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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2062/2022

ATA/887/2023 du 22.08.2023 sur JTAPI/841/2022 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 04.10.2023, rendu le 08.11.2023, IRRECEVABLE, 2C_545/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2062/2022-PE ATA/887/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 août 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Lida LAVI, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 août 2022 (JTAPI/841/2022)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1964, est originaire du Sri Lanka.

b. Arrivée en Suisse en 2018 après avoir travaillé à Hong Kong et obtenu un visa français, elle n'a depuis lors jamais émargé à l'assistance publique et n'a fait l'objet ni de poursuites pour dettes ni de condamnations pénales.

B. a. Le 28 février 2022, elle a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d’autorisation de séjour. Elle y a joint des pièces.

Elle était arrivée en France le 16 août 2018 munie d’un visa Schengen et était venue à Genève très peu de temps après afin de trouver un nouvel emploi. Elle était domiciliée auprès de la société B______et en voie d’obtenir une promesse ferme d’embauche en qualité d’employée de maison avec logement de fonction. Elle allait par ailleurs prochainement s’inscrire à un cours de langue auprès de C______. Elle était mère de deux enfants majeures avec lesquelles elle n’avait plus de contact, n'avait jamais subi de condamnation pénale, était financièrement indépendante et ne faisait pas l’objet de poursuites.

b. Par courrier du 14 mars 2022, A______ a transmis une promesse d’embauche en qualité d’employée de maison à raison de 20 heures par semaine.

c. Elle a déposé une demande d’autorisation de travail provisoire auprès de l’OCPM le 28 mars 2022.

d. Le même jour, l’OCPM l'a informée de son intention de refuser d’accéder à sa requête et donc de soumettre son dossier avec un préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), et de prononcer son renvoi. Un délai de trente jours lui était octroyé pour transmettre ses observations.

e. Par courrier du 26 avril 2022, A______ a transmis ses observations, persistant intégralement dans ses demandes d’autorisation de séjour et de travail provisoire.

Même si elle ne remplissait pas le critère de la durée minimale de séjour de cinq ans, elle s’en rapprochait et aucun indice de permettait de remettre en cause sa présence effective et continue sur le territoire Suisse.

Sa réintégration dans son pays d’origine n’était pas envisageable du fait des violences domestiques dont elle avait fait l’objet et qui avaient motivé son départ définitif de son pays. Elle n’avait aucune raison de retourner dans son pays alors même qu’un travail bien rémunéré l’attendait à Genève avec des conditions particulièrement intéressantes, telles que la possibilité de bénéficier d’un logement de fonction décent comme l’attestait la promesse d’embauche.

f. Par décision du 20 mai 2022, l’OCPM a refusé d’accéder à la requête de A______ et de soumettre son dossier au SEM avec un préavis positif, et a prononcé son renvoi de Suisse.

Elle n’avait pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse étant donné qu’elle arguait n’y être arrivée que depuis le deuxième semestre de l’année 2018 ; elle n’avait par ailleurs joint aucun justificatif de présence en Suisse et était domiciliée auprès d’une entreprise, ce qui jetait un doute sérieux sur son réel lieu de résidence actuel. Son intégration socioculturelle ne pouvait être qualifiée de particulièrement remarquable et elle n’avait produit aucun document relatif au fait qu’elle aurait acquis un niveau A1 de français comme indiqué dans son courrier du 26 avril 2022.

Sa réintégration dans son pays d’origine ne devait pas avoir de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place. Enfin, aucun élément étayant ses propos relatifs aux violences domestiques dont elle aurait fait l’objet n’avait été joint à sa requête ; il lui était loisible de s’établir au Sri Lanka dans une autre localité que celle où résiderait la personne ayant commis des violences sur elle.

C. a. Par acte du 23 juin 2022, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) à l’encontre de la décision précitée, concluant sur mesures provisionnelles à être autorisée à demeurer en Suisse et à y travailler jusqu’à droit connu dans la procédure et qu’une autorisation de travail provisoire lui soit ainsi immédiatement délivrée ; et, au fond, à son audition, à l’annulation de la décision et à ce que l’OCPM lui accorde une autorisation de séjour, subsidiairement que l’OCPM requière du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) son admission provisoire.

Domiciliée à Genève depuis 2018, provisoirement auprès de la société B______, elle était au bénéfice d’une promesse d’embauche ferme pour un emploi et un logement de fonction ; elle était toutefois toujours dans l’attente de la délivrance d’une autorisation temporaire de travailler, laquelle avait été sollicitée le 28 mars 2022. Elle n’avait jamais bénéficié de l’aide de l’Hospice général (ci‑après : l'hospice) et ne faisait l’objet d’aucune poursuite. Elle était financièrement indépendante et n’avait jamais été condamnée pénalement.

Elle ne pouvait par ailleurs pas retourner au Sri Lanka du fait des violences domestiques qu'elle y avait subies ; son audition lui aurait permis de s’exprimer à leur propos. Enfin, l’OCPM n’avait jamais accédé à sa demande d’autorisation de travail provisoire alors qu’il lui reprochait de ne pas avoir une intégration sociale suffisante. L’OCPM aurait dû l’entendre afin d'évaluer ses chances de succès dans son intégration après lui avoir délivré l’autorisation de travail temporaire, et lui impartir un délai pour atteindre ses objectifs : son droit d’être entendu avait ainsi été violé.

b. Le 6 juillet 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours. La demande de mesures provisionnelles était sans objet, la décision attaquée n'ayant pas été déclarée exécutoire nonobstant recours.

A______ n'avait vécu en Suisse que peu de temps et n'avait pas de liens étroits avec ce pays. Elle avait au contraire vécu la majeure partie de sa vie au Sri Lanka. Même si elle affirmait ne plus avoir de contacts avec ses deux filles, elle avait sans doute encore d’étroites attaches dans son pays d’origine, pays dont elle connaissait parfaitement la langue et la culture. Elle n’avait pas non plus acquis des compétences professionnelles en Suisse qu’elle ne pourrait pas faire valoir dans son pays d’origine. Contrairement à ce qu’elle semblait alléguer, la promesse d’embauche qu’elle avait signée ne permettait pas d’apprécier différemment sa situation.

Enfin, le fait d’avoir été victime de violences domestiques au Sri Lanka, à supposer qu’elles soient avérées, n’était pas un motif pouvant justifier l’octroi d’une autorisation de séjour, ni le prononcé d’une admission provisoire en Suisse.

c. Par jugement du 18 août 2022, le TAPI a rejeté le recours.

Au moment du dépôt de sa demande d'autorisation de séjour, le 22 février 2022, A______ comptabilisait une durée de séjour de trois ans et demi, ce qui ne correspondait pas à une longue durée au sens de la jurisprudence.

Son intégration socioprofessionnelle ne pouvait être qualifiée d'exceptionnelle. Si elle était financièrement indépendante, son parcours professionnel n'avait pas acquis de connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu'elle ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d'origine. Le fait de ne pas dépendre de l'aide sociale et de ne pas avoir de dettes ni de condamnation pénale constituait un comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour.

Il n'apparaissait pas que sa réintégration soit fortement compromise ni qu’un départ de Suisse constituerait pour elle un déracinement, étant relevé qu’elle était en bonne santé et qu’elle avait passé son enfance, son adolescence et une importante partie de sa vie d'adulte dans son pays d'origine.

A______ alléguait avoir subi dans son pays des violences domestiques, mais n'avait fourni aucune preuve formelle à cet égard, ni même donné de précisions sur le moment, le lieu ou encore le contexte desdites violences.

D. a. Par acte posté le 22 septembre 2022, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative), concluant préalablement à son audition et principalement à l'annulation du jugement attaqué, à l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas d'extrême gravité et à l'allocation d'une indemnité de procédure.

Elle était désormais domiciliée à l'adresse de son employeur, une personne physique, et avait un contrat de durée indéterminée. Ce n'était qu'à la suite de son recours que l'OCPM lui avait délivré une autorisation de travail provisoire.

Elle séjournait en Suisse depuis quatre ans, était indépendante financièrement et n'avait ni condamnation pénale ni poursuites pour dettes. Elle n'avait aucun contact avec ses deux filles majeures restées au Sri Lanka. Un retour dans son pays d'origine n'était pas envisageable du fait des violences domestiques dont elle avait fait l'objet, et que le TAPI n'avait aucunement prises en considération. Elle n'avait pas de preuves formelles dans la mesure où elle n'avait pas porté plainte au Sri Lanka par peur de représailles. Une simple audition aurait été le moyen de preuve le plus approprié pour les établir, si bien que le TAPI avait violé son droit d'être entendue.

Il était contradictoire de lui reprocher une intégration socio-professionnelle non remarquable et de ne pas lui donner les moyens de remplir les conditions légales.

b. Le 8 novembre 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments soulevés dans celui-ci, en substance semblables à ceux développés en première instance, n'étaient pas de nature à modifier sa position.

c. Le 30 novembre 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 13 janvier 2023 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 11 janvier 2023, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requête ni d'observations à faire valoir.

e. La recourante ne s'est quant à elle pas manifestée.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante demande à être entendue, et se plaint d'une violation de son droit d'être entendue pour le motif qu'elle ne l'a pas été par le TAPI.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 144 II 427 consid. 3.1.3 ; 141 I 60 consid. 1.3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_411/2021 du 17 août 2022 consid. 2.3).

2.2 En l'espèce, la recourante indique seulement qu'elle souhaite être entendue pour faire connaître sa situation de vive voix, en particulier au sujet des violences domestiques qu'elle dit avoir subies dans son pays d'origine. Elle ne précise pas pourquoi la description de sa situation à cet égard ne pourrait se faire par écrit, étant rappelé d'une part qu'elle est assistée d'une avocate, et d'autre part que le droit d'être entendu ne confère pas de droit à être entendu oralement, la procédure administrative étant en principe écrite (art. 18 LPA). Il ne sera dès lors pas donné suite à sa demande d'audition, et le grief de violation du droit d'être entendu sera écarté pour les mêmes motifs.

3.             Le litige porte sur la conformité au droit, d'une part, du refus de l'autorité intimée de préaviser favorablement le dossier de la recourante auprès du SEM pour l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité – la conclusion tendant à l'octroi d'une autorisation de séjour est ainsi irrecevable –, et d'autre part, du prononcé du renvoi de la recourante.

3.1 Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

3.2 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers (LEtr - RS 142.20) et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

4.             La recourante affirme se trouver dans un cas individuel d'extrême gravité.

4.1 La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des personnes étrangères dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Sri Lanka.

4.2 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

4.3 L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/878/2022 du 30 août 2022 consid. 5b).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

4.4 Selon la jurisprudence, le fait de renvoyer une femme seule dans son pays d'origine, où elle n'a pas de famille, n'est généralement pas propre à constituer un cas de rigueur, à moins que ne s'y ajoutent d'autres circonstances qui rendent le retour extrêmement difficile (ATF 128 II 200 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.2 ; 2A.582/2003 du 14 avril 2004 consid. 3.1 ; 2A.394/2003 du 16 janvier 2004 consid. 3.1). Un tel cas peut en revanche se présenter lorsque, aux difficultés de réintégration dues à l'absence de famille dans le pays d'origine, s'ajoute le fait que, contrainte de regagner ce pays, l'intéressée laisserait derrière elle une partie importante de sa proche parenté, tels que ses parents, ses frères et ses sœurs, appelés à demeurer durablement en Suisse, avec qui elle a partagé pendant longtemps les mêmes difficultés liées à son existence (arrêts du Tribunal fédéral 2A.92/2007 du 21 juin 2007 consid. 4.3 ; 2A.245/2004 précité consid. 4.2.2 ; 2A.340/2001 du 13 novembre 2001 consid. 4c), ou dans la situation de la mère d'un enfant mineur n'ayant plus aucun membre de sa famille dans son pays d'origine pour l'avoir, de surcroît, quitté dans des circonstances traumatisantes (arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 précité consid. 4.2.2 ; 2A.582/2003 précité consid. 3.1 ; 2A.394/2003 précité consid. 3.1). À l'inverse, une telle séparation pourra d'autant mieux être exigée que les perspectives de réintégration dans le pays d'origine apparaissent plus favorables (arrêts du Tribunal fédéral 2A.183/2002 du 4 juin 2002 consid. 3.2 ; 2A.446/1997 du 24 avril 1998 consid. 3b ; ATA/41/2022 du 18 janvier 2022 consid. 8c).

4.5 L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013, état au 1er mars 2023, n. 5.6.10 ; ATA/1025/2022 du 11 octobre 2022 consid. 4c).

L'art. 58a al. 1 LEI précise que pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

4.6 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/822/2021 du 10 août 2021 consid. 2b).

4.7 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d'autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'elle y soit bien intégrée, tant socialement que professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2).

4.8 Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées).

Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance – par exemple en raison de l'effet suspensif attaché à des procédures de recours – ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2.2).

4.9 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

4.10 En l’espèce, s’agissant de la durée du séjour, celui de la recourante en Suisse est aujourd'hui de moins de cinq ans, de sorte qu'il ne s'agit clairement pas d'une longue durée au sens de la jurisprudence. De plus, cette durée doit être relativisée dès lors que ledit séjour s'est entièrement déroulé dans l’illégalité ou au bénéfice d’une simple tolérance des autorités de migration.

L'intégration sociale et professionnelle de la recourante ne saurait être qualifiée d'exceptionnelle au sens de la jurisprudence. Elle a travaillé depuis son arrivée dans l'économie domestique. Si elle n'a jamais recouru à l’aide sociale ni fait l'objet de condamnation pénale ni de poursuites pour dettes, ces éléments relèvent du comportement que l’on est en droit d’attendre de toute personne séjournant dans le pays (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 ; 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2 ; ATA/656/2023 du 20 juin 2023 consid. 3.7). De plus, si elle a dit vouloir suivre des cours de français, aucune pièce au dossier n'atteste de son niveau de maîtrise de la langue. Enfin, la recourante n'allègue pas s'être impliquée à un quelconque titre dans la vie culturelle ou associative genevoise, ni s'être créé des attaches particulièrement étroites avec la Suisse au point de rendre étranger son pays d'origine.

S'agissant de ses possibilités de réintégration dans son pays d'origine, la recourante, âgée aujourd'hui de 59 ans, est née au Sri Lanka, dont elle parle l'une des deux langues principales, vraisemblablement le cinghalais. Elle y a vécu son enfance, son adolescence et une grande partie de sa vie d'adulte. En toute hypothèse, les années que la recourante a passées en Suisse ne l'ont pas rendue étrangère à sa culture d’origine ni à sa langue maternelle. La recourante n'invoque pas de problème de santé et, de retour dans son pays d'origine, elle pourra faire valoir les connaissances et l'expérience professionnelle acquises en Suisse.

Quant aux violences domestiques dont elle dit avoir fait l'objet au Sri Lanka, elle n'a non seulement produit aucune pièce – expliquant dans son recours devant la chambre de céans ne pas avoir porté plainte par peur de représailles – mais aussi et surtout n'a donné aucune précision à leur sujet, même après avoir pris connaissance du jugement attaqué qui relevait ce point à juste titre. Seraient-elles établies qu'elles ne permettraient pas à elles seules de remplir les conditions d'un cas d'extrême gravité, un retour au pays pouvant se faire en restant à distance de la personne ayant commis les violences alléguées.

Enfin, il sera relevé que l'autorité intimée n'avait pas à « fixer des objectifs » à la recourante ni à lui permettre de remplir les conditions légales d'un cas d'extrême gravité, ces conditions résultant de la situation personnelle d'un étranger, et devant en principe être réunies au moment où il dépose une telle demande.

Au vu de ce qui précède, la recourante ne se trouve pas dans une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI. S'il est vrai qu'un retour dans son pays d'origine pourra engendrer pour elle certaines difficultés, elle ne se trouve pas dans une situation si rigoureuse que l'on ne saurait exiger son retour. L'autorité intimée était ainsi fondée à refuser de donner une suite positive à sa demande d'autorisation de séjour et l'instance précédente à confirmer ledit refus.

5.             Reste à examiner la légalité du renvoi de la recourante, étant précisé qu'elle n'invoque aucun grief en lien avec cette question.

5.1 Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui‑ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

5.2 En l'espèce, aucun élément du dossier ne permet de retenir que l'exécution du renvoi de la recourante ne serait pas possible, licite ou ne pourrait être raisonnablement exigée.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 septembre 2022 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 août 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Lida LAVI, avocate de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.