question. Elle n’a été abordée que par la commission de recours des fonctionnaires de police et de la prison qui, dans une décision du 27 août 2004 (Acom/80/2004), a suivi l’avis de cet auteur.

La jurisprudence plus récente a cependant nuancé l’application de ce principe. Ainsi, dans l’ATF 129 II 49 consid. 2.4, le Tribunal fédéral a relativisé l’obligation faite à l’autorité, découlant de l’art. 9 PA, de rendre immédiatement une décision sur compétence en cas de contestation. Tant que le recourant n’avait pas contesté la compétence en cours de procédure et avait accepté sans réserve de participer à la procédure d’instruction, l’autorité en charge de la procédure n’avait pas à se prononcer sur sa compétence. Si, pour des raisons d’économie de procédure, la compétence contestée était souvent constatée dans le cadre d’une décision incidente susceptible d’être attaquée séparément, cela ne signifiait pas toutefois que cette constatation devait obligatoirement faire l’objet d’une décision incidente. Il serait en tout cas contraire au principe d’économie de procédure de rendre une décision incidente séparée lorsque la compétence n’est contestée qu’à la fin d’une procédure d’instruction et qu’un projet de décision finale a déjà été préparé.

Le Tribunal administratif fédéral a été du même avis que le Tribunal fédéral et la doctrine précitée dans un arrêt du 4 juin 2009 (ATAF B-8242/2008, consid. 1).

La doctrine plus récente considère également que l’interprétation littérale de la loi doit être nuancée. L’autorité n’est pas contrainte dans tous les cas de statuer par décision incidente au sujet de sa compétence si, alors que la procédure est déjà engagée et qu’une partie conteste la compétence de celle-ci, l’autorité garde le pouvoir de reporter l’examen de cette question dans la décision finale, ceci notamment en fonction d’impératifs d’économie de procédure (Michel DAUME in Christoph AUER/Markus MÜLLER/Benjamin SCHINDLER, Kommentar zum Bundesverwaltungsverfahren, 2008, ad art. 9 PA n. 2 ; dans le même sens, Alfred KÖLZ/Isabelle HÄNER/Martin BERTSCHI, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 3ème éd. 2013, p.142). En revanche, elle n’a pas le droit de différer l’examen de cette question afin d’éviter d’avoir à la traiter, ce qui constituerait alors un cas de déni de justice (Christoph AUER/Markus MÜLLER/Benjamin SCHINDLER, op. cit., ad art. 9 PA ch. 2 ; Markus MÜLLER, ibid., ad art. 46a PA ch. 6).

5) Dans le cas l’espèce, le Conseil d’État a traité d’entrée de cause, dans l’arrêté du 16 janvier 2013, la question de sa compétence à mener une procédure disciplinaire à l’encontre du recourant. Il s’est expressément référé aux compétences disciplinaires qu’il détenait en vertu de son pouvoir de surveillance découlant des art. 137 Cst-GE et 82 LAC sur l’activité des conseillers administratifs des communes lorsqu’ils agissaient dans le cadre des prérogatives liées à cette fonction, ce qui était a priori le cas dès lors que c’était lui qui avait nommé le recourant pour siéger au conseil d’administration des TPG en tant que représentant de la Ville de Genève, conformément à l’art. 9 al. 1 let. c LTPG.

Certes, la procédure disciplinaire ayant été immédiatement suspendue, aucun acte de procédure n’a été entrepris dans celle-ci jusqu’à sa reprise consécutive à l’envoi de la lettre du 8 mai 2013. À réception de celle-ci, le recourant n’a pas soulevé la question de la compétence du Conseil d’État mais a demandé sa récusation, ce qui permet de relever qu’en effectuant cette démarche, il ne remettait pas en cause sa compétence. Ce n’est qu’après l’échec de cette démarche qu’il a formulé sa requête, sans aucunement la développer, si ce n’est en se référant, dans son courrier du 9 septembre 2014, à une compétence conférée aux « organes des TPG » de juger sur le plan disciplinaire de son comportement du 17 décembre 2012.

En l’espèce, le Conseil d’État avait rappelé dans la décision initiale les bases légales sur lesquelles il fondait sa compétence, sans réaction du recourant visant immédiatement à la contester. Ce dernier, au moment où l’intimé a décidé de la reprise de la procédure, n’a pas contesté celle-ci, se limitant à demander sa récusation pour des raisons de partialité. La compétence « des organes des TPG », invoquée sans aucune argumentation par le recourant, ne ressortant pas expressément de la LTPG et restant incertaine, l’intimé était fondé à considérer que l’exigence qu’il rende immédiatement une décision sur compétence visait uniquement à bloquer à nouveau la procédure. Il était donc en droit, pour des motifs d’économie de procédure, d’indiquer au recourant qu’il reprendrait la question de sa compétence dans l’arrêt au fond.

Dans ces circonstances, la décision de refus de statuer attaquée ne peut être assimilée à un cas de déni de justice, au sens de la première hypothèse de l’art. 4 al. 4 LPA, autorisant le recourant à saisir la chambre administrative. Le recours doit être déclaré irrecevable.

6) Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 23 septembre 2014 par Monsieur A______ contre la décision du Conseil d’État du 17 septembre 2014 ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Bruchez, avocat du recourant, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, MM. Dumartheray, Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :