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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2909/2016

ATA/813/2016 du 29.09.2016 sur JTAPI/894/2016 ( MC ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2909/2016-MC ATA/813/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 septembre 2016

En section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Alexandre Böhler, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 septembre 2016 (JTAPI/894/2016)


EN FAIT

1. M. A______, né en ______ 1992 et originaire du Nigéria, est détenteur d'un passeport délivré par la République fédérale du Nigéria valable jusqu'au 20 juin 2020. Il est également au bénéfice d'une carte d'identité italienne « non valable à l'étranger », établie en août 2015 et valable jusqu'au 2 février 2026.

Selon le fichier informatique EURODAC, il avait déposé une demande d'asile le 27 mars 2014 en Italie puis une autre en Autriche le 6 décembre 2015.

2. À teneur d’un fichier informatique de l’office fédéral de la police, des gardes-frontière suisses ont, le 14 juillet 2016, « autorisé la poursuite du voyage » de l’intéressé, avec le motif suivant : « Est soupçonné d’avoir commis des infractions graves ou d’en préparer ».

3. Par ordonnance pénale du 5 septembre 2016, M. A______ a été condamné par le Ministère public du canton de Genève à une peine pécuniaire de trente jours-amende, avec sursis pendant trois ans, pour infraction à l'art. 19 al. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), pour avoir, la veille dans l’après-midi dans une rue de Genève, vendu une boulette de 0,8 gr de cocaïne à des policiers en civil en échange de la somme de CHF 100.- et avoir détenu une demi-boulette de cette drogue destinée à être vendue par ses soins, qu’il avait avalée au moment de son interpellation suivie de son arrestation.

À teneur du rapport de la brigade anti-criminalité de la police genevoise du 4 septembre 2016, l’intéressé avait couru derrière un véhicule de service en le hélant puis en proposant à ses occupants – des policiers en civil – d’acheter une boulette de cocaïne qu’il avait sortie de sa bouche. Après avoir reçu la somme de CHF 100.- des policiers et immédiatement après son interpellation, il avait avalé « les autres boulettes de cocaïne qu’il avait dans la bouche ». Lors de sa fouille avaient été trouvés sur lui un montant de CHF 20.- et cinq téléphones portables non signalés volés dans la base de données de la police.

Entendu le même jour par la brigade anti-criminalité, le prévenu – sans antécédent selon l’extrait du casier judiciaire suisse – avait reconnu avoir proposé la cocaïne à un policier en service et avoir avalé une demi-boulette de cette drogue. Il n’avait pas touché d’argent. En fait, c’était un autre Nigérian, dont il ne connaissait pas l’identité et qu’il avait rencontré quelques jours auparavant à la gare, qui avait dit à M. A______ de lui vendre la boulette et de la garder pour lui. C’était la première fois qu’il vendait de la drogue. Il ne consommait aucun stupéfiant. Il était arrivé en Suisse deux semaines auparavant pour la visiter, en provenance d'Italie où il dormait dans un camp pour réfugiés depuis une année. Sans famille ni revenus, il était en bonne santé et dormait dans la rue. Il n'était pas en mesure de payer les frais de son rapatriement.

4. Le 5 septembre 2016 également, M. A______ a été libéré par les autorités judiciaires puis mis à disposition des services de police en vue de son renvoi hors de Suisse.

5. Le même jour, à 19h10, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée d'un mois sur la base de l’art. 75 al. 1 let. g de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), précisant que les démarches avaient été immédiatement entreprises en vue de sa réadmission par l'Italie.

Cet ordre de mise en détention a été soumis au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le même jour.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il était d’accord de retourner en Italie le plus vite possible et prendrait le vol qui lui aurait été réservé.

6. Parallèlement, toujours le 5 septembre 2016, la police internationale genevoise a transmis au centre de coopération policière et douanière de Chiasso (ci-après : CCPD) un « formulaire d’examen d’une demande de réadmission en Italie », précisant en outre qu’une interdiction d’entrée en Suisse allait être demandée au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM).

7. Lors de l’audience de comparution personnelle devant le TAPI du
9 septembre 2016, M. A______ a déclaré qu'il était toujours d'accord de retourner en Italie. Le permis de séjour qui lui avait été délivré l’avait été au titre de protection subsidiaire. L’Italie était le seul pays d’Europe qu’il connaissait, qui l’avait accueilli et qui lui avait offert des papiers. Il avait une sœur qui habitait à Parme. Il était en recherche de travail et avait déposé sa candidature quatre mois plus tôt pour un emploi. Il avait un entretien d’embauche prévu le
15 septembre 2016. S’il était libéré, il retournerait immédiatement en Italie.

Le représentant du commissaire de police a indiqué que la carte d’identité dont M. A______ était titulaire n’était pas un titre de séjour. Elle n’avait aucune valeur en dehors de l’Italie, comme indiqué sur le document. Selon les indications du CCPD, M. A______ était bien au bénéfice d’un permis de séjour en Italie, mais la nature de ce titre n'était pas encore connue. Il pouvait s’agir d’un permis humanitaire comme d’une protection subsidiaire. Selon la nature de ce titre de séjour, la demande de réadmission devait peut-être passer par le SEM. Concernant la durée des démarches, s’il s’agissait d’une demande de réadmission « classique », l’Italie devait se déterminer dans les huit jours. En revanche, si
M. A______ était réfugié ou encore au bénéfice d’une protection subsidiaire, le délai de réponse des autorités italiennes serait différent. En particulier, dans cette dernière hypothèse, les accords internationaux ne régissaient pas cette situation et de coutume l’Italie prenait entre un et deux mois pour se déterminer. Pour le surplus, le représentant du commissaire de police a demandé la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative émis le 5 septembre 2016 pour une durée d'un mois.

Le conseil de M. A______ a conclu à l’annulation de l’ordre de mise en détention administrative et à la condamnation du commissaire de police aux frais de la procédure. Les conditions de l'art. 75 al. 1 let. g LEtr n'étaient pas réunies en l'espèce, de sorte que la mise en liberté de son mandant devait être prononcée.

8. Par jugement du 9 septembre 2016, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 5 septembre 2016 à l’encontre de M. A______ pour une durée d'un mois, soit jusqu'au 5 octobre 2016.

C'était à juste titre que sa réadmission par l'Italie avait été sollicitée par les autorités suisses pour permettre le refoulement de l’intéressé hors de Suisse. À ce jour, toutefois, et selon les explications du représentant du commissaire de police, il n'était pas possible de déterminer avec certitude la procédure applicable à la réadmission de l'intéressé.

Même si la condamnation pour infraction à l'art. 19 al. 1 LStup n'était pas définitive, elle avait trait au trafic de cocaïne. Contrairement au cas examiné par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 2 juin 2016 (ATA/466/2016 du 2 juin 2016), M. A______ n'avait pas eu d'autre choix que de reconnaître l'infraction reprochée puisqu'il avait proposé la transaction à un policier en civil. Par ailleurs, ne disposant d'aucune source de revenu licite, on pouvait aisément admettre qu'il aurait sans aucun doute poursuivi cette activité s'il n'avait pas été interpellé par la police. Il y avait dès lors une probabilité élevée qu'il pourrait récidiver dans un dessein de lucre. Ces circonstances démontraient l'existence d'un risque sérieux qu'il continue à vendre de la cocaïne s'il était remis en liberté, de sorte que sa détention administrative était fondée dans son principe sur la base de l'art. 75 al. 1 let. g LEtr.

L'assurance de son départ de Suisse répondait par ailleurs à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence jusqu'à réception de la réponse italienne ou, en cas de refus de celle-ci, pendant la préparation de la décision sur son séjour.

Sous l'angle de la proportionnalité, d’une part, le retour sur le territoire italien de M. A______ ne pourrait intervenir que lorsque les autorités de cet État auraient formellement communiqué leur acceptation à leurs homologues suisses. D’autre part, l’autorité chargée du renvoi avait agi avec diligence et célérité, dès lors qu’elle avait immédiatement entrepris les démarches utiles en vue d’obtenir l’accord de l’Italie pour la réadmission de M. A______ sur son territoire.

Pour le surplus, aucun élément ne permettait de considérer que l'exécution du renvoi serait impossible pour des raisons matérielles ou juridiques ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 80 al. 6 let. a LEtr).

9. Par acte expédié le 19 septembre 2016 au greffe de la chambre administrative, M. A______ a formé recours contre ce jugement, concluant, « avec suite de frais et dépens », à son annulation et à celle de l’ordre de mise en détention administrative du 5 septembre 2016, ainsi qu’à sa mise en liberté immédiate.

Il n’avait pas formé opposition à l’ordonnance pénale prononcée le
5 septembre 2016.

En ordonnant sa détention en phase préparatoire en dépit de l’absence d’indices concrets permettant de retenir pour l’avenir une grave mise en danger de la vie ou de l’intégrité d’autres personnes, le TAPI avait abusé de son pouvoir d’appréciation et violé l’art. 75 LEtr.

Cette détention n’était absolument pas nécessaire, ni proportionnée.

10. Par courrier du 21 septembre 2016, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative, sans formuler d’observations.

11. Dans sa réponse du même jour, le commissaire de police a contesté les griefs du recourant et conclu au rejet du recours de celui-ci.

12. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

13. Pour le reste, les arguments des parties seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile – c'est-à-dire dans le délai de dix jours – devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr -
F 2 10).

2. Selon l’art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 20 septembre 2016 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

La chambre administrative est en outre compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (art. 10 al. 2
2ème phr. LaLEtr).

3. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1).

4. a. Aux termes de l’art. 75 al. 1 LEtr, afin d’assurer l’exécution d’une procédure de renvoi, l’autorité cantonale compétente peut ordonner la détention pendant la préparation de la décision sur le séjour, pour une durée de six mois au plus, d’un étranger qui n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, de séjour ou d’établissement, pour l’une des raisons suivantes : g. il menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l’objet d’une poursuite pénale ou a été condamné pour ce motif.

L’al. 2 de cette disposition légale précise que l’autorité compétente prend sans délai une décision quant au droit de séjour de la personne mise en détention.

b. L'art. 75 al. 1 let. g LEtr étant calqué sur l'art. 13a let. e de l'ancienne loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers du 26 mars 1931 (aLSEE - RS 142.20), il convient dès lors de s'inspirer de la jurisprudence y relative (arrêt du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012 consid. 4.2 et les références citées).

c. Un étranger menace sérieusement d'autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle au sens de l'art. 75 al. 1 let. g LEtr s'il commet des infractions à l’encontre de la vie et de l'intégrité corporelle
(art. 111 ss CP), contre la liberté (art. 180 ss CP) ou contre l'intégrité sexuelle dès qu'il y a contrainte (art. 189 et 190 CP ; TARKAN GÖKSU, in Martina CARONI/Thomas GÄCHTER/Daniela THURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer [AuG], 2010, n. 22 ad art. 75 LEtr ; Andreas ZÜND, Migrationsrecht, 2ème éd., 2009, n. 10 ad art. 75 LEtr ; Thomas HUGI YAR, Ausländerrecht, 2ème éd., 2009, n. 10.72 p. 458 ss). Sont aussi visées les infractions à la LStup (arrêts du Tribunal fédéral 2A.35/2000 du 10 février 2000 consid. 2b.aa ; 2A.450/1995 du 3 novembre 1995 consid. 5a), en particulier le trafic de drogues dites dures (ATF 125 II 369 consid. 3b.bb ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_293/2012 précité consid. 4.3 et les références citées).

Comme la loi exige une menace sérieuse ou une mise en danger grave de la vie ou de l'intégrité corporelle d'autres personnes, il faut que le comportement répréhensible revête une certaine intensité. Les infractions, y compris en relation avec les stupéfiants, qui apparaissent comme des cas bagatelles ne suffisent pas. Comme la disposition est tournée vers le futur et tend à empêcher que l'étranger continue son comportement dangereux, il faut en outre faire un pronostic pour déterminer si, sur la base des circonstances connues, il existe un risque sérieux que d'autres mises en danger graves se reproduisent (arrêt du Tribunal fédéral 2C_293/2012 précité consid. 4.3 et les références citées).

Un tel pronostic s'impose tout particulièrement en matière de stupéfiants, lorsqu'une procédure pénale a démontré que l'étranger s'est livré à un trafic de drogues dures, mais qui ne portait que sur de faibles quantités ; dans un tel cas de figure, il faut se demander s'il s'agit seulement d'un comportement coupable isolé ou s'il existe un risque que l'intéressé poursuive son trafic. En effet, la détention en phase préparatoire n'est pas d'emblée exclue en présence de petits trafiquants, s'ils présentent un risque de récidive (arrêts du Tribunal fédéral 2C_293/2012 précité consid. 4.3 ; 2A.480/2003 du 26 août 2004 consid. 3.5). Il est fréquent que les petits revendeurs ne soient jamais en possession d'une grande quantité de stupéfiants, ce qui ne les empêche pas de procéder constamment à du trafic, de sorte qu'en peu de temps, ils parviennent à écouler une grande quantité de drogue. Or, un tel comportement constitue une mise en danger grave de la vie ou de l'intégrité corporelle des personnes permettant de justifier une détention en phase préparatoire (ATF 125 II 369 consid. 3b.bb ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_293/2012 précité consid. 4.3 ; 2A.35/2000 précité consid. 2b.bb ; 2A.450/1995 précité consid. 5b). En revanche, celui qui n'a agi que de manière isolée avec une petite quantité de stupéfiants ne représente pas encore un danger grave pour la vie ou l'intégrité corporelle d'autres personnes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_293/2012 précité consid. 4.3 ; 2A.480/2003 précité consid. 3.1 in fine ; 2A.35/2000 précité consid. 2b.bb ; 2A.450/1995 précité consid. 3b).

d. Il en découle qu'un petit dealer condamné une fois pour trafic d'une faible quantité de drogue dure peut tomber sous le coup de l'art. 75 al. 1 let. g LEtr, indépendamment du fait qu'il ne remplit pas les conditions figurant à l'art. 19
al. 2 LStup, lorsque les circonstances dénotent un risque qu'il continue son trafic. Partant, le fait que l'intéressé ait été en possession d'une quantité en elle-même insuffisante, selon la jurisprudence à entraîner l'application de l'art. 19 al. 2
let. a LStup n'est pas pertinent, étant relevé que cette disposition pénale suppose une mise en danger de la santé de nombreuses personnes, alors que l'art. 75 al. 1 let. g LEtr met l'accent sur la gravité de la mise en danger et non sur le nombre de personnes susceptibles d'être touchées (arrêt du Tribunal fédéral 2C_293/2012 précité consid. 4.3).

e. Dans cette mesure, le Tribunal fédéral a jugé que la position de la chambre de céans, qui se fondait sur sa jurisprudence selon laquelle le seul fait que l'intéressé ait été condamné pénalement pour trafic de cocaïne, soit une drogue
« dure », justifiait l'application de l'art. 75 al. 1 let. g LEtr, ne pouvait être suivie. Il ressortait des principes exposés ci-dessus qu'en présence d'un petit dealer n'ayant été condamné qu'une fois pour un trafic d'une faible quantité de stupéfiants (même de drogues dures), il convenait d'examiner l'ensemble des circonstances, afin de former un pronostic sur le risque de réitération. Ce n'était qu'en présence d'indices concrets en ce sens que l'on pouvait retenir pour l'avenir une grave mise en danger de la vie ou de l'intégrité d'autres personnes, ce qui était la condition à une mise en détention en phase préparatoire au sens de l'art. 75 al. 1 let. g LEtr (arrêt du Tribunal fédéral 2C_293/2012 précité consid. 4.5).

5. a. En l’espèce, l’infraction commise le 4 septembre 2016 par le recourant, sans antécédent judiciaire en Suisse, porte sur une relativement faible quantité de drogue dure et rien ne permet de retenir qu’il ne s’agirait pas d’un acte isolé.

Ainsi, indépendamment du fait qu'il ne remplit pas les conditions figurant à l'art. 19 al. 2 LStup, il convient d’examiner, conformément à la jurisprudence, si les circonstances dénotent un risque qu'il continue son trafic, voire menace sérieusement d’autres personnes ou mette gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle d’une autre manière.

b. Tout d’abord, contrairement à ce qu’a considéré le TAPI, on ne voit pas en quoi le fait que le recourant a reconnu l’infraction reprochée, parce qu’il n’aurait pas eu d’autre choix vu la vente faite à un policier en civil, conduirait à pronostiquer un risque plus grand de récidive que s’il l’avait nié. Cette circonstance plaide plutôt en faveur de l’intéressé, qui n’a pas fait opposition à sa condamnation pénale. Le fait que le recourant est resté évasif et peu crédible dans ses déclarations relatives à la source de son approvisionnement en drogue et que son assertion selon laquelle il y avait deux semaines qu’il était en Suisse pour la visiter est contredite par un signalement un peu moins de deux mois auparavant par des gardes-frontière suisses est certes inquiétant mais insuffisant pour retenir à ce stade un risque de récidive, ce d’autant moins qu’il n’y a aucun indice qu’il aurait commis des actes délictueux en Suisse avant son interpellation et son arrestation du 4 septembre 2016. Au demeurant, les circonstances ayant conduit à son arrestation, notamment le fait qu’il a couru derrière la voiture de service des policiers en civil pour proposer de la cocaïne, ne permettent pas en soi de retenir qu’il serait un dealer expérimenté ou plus actif que d’autres.

Certes, il est possible que le recourant, ne disposant d'aucune source de revenu licite, aurait poursuivi l’activité de trafiquant de drogue s'il n'avait pas été interpellé par la police le 4 septembre 2016. La conclusion que tire le TAPI de cette absence de revenus, à savoir une probabilité élevée de récidive dans un dessein de lucre, apparaît néanmoins en l’état prématurée. Dans l’arrêt 2C_293/2012 précité (consid. 4.6), le Tribunal fédéral a certes considéré que le fait que l'intéressé ne disposait d'aucun titre de séjour et qu'il résidait en Suisse de façon illégale, sans source de revenu avérée, contribuait à retenir une probabilité non négligeable qu'il poursuive dans un dessein de lucre des activités délictuelles, comme le trafic de cocaïne ; mais, dans ce cas-là, l’étranger avait, un peu plus de deux mois après une première condamnation, pour infraction à la LStup, été condamné pour violation de domicile et séjour illégal. Or, dans le cas présent, le recourant, prenant peut-être conscience de la gravité des actes commis et de la précarité de sa situation en Suisse, s’est déclaré d’accord et a émis le souhait de retourner le plus rapidement possible en Italie. En outre, comme l’a considéré la chambre de céans dans l’ATA/466/2016 précité (consid. 9) relatif à un cas présentant des similarités avec la présente situation, il jouit en principe d'un statut légal en Italie et n'est donc pas voué à rester, démuni de toute ressource, à Genève, soit dans une situation où il n'aurait guère d'autre possibilité que de se livrer à des activités illicites pour satisfaire à ses besoins élémentaires.

Par ailleurs, on ignore sur quels faits ou indices se sont fondés les
gardes-frontière le 14 juillet 2016 pour soupçonner l’intéressé « d’avoir commis des infractions graves ou d’en préparer ». Cette circonstance est d’autant moins suffisante pour retenir un risque de récidive qu’ils ont autorisé le recourant à poursuivre son voyage en Suisse, apparemment sans autre mesure.

De plus, si on peut certes s’interroger sur les raisons de la détention par l’intéressé de cinq téléphones portables au moment de son arrestation, il n’en demeure pas moins que ceux-ci ne sont pas signalés volés dans la base de données de la police et que rien ne permet de retenir qu’ils aient été volés.

Enfin, l’arrêt cité par l’intimé (RDAF 1997 I 34) concernait une toute autre situation, soit celle de l'art. 13b al. 1 let. c aLSEE, selon lequel l'autorité cantonale pouvait ordonner la mise en détention d'une personne lorsque celle-ci faisait l'objet d'une décision de renvoi ou d'expulsion prise en première instance et dûment notifiée et lorsque des indices concrets faisaient craindre qu'elle entendait se soustraire au refoulement.

c. Dès lors, en l'absence d'indices concrets permettant de retenir pour l'avenir une grave mise en danger de la vie ou de l'intégrité d'autres personnes, l'art. 75
al. 1 let. g LEtr ne pouvait fonder une détention administrative, et aucun autre motif de détention n'est invoqué par l’intimé.

6. Vu ce qui précède, le recours sera admis. Le jugement querellé sera annulé. La détention administrative sera levée et l’intéressé remis en liberté avec effet immédiat.

Il n’en demeure pas moins qu’en cas de toute nouvelle infraction, le recourant serait susceptible de se voir imputer un risque de récidive ainsi qu’une menace sérieuse pour d’autres personnes ou une grave mise en danger de leur vie ou de leur intégrité corporelle pouvant justifier une détention administrative au sens de l’art. 75 al. 1 let. g LEtr.

7. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA- E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, une indemnité de procédure de CHF 1’000.- sera allouée au recourant, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 septembre 2016 par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
9 septembre 2016 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 septembre 2016 ;

lève la détention administrative de M. A______ ;

ordonne la mise en liberté immédiate de M. A______ ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à M. A______ une indemnité de procédure de CHF 1’000.- à la charge de l'État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alexandre Böhler, avocat du recourant, au commissaire de police, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'à la maison d'arrêt de Favra, pour information.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :