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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2297/2008

ATA/866/2010 du 07.12.2010 sur DCCR/902/2010 ( ICC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2297/2008-ICC ATA/866/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 7 décembre 2010

1ère section

dans la cause

 

P______ S.A.
représentée par Me Bénédict Fontanet, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FéDéRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 17 juin 2010 (DCCR/902/2010)


EN FAIT

1. P______ S.A. (ci-après : P______ ou la contribuable), de siège à Genève, est active dans les conseils et services personnalisés en matière économique, fiscale et juridique ; l'administration de biens mobiliers et immobiliers, ainsi que la recherche et les enquêtes dans les domaines économiques et financiers. Son capital-actions nominal libéré est de CHF 2'000'000.-.

Dans sa déclaration fiscale 2006 datée du 22 octobre 2007, P______ a déclaré une perte de CHF 51'141.- pour 2006 ainsi que des pertes fiscales de CHF 2'502'977.- pour les sept exercices précédents, soit une perte totale nette de CHF 2'554'118.- ; des liquidités pour CHF 3'917.- ; une participation dans la société S______ Ltd (ci-après : S______) d'une valeur comptable de CHF 85'964'800.- ; un prêt actionnaire de CHF 91'741'326.- ainsi que des créanciers pour CHF 46'521.

Au sujet de la participation dans S______, il était mentionné dans l'annexe aux comptes que la valeur de cet investissement dépendait de sa capacité à générer des cash flow futurs. Il n'était pas possible de déterminer cette valeur de manière fiable.

2. Le 4 février 2008, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) a fixé à CHF 115'448.60 l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2006 pour un bénéfice imposable nul et un capital imposable de CHF 25'789'440.-.

Les montants déclarés avaient été retenus dans la taxation mais CHF 23'789'440.- avaient été ajoutés au capital propre au titre de "capital propre dissimulé", selon le calcul suivant :

Actifs

Valeur déterminante pour l'impôt sur le bénéfice ou valeur vénale - en fin d'exercice

liquidités

3'917

participations

85'964'800

Total

85'968'717

 

Passifs

Valeur déterminante pour l'impôt sur le bénéfice - en fin d'exercice

dettes envers les actionnaires et proches et distributions de bénéfices décidées en leur faveur

91'741'326

dettes envers les tiers

46'521

dettes totales

91'787'847

./.endettement admis

-60'179'277

./.réserves négatives nettes (après compensation avec les réserves taxées)

-7'819'130

Capital propre dissimulé

23'789'440

 

3. Le 4 mars 2008, P______ a déposé une réclamation auprès de l'AFC en contestant la prise en compte d'un capital propre dissimulé.

Dans les taxations des années précédentes, tel n'avait pas été le cas. La valeur vénale de la participation, soit CHF 1.- devait être retenue pour déterminer ce capital.

4. Le 11 mars 2008, l'AFC a demandé à P______ la production d'une copie du rapport de l'organe de révision 2006 et du formulaire (annexe G - capital propre dissimulé, intérêts non admis et intérêts insuffisants).

5. Le 20 mars 2008, la contribuable a envoyé à l'AFC les documents demandés.

S'agissant de la détermination d'un capital propre dissimulé, les montants suivants devaient être retenus :

Actifs

Valeur déterminante pour l'impôt sur le bénéfice ou valeur vénale - en fin d'exercice

liquidités

3'917

participations

1

Total

3'918

 

Passifs

Valeur déterminante pour l'impôt sur le bénéfice - en fin d'exercice

dettes envers les actionnaires et proches et distributions de bénéfices décidées en leur faveur

91'741'326

dettes envers les tiers

46'521

dettes totales

91'787'847

./.endettement admis

-3'918

./.réserves négatives nettes (après compensation avec les réserves taxées)

-93'783'929

 

Capital propre dissimulé

0

6. Par décision du 2 mai 2008, l'AFC a rejeté la réclamation en persistant dans les motifs de sa décision.

7. Le 3 juin 2008, la contribuable a recouru auprès de la commission cantonale de recours en matière d'impôts, devenue depuis lors la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA) en concluant à l'annulation de la taxation et particulièrement de la reprise effectuée.

Elle avait acquis en août 2002 la totalité du capital de S______ pour la contre valeur de CHF 85'964'800.-. S______ avait investi à travers ses filiales ultimes dans des champs de pétrole en Sibérie. L'acquisition avait été financée par un crédit bancaire devenu par la suite une créance actionnaire. Ce financement avait été postposé en vue de couvrir une éventuelle perte de valeur de S______. D'un point de vue comptable, l'annexe à la déclaration fiscale mentionnait le facteur d'incertitude important concernant l'évaluation de cette participation, conformément aux règles comptables internationales et suisses en la matière. Le facteur d'incertitude important devait être noté en annexe des états financiers mais ne rendait pas obligatoire la comptabilisation pour moins-value selon le principe de prudence. C'était donc la valeur vénale de cette participation qui devait être retenue pour le calcul du capital propre dissimulé, soit CHF 1.-.

La société avait pour seul actif cette participation et jusqu'à ce jour, elle payait ses frais au moyen d'avances d'actionnaires. Elle n'avait pas les liquidités nécessaires au paiement de l'impôt 2006 et le maintien de la taxation conduirait la société à déposer le bilan.

8. Le 27 mai 2009, l'AFC s'est opposée au recours en concluant à la confirmation de la taxation.

9. Le 17 juin 2010, la CCRA a rejeté le recours de P______ concernant l'ICC 2006.

L'impôt sur le capital avait été calculé correctement, en application de l'art. 30 de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), des directives contenues dans les circulaires émises par l'administration fédérale des contributions (circulaire n° 6 du 6 juin 1997) et l'AFC (information n° 6/97 aux associations professionnelles du 9 octobre 1997).

Dans son calcul d'un capital propre dissimulé, la contribuable retenait des réserves négatives nettes (après compensation avec les réserves taxées) de CHF 93'783'929 et un capital propre dissimulé nul. Aucune explication n'était fournie quant au montant des réserves négatives nettes. Par conséquent il n'y avait pas lieu de prendre en compte ce montant et s'agissant de la valeur déterminante de la participation, il fallait s'en tenir à la somme figurant au bilan, à savoir CHF 85'963'800.-.

La contribuable ne pouvait pas se prévaloir du fait que l'AFC avait procédé à un calcul différent pour autres d'années fiscales en vertu des principes de périodicité et d'étanchéité des exercices fiscaux.

10. Le 2 août 2010, la contribuable a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision précitée en concluant à son annulation et à celle de la taxation ainsi qu'au versement d'une indemnité de procédure.

Le rendement des différentes filiales de S______ n'avait que peu d'impact sur S______ et donc sur P______ puisque sa participation était au final minoritaire. S______ avait deux premières filiales qu'elle détenait à 100%. Celles-ci possédaient 100% d'une société qui disposait à son tour de 17,79%, 9,36% et 0,16% de trois sociétés actives dans l'extraction de pétrole. Les régions concernées étaient souvent sous-exploitées car l'extraction du pétrole était rendue difficile par la rudesse du climat. La crise financière de ces dernières années avait d'ailleurs renforcé cette sous-exploitation. Depuis 2002 et malgré de nombreuses demandes, elle n'avait pas réussi à obtenir des informations suffisantes sur les comptes des différentes filiales pour éditer des comptes consolidés afin de définir la valeur réelle de sa participation. Les règles de gestion et de comptabilité des sociétés établies en Russie n'étaient pas aussi strictes qu'en Suisse.

L'acquisition de S______ avait été faite pour le prix de USD 58'400'000.- et inscrite au bilan pour CHF 85'964'800.-. Depuis l'acquisition de S______, les actionnaires n'avaient jamais reçu de dividende mais avaient toujours été informés que cette participation comportait une grande part de risques dans le sens où la valeur de cet investissement dépendait du cash flow futur que cette participation pouvait générer et que sa valeur n'était pas déterminable. Chaque "compte annuel" mentionnait dans son annexe depuis 2002 ce risque. En réalité, l'investissement était considéré par les actionnaires depuis l'acquisition de S______, à l'instar de l'AFC, comme ayant une valeur réelle de CHF 1.-. A ce jour, l'investissement n'avait eu aucun rendement.

En 2006, l'AFC avait considéré qu'une partie de l'avance faite par les actionnaires constituait un capital propre dissimulé alors même que l'annexe aux comptes pour cet exercice précisait le facteur de risque et l'impossibilité d'évaluer la participation à sa valeur réelle.

L'annexe G avait été remplie selon le principe comptable de prudence. Les réserves négatives nettes servaient à concrétiser le facteur de risque de l'investissement. Elles étaient la conséquence d'une provision sur l'investissement dans S______. Il n'y avait dès lors pas de capital propre dissimulé. Les réserves découlaient du calcul suivant : perte au bilan (7'89'130) + provision pour moins-value (85'964'799) - réserves légales (0) = CHF 93'783'929.-.

En 2007 et en 2008, l'AFC avait continué à taxer de la même manière qu'en 2003, 2004 et 2005 et la participation avait été mentionnée directement dans les comptes pour une valeur de CHF 1.-.

La décision violait l'art. 30 LIPM. La valeur indiquée au bilan ne devait pas être prise en compte car la valeur vénale de la participation devant être retenue était de CHF 1.-. Elle même avait respecté les principes de prudence et de continuité dans la présentation et l'évaluation de cette participation. N'obtenant toujours pas les comptes des filiales, elle avait décidé d'introduire dans le bilan une participation de CHF 1.- en comptabilisant une provision pour moins-value.

Le choix de la présentation comptable ne permettait pas à l'AFC de retenir une valeur vénale de la participation autre que celle de CHF 1.-. Les règles comptables avaient été respectées dans le cas d'espèce.

Le principe de la bonne foi avait également été violé par le comportement contradictoire de l'AFC. Seule l'année 2006 avait été taxée de façon erronée en contradiction avec la pratique constante.

La décision violait aussi le principe de l'imposition selon la capacité contributive. Une taxation correspondant à la réalité, prenant en compte une valeur vénale de participation de CHF 1.-, engendrerait une taxation de l'ordre de CHF 9'000.- qui pourrait être assumée par les actionnaires contrairement à la taxation erronée de 2006 d'une valeur d'environ 116'000.- qui engendrerait le dépôt de bilan.

11. Le 23 août 2010, la CCRA a déposé son dossier en persistant dans les considérants et le dispositif de sa décision.

12. Le 2 septembre 2010, l'AFC a répondu au recours en concluant à son rejet.

En vertu du principe d'étanchéité des exercices, elle ne pouvait plus revenir sur les taxations antérieures à 2006, vraisemblablement erronées mais entrées en force. Les taxations suivantes (2007 et 2008) étaient en revanche exactes car la comptabilité de la contribuable avait été établie de façon différente et il était normal que la décision de taxation pour ces périodes ne soit pas la même que pour 2006.

Si un amortissement ou une provision avait été oublié dans les comptes remis à l'AFC, aucune modification ultérieure ne pouvait être faite. La moins-value sur la participation devait être retenue comme si la charge avait été comptabilisée dans les états financiers. Le principe de déterminance voulait que seules les charges effectivement comptabilisées puissent être déduites pour autant qu'elles soient justifiées sur le plan fiscal. Il lui était donc impossible d'accepter sur le plan fiscal une charge qui n'avait pas d'abord été comptabilisée sur le plan du droit commercial. La seule possibilité de déroger à ce principe aurait été de démontrer que les états financiers n'avaient pas été dressés en conformité avec le droit commercial. Les directives admettaient pour le calcul du capital propre dissimulé la prise en compte d'une valeur vénale supérieure à la valeur comptable mais le principe de déterminance en droit fiscal et de la valeur la plus basse en droit commercial s'opposaient à celle d'une valeur inférieure. La prise en compte d'une moins-value virtuelle à la charge du compte de résultat n'était pas prévue.

Le principe de la bonne foi s'opposait à ceux de périodicité et d'étanchéité des exercices fiscaux. De plus, aucune assurance n'avait jamais été donnée par l'AFC à la contribuable. En 2003, aucune déclaration n'avait été remise par P______ qui avait été taxée d'office. En 2004 et 2005, aucune annexe n'avait été remise avec la déclaration fiscale permettant de déterminer la sous-capitalisation. Cette question n'avait donc - à tort - pas été examinée par l'AFC mais elle n'avait fait aucune promesse.

Le principe de la capacité contributive de la contribuable impliquait que la charge fiscale devait tenir compte des situations de fait différentes qui avaient des effets sur la capacité économique. Le problème soulevé par la contribuable concernait en fait celui des liquidités permettant le paiement de l'impôt.

13. Le 21 septembre 2010, les parties ont été informées que la cause serait gardée à juger après le délai fixé au 6 octobre 2010 pour la production de toute requête complémentaire.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La recourante fait grief à l'AFC et à la CCRA d'avoir pris en compte un capital propre dissimulé en faisant une mauvaise application de l'art. 30 LIPM.

3. Selon l'art. 27 LIPM, l'impôt sur le capital a pour objet le capital propre.

4. Le capital propre imposable des sociétés de capitaux et des sociétés coopératives est augmenté de la part de leurs fonds étrangers qui est économiquement assimilable au capital propre. Cette disposition règle ainsi la problématique du capital propre dissimulé, appelé également "sous-capitalisation" (art. 30 LIPM ; ATA/167/2005 du 22 mars 2005).

a. Cette disposition a été introduite dans la LIPM le 1er janvier 1996 pour des motifs d'harmonisation tant horizontale que verticale, suite à l'entrée en vigueur de l'art. 29a de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et de l'art. 75 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) (aujourd'hui abrogé) (MGC 1995 35/IV 4185-4189).

b. Selon les travaux préparatoires concernant cet article "les règles destinées à lutter contre la sous-capitalisation servent à éviter que des ayants droit économiques d'une société de capitaux ou d'une coopérative ne perçoivent du bénéfice de cette entité sous forme d'intérêts. Étant donné que ces derniers sont considérés comme une charge déductible du résultat de la société débitrice, ce moyen permettrait, en l'absence de correction fiscale, d'éluder la règle selon laquelle le bénéfice à disposition des actionnaires doit provenir du bénéfice net soumis à l'impôt sur le bénéfice au sein de la personne morale. Le critère permettant de définir si l'on est en présence d'un financement étranger authentique est celui de savoir si un tiers indépendant aurait exposé des fonds aux mêmes risques que le créancier-actionnaire" (MGC 1995 35/IV 4185-4189).

5. La circulaire n° 6 qui expose la pratique en matière de sous-capitalisation des sociétés de capitaux et sociétés coopératives, est applicable en droit cantonal selon l'information n° 6/97 aux associations professionnelles du 9 octobre 1997 de l'AFC.

Cette circulaire n'a pas valeur de loi. Cependant, elle a pour but d'assurer une pratique uniforme. A l'instar du Tribunal fédéral, le Tribunal administratif ne saurait s'en écarter sans justes motifs (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.338/2004 du 26 avril 2006, consid. 4.1 ; ATA/435/2008 du 27 août 2008)

Selon cette directive, les règles concernant le capital propre dissimulé permettent de distinguer, quant à leur traitement fiscal, les fonds étrangers des fonds propres (point 1).

Pour déterminer le capital propre dissimulé des sociétés de capitaux et des sociétés coopératives, il faut partir en règle générale de la valeur vénale des actifs, à la fin de la période fiscale. L'autorité de taxation se fondera sur les valeurs déterminantes pour l'impôt sur le bénéfice des sociétés, sauf si des valeurs vénales plus élevées peuvent être démontrées (point 2.1).

En règle générale, il est considéré que la société peut obtenir, par ses propres moyens, notamment des fonds étrangers à concurrence d'un pourcentage de 70% s'agissant de ses participations, calculé sur la valeur vénale de ses actifs (point 2.1). 

Ces taux servent à déterminer la garantie qu'offrent les actifs d'une société du point de vue d'un futur créancier (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.338/2004 du 26 avril 2006, consid. 6.2). La proportion d'endettement admissible est ainsi fonction de la nature des actifs de la société (D. YERSIN, Y. NOEL, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, Bâle 2008, p.869 n. 16).

6. L'AFC indique que la valeur de la participation prise en compte dépend de celle figurant au bilan de la société, soit CHF 85'964'800.-.

Pour la recourante, la valeur vénale de sa participation est de CHF 1.- compte tenu de l'annexe aux comptes, laquelle indique que la valeur de la participation ne peut pas réellement être déterminée.

Or, si dans le calcul d'un éventuel capital propre dissimulé la valeur vénale de la participation telle qu'alléguée était de CHF 1.-, celui-là serait augmenté et non pas égal à zéro. Pour aboutir au résultat voulu par la recourante, il faut encore prendre en compte, comme elle le fait dans le calcul figurant à l'annexe G, une réserve négative nette de CHF 93'783'939.- qu'elle explique être le résultat d'un calcul comprenant une provision pour moins value de CHF 85'964'799.-. Cette dernière ne figure pas au bilan des comptes produits à l'AFC pour la taxation ICC 2006.

7. Reste donc à déterminer si cette provision pour moins value doit être prise en compte même si elle ne figure pas au bilan de la recourante.

a. Le bilan commercial est déterminant en droit fiscal. Selon une jurisprudence constante, les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales, à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices spécifiques (ATF 119 Ib 115 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.184/2003 du 21 juin 2004, consid. 2.2 et les citations ; X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 3ème éd., Bâle 2007, p. 187).

Dès que le bilan est définitif, l'entreprise est limitée dans les changements qu'elle entend lui apporter, notamment s'agissant de modification, soit des changements apportés au bilan dans le cadre du pouvoir d'appréciation laissé par le droit commercial (RDAF 1977 p. 374). Ces modifications de bilan ne sont possibles que jusqu'au moment où le bilan est porté à la connaissance des autorités fiscales (X. OBERSON, op. cit., p. 188). Ainsi l'entreprise ne peut revenir sur certaines opérations comptables uniquement parce qu'elle en ignorait les suites fiscales et rectifier son résultat de façon à obtenir une taxation plus favorable RDAF 1977 p. 380 ; ATA/669/2003 du 2 septembre 2003).

En l'espèce, la recourante veut faire admettre une provision pour moins value qui ne figure pas dans le bilan produit. Or, aucune disposition légale ne permet de s'écarter de ce document en ajoutant une telle provision après la remise du bilan aux autorités fiscales.

En conséquence, le grief sera écarté.

8. La recourante se prévaut du principe de la bonne foi en raison des taxations antérieures qui ne fixaient pas de capital propre dissimulé.

a. Découlant directement de l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 ; 129 I 161 consid. 4.1 p. 170 ; 128 II 112 consid. 10b/aa p. 125 ; 126 II 377 consid. 3a p. 387 et les arrêts cités). Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, on doit être en présence d’une promesse concrète effectuée à l’égard d’une personne déterminée. Il faut également que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 ; 129 I 161 consid. 4.1 p. 170 ; 122 II 113 consid. 3b/cc p. 123 et les références citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.373/2006 du 18 octobre 2006 consid. 2 ; G. MULLER/U. HÄFELIN/ F.UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, Zürich 2006, 5ème éd., p. 130ss ; A. AUER/ G. MALINVERNI/ M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2006, Vol. 2, 2ème éd., p. 546, n. 1165ss ; P. MOOR, Droit administratif, Berne 1994, Vol. 1, 2ème éd., p. 430, n. 5.3.2.1).

b. Le principe de la bonne foi régit aussi les rapports entre les autorités fiscales et les contribuables; le droit fiscal est toutefois dominé par le principe de la légalité, de telle sorte que le principe de la bonne foi ne saurait avoir qu'une influence limitée en cette matière (cf. art. 5 et 9 Cst. ; ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 ; 118 Ib 312 consid. 3b p. 316 ; E. BLUMENSTEIN/ P. LOCHER, System des Steuerrechts, Zurich 2002, 6ème éd., p. 28 et les nombreuses références ; J.-M. RIVIER, Droit fiscal suisse, Lausanne 1998, 2ème éd., p. 132).

Ainsi, la contribuable ne peut bénéficier d'un traitement dérogeant à la loi que si les conditions mentionnées ci-dessus - qui doivent être interprétées de manière stricte - sont remplies clairement et sans équivoque (Arrêt du Tribunal fédéral 2C.382/2007 du 23 novembre 2007 consid. 3 ; 2A.83/2006 du 18 octobre 2006 consid. 7 ; ATA/589/2009 du 10 novembre 2009 ; ATA/111/2006 du 7 mars 2006 consid. 5b).

La recourante se prévaut des taxations antérieures qui constitueraient des assurances données par l'AFC. Pour l'AFC, les taxations antérieures étaient erronées, les états de fait étant identiques à celui de la taxation 2006 et le capital propre dissimulé n'ayant pas été pris en compte.

Or, un contribuable n'est pas protégé par une taxation passée en force au delà de la période concernée et l'administration est en droit de changer sa position lors d'une taxation ultérieure (J.-A. REYMOND, La bonne foi de l'administration en droit fiscal, in Présence et actualité de la Constitution dans l'ordre juridique, Genève 1991, p. 380 ; RDAF 1971 p. 110)

En l'espèce, les conditions d'application du principe de la bonne foi, telles que développées ci-dessus, ne sont pas remplies. La taxation 2006 est conforme au droit et aucune assurance particulière n'a été donnée à la recourante quant à cette taxation. En outre, l'AFC n'a pas modifié sa pratique, la directive cantonale précité concernant le capital propre dissimulé étant inchangée depuis 1997.

En conséquence, le grief sera écarté.

9. Finalement, la recourante invoque une violation du principe de l'imposition selon la capacité contributive, le paiement de l'impôt ne pouvant pas être assumé par la société.

Dans la mesure où la nature de l’impôt le permet, les principes de l’universalité, de l’égalité de traitement et de la capacité économique doivent, en particulier, être respectés (art. 127 a. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). Cette disposition concrétise, dans le domaine du droit fiscal, le principe général de l'égalité de traitement (X. OBERSON, op. cit., p. 36).

. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant le principe de l'imposition d'après la capacité contributive, chaque personne doit participer aux charges financières de l'Etat selon ses moyens. Les contribuables qui sont dans la même situation économique doivent supporter une charge fiscale semblable ; en revanche, s'ils sont dans des situations de fait différentes, qui ont des effets sur leur capacité économique, leur charge fiscale doit en tenir compte et être adaptée en conséquence (ATF 133 I 206 consid. 7.1 et 7.2 ; 118 Ia 1 consid. 3a et arrêts cités).

L'imposition litigieuse est conforme aux dispositions légales et aux directives applicables. Elle est donc identique à celle de toutes autres sociétés dans une situation similaire. La taxation ne saurait donc violer le principe de la capacité contributive.

Néanmoins, la recourante estime que l'impôt, tel que fixé, dépasse ses possibilités financières. En l'occurrence, cette question, qui relève du recouvrement de l'impôt et non pas de sa fixation, ne fait pas l'objet du litige.

En conséquence, ce dernier grief sera écarté et le recours rejeté.

10. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 août 2010 par P______ S.A. contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 17 juin 2010 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de P______ S.A.;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bénédict Fontanet, avocat de la recourante, à l’administration fiscale cantonale, à la commission cantonale de recours en matière administrative ainsi qu'à l’administration fédérale des contributions.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

F. Glauser

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :