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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3417/2013

ATA/883/2014 du 11.11.2014 sur JTAPI/454/2014 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; ZONE À BÂTIR ; 4E ZONE ; CONFORMITÉ À LA ZONE ; PROTECTION CONTRE LE BRUIT ; PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE
Normes : LPE.7.al1 ; LaLAT.19.al2 ; LCI.3.al7 ; LCI.14
Parties : COMMUNAUTE DES PROPRIETAIRES PAR ETAGES 4, AV. DE VAUDAGNE ET MME BREITENMOSER CARINE, BREITENMOSER Carine / CIVINO Francesco, DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE, BOCCARD Philippe, BOCCARD Yolande et Philippe
Résumé : Confirmation de l'autorisation d'aménager une terrasse de restaurant dans le jardin à l'arrière d'un restaurant existant. Examen de la destination des aménagements projetés au regard des normes de la zone 4B. L'augmentation saisonnière des nuisances provoquées par l'exploitation de la terrasse respectent les limitations applicables.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3417/2013-LCI ATA/883/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 novembre 2014

1ère section

 

dans la cause

 

COMMUNAUTé DES PROPRIéTAIRES PAR éTAGES 4, AVENUE DE VAUDAGNE
et
Madame Carine BREITENMOSER

représentées par Me Philippe Gobet, avocat

contre

Monsieur Francesco CIVINO
représenté par Me François Bellanger, avocat
et
DéPARTEMENT DE L'AMéNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'éNERGIE

_________

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 avril 2014 (JTAPI/454/2014)


EN FAIT

1) La parcelle no 10'612, feuille 51 de la commune de Meyrin, d'une surface de 1'052 m2, est située à l'intersection de l'avenue de Vaudagne et de la route de Meyrin, en zone 4B protégée du vieux village de Meyrin.

Un bâtiment d'une surface de 186 m2 au sol est érigé sur ladite parcelle ainsi que deux constructions de moins de 20 m2 et un garage/hangar d'une surface au sol de 137 m2.

Le rez-de-chaussée du bâtiment abrite le Restaurant-Pizzeria de la Place, anciennement Café de la Place, exploité par Monsieur Francesco CIVINO depuis le 1er février 2012. Une véranda fermée bordée d'une terrasse se situe à l'avant du restaurant côté route de Meyrin. À l'arrière du restaurant se situe un jardin entièrement clos, partiellement engazonné. Un bouquet d'arbres est planté à l'ouest du jardin à la limite de la parcelle n13'017 qui abrite divers bâtiments en bordure de parcelle ainsi que les installations du cycle de la Golette. Le jardin est bordé du côté de l'avenue de Vaudagne par un mur de béton et, au nord, par un mur de 3,5 m le séparant de la parcelle no  10'611, sur laquelle est construit un immeuble d'habitations appartenant à la communauté des copropriétaires 4, avenue de Vaudagne. La terrasse du 1er étage de l'immeuble d'habitations est construite en limite de propriété et bordée d'un mur de 1 m.

2) Le 11 juin 2013, M. CIVINO a déposé une demande d'autorisation de construire en procédure accélérée auprès du département de l'urbanisme devenu depuis le département de l'aménagement, des constructions et de l'énergie (ci-après : le département) visant au réaménagement de la cour-jardin en terrasse de restaurant avec quatorze tables et cinquante-six chaises. Les travaux envisagés consistaient à démolir un ancien muret de 22 cm de haut, à construire trois autres murets de différentes hauteurs permettant de délimiter l'emprise de la terrasse, à aménager un sol en gravier, à installer trois poteaux pour une tente solaire amovible et à ouvrir un accès direct à la terrasse dans le mur situé du côté de l'avenue de Vaudagne.

3) a. L'instruction de la demande par le département a donné lieu aux préavis sans observation du service de la planification de l'eau le 20 juin 2013 et de l'inspection de la construction du 24 juin 2013 ainsi qu'aux préavis favorables de l'office cantonal de l'inspection et des relations de travail (ci-après : OCIRT), de la direction des plans d'affectation le 21 juin 2013, de la police du feu du 24 juin 2013 et de la direction générale de la nature et du paysage (ci-après : DGNP) du 24 juin 2013, sous réserve que toutes les précautions nécessaires soient prises afin de conserver valablement les arbres maintenus à proximité du chantier.

b. Le 1er juillet 2013, le service des monuments et des sites (ci-après : le SMS) a rendu un préavis favorable. Le bâtiment concerné était ancien, intéressant, encore bien conservé et avait une affectation publique de café-restaurant. Sa situation était importante due à sa position au carrefour de la route de Meyrin et de l'avenue de Vaudagne. La démolition concernait des murs et des murets sans réelle valeur, la suppression d'un couvert avec toiture en tôle ondulée et de cheminements en ciment. La création d'un percement dans le mur longeant l'avenue de Vaudagne et la mise en place d'une surface en gravier ainsi que la construction de murets et l'installation d'une grande tente solaire s'apparentaient à une sorte d'assainissement de la situation actuelle.

c. Le 23 juillet 2013, la commune de Meyrin a rendu un préavis défavorable afin de protéger le voisinage direct des nuisances (sonores, fumées, ...). Une valorisation de la terrasse située sur la route de Meyrin devait être privilégiée.

d. Le 5 août 2013, le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : le SABRA) a demandé un complément d'information qui lui a été donné le 12 août 2013, portant notamment sur le nombre de tables et les distances aux constructions voisines. Ces dernières étaient situées au plus près à 13,3 m des tables de la terrasse. La façade sensible de l'immeuble voisin était située à l'arrière d'une terrasse de l'immeuble, entourée d'un parapet en béton de 1 m de hauteur, qui se trouvait à 2,5 m au-dessus du sol de la terrasse du restaurant. Il était prévu devant le mur de la terrasse du voisin, à une distance de 3,5 m un mur de 1,6 m de hauteur pour marquer la terrasse du café et éviter d'implanter des tables plus près du voisinage.

Le 20 août 2013, le SABRA a rendu un préavis positif sous réserve de recommandations diverses concernant le mobilier, l'absence de diffusion de musique, l'adaptation des horaires de nettoyage et des méthodes de rangement, de directives au personnel et de sensibilisation de la clientèle au respect du voisinage. Le préavis renvoyait aux engagements pris par M. CIVINO par courrier du 29 juillet 2013 de ne pas installer de télévision sur la terrasse, de ne pas faire usage de musique, orchestre ou système de karaoké et de ne pas accepter de servir de nouveaux clients après 22h00.

4) L'autorisation d'aménagement de la terrasse a été délivrée par le département le 23 septembre 2013 et publiée le 27 septembre 2013 dans la feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO). La décision précisait que les conditions figurant dans les préavis du SABRA, du SMS ainsi que dans celui de la DGNP faisaient partie intégrante de l'autorisation.

5) Le 25 octobre 2013, la communauté des propriétaires par étages 4, avenue de Vaudagne ainsi que Madame Carine BREITENMOSER, copropriétaire de l'appartement avec terrasse (ci-après : les copropriétaires), ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre la décision du département en concluant à la constatation de la nullité de ladite décision et subsidiairement à son annulation.

a. La requête avait été à tort traitée en procédure accélérée car le changement d'affectation d'un jardin privatif en terrasse de restaurant ne remplissait pas les conditions de ladite procédure. De ce fait, l'autorisation était nulle.

b. L'autorisation violait plusieurs dispositions, dont notamment celles prévoyant les distances limites d'implantation des constructions aux limites de propriété, le régime de la zone résidentielle dans lequel était situé la parcelle ainsi que les conditions nécessaires à l'octroi d'une dérogation. Même considérée comme conforme à la zone, la construction ne saurait être autorisée en raison des nuisances liées à son utilisation.

6) Le 25 octobre 2013, Madame Yolande et Monsieur Philippe BOCCARD, également copropriétaires de l'immeuble sis 4, avenue de Vaudagne, dont les pièces à vivre s'ouvraient côté jardin du restaurant, ont recouru auprès du TAPI contre la décision du département.

L'aménagement et l'exploitation de la terrasse juxtaposée à leur jardin et à leur appartement engendreraient de nombreuses nuisances, dont notamment le bruit, les odeurs et la circulation. La terrasse n'avait jamais été exploitée commercialement par le passé. Les travaux litigieux avaient été entrepris sans autorisation en mai 2013.

7) Le 5 décembre 2013, M. CIVINO a répondu aux recours.

Les aménagements prévus étaient soit des constructions de peu d'importance s'agissant des murets et de l'aménagement du sol, soit ne constituaient pas une construction. S'agissant de la tente solaire pour laquelle seuls trois piliers de 50 cm de côté et de 320 cm à 330 cm de hauteur, fixés au sol constituaient des constructions d'importance secondaire. La procédure d'autorisation en procédure accélérée avait été utilisée à bon escient. Il n'y avait aucun changement d'affectation puisque le bâtiment était déjà utilisé comme restaurant.

8) Le 20 décembre 2013, le département a déposé des observations concluant au rejet des recours.

9) Le 3 février 2014, les copropriétaires ont répliqué en persistant dans leur argumentation.

10) Le 12 février 2014, lors d'une audience de comparution personnelle, Mme BREITENMOSER a indiqué que l'usage du jardin était anciennement lié au bail des locataires occupant le 2ème étage du bâtiment et avait ensuite été transféré au restaurateur. La terrasse n'était pas utilisée par le restaurant.

11) Le 29 avril 2014, le TAPI a rejeté les recours, après les avoir joints.

L'aménagement du sol du jardin existant, sans aucun volume, moyennant la pose d'un revêtement en gravier et la construction de murets dont la hauteur variait de 20 cm à 120 et 160 cm, avec la démolition de deux anciens murets devaient être considérés comme des constructions d'importance secondaire. Il en allait de même des trois poteaux servant à soutenir une toile solaire amovible. C'était à juste titre que la requête avait été traitée en procédure accélérée.

L'affectation de la terrasse était conforme à la zone 4B protégée dans la mesure où, selon la loi, le département pouvait décider des conditions de l'autorisation de construire dans chaque cas particulier et que les préavis, hormis celui de la commune, étaient favorables au projet.

Une annonce publicitaire de 1949 pour le Café de la Place mentionnait une terrasse et des jeux de quilles. L'utilisation de la terrasse par le restaurant avait probablement été interrompue entre 1963 et 2012. Néanmoins, il ne pouvait y avoir réellement de changement d'affectation. En outre, cette notion ne devait pas être appliquée de manière extensive.

S'agissant des nuisances, bien que l'endroit considéré se trouve dans une zone de degré de sensibilité DS III, le SABRA avait soigneusement examiné le projet et son impact, en prenant en considération le fait que la terrasse se situait à 10 m d'une zone de degré de sensibilité DS II correspondant au bâtiment des copropriétaires construits entre 2006 et 2008. Quant aux nuisances liées à un surcroît de trafic, il était douteux que l'exploitation de la terrasse durant la belle saison puisse engendrer un accroissement de trafic tel qu'il pourrait être qualifié d'inconvénient grave ou de gêne durable pour le voisinage.

12) Le 4 juin 2014, les copropriétaires ont recouru par mémoire commun auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI, en concluant à son annulation et à la constatation de la nullité de la décision du département du 23 septembre 2013 et, subsidiairement, à l'annulation de ladite décision après annulation du jugement du TAPI ainsi qu'au versement d'une indemnité de procédure.

a. Les faits avaient été constatés de manière inexacte. Il s'agissait bien d'un changement d'affectation, contrairement à la présentation trompeuse faite lors de la demande d'autorisation. Le jardin était à usage privé et M. CIVINO y avait d'ailleurs installé une piscine jusque-là. Il ne ressortait nullement du dossier qu'une dérogation aurait été accordée par le passé en vue d'un changement d'affectation du jardin aux fins d'y exercer une activité commerciale liée au restaurant.

Un courrier de la régie Burger du 21 septembre 2010 adressé aux anciens exploitants du restaurant précisait que si toute ou partie de la surface du jardin était utilisée en tant que terrasse pour le restaurant, aucune nuisance ne serait tolérée à l'égard des voisins locataires du bâtiment ou du voisinage de la propriété. Cette mise à disposition n'avait pas été utilisée par le précédent exploitant.

b. Aucune enquête publique n'avait précédé la délivrance de l'autorisation. La procédure accélérée avait été utilisée à tort. La surface destinée à être recouverte de gravier représentait environ 120 m2, supérieure aux 50 m2 prévus par le règlement applicable pour pouvoir être considérée comme une construction de peu d'importance. Par sa surface et sa destination, la terrasse projetée ne constituait pas une telle construction.

c. Le projet n'était pas conforme à la zone 4B protégée. L'exploitation de la terrasse violait les limites imposées en matière de nuisances sonores en raison du genre d'activité et de la grande proximité de l'immeuble d'habitations, situé en zone de protection DS II. À cela s'ajoutaient l'augmentation du trafic, les bruits en résultant, les difficultés de parking, le danger pour les piétons résultant de cette augmentation dans un quartier résidentiel tranquille. En outre, aucune autorisation exceptionnelle par dérogation ne pouvait être accordée car il n'existait aucun motif légitime qui devait conduire à faire prévaloir les intérêts de l'exploitant sur l'intérêt des voisins à la tranquillité de la zone résidentielle.

13) Le 16 juin 2014, le TAPI a transmis son dossier sans faire d'observations.

14) Le 21 juillet 2013, M. CIVINO a répondu au recours en concluant à son rejet ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

a. Le jardin avait été utilisé comme une terrasse pour le restaurant depuis sa création. Plus récemment, il y avait quelques interruptions temporaires de l'usage du jardin par les restaurateurs mais en septembre 2010, les anciens exploitants avaient obtenu du propriétaire le droit d'exploiter à nouveau le jardin comme terrasse. Cette autorisation avait été renouvelée par courrier du 30 janvier 2013 de la régie gérant l'immeuble où se trouvait le restaurant. La terrasse était depuis lors utilisée par le restaurant. À l'appui de la demande d'autorisation, une photographie de la terrasse en l'état était jointe, sur laquelle on voyait des tables et des chaises ainsi qu'un grand parasol, posés sur l'herbe et sous le couvert en tôle ondulée. Il n'y avait dès lors pas de changement d'affectation du lieu.

b. Les travaux prévus étaient de quatre types : l'aménagement du sol, la construction de murets, la pose d'une toile solaire et une ouverture sur un muret existant. La modification de la terrasse entrait dans le champ d'application de la procédure accélérée.

c. La zone 4B protégée concernée correspondait à l'ancien village de Meyrin qui était actuellement englobé au milieu de zones 3 de développement et de zones industrielles. Il s'agissait donc d'une zone urbaine en dépit de son caractère villageois historique. L'affectation du jardin comme terrasse pour le restaurant devait être admise tant en raison de son caractère à la fois historique et conforme à la zone.

Des activités pouvaient être autorisées en zone 4B. Le bâtiment était déjà utilisé comme restaurant, il n'y avait donc aucun changement d'affectation du bâtiment. L'implantation de quatorze tables ne changeait pas la nature du restaurant ou son mode d'exploitation. La présence d'une terrasse n'augmenterait pas la fréquentation du restaurant, les clients préférant à la belle saison déjeuner ou dîner sur une terrasse plutôt qu'à l'intérieur du restaurant. De plus, les mesures constructives avaient été prises pour assurer une exploitation limitée de la terrasse. La construction des murets ajoutés aux murs existants assuraient une forte protection contre le bruit. À cela s'ajoutait les engagements formels pris. Les différents services concernés avaient admis cette approche et émis des préavis positifs.

d. Le respect des normes en matière de limitation des nuisances était attesté par le préavis positif du SABRA.

15) Le 11 juillet 2014, le département a déposé ses observations en concluant au rejet du recours. Il a repris, en substance, les arguments déjà développés par M. CIVINO.

16) Les copropriétaires ont répliqué le 9 septembre 2014, réitérant leur opposition à l'exploitation d'une terrasse à proximité de leur bâtiment.

L'autorisation d'exploiter délivrée par le service du commerce le 27 février 2012 à M. CIVINO était valable dans la limite des surfaces du restaurant qui n'incluait pas la terrasse. Depuis 1996 au moins, il n'y avait pas eu d'exploitation du jardin comme terrasse de restaurant. Il y avait de la place à l'avant du restaurant pour agrandir la terrasse déjà existante.

Les notions de constructions de peu d'importance et d'importance secondaire n'étaient pas équivalentes, contrairement à ce qu'avait retenu le TAPI dans son jugement.

Leurs arguments ainsi que ceux des autres parties seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

17) Le 12 septembre 2014, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les recourants estiment que les aménagements projetés constituent un changement d'affectation non conforme à la zone 4B protégée, en raison des nuisances liées à l'exploitation d'une terrasse de restaurant.

Il convient en premier lieu de préciser l'étendue des griefs des recourants. Ni la pose de gravier, ni la construction des murets ou la pose des poteaux soutenant la tente solaire ne sont remis en cause, le jardin pouvant d'ailleurs être utilisé comme terrasse par le restaurant sans que les aménagements projetés ne soient réalisés. Seule l'utilisation de la terrasse par le restaurant est contestée par les recourants. Il convient ainsi d'examiner si l'autorisation délivrée, en tant qu'elle permet l'utilisation du jardin en qualité de terrasse de restaurant est conforme à la loi.

3) Sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé modifier même partiellement la destination d'une construction ou d'une installation (art. 1 al. 1 let. b de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05). La notion de changement de destination n'est pas définie plus avant dans la loi ou le règlement.

Cela dit, la chambre de céans a déjà jugé que le réaménagement d'une terrasse privée, consistant en la pose d'un garde-corps et d'un plancher en bois amovible ne constituait pas un changement de destination, la surface concernée ayant été utilisée de tout temps comme terrasse pour le délassement des usagers des bureaux attenants (ATA/614/2004 du 5 août 2004).

Bien qu'il soit attesté en l'espèce que le jardin situé à l'arrière du restaurant ait été utilisé par le passé déjà par le restaurant, selon l'annonce publicitaire de 1949 figurant au dossier, son utilisation en tant que terrasse, cour ou jardin privé rattaché au logement du 2ème étage est également attestée jusqu'en 2010, la régie ayant accepté l'utilisation du jardin à l'arrière de l'immeuble par l'exploitant du restaurant depuis septembre 2010 et dès le 30 janvier 2013, concernant l'exploitant actuel.

En définitive, la question de savoir s'il s'agit effectivement en l'espèce d'un changement de destination ou d'affectation ou si historiquement le jardin avait une affectation de terrasse de restaurant pourra rester ouverte, le département ayant estimé que la demande d'autorisation comportait également, outre les aspects de constructions, un changement d'affectation susceptible de provoquer des nuisances nouvelles puisqu'il a soumis la demande aux services compétents et a conclu sur la base des préavis recueillis que le projet était conforme aux dispositions légales.

Il convient dès lors d'examiner ladite conformité remise en cause par les recourants en raison des nuisances provoquées par l'exploitation de la terrasse.

4) La loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) vise à protéger les hommes des atteintes nuisibles ou incommodantes. Par atteintes, il faut comprendre notamment, selon l'art. 7 al. 1 LPE, les pollutions atmosphériques et le bruit qui sont dus à l'exploitation d'installations.

L'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41.) a pour but de protéger la population contre le bruit nuisible ou incommodant que produit l'exploitation d'installations nouvelles ou existantes. L'ensemble des bruits que provoque l'utilisation, normale et conforme à sa destination, de l'installation en cause doit être pris en considération, que ceux-ci proviennent de l'intérieur ou de l'extérieur du bâtiment, respectivement du lieu d'exploitation (arrêt du Tribunal fédéral 1A.168/2003 du 14 janvier 2004 consid. 2.1 et les références citées ; ATF 123 II 325 consid. 4 a) bb) p. 328 ; Benoît BOVAY, Autorisation de construire et droit de l'environnement, RDAF 1995, p. 108).

Il s'ensuit, par exemple, que le bruit des clients sur la terrasse d'un restaurant, les allées et venues dans la rue, le bruit occasionné par le comportement et la voix de clients à l'entrée ou à la sortie d'un établissement public, de même que le parcage des véhicules équivalent à une nuisance de l'installation elle-même (ATA/172/2004 du 2 mars 2004 et les autres références jurisprudentielles citées ; Anne-Christine FAVRE, Le bruit des établissements publics, RDAF 2000 I, p. 3 ; François BELLANGER, La loi sur la protection de l'environnement, jurisprudence de 1995 à 1999, DEP 2001, p. 36).

Selon la jurisprudence, l'annexe 6 OPB concernant les valeurs limites d'exposition au bruit de l'industrie et des arts et métiers n'est applicable ni directement ni par analogie au bruit d'établissements publics comme les restaurants, les discothèques ou d'autres établissements analogues. Cela étant, les installations qui ne sont pas visées par les différentes annexes de l'OPB sont néanmoins soumises aux règles de droit fédéral sur la limitation des émissions (ATA/172/2004 précité et les autres références citées).

Dès lors que les conditions ne sont pas réunies pour appliquer des valeurs limites d'exposition, le juge doit en faire abstraction et fonder son raisonnement sur son expérience pour apprécier, dans chaque cas concret, si une atteinte est admissible. Il doit, pour ce faire, prendre en considération la nature du bruit, l'endroit et la fréquence de ses manifestations, de même que les charges sonores dans la zone où les immissions sont produites, y compris la nécessité de limiter plus strictement les émissions durant la nuit, en particulier dans les zones habitées. L'affectation de la zone considérée constitue un élément qui doit également être pris en considération (ATA/23/2007 du 23 janvier 2007 et les autres références citées).

5) S'agissant de cette affectation, la parcelle est située en 4ème zone à bâtir B, zone rurale applicable aux villages et aux hameaux. La 4ème zone est destinée principalement aux maisons d'habitation, comportant en principe plusieurs logements. Lorsqu'elles ne sont pas susceptible de provoquer des nuisances ou des inconvénients graves pour le voisinage ou le public, des activités peuvent également y être autorisées (art. 19 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30). La règle rejoint celle de l'art. 14 al. 1 let. a de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), qui permet au département de refuser une autorisation lorsqu'une construction ou une installation peut être la cause d'inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (ATA/294/2010 du 4 mai 2010).

L'art. 14 LCI fait partie des normes de protection qui sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d'une zone déterminée (ATA/92/2003 du 25 février 2003). Bien que cette disposition ne déploie en principe plus d'effets propres dans les domaines régis par le droit fédéral, elle conserve toutefois sa pertinence concernant des objectifs particuliers d'urbanisme, telles que les règles d'affectation du sol destinées à définir les caractéristiques d'une zone ou d'un quartier (ATF 117 Ib 157 consid. 1a). La notion d'inconvénient grave est une norme juridique indéterminée, qui doit s'examiner en fonction de la nature propre à l'activité en cause et qui laisse à l'autorité une liberté d'appréciation. Celle-ci n'est limitée que par l'excès ou l'abus de pouvoir (ATA/889/2004 du 16 novembre 2004; ATA/172/2004 précité).

Lorsque la zone est en outre protégée, comme en l'espèce, l'aménagement et le caractère architectural du quartier ou de la localité considérés doivent être préservés et des dispositions particulières trouvent application (art. 105 à 107 LCI). Dans la mesure où il n'y est pas dérogé par l'art. 106 LCI, les dispositions applicables à la 4ème zone rurale le sont aux constructions édifiées dans la zone des villages protégés. En l'espèce, ce n'est pas le caractère architectural de l'installation qui est litigieux mais la destination de l'installation qui doit donc être examinée au regard des normes de la zone 4B.

6) S'agissant des activités pouvant être autorisées en zone 4B, l'exploitation d'un restaurant n'est pas a priori exclue. La présence d'un restaurant avec une terrasse dans une zone de village, telle que celle du vieux Meyrin, est tout à fait habituelle dans le canton de Genève. Il n'est pas inhabituel non plus que l'établissement soit pourvu d'une terrasse à l'arrière, dans un jardin clos de murs et à l'avant du bâtiment, sur la rue.

En l'espèce, l'affectation en qualité de restaurant du rez-de-chaussée du bâtiment existe depuis la construction du bâtiment, entre 1919 et 1945 selon les données cadastrales du SITG, et celle d'une terrasse ouverte aux clients du restaurant est attestée par le passé, époque à laquelle l'immeuble des recourants n'était certes pas encore construit.

L'augmentation des nuisances dues à l'exploitation saisonnière d'une terrasse est toutefois indéniable. Reste à examiner si ces nuisances sont compatibles avec les conditions posées ci-dessus.

À cet effet, le préavis du SABRA a porté sur l'examen de la protection du voisinage, d'une part sur le plan olfactif, en précisant qu'aucune préparation de mets chauds (cuisson, grillades,...) n'était tolérable sur la terrasse et, d'autre part, contre le bruit. Concernant ce dernier aspect, la construction de murets, notamment celui d'une hauteur de 160 cm quelques mètres devant le mur de séparation des parcelles qui est d'une hauteur de 350 cm permet de couper la transmission directe du son. En outre, afin de minimiser les nuisances, la décision, fondée sur le préavis, prévoit l'arrêt du service aux clients de la terrasse dès 22h00. À cela s'ajoute d'autres mesures concernant le mobilier, l'interdiction de diffusion de musique même en direction de la terrasse ainsi que l'adaptation des horaires de nettoyage et des méthodes de rangement accompagnées de directives au personnel et de la sensibilisation de la clientèle par le personnel ou par des moyens d'affichage. Le SABRA a également pris en compte le fait que la terrasse se situera à 10 mètres d'une zone DSII, bien qu'elle soit située en zone DSIII.

Ce préavis particulièrement complet et précis, ajouté à la limitation de la taille de la terrasse à l'intérieur des murets construits dans le jardin permettent de préserver le voisinage des immissions graves. Il faut ainsi considérer que les nuisances saisonnières qui seront provoquées par l'exploitation de la terrasse respectent les limitations applicables dans la zone concernée.

En outre, s'agissant des nuisances liées à un trafic motorisé supplémentaire invoquées par les recourants, il apparaît plus vraisemblable que les clients qui occupent la terrasse à la belle saison n'augmentent pas le nombre de clients pouvant déjà fréquenter l'établissement à ce jour. S'agissant en tous les cas d'un accroissement très limité du trafic, il ne saurait être qualifié d'inconvénient grave pour le voisinage au sens de l'art. 14 LCI.

Il découle de ce qui précède que le département n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en autorisant le projet d'aménagement.

7) Les recourants soutiennent encore que le projet litigieux ne pouvait pas faire l'objet d'une procédure accélérée au sens de l'art. 3 al. 7 LCI. L'autorisation de construire délivrée serait en conséquence nulle.

a. Sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation (art. 1 al. 1 let. a de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05).

Aux termes de l'art. 3 al. 7 LCI, le département peut traiter par une procédure accélérée les demandes d'autorisation relatives à des travaux, soumis à l'art. 1, portant sur la modification intérieure d'un bâtiment existant ou ne modifiant pas l'aspect général de celui-ci. La procédure accélérée peut également être retenue pour des constructions nouvelles de peu d'importance ou provisoires. À titre exceptionnel, cette procédure peut enfin être adoptée pour des travaux de reconstruction présentant un caractère d'urgence. Dans ces cas, la demande n'est pas publiée dans la FAO et le département peut renoncer à solliciter le préavis communal. L'autorisation est, par contre, publiée dans la FAO et son bénéficiaire est tenu, avant l'ouverture du chantier, d'informer, par écrit, les locataires et, le cas échéant, les copropriétaires de l'immeuble concerné, des travaux qu'il va entreprendre. Une copie de l'autorisation est envoyée à la commune intéressée.

b. L'autorisation par procédure accélérée (APA) a été introduite par la modification législative du 18 décembre 1987. Jusqu'alors, toute demande d'autorisation de construire était soumise à la procédure prévue à l'art. 3 LCI, procédure qui s'était révélée relativement lourde pour des travaux mineurs, tels que modification de quelques galandages à l'intérieur d'un immeuble, remplacement de la toiture d'un bâtiment, travaux de façades, constructions de peu d'importance telles que muret, portail, adjonction d'une cheminée, etc. La lecture des travaux préparatoires démontre que le législateur entendait bien limiter l'APA à des objets de peu d'importance, soit essentiellement à des projets de modification intérieure d'un bâtiment ne touchant ni les façades ou l'esthétique du bâtiment ou encore sa situation (Mémorial des séances du Grand Conseil du 10 décembre 1987, pp. 6971 ss, notamment 6972, 6979).

À l'occasion d'une révision de la LCI, le législateur s'est à nouveau penché sur la procédure accélérée - devenue dans l'intervalle l'al. 6 de l'art. 3. Les députés ont relevé que la pratique avait permis de mettre en évidence que le contenu de cette disposition devait être précisé, notamment en ce qui concernait sa portée. La référence aux travaux de peu d'importance n'était pas opportune, dès lors qu'elle ne figurait pas à l'art. 1 de la loi. Il était donc préférable de préciser que la procédure accélérée pouvait être utilisée pour des projets portant sur des travaux soumis à l'art. 1 précité, à condition qu'ils portent sur la modification intérieure d'un bâtiment ou ne modifie pas l'aspect général de celui-ci. L'APA devait également s'appliquer pour les constructions nouvelles de peu d'importance ou provisoires, voire également, à titre exceptionnel, pour des travaux de reconstruction présentant un caractère d'urgence. Présentaient un tel caractère, notamment, des travaux rendus nécessaires à la suite d'un incendie. S'agissant de constructions nouvelles de peu d'importance, les piscines, les cabanes de jardin et les vérandas sont mentionnées à titre d'exemples à la condition qu'elles soient compatibles avec les normes de la zone de construction (Mémorial des séances du Grand Conseil du 18 septembre 1992, pp. 4657s). L'al. 6 - devenu entretemps l'al. 7 - a donc été modifié dans sa teneur actuelle (ATA/363/2012 du 12 juin 2012 consid. 5b ; ATA/599/2007 du 20 novembre 2007 consid. 3 ; ATA/303/2000 du 16 mai 2000 consid. 4).

En annexe d'un projet de loi modifiant la LCI, figure une liste de projets autorisés par la procédure d'APA (LP 11283 projet p. 57 ss) dans laquelle on peut relever tant un abri de jardin, l'agrandissement d'un restaurant ou le prolongement d'un mur de soutènement.

En l'espèce, le projet consiste en la pose de gravier, la création de murets d'une hauteur variant de 28 à 102 et 160 cm entourant la zone terrasse dans un jardin clos de mur, la pose de trois poteaux de 50 cm et d'une hauteur de 350 cm permettant de soutenir une tente solaire ainsi qu'en la création d'une ouverture dans le mur bordant l'avenue de Vaudagne.

Ces travaux correspondent à la définition de constructions de peu d'importance, voire de très peu d'importance (art. 1 al. 4 LCI) s'agissant des poteaux, des murets et de l'ouverture dans le mur. Quant à la pose de gravier sur une surface constituée d'allées dallées et d'herbe, elle ne constitue ni une construction, ni une installation au sens de la LCI.

En conséquence, le choix fait par le département de procéder à l'examen de la requête par APA est conforme à l'art. 3 al. 7 LCI et le grief soulevé sera écarté.

8) Finalement, les recourants invoquent l'absence de décision du service du commerce (ci-après : le SCOM) autorisant l'exploitation de la terrasse. La teneur de l'autorisation d'exploiter délivrée par le SCOM à l'exploitant sur la base de l'art. 4 de la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH - I 2 21) ne fait pas l'objet de la présente procédure et le grief la concernant ne saurait dès lors être examiné ici.

9) En tout point infondé, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge conjointe et solidaire des recourants qui succombent. Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à l'exploitant intimé, à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 juin 2014 par la communauté des propriétaires par étages 4, Avenue de Vaudagne et Madame Carine BREITENSMOSER contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 avril 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la Communauté des propriétaires par étages 4, Avenue de Vaudagne et Madame Carine Breitenmoser, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'000.- ;

alloue à Monsieur Francesco CIVINO une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de la Communauté des propriétaires par étages 4, Avenue de Vaudagne et Madame Carine Breitenmoser, pris conjointement et solidairement ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe Gobet, avocat des recourants, à Me François Bellanger, avocat de Monsieur Francesco CIVINO, au département de l'aménagement de l'équipement et de l'énergie, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :