Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3217/2016

ATA/860/2016 du 12.10.2016 sur JTAPI/972/2016 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3217/2016-MC ATA/860/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 octobre 2016

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______ B______, alias C______ D______
représenté par Me Pierre Bayenet, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 septembre 2016 (JTAPI/972/2016)


EN FAIT

1. En date du 8 août 2000, M. A______ B______, né le
______ 1981, considéré alors comme d’origine inconnue ou de la Sierra Leone, est entré en Suisse et y a déposé une demande d'asile.

Par décision du 5 septembre 2000, l'office fédéral des réfugiés n’est pas entré en matière sur cette demande, a prononcé son renvoi de Suisse et en a ordonné l’exécution, à la charge du canton de Genève. Par jugement du 13 octobre 2000 expédié le 16 octobre suivant, la commission suisse de recours en matière d’asile n’est pas entrée en matière sur un recours formé par M. B______ contre cette décision.

Les demandes de réexamen déposées par l'intéressé en matière d’asile ont été rejetées.

2. Le 25 avril 2008 a été notifiée à M. B______ une décision d’interdiction d'entrée en Suisse pour une durée indéterminée, rendue le 7 avril 2005 par l’office fédéral des migrations, devenu le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM).

3. Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, M. B______ a été condamné à :

- une peine d'emprisonnement de douze mois par le Tribunal de police, le
14 avril 2003, pour infraction à l’art. 19 ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) (vente de quelques dizaines de gr bruts de cocaïne à une personne et démarches en vue de vendre à celui-ci, le 7 janvier 2003, une quantité de 30,2 gr bruts de la même substance), jugement confirmé par arrêt de la chambre pénale de la Cour de justice du 16 juin 2003 ;

- une peine privative de liberté de quatre ans par la Cour correctionnelle sans jury de Genève, le 27 mars 2009, pour infractions à l’art. 19 ch. 1 et 2 let. a LStup (trafic de cocaïne portant sur une quantité de 119,54 gr nets à un taux de pureté compris entre 43 et 53% et de 520,83 gr nets à un taux de pureté compris entre 38 et 50, soit une quantité de cocaïne pure de 249,3 gr), arrêt confirmé par arrêt de la Cour de cassation du 4 août 2009 ;

- une peine privative de liberté de cent quatre-vingt jours, par le Ministère public de Genève, le 23 avril 2013, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 - LEtr - RS 142.20) ;

- une peine privative de liberté de vingt-sept mois par le Tribunal correctionnel de Genève, le 11 août 2014, pour faux dans les certificats étrangers (art. 252 al. 4 et 255 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0) et infraction aux art. 19 ch. 1 et 2 LStup et 115 al. 1 let. a LEtr.

4. M. B______ a purgé une peine de prison du 12 juillet 2008 au 28 février 2011, date à laquelle il n'est pas revenu d'un congé de l'établissement « Le Vallon ». Il a ensuite été arrêté et écroué du 3 mars 2013 au 14 mars 2013, puis a été de nouveau incarcéré le 28 décembre 2013.

5. L'intéressé est titulaire, sous le nom de M. C______ D______, d'un passeport du Portugal avec une durée de validité du 11 août 2011 au 11 août 2016 et d'une carte d'identité de ce même pays d’une validité jusqu'au
6 août 2016, indiquant tous deux qu’il est né le ______ 1993 en Guinée-Bissau.

6. Par courrier du 23 juin 2016, le SEM a informé l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) – pour lequel M. B______ était né le ______ 1983 – que ce dernier avait été reconnu, avec ladite date de naissance, par la République de Guinée (Guinée Conakry ; ci-après : Guinée) lors des auditions centralisées du 21 au 29 juin 2016 – en plus de celle du
30 septembre 2008 –, et, par pli du 1er juillet 2016, lui a demandé de lui communiquer les dates de la fin de sa détention pénale ainsi que d’une éventuelle libération conditionnelle, précisant qu’il serait difficile dans l’immédiat d’obtenir des laissez-passer de l’Ambassade de Guinée, cette dernière n’étant pas desservie jusqu’à la mi-août 2016.

Par lettre du 6 septembre 2016, le SEM a sollicité de la Mission permanente de Guinée à Genève l’établissement d’un document de voyage au nom de
M. B______ afin qu’il puisse retourner en Guinée.

7. Par mandat du 17 août 2016, l'OCPM a requis des services de police qu'ils procèdent au renvoi de l'intéressé à destination de la Guinée.

8. Libéré au terme de sa peine le 24 septembre 2016, M. B______ a été remis aux mains des services de police en vue de son refoulement.

9. Par décision du 24 septembre 2016, à 16h30, le commissaire de police a ordonné la mise en détention administrative de M. B______ pour une durée de trois mois.

Cet ordre était fondé sur les condamnations de celui-ci pour crimes au sens de l’art. 75 al. 1 let. h LEtr, par renvoi de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEtr, de même que sur un risque de fuite au sens de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEtr.

Dès le 24 septembre 2016, les services de police avaient immédiatement procédé aux démarches nécessaires en vue de la délivrance d'un laissez-passer pour la Guinée et de la réservation d'un vol, dont la confirmation devait intervenir prochainement.

En parallèle, et compte tenu des papiers portugais de l'intéressé, des démarches étaient également en cours afin de procéder à sa réadmission au Portugal.

10. Entendu le même jour par le commissaire de police, avant le prononcé de cette décision, M. B______ a déclaré qu’il s'opposait à son renvoi en Guinée et qu’il ne prendrait pas le vol qui lui avait été réservé. Il n’était pas guinéen, mais portugais. Il avait des papiers portugais et souhaitait retourner au Portugal. Il était en bonne santé, sans traitement médical.

Il a en outre refusé de contresigner pour preuve de prise de connaissance, l’ordre de mise en détention administrative.

11. Toujours le même jour, le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

12. À teneur d’un courriel entre autorités du même jour, M. B______ devait passer la nuit du 24 au 25 septembre 2016 au « SARA », celle du 25 au 26 aux « violons du VHP » et celle du 26 au 27 à Frambois, avant d’être transféré le
27 septembre dans le canton du Valais.

13. Entendu lors de l’audience du 26 septembre 2016 par le TAPI, M. B______ a déclaré qu’il n’avait pas de famille, ni d’attaches en Suisse, qu’avant d’être arrêté, il avait travaillé en France et qu’il avait déposé une demande d’asile car il n’était pas d’accord avec ses parents, ce en 2000, alors qu’il n’avait pas encore la nationalité portugaise. En 2011, il était retourné au Portugal durant environ huit mois et, ensuite, était parti en Guinée. Il était revenu en Suisse en 2013. Lorsqu’il avait obtenu sa nationalité portugaise, il avait dû renoncer à sa nationalité de Guinée-Bissau dont il était originaire. La reconnaissance de son origine guinéenne par une délégation de la Guinée était erronée.

Selon le conseil de M. B______, celui-ci souhaitait quitter la Suisse le plus vite possible, estimant que quand bien même ses papiers portugais étaient périmés, il pouvait être expulsé à destination du Portugal. Il concluait à l'annulation de l'ordre de mise en détention administrative et à sa libération immédiate.

Le représentant du commissaire de police, qui a demandé la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative prononcé le 24 septembre 2016, a indiqué que le passeport original de M. B______ était en train d’être examiné par les services de police. Dans l’hypothèse où le passeport portugais de M. B______ devait être faux, les services de police procéderaient à l’expulsion de ce dernier à destination de Guinée. Si le passeport était authentique, ils prépareraient les démarches en vue de l’expulser au Portugal. Dans ce dernier cas, ils devraient solliciter les autorités portugaises en vue d’une réadmission, ce qui prenait en général un mois au maximum.

14. Par jugement du 26 septembre 2016, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 24 septembre 2016 à 16h30 à l’encontre de M. B______, mais pour une durée limitée de deux mois, soit jusqu'au 24 novembre 2016.

Sous l’angle de l’art. 75 al. 1 let. g LEtr – auquel le TAPI s’est référé en lieu et place de l’art. 75 al. 1 let. h LEtr –, l’intéressé avait été poursuivi et condamné pénalement pour trafic de stupéfiants à plusieurs reprises, ce qui permettait de considérer qu'il existait une probabilité non négligeable qu'il poursuive dans un dessein de lucre des activités délictuelles, comme le trafic de stupéfiants. Par surabondance de motifs, il avait disparu dans la clandestinité au mois de février 2013 et n’avait pas respecté la décision d’interdiction d’entrée en Suisse qui lui avait été notifiée le 7 avril 2005 (recte : le 25 avril 2008). Il n’avait par ailleurs entrepris aucune démarche pour quitter la Suisse et avait été également condamné pour séjour illégal, étant au demeurant en situation irrégulière dans ce pays depuis plus de quinze ans. Ces circonstances permettaient de retenir une absence de volonté réelle de quitter la Suisse.

L'assurance du départ de M. B______ de Suisse répondait en outre à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive qu’une détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où il devrait monter dans l'avion devant le reconduire dans son pays d’origine.

L'autorité chargée du renvoi avait agi avec diligence et célérité, dès lors qu'elle avait immédiatement procédé aux démarches en vue de l’exécution du renvoi de l’intéressé.

Eu égard aux doutes quant à la nationalité de M. B______, il semblait plus vraisemblable à ce stade que celui-ci était effectivement ressortissant de Guinée, comme cela ressortait de l’audition centralisée avec la délégation de la République de Guinée du 22 juin 2016. Du reste, dans le passé, M. B______ avait également indiqué être ressortissant de Sierra Leone. Par ailleurs, alors qu’il avait été reconnu sous son identité telle qu’elle ressortait de la présente procédure, à savoir A______ B______, le passeport portugais dont il se prévalait indiquait un tout autre nom, soit C______ D______. Partant, s’il subsistait à ce stade des doutes quant à la nationalité de M. B______, celui-ci semblait en être partiellement responsable. Cela étant, dans l’hypothèse où il devait être effectivement de nationalité portugaise, sa détention administrative devrait être levée, mais il n’appartenait pas au TAPI de se prononcer à ce stade dans la mesure où il subsistait encore des doutes raisonnables quant à l’authenticité du passeport portugais produit par l’intéressé, étant précisé que ce dernier avait déjà été condamné pour faux dans les certificats par le Tribunal correctionnel de Genève le 11 août 2014.

15. Par acte expédié le 30 septembre 2016 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. B______, se présentant comme M. D______, a formé recours contre ce jugement, concluant, « avec suite de frais et dépens », préalablement à un transport sur place pour examiner ses conditions de détention au centre de détention LMC Granges – où il avait été transféré le 27 septembre 2016 – et à l’invitation à adresser à la direction de cette établissement d’établir un bref rapport sur ses conditions de détention, principalement à la mise à néant de l’ordre de mise en détention administrative du 24 septembre 2016 ainsi que du jugement querellé, et à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement à ce qu’il soit dit que la détention ne devait pas s’effectuer dans le centre de détention LMC Granges et que son transfert dans un autre établissement soit ordonné.

Dans le cadre de sa demande d’asile du 8 août 2000, il avait indiqué faussement s’appeler M. B______ et être originaire du Sierra Leone. Avant d’acquérir la nationalité portugaise, il avait uniquement la nationalité de la Guinée-Bissau.

Dans le centre de détention LMC Granges, en Valais, il ne disposait que de trois heures de sortie par jour, les espaces extérieurs prévus à cette fin étant très étroits et entièrement recouverts de grillages, et il ne pouvait utiliser la salle de sport qu’à de rares occasions. Le reste du temps, il était placé dans sa cellule qu’il partageait avec un autre détenu, dont les fenêtres ne s’ouvraient que de façon minime, insuffisante pour une aération adéquate, et dont les toilettes dites « à la turque » faisaient également office de douche. Il produisait des rapports de la commission nationale de prévention de la torture (ci-après : CNPT) des 27 mai 2010, 28 novembre 2012 et 28 avril 2016 concernant en particulier le centre LMC de Granges. Ses conditions de détention au sein de cet établissement étaient inadmissibles et contraires à l’art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

À défaut d’indices probants du fait que son passeport et sa carte d’identité portugais seraient des faux, il n’était pas admissible de retenir l’existence d’un doute sur sa nationalité portugaise.

L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) ne prévoyait pas la mise en détention administrative de ressortissants européens, cette dernière n’étant applicable qu’aux ressortissants d’États tiers. Par ailleurs, le fait qu’il disposait de documents de voyage périmés ne l’empêchait pas de se déplacer et de franchir les frontières intérieures de l’espace Schengen.

16. Par courrier du 4 octobre 2016, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative, sans formuler d’observations.

17. Dans sa réponse du 6 octobre 2016, le commissaire de police a conclu au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Selon un courriel du 3 octobre 2016 de la brigade de police technique et scientifique, le passeport portugais du recourant était authentique. Toutefois, dans la mesure où, à teneur de ce document, il aurait eu 7 ans au jour du dépôt de sa demande d’asile en Suisse – ce qui était peu probable –, l’intéressé l’avait probablement obtenu en fournissant de fausses informations au Portugal, mais cela ne pouvait être vérifié que par les autorités de ce pays et en contrôlant son extrait de naissance. Le commissaire de police en concluait qu’il était admissible de retenir l’existence d’un doute raisonnable relativement à la nationalité portugaise du recourant.

Les droits octroyés par l’ALCP pouvaient, conformément à l’art. 5 de son annexe I, être limités pour des raisons d’ordre et de sécurité publics. En outre, l’intéressé n’avait aucun droit d’être refoulé vers le Portugal.

Le recourant avait été transféré le 5 octobre 2016 à l’établissement de Favra, sa détention en Valais ayant ainsi duré du 27 septembre au soir au 5 octobre 2016 au matin – sans qu’il ait été mélangé aux détenus pénaux –, soit une courte durée parfaitement admissible qui ne devait entraîner aucune libération, l’intéressé étant libre de demander le cas échéant une indemnité.

18. Le 7 octobre 2016, le recourant a répliqué.

Compte tenu du fait que M. D______ était détenu et que ses documents d’identité – dont on pouvait présumer l’authenticité – étaient en main de la police, il était inadmissible que les démarches en vue du contrôle de l’authenticité des documents, si doute il y avait, n’aient pas été effectuées avant qu’il ne devienne nécessaire de le placer en détention administrative.

La date de naissance indiquée sur le formulaire de carte d’identité portugaise rempli le 4 août 2011 et produit devant la chambre administrative le
3 octobre 2016 était la même que sur ladite carte et le passeport portugais. Le fait qu’il était probable que cette date ne corresponde pas au jour réel de sa naissance ne remettait pas en question l’authenticité du passeport, ni le fait qu’il était bien citoyen du Portugal et qu’il devait donc être autorisé à se rendre dans ce pays. Il était notoire que les actes de naissance de Guinée-Bissau – où il était né – pouvaient comporter des inexactitudes. Il n’était d’aucune utilité de vérifier son acte de naissance auprès des autorités portugaises. Par ailleurs, l’attribution et le retrait de la nationalité étaient des compétences souveraines des États, le Portugal étant ainsi seul compétent pour ouvrir le cas échéant une procédure de retrait de la nationalité s’il s’avérait que celle-ci avait été obtenue frauduleusement.

Il n’avait pas besoin d’être renvoyé par la force, puisqu’il avait toujours manifesté sa volonté de rentrer au Portugal et qu’il avait le droit de le faire en se munissant de son passeport et de sa carte d’identité. Il n’avait pas d’objection à être accompagné jusqu’à la porte de l’avion si cela pouvait rassurer les autorités sur la réalité de son désir de quitter la Suisse.

Il retirait sa conclusion en libération au motif des conditions illicites de détention, mais maintenait et réitérait ses conclusions en constatation des conditions illicites de sa détention à l’établissement LMC de Granges, au besoin dans une décision séparée.

19. Par télécopie du 11 octobre 2011 au soir, le commissaire de police a notamment transmis à la chambre administrative une copie d’un courriel du Consulat général du Portugal à Genève du 11 octobre 2016 répondant à un courriel de la brigade renvois de la police genevoise du 10 octobre 2016 – auquel était annexée une photocopie du passeport au nom de C______ D______ – et informant celle-ci qu’il avait demandé l’autorisation pour le
laissez-passer de l’intéressé, mais que cette autorisation avait été refusée car il y avait « usurpation d’identité ». Ainsi, selon l’intimé, seul un refoulement à destination de la Guinée-Bissau (recte : la Guinée) était possible et les démarches en ce sens seraient entreprises dans les meilleurs délais.

20. Par télécopie du même jour, le conseil du recourant a fait part à la chambre administrative de ce qu’il venait de contacter la collaboratrice du Consulat général du Portugal qui avait rédigé le courriel de la veille afin d’obtenir des éclaircissements sur ce dernier. Il s’avérait qu’il existait un soupçon d’usurpation d’identité, mais qui n’était pas avéré. La seule manière d’établir de manière définitive si M. D______ était bien citoyen portugais était qu’il soit acheminé par la police au Consulat général, afin de faire une nouvelle demande de carte d’identité, dans le cadre de laquelle sa photographie serait prise et ses données signalétiques enregistrées. Cette demande serait ensuite transmise à Lisbonne, qui trancherait. Compte tenu du fait de l’impossibilité de détenir administrativement un citoyen européen, il apparaissait prioritaire de mener à bien ces investigations. Une éventuelle prolongation de la détention devrait donc être strictement limitée au temps nécessaire pour cet acheminement et ces vérifications.

21. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile – c'est-à-dire dans le délai de dix jours – devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr -
F 2 10).

2. Selon l’art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 3 octobre 2016 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

La chambre administrative est en outre compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (art. 10 al. 2
2ème phr. LaLEtr).

3. L’absence de conclusions ne peut être réparée que dans le délai de recours. Hors ce délai, le fait d’être autorisé à compléter une écriture de recours ne permet pas de suppléer au défaut de conclusions (ATA/881/2015 du 28 août 2015
consid. 4 ; ATA/751/2013 du 12 novembre 2013 consid. 6 ; ATA/197/2013 du
26 mars 2013 consid. 6). Partant, des conclusions nouvelles prises au stade de la réplique sont irrecevables (ATA/881/2015 précité consid. 4 ; ATA/751/2013 précité consid. 6).

La nouveauté d'une conclusion s'apprécie par rapport à l'objet du litige de l'instance précédente, correspondant à l'objet de la décision attaquée qui est déterminé par les conclusions formulées devant ladite instance (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 = RDAF 2011 I 419 [rés.] ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/881/2015 précité consid. 4 ; ATA/18/2013 du 8 janvier 2013 consid. 10). N'est donc pas nouvelle une conclusion du recourant n'allant pas, dans son résultat, au-delà de ce qui a été sollicité devant l'instance précédente ou ne demandant pas autre chose (arrêts du Tribunal fédéral 2C_77/2013 du 6 mai 2013 consid. 1.3 ; 8C_811/2012 du 4 mars 2013 consid. 4).

Selon l'art. 68 LPA (« nouveaux moyens »), sauf exception prévue par la loi, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuves nouveaux qui ne l’ont pas été dans les précédentes procédures.

4. En l’occurrence, le recourant a été transféré le 5 octobre 2016 à l’établissement de Favra et n’a dès lors plus d’intérêt relativement aux conclusions préalables de son recours tendant à un transport sur place pour examiner ses conditions de détention au centre de détention LMC Granges et à l’invitation à adresser à la direction de cet établissement d’établir un bref rapport sur ses conditions de détention. Seule pourrait entrer en considération, concernant lesdites conditions, une demande en indemnité, laquelle n’a pas fait l’objet d’une décision attaquée et n’est en tout état de cause pas de la compétence de la chambre de céans dans le cadre de la présente cause.

5. Les autorités de ce pays ayant refusé d’octroyer un laissez-passer en faveur du recourant, au motif d’une « usurpation d’identité », il ne peut en l’état pas être retenu que celui-ci serait de nationalité portugaise et devrait être renvoyé au Portugal. On peut au surplus s’interroger si les faux dans les certificats étrangers retenus dans le jugement du Tribunal correctionnel du 11 août 2014 ne sont pas précisément les documents d’identité portugais au nom de C______ D______ produits dans la présente procédure.

L’intéressé a en revanche été reconnu, en 2008 et tout récemment, par les autorités guinéennes sous le nom d’A______ B______.

Seul son renvoi en Guinée peut désormais, en l’état, entrer en ligne de compte.

Il incombera néanmoins aux autorités genevoises de permettre et faciliter, dans la mesure du possible, d’éventuelles démarches du recourant auprès des autorités portugaises en vue d’une reconnaissance de sa qualité de citoyen portugais alléguée.

6. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1).

7. a. Aux termes de l'art. 75 al. 1 let. g et h LEtr, en lien avec l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEtr dans sa version antérieure – aux modifications légales du 20 mars 2015 entrées en vigueur le 1er octobre 2016, non pertinentes en l’occurrence –, lorsqu'une décision de renvoi ou d'expulsion a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, placer la personne concernée en détention administrative notamment si elle menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l’objet d’une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif, ou si elle a été condamnée pour crime.

Un étranger menace sérieusement d'autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle au sens de l'art. 75 al. 1 let. g LEtr s'il commet des infractions à l’encontre de la vie et de l'intégrité corporelle
(art. 111 ss CP), contre la liberté (art. 180 ss CP) ou contre l'intégrité sexuelle dès qu'il y a contrainte (art. 189 et 190 CP ; TARKAN GÖKSU, in Martina CARONI/Thomas GÄCHTER/Daniela THURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer [AuG], 2010, n. 22 ad art. 75 LEtr ; Andreas ZÜND, Migrationsrecht, 2ème éd., 2009, n. 10 ad art. 75 LEtr ; Thomas HUGI YAR, Ausländerrecht, 2ème éd., 2009, n. 10.72 p. 458 ss). Sont aussi visées les infractions à la LStup (arrêts du Tribunal fédéral 2A.35/2000 du 10 février 2000 consid. 2b.aa ; 2A.450/1995 du 3 novembre 1995 consid. 5a), en particulier le trafic de drogues dites dures (ATF 125 II 369 consid. 3b.bb ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012 consid. 4.3 et les références citées ; ATA/813/2016 du 29 septembre 2016).

Par crime au sens de l’art. 75 al. 1 let. h LEtr, il faut entendre une infraction passible d’une peine privative de liberté de plus de trois ans (art. 10 al. 2 CP ; ATA/848/2014 du 31 octobre 2014 consid. 5 ; ATA/295/2011 du 12 mai 2011 consid. 4).

b. En vertu de l'art. 76 al. 1 let. b LEtr, lorsqu’une décision de renvoi ou d’expulsion de première instance a été notifiée, l’autorité compétente peut, afin d’en assurer l’exécution, mettre en détention la personne concernée si des éléments concrets font craindre qu'elle entende se soustraire au renvoi ou à l’expulsion, en particulier parce qu’elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer en vertu de l’art. 90 LEtr ou de l’art. 8 al. 1 let. a ou al. 4 LAsi (ch. 3), ou si son comportement permet de conclure qu’elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (ch. 4).

Ces chiffres 3 et 4 décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition ; ils doivent donc être envisagés ensemble (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

Selon la jurisprudence, un risque de fuite – c’est-à-dire la réalisation de l’un de ces deux motifs – existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2). Si le fait d'être entré en Suisse illégalement, d'être démuni de papiers ou de ne pas quitter le pays dans le délai imparti à cet effet ne saurait, pris individuellement, suffire à admettre un motif de détention au sens de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 (voire ch. 4) LEtr, ces éléments peuvent constituer des indices parmi d'autres en vue d'établir un risque de fuite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_142/2013 du 1er mars 2013 consid. 4.2 ; voir aussi ATF 140 II 1 consid. 5.3).

Lorsqu’il examine le risque de fuite, le juge de la détention doit établir un pronostic, en déterminant s’il existe des garanties que l’étranger prêtera son concours à l’exécution du renvoi le moment venu, c’est-à-dire lorsque les conditions en seront réunies. Il dispose pour ce faire d’une certaine marge d’appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

8. En l’espèce, c’est à juste titre que, dans son recours, le recourant ne conteste pas que les conditions de sa détention administrative sont remplies dans leur principe, à tout le moins dans l’hypothèse où il ne serait pas renvoyé au Portugal, mais en Guinée.

En effet, d’une part, l’intéressé a bien été condamné pour crime au sens de l’art. 75 al. 1 let. h LEtr auquel renvoie l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEtr, vu sa condamnation du 27 mars 2009 par la Cour correctionnelle sans jury, pour un trafic de cocaïne. À cela s’ajoutent deux autres condamnations pour des infractions, également graves, qui conduisent à retenir qu’il menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle, au sens de l’art. 75 al. 1 let. g LEtr. D’autre part, le recourant s’oppose à un renvoi en Guinée, seule possibilité restant actuellement, et il est à craindre qu’il disparaisse dans la clandestinité, étant notamment relevé que, le 28 février 2011, dans le cadre d’une exécution de peine, il n’était pas revenu d’un congé et avait disparu, avant de réapparaître en Suisse en 2013, en violation de l’interdiction d’entrée. Ce risque de fuite est encore aggravé par la probable tentative de tromperie à l’encontre des autorités suisses par l’invocation de sa prétendue nationalité portugaise.

Partant, le principe de sa détention administrative est incontestable, tant par l’application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEtr que par celle de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEtr, qui renvoie à l’art. 75 al. 1 let. g et h LEtr.

9. La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., qui se compose des règles d'aptitude – exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/189/2015 du 18 février 2015 consid. 7a).

À teneur de l’art. 76 al. 4 LEtr, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder.

Aux termes de l’art. 79 LEtr, la détention en phase préparatoire et la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion visées aux art. 75 à 77 ainsi que la détention pour insoumission visée à l’art. 78 ne peuvent excéder six mois au total (al. 1) ; la durée maximale de la détention peut, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus et, pour les mineurs âgés de 15 à 18 ans, de six mois au plus, dans les cas suivants : a. la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente ; b. l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (al. 2).

10. Dans le cas présent et sous l’angle de l’exigence de célérité de la part des autorités, l’intimé a, dans sa décision du 24 septembre 2016, invoqué des démarches nécessaires en vue de la délivrance d'un laissez-passer pour la Guinée et de la réservation d'un vol, dont la confirmation devait intervenir prochainement, de même qu’en parallèle, et compte tenu des papiers portugais de l'intéressé, des démarches également en cours afin de procéder à sa réadmission au Portugal. Ces dernières démarches ont été accomplies, le commissaire sachant désormais qu’un renvoi au Portugal est en l’état exclu.

Pour juger de la proportionnalité de la mesure querellée, il convient de prendre en considération l’ensemble des circonstances. La mise en détention administrative du recourant n’a que très récemment, soit le 24 septembre 2016, été ordonnée et la très grande gravité des infractions pour lesquelles il a été condamné en Suisse, notamment pour trafic de drogue, fait craindre que, s’il était en liberté, il menace sérieusement d’autres personnes ou mette gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle (art. 75 al. 1 let. g LEtr), ce à quoi s’ajoute le risque de fuite, aggravé par la probable tentative de tromperie à l’encontre des autorités suisses par l’invocation de sa prétendue nationalité portugaise.

Vu ce qui précède, une mise en détention administrative pour deux mois, comme prononcé par le TAPI, apparaît en tout état de cause conforme au principe de la proportionnalité.

11. En définitive, le recours sera rejeté.

Vu la nature du litige et le fait que le recourant est au bénéfice de l’assistance juridique, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 12 et 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 30 septembre 2016 par M. A______ B______, alias C______ D______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 septembre 2016 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Bayenet, avocat du recourant, au commissaire de police, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre de Favra, pour information.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :