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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1814/2013

ATA/857/2014 du 04.11.2014 ( AMENAG ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT FONCIER RURAL ; CHAMP D'APPLICATION(EN GÉNÉRAL) ; ZONE À BÂTIR ; ZONE DE DÉVELOPPEMENT ; CHANGEMENT DE PRATIQUE
Normes : LDFR.2.al1 ; LAT.15 ; LaLAT.12.al4 ; LGZD.2 ; RaLDFR.10A
Parties : COEN DANIELLE, HERZOG MARGUERITE ET GAON NESSIM, HERZOG Marguerite, GAON Nessim / COMMISSION FONCIERE AGRICOLE, ETAT DE GENEVE, GAON David
Résumé : Question de l'assujettissement à la LDFR d'un immeuble sis en zone de développement à construire avec zone primaire agricole. L'ancienne pratique de l'autorité intimée, exigeant que la parcelle soit au bénéfice d'un arrêté d'application des normes de la zone de développement pour la constatation de son non-assujettissement à la LDFR, était conforme au droit, contrairement à la nouvelle pratique. Le changement de pratique, consistant à considérer comme suffisant un plan modifiant les limites de zone et instituant une zone de développement, motivé de manière peu convaincante, n'est pas justifié par un changement de droit ou de circonstances, ni motivé par un intérêt public. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1814/2013-AMENAG ATA/857/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 novembre 2014

 

dans la cause

 

Madame Danielle COEN
Monsieur Nessim GAON
Madame Marguerite HERZOG
représentés par Me Michel Valticos, avocat

contre

COMMISSION FONCIÈRE AGRICOLE

ÉTAT DE GENÈVE
représenté par Me Laurent Marconi, avocat

Monsieur David GAON
représenté par Me Jean-Jacques Martin, avocat



EN FAIT

1) Le 12 mars 1987, le Grand Conseil a adopté la loi no 5'888 modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Cologny (ci-après : la commue), créant une zone de développement 5 sur la parcelle no 1'651, conformément au plan no 27'834-516 dressé le 18 février 1986.

2) Le 7 juillet 1988, Madame Danielle COEN, Monsieur David GAON, Monsieur Nessim GAON et Madame Marguerite HERZOG (ci-après : les consorts GAON) ont acquis en propriété commune la parcelle no 1'651, située en partie en zone de construction cinq (zone villas), en zone agricole et en zone agricole de développement cinq.

3) Le 8 juillet 1988, les consorts GAON ont grevé une partie de leur parcelle d’un droit de superficie en leur faveur, immatriculé au registre foncier (ci-après : RF) au feuillet no 1'653 de la commune, et ont constitué sur ce droit une cédule hypothécaire au porteur de CHF 10'500'000.-, remise en main de la Banque Cantonale de Genève (ci-après : BCGE) en garantie d’un crédit accordé pour l’acquisition de la parcelle.

4) Par décision du 28 octobre 1996, la commission foncière agricole (ci-après : CFA) a autorisé la division de la parcelle no 1'651 en quatre sous-parcelles nos 1'651 A, 1'651 B, 1'651 C et 1'651 D selon le tableau de mutation no 48/1989 et a constaté le non-assujettissement de la parcelle no 1'651 B à la loi sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11) ainsi que l’assujettissement des parcelles nos 1'651 A et D à la même loi.

5) Par acte du 5 septembre 1997, déposé au RF le 15 septembre 1997, les consorts GAON ont procédé à la division de la parcelle, les sous-parcelles nos 1'651 A, 1'651 B, 1'651 C et 1'651 D devenant respectivement, après l’opération, les parcelles nos 1'931, 1'932, 1'933 et 1'934. Par le même acte, d’entente avec la BCGE, ils ont également convenu d’éteindre par novation la cédule hypothécaire au porteur grevant le droit de superficie no 1'653, radié, pour la remplacer par deux cédules de même nature de CHF 10'461'900.- et CHF 38'100.-, la première grevant collectivement les parcelles nos 1'932 et 1'933 et la seconde les parcelles nos 1'931 et 1'934.

L’acte notarié précisait que le non-assujettissement de la parcelle n1'932 (1'651 B) avait été constaté, que les parcelles nos 1'931 (1'651 A) et 1'934 (1'651 D) étaient situées en zone agricole et restaient soumises au droit foncier rural, et que la parcelle no 1'933 (1'651 C) était située en zone cinq.

6) Suite à la division, l’entier de la parcelle n1'932, d’une superficie de 4'267 m2 se trouvait en zone agricole de développement cinq, à l’exception du chemin d’accès, en zone agricole. Environ un quart de la parcelle no 1'933, d’une surface totale de 6'375 m2, se trouvait en zone cinq et approximativement trois quarts en zone agricole de développement cinq.

7) Le 1er juin 2005, la Fondation de valorisation des actifs de la BCGE (ci-après : la fondation), en main de laquelle se trouvaient les cédules hypothécaires grevant les parcelles nos 1'932 et 1'933 ainsi que nos 1'931 et 1'934, a requis la poursuite en réalisation de ses gages mobiliers à l’encontre des consorts GAON.

8) Par requête du 30 mai 2007, les consorts GAON ont demandé à la CFA de désassujettir de la LDFR les parcelles nos 1'933 et 1'934, leur requête intervenant dans le cadre d’une vente de ces parcelles avec projet de construction.

9) Par ordonnance préparatoire du 4 juillet 2007, la CFA a invité les consorts GAON à lui remettre l’autorisation de construire entrée en force délivrée pour la parcelle n1'933.

Pour pouvoir désassujettir la parcelle n1'933, qui se trouvait partiellement en zone agricole de développement cinq et en zone cinq, ils devaient démontrer que les conditions de l’art. 10A du règlement d’exécution de la loi d’application de la LDFR du 26 janvier 1994 (RaLDFR - M 1 10.01) étaient réalisées, soit que l’immeuble était bâti, au bénéfice d’une autorisation de construire entrée en force ou inclus dans un plan localisé de quartier. La parcelle n1'934 se trouvait pour l’essentiel en zone agricole et ne pouvait être désassujettie.

10) Par expertises du 19 novembre 2007, Monsieur Éric CHATELAIN, mandaté par l’office des poursuites (ci-après : OP) dans le cadre des poursuites initiées par la fondation, a estimé la valeur vénale des parcelles nos 1'932 et 1'933 à respectivement CHF 4'800'000.- et CHF 7'200'000.-.

En relation avec la parcelle no 1'932, il a relevé que la mention d’absence d’assujettissement à la LDFR n’avait pas d’influence sur la valeur vénale, le terrain étant situé en zone de développement cinq, soit une zone résidentielle destinée aux villas.

11) Par décision du 22 avril 2008, la CFA a autorisé la division de la parcelle n1'933 en deux sous-parcelles, nos 1'933 A et 1'933 B, conformément au tableau de mutation n12/2008, et a débouté les consorts GAON de leur demande en désassujetissement de la sous-parcelle n1'933 A.

La sous-parcelle n1'933 A ne pouvait être désassujettie dans la mesure où aucune autorisation de construire entrée en force n’avait été délivrée.

12) Par expertises du 8 mai 2008, Monsieur François HILTBRAND, mandaté par l’OP suite à une demande de nouvelle expertise des consorts GAON, a estimé la valeur vénale des parcelles nos 1'931 et 1'934 ainsi que 1'932 et 1'933 à respectivement CHF 360'000.-, CHF 55'000.-, CHF 9'200'000.- et CHF 15'600'000.-.

Dans le cadre de son estimation des parcelles nos 1'932 et 1'933, il a retenu que les terrains se trouvaient en zone à bâtir, en zone de développement cinq.

13) Par décision du 25 juin 2008 (DCSO/238/2008), la commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites, devenue le 1er janvier 2011 l’autorité de surveillance des offices des poursuites et des faillites puis, le 27 septembre 2011, la chambre de surveillance de la Cour civile de la Cour de justice, a fixé à CH 9'200'000.- la valeur d’estimation de la parcelle n1'932 et à CHF 15'600'000.- celle de la parcelle n1'933.

Elle a retenu qu’ils étaient « [s]itués en zone à bâtir, en zone 5 de développement ».

14) Par acte des 27 août et 8 septembre 2008, les consorts GAON ont convenu de diviser la parcelle n1'933 en deux nouvelles parcelles, nos 2'238 (1'933 A), d’une superficie de 6'307 m2 et sur laquelle la cédule hypothécaire au porteur était reportée, et 1'933 B, d’une superficie de 55 m2 et cédée à la commune pour être immédiatement réunie au domaine public communal.

15) Par décision du 8 décembre 2009, la CFA a fixé la valeur de rendement des parcelles nos 1'931, 1'933 et 1'934 à CHF 47'247.- et la charge maximale à CHF 63'783.-.

16) Le 1er janvier 2010, l’État de Genève a succédé à la fondation.

17) Le 21 janvier 2010, la division de la parcelle n1'933 a été exécutée, la sous-parcelle n1'933 A devenant la parcelle n2'238.

18) Par courrier du 28 février 2011, en réponse à un courrier de l’OP du 21 décembre 2010, la CFA a expliqué à ce dernier que si les conditions de l’art. 10A RaLDFR n’étaient pas réalisées, l’immeuble était assujetti à la LDFR. Dans un tel cas, seul un exploitant agricole ou une personne répondant aux critères des art. 64 et 65 LDFR, notamment le créancier-gagiste, pouvait acquérir l’immeuble. Lors de la division de la parcelle n1'933, le gage aurait dû être reporté sur les parcelles nos 1'932 et 1'933 B pour le montant dépassant la charge maximale.

19) Le 8 juin 2011, l’OP a fait paraître dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève le placard de vente immobilière des parcelles nos 1'932 et 2'238.

À teneur de l’annonce, la parcelle no 2'238 était située en zone cinq et en zone agricole de développement cinq et elle était soumise à la LDFR.

20) Par arrêt du 6 mars 2012 (ATA/124/2012), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a déclaré irrecevable le recours de l’État de Genève contre la décision de l’OP et/ou de la CFA constatant l’assujettissement à la LDFR de la parcelle no 2'238, résultant du placard de vente publié le 8 juin 2011 et/ou des courriers des 21 décembre 2010 et 28 février 2011.

En tant qu’il était dirigé contre le placard de vente, le recours était formé auprès d’une juridiction incompétente. Il en allait de même pour le courrier de l’OP du 21 décembre 2010, qui n’était par ailleurs pas une décision, tout comme le courrier de la CFA du 28 février 2011.

21) Par requête du 22 mars 2012, l’État de Genève a demandé à la CFA de constater le non-assujettissement à la LDFR de la parcelle n2'238.

Ni la fondation, ni l’État de Genève n’avaient été parties aux procédures ayant abouti aux décisions de la CFA. La force de chose décidée ne pouvait lui être opposée. Par ailleurs, les décisions de la CFA du 28 octobre 1996, du 22 avril 2008 et du 10 (recte : 8) décembre 2009 étaient contradictoires quant à l’assujettissement de la parcelle n2'238 et n’étaient motivées que de manière laconique, de sorte que la CFA devait tout au moins entrer en matière sur une demande de reconsidération.

À l’exception des immeubles faisant partie d’une entreprise agricole et ceux situés seulement en partie dans une zone à bâtir, les immeubles situés en zone à bâtir n’étaient pas soumis à la LDFR. Du fait du critère de l’affectation, les zones de développement devaient être classées dans les zones à bâtir et n’étaient dès lors pas assujetties au droit foncier rural.

Selon l’art. 10A RaLDFR a contrario, le notaire n’avait pas la compétence de constater le non-assujettissement si les conditions de cet article n’étaient pas remplies. Cela n’impliquait pas l’absence de compétence de la CFA. Cet article réglait uniquement la compétence et non le fond pour déterminer l’assujettissement ou non à la LDFR.

La demande de 1996 n’était pas une simple demande de désassujettissement, mais une demande d’autorisation de division de la parcelle no 1'651, visant à séparer ce qui était assujetti à la LDFR et ce qui était constructible de ce qui ne l’était pas. La seule interprétation cohérente de la décision de la CFA du 28 octobre 1996 reposait sur le postulat selon lequel le classement en zone de développement constructible d’une zone agricole avait pour effet de sortir les immeubles concernés du champ d’application de la LDFR. La répartition de la charge maximale était révélatrice de ce que tous les intéressés considéraient de l’assujettissement des parcelles créées par la division de la parcelle n1'651. Seules les parcelles nos 1'931 et 1'934 demeuraient assujetties. La parcelle n1'933 ne l’était manifestement pas, se trouvant en totalité en zone constructible cinq ordinaire et de développement. La parcelle n1'932 n’était quant à elle pas automatiquement désassujettie, comportant un chemin de 362 m2 en zone agricole, de sorte qu’une décision formelle de désassujettissement s’imposait pour permettre la répartition des gages sollicitée. La décision de la CFA du 28 octobre 1996 emportait donc reconnaissance automatique et implicite du désassujettissement de la parcelle n1'933. Ce raisonnement était confirmé par l’acte notarié de division, indiquant que la parcelle n1'933 était située en zone cinq. L’absence de réalisation des conditions de l’art. 10A RaLDFR n’avait pas empêché le désassujettissement de la parcelle n1'932.

Le principe de l’égalité de traitement imposait une constatation du non-assujettissement de la parcelle n2'238 à la LDFR. Les parcelles nos 1'932 et 2'238 étaient contiguës et rigoureusement semblables. La parcelle no  2'238 était en zone agricole de base que pour trois-quarts, alors que la parcelle n1'932 l’était presque intégralement sous réserve de 361 m2 de zone agricole ordinaire. La parcelle n2'238 était presque entièrement entourée de parcelles en zone à bâtir, à l’exception de la parcelle no1'934, tandis que la parcelle n1'932 était bordée à moitié de parcelles en zone agricole non constructibles.

22) Par ordonnance préparatoire du 28 août 2012, la CFA a considéré la requête comme une demande de reconsidération, l’a déclarée recevable et a appelé en cause les consorts GAON.

La CFA modifiait sa pratique, consistant à exiger que la parcelle reste soumise aux normes de la zone primaire tant que le Conseil d’État n’avait pas pris un arrêté d’application des normes de la zone de développement, et considérait qu’un plan modifiant les limites de zone et instituant une zone de développement était un plan d’affectation au sens de l’art. 10A al. 1 let. c RaLDFR. La parcelle n2'338 étant au bénéfice d’un plan de modification des limites de zone, il fallait considérer qu’elle n’était plus assujettie à la LDFR.

23) Par décision du 20 novembre 2012, la CFA a prononcé le désassujettissement de la parcelle n2'238 de la LDFR.

Les consorts GAON ne s’étaient pas déterminés dans le délai imparti.

24) Par courrier du 6 février 2013, Mme COEN, M. N. GAON et Mme HERZOG ont demandé à la CFA de révoquer cette décision et statuer à nouveau après respect de leurs droits procéduraux.

Ni l’ordonnance préparatoire du 28 août 2012, ni la décision du 20 novembre 2012 ne leur avaient été notifiées, de sorte qu’elles n’étaient pas valablement entrées en force.

25) Par décision du 19 février 2013, la CFA a révoqué sa décision du 20 novembre 2012.

Après vérification, il s’avérait que l’ordonnance préparatoire du 28 août 2012 et la décision du 20 novembre 2012 avaient été mal acheminées.

26) Par ordonnance préparatoire du même jour, la CFA a appelé en cause les consorts GAON, reprenant sa motivation du 28 août 2012.

27) Dans leurs déterminations du 15 mars 2013, Mme COEN, M. N. GAON et Mme HERZOG ont conclu au rejet de la demande de reconsidération de l’État de Genève et au constat de l’assujettissement de la parcelle no 2'338 à la LDFR.

Les zones de développement ne créaient pas des zones ordinaires, mais des zones de transition, permettant de maîtriser le passage d’une zone ordinaire à l’autre. Aussi longtemps que le Conseil d’État ne prenait pas un arrêté d’application des normes de la zone de développement à la parcelle considérée, en vertu d’un projet précis, cette parcelle restait soumise aux normes de sa zone primaire. La zone de base de la parcelle n2'338 était, pour sa partie supérieure, la zone agricole, pour une surface supérieure à 2'500 m2, de sorte qu’elle était en l’état soumise à la LDFR.

Dans sa décision du 4 juillet 2007 (recte : ordonnance préparatoire du 4 juillet 2007 ou décision du 22 avril 2008), la CFA avait considéré que tant qu’une parcelle située en zone agricole de développement cinq et en zone cinq n’était pas au bénéfice d’un arrêté du Conseil d’État ou d’une autorisation de construire entrée en force, la parcelle devait être considérée comme agricole et soumise à la LDFR. Cette pratique avait été confirmée par courriers de la CFA à l’OP des 21 décembre 2010 et 28 février 2011. Cette pratique, établie depuis de nombreuses années, comportait un élément normatif qui permettait de la considérer comme une source de droit, sur laquelle les administrés pouvaient se fonder, de sorte que seul un changement de circonstances pouvait justifier sa modification. Il n’existait aucun élément nouveau depuis la décision de la CFA du 4 juillet 2007. La pratique, conforme à la législation fédérale et cantonale, devait être maintenue.

28) Dans ses observations du 15 mars 2013, M. D. GAON a conclu à ce qu’il lui soit donné acte qu’il s’en rapportait à justice, compte tenu de la complexité de la situation.

Il a soutenu la même argumentation que Mme COEN, M. N. GAON et Mme HERZOG.

29) Par décision du 23 avril 2013, expédiée le 7 mai 2013, la CFA a constaté le non-assujettissement de la parcelle no 2'238 à la LDFR.

Le changement de pratique reposait sur le constat que le maintien de l’assujettissement à la LDFR des terrains sis en zone de développement jusqu’au prononcé d’un arrêté par le Conseil d’État bloquait tous les projets de développement sur ces parcelles sans que cela ne soit justifié par les buts de protection de la LDFR. Un propriétaire d’une parcelle sise en zone de développement ne la vendrait pas à un exploitant à titre personnel pour le prix maximum licite. La pratique montrait que tant qu’une autorisation de construire n’était pas définitive, la parcelle continuait à être exploitée.

30) Par acte du 7 juin 2013, Mme COEN, M. N. GAON et Mme HERZOG ont recouru auprès de la chambre administrative contre cette décision, concluant à son annulation, au constat de l’assujettissement de la parcelle no 2'238 à la LDFR et à l’allocation d’une indemnité de procédure.

Ils ont repris et précisé l’argumentation développée précédemment.

L’argument de la CFA pour un changement de pratique ne reposait pas sur une modification des circonstances extérieures, ni sur un changement de conception juridique, ni sur l’évolution des mœurs, ni sur des raisons sérieuses et objectives. Il s’agissait uniquement d’une appréciation de la CFA. Aucune raison ne justifiait une modification de sa pratique.

31) Dans ses déterminations du 23 juillet 2013, accompagnées de son dossier, la CFA a persisté dans sa décision et conclu au rejet du recours.

Elle s’est référée à l’ordonnance préparatoire du 19 janvier 2013.

La CFA avait changé sa pratique pour des raisons sérieuses et objectives exposées dans sa décision.

32) Par réponse du 28 juin 2013, l’État de Genève a conclu principalement à l’irrecevabilité du recours et subsidiairement à son rejet et à la confirmation de la décision attaquée, ainsi qu’à l’allocation d’une indemnité de procédure.

Il a repris et complété son argumentation précédente.

La décision de la CFA, constatant le désassujettissement total de la parcelle no 2'238, avait pour effet de confirmer la valeur élevée de cette dernière, alors qu’un refus aurait signifié une dévalorisation substantielle. Mme COEN, M. N. GAON et Mme HERZOG n’étant pas exploitants agricoles, ils n’étaient pas lésés par la décision, ce que confirmait le fait qu’ils avaient déjà tenté d’obtenir le constat du désassujettissement. Leur attitude était contraire à la bonne foi et leur changement de position s’expliquait uniquement par une volonté de retarder la réalisation forcée et vouloir dévaloriser le gage, ce qui ne constituait pas des intérêts dignes de protection. Ils n’alléguaient ni ne démontraient avoir un tel intérêt.

33) Par courrier du 17 juin 2013, M. D. GAON s’en est rapporté à justice .

34) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces deux points de vue (art. 13 de la loi d’application de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 16 décembre 1993 - LaLDFR - M 1 10 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L’État de Genève contestant l’existence d’un intérêt digne de protection et seuls trois des quatre propriétaires en main commune de la parcelle en cause ayant interjeté recours, il convient d’examiner la qualité pour recourir des recourants.

a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure ayant abouti à la décision attaquée (let. a), ainsi que toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b).

b. Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/486/2014 du 24 juin 2014 consid. 2b ; ATA/193/2013 du 26 mars 2013 consid. 2b ; ATA/281/2012 du 8 mai 2012 consid. 8 et les références citées).

c. Le recourant doit être touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés, et l’intérêt invoqué - qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait - doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 p. 164 ; 137 II 40 consid. 2.3 p. 43 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 1.2). Il faut donc que l’admission du recours procure au recourant un avantage pratique et non seulement théorique, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 134 II 120 consid. 2 p. 122 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_152/2012 précité consid. 2.1 ; 8C_696/2011 du 2 mai 2012 consid. 5.1 ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009 consid. 3b ; ATA/207/2009 du 28 avril 2009 consid. 3b). Un intérêt seulement indirect à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée n’est pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4 p. 296 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid. 3.1).

d. Selon la jurisprudence, l'art. 84 LDFR permet au propriétaire de faire constater, par l'autorité compétente, que l'immeuble considéré n'est pas soumis au champ d'application de la LDFR (ATF 139 III 327 consid. 2 p. 329 ; 132 III 515 consid. 3.3.2 p. 519 ; 129 III 186 consid. 2 p. 189).

e. D'après la jurisprudence fédérale, si la notion de consorité nécessaire n'existe pas, à proprement parler, en procédure administrative, les principes qui la fondent jouent également, dans une certaine mesure, un rôle dans cette matière, notamment sous l'angle de la qualité pour recourir (ATF 131 I 153 consid. 5.4 p. 160 ; ATA/394/2013 du 25 juin 2013 consid. 8).

La qualité pour recourir se détermine néanmoins au premier chef sur l'existence d'un intérêt digne de protection, de sorte qu’il est possible que des consorts nécessaires au sens du droit civil possèdent individuellement la qualité pour recourir en procédure administrative (ATA/394/2013 précité consid. 8 ; Clémence GRISEL RAPIN, L'obligation de collaborer des parties en procédure administrative, 2008, p. 141 ; François BELLANGER, La qualité de partie à la procédure administrative in Thierry TANQUEREL/François BELLANGER, Les tiers dans la procédure administrative, 2004, p. 33-56, p. 52 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2000, p. 141). C'est ainsi que même des hoirs ou des propriétaires en main commune peuvent recourir à titre individuel contre une décision qui crée des droits ou des obligations, n'étant obligés d'agir tous ensemble que lorsque le recours est susceptible de léser ou de mettre en péril les intérêts d'autres membres de la communauté (ATF 119 Ib 56 consid. 1 p. 58 ;
116 Ib 447 consid. 2b p. 450 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_278/2001 du 17 avril 2012 consid. 1.2 ; ATA/394/2013 précité consid. 8 ; Alfred KÖLZ/Isabelle HÄNER/Martin BERTSCHI, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 3ème éd., 2013, n. 935).

f. En l’espèce, selon l’État de Genève, le désassujettissement de la parcelle ayant pour effet de confirmer la valeur élevée de la parcelle en cause et les recourants n’étant pas exploitants agricoles, ces derniers auraient pour seul intérêt à recourir le fait de retarder la réalisation forcée et de dévaloriser le gage, de sorte qu’ils n’auraient pas d’intérêt digne de protection.

L’on ne peut toutefois suivre ce raisonnement. Tout comme le propriétaire d’une parcelle a la qualité pour demander à la CFA de rendre une décision en constatation du non-assujettissement de son terrain, il a la qualité pour s’opposer à une telle décision, qui affecte le régime juridique applicable à son immeuble et le touche ainsi plus que quiconque, dans ses prérogatives de propriétaire. En particulier, du fait d’une éventuelle influence sur la valeur de la parcelle, une telle décision est notamment susceptible d’avoir des incidences en matière fiscale ou successorale. Dans ces circonstances, les recourants ont un intérêt digne de protection à recourir et la question de leur bonne foi, ayant demandé le désassujettissement en 2007 pour ensuite s’y opposer en 2013, ne se pose plus.

Par ailleurs, dans le cas d’espèce, seuls trois des quatre propriétaires en main commune ont interjeté recours contre la décision de la CFA afin de s’opposer à la constatation du non-assujettissement à la LDFR. Le quatrième s’en est toutefois rapporté à justice dans ses déterminations, après avoir développé une argumentation identique à celle des recourants. Le recours n’est dès lors pas susceptible de mettre en cause ses intérêts en tant que membre de la communauté. Les recourants pouvaient donc agir à titre individuel contre la décision attaquée, l’assujettissement ou non à la LDFR allant de pair avec l’existence ou l’absence d’obligations découlant de cette loi.

Au vu de ce qui précède, les recourants ont la qualité pour recourir et le recours doit être déclaré recevable.

3) Le présent litige porte sur la conformité au droit de la décision de la CFA constatant le non-assujettissement de la parcelle no 2'238 de la commune à la LDFR.

4) Les recourants font grief à l’autorité intimée d’avoir changé de pratique sans motifs sérieux et objectifs et alors que l’ancienne pratique était conforme au droit.

Selon la jurisprudence, pour être compatible avec le principe de la bonne foi découlant des art. 8 et 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), un changement de pratique administrative doit reposer sur des motifs sérieux et objectifs, c'est-à-dire rétablir une pratique conforme au droit, mieux tenir compte des divers intérêts en présence ou d'une connaissance plus approfondie des intentions du législateur, d'un changement de circonstances extérieures, de l'évolution des conceptions juridiques ou des mœurs. Les motifs doivent être d'autant plus sérieux que la pratique suivie jusqu'ici est ancienne. À défaut, elle doit être maintenue (ATF 135 I 79 consid. 3 p. 82 ; 132 III 770 consid. 4 p. 777 ; 127 I 49 consid. 3c p. 52 ; 127 II 289 consid. 3a p. 292 s. et les références citées).

5) a. La LDFR a pour but d'encourager la propriété foncière rurale et en particulier de maintenir des entreprises familiales comme fondement d'une population paysanne forte et d'une agriculture productive, orientée vers une exploitation durable du sol, ainsi que d'améliorer les structures, de renforcer la position de l'exploitant à titre personnel, y compris celle du fermier, en cas d'acquisition d'entreprises et d'immeubles agricoles, de lutter contre les prix surfaits des terrains agricoles (art. 1 al. 1 LDFR).

b. La LDFR s'applique aux immeubles agricoles isolés ou aux immeubles agricoles faisant partie d'une entreprise agricole qui sont situés en dehors d'une zone à bâtir au sens de l'art. 15 de la loi sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) et dont l'utilisation agricole est licite (art. 2 al. 1 LDFR). Elle s'applique en outre aux immeubles situés en partie dans une zone à bâtir, tant qu'ils ne sont pas partagés conformément aux zones d'affectation (art. 2 al. 2 let. c LDFR). Elle ne s'applique pas aux immeubles de moins de quinze ares pour les vignes, ou de moins de vingt-cinq ares pour les autres terrains, qui ne font pas partie d'une entreprise agricole (art. 2 al. 3 LDFR).

c. Les zones à bâtir comprennent les terrains propres à la construction qui sont déjà largement bâtis ou seront probablement nécessaires à la construction dans les quinze ans à venir et seront équipés dans ce laps de temps (art. 15 LAT, dans sa teneur jusqu’au 30 avril 2014).

La zone à bâtir au sens de l'article 15 LAT est une notion de droit fédéral. Les cantons ne peuvent ni l'étendre, ni la restreindre (art. 49 Cst.). Elle comprend les diverses formes et utilisations de l'espace par la construction, et prend en droit cantonal autant de dénominations qu'il est nécessaire pour définir les différenciations appropriées - zone d'habitation, zone de village, zone de villas, zone centrale, zone de chalets, zone de maisons de vacances, zone hôtelière, zone de constructions d’intérêt public, zone industrielle, zone artisanale, zone d’activités, etc. On est en présence d’une zone à bâtir si l’affectation principale d’une zone permet qu’on y érige régulièrement des constructions qui n’ont rien à voir avec l’exploitation du sol (avant tout avec l’agriculture), ou dont la destination ne nécessite pas qu’elles soient installées dans un lieu déterminé (Alexandre FLÜCKIGER/Stéphane GRODECKI, Commentaire de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, 2010, n. 5 s. ad art. 15).

d. Le droit cantonal peut prévoir d’autres zones d’affectation que les zones à bâtir, les zones agricoles et les zones à protéger (art. 18 al. 1 LAT). Il peut régler le cas des territoires non affectés ou de ceux dont l’affectation est différée (art. 18 al. 2 LAT).

6) a. Pour déterminer l’affectation du sol sur l’ensemble du territoire cantonal, celui-ci est réparti en zones, dont les périmètres sont fixés par des plans annexés à loi d’application de la LAT du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30 ; art. 12 al. 1 LaLAT). Les zones sont de trois types : les zones ordinaires, les zones de développement et les zones protégées (art. 12 al. 2 LaLAT). Les zones ordinaires ont pour objet de définir l’affectation générale des terrains qu’elles englobent (art. 12 al. 3 LaLAT). En vue de favoriser l’urbanisation, la restructuration de certains territoires, l’extension des villages ou de zones existantes, la création de zones d’activités publiques ou privées, le Grand Conseil peut délimiter des périmètres de développement, dits zones de développement, dont il fixe le régime d’affectation. À l’intérieur de ces périmètres, le Conseil d’État peut, en vue de la délivrance d’une autorisation de construire, autoriser le département à faire application des normes résultant de la zone de développement, en lieu et place de celles de la zone à laquelle elle se substitue (art. 12 al. 4 LaLAT).

b. Parmi les zones ordinaires figurent les zones à bâtir, dont la cinquième zone, correspondant à une zone résidentielle destinée aux villas (art. 19 al. 3 LaLAT).

c. Les zones de développement sont régies par la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35 ; art. 30 LaLAT). Les dispositions de la LGZD fixent les conditions applicables à l’aménagement et l’occupation rationnelle des zones de développement affectées à l’habitat, au commerce et aux autres activités du secteur tertiaire, ainsi que les conditions auxquelles le Conseil d’État peut autoriser l’application des normes d’une telle zone. Le Conseil d’État peut également autoriser des activités artisanales dans les zones de développement précitées lorsqu’elles ne sont pas susceptibles de provoquer des inconvénients graves pour le voisinage ou le public (art. 1 LGZD). La délivrance d’autorisations de construire selon les normes d’une zone de développement est subordonnée, sous réserve des demandes portant sur des objets de peu d’importance ou provisoires, à l’approbation préalable par le Conseil d’État d’un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ), assorti d’un règlement
(art. 2 al. 1 let. a LGZD), et des conditions particulières applicables au projet, sauf pour des demandes portant sur des objets à édifier dans les périmètres de développement de la cinquième zone résidentielle (art. 2 al. 1 let. b LGZD). En dérogation à l’art. 2 al. 1 let. a LGZD, le Conseil d'État peut, après consultation du Conseil administratif ou du maire de la commune, renoncer à l'établissement d'un PLQ dans les périmètres de développement de la cinquième zone résidentielle (art. 2 al. 2 let. c LGZD).

7) a. Le notaire peut constater qu’une transaction portant sur un immeuble situé en zone de développement, dont la zone ordinaire est agricole, n’est pas assujettie à la loi si l’immeuble est bâti, s’il est au bénéfice d’une autorisation de construire entrée en force ou s’il est inclus dans un PLQ ou d’autres plans d’affectation approuvés par le Conseil d’État et entrés en force (art. 10A al. 1 RaLDFR).

b. Dans un arrêt non publié, le Tribunal fédéral a indiqué ce qui suit : « le recourant invoque l'égalité de traitement. Il se réfère à la parcelle no 2'800, qui a été classée en zone à bâtir (« zone de développement 4B protégée ») alors qu'elle est libre de toute construction et qu'elle n'aurait pas perdu sa vocation agricole » (arrêt du Tribunal fédéral 1C_417/2009 du 21 janvier 2010 consid. 5).

Contrairement à ce que soutient l’État de Genève, cet arrêt ne traite pas de la qualification de la zone de développement constructible, avec zone primaire agricole, durant la phase s’étirant entre l’adoption de la zone de développement par le Grand Conseil et l’approbation du PLQ et des conditions particulières par le Conseil d’État. En effet, dans cette affaire, le recourant contestait le classement de seulement une partie de sa parcelle en zone de développement 4B, concluant à ce que l’entier de sa parcelle soit classée en « zone à bâtir ». L’objet du litige portait ainsi sur le classement de la parcelle, sans que la question du moment du changement du régime juridique de la parcelle en raison de son classement en zone de développement ne soit abordée.

8) En l’espèce, la CFA a indiqué changer de pratique car son ancienne pratique, maintenant l’assujettissement à la LDFR, bloquait les projets de développements des parcelles sises en zone de développement sans que cela ne soit justifié par la LDFR.

Toutefois, il ressort des textes tant de la LaLAT que de la LGZD que la délimitation d’une zone de développement par le Grand Conseil ne suffit pas à elle seule pour l’application des normes de la zone de développement. Ces dernières ne sont applicables qu’après autorisation du Conseil d’État ou renonciation à ce dernier à l’établissement d’un PLQ. Les normes de la zone primaire restent donc applicables à la zone de développement constructible aussi longtemps que le Conseil d’État n’a pas autorisé leur application en approuvant un PLQ, assorti d’un règlement, et les conditions particulières applicables au projet ou renonciation à l’établissement d’un PLQ. Ainsi, un terrain en zone agricole de développement demeure soumis aux normes applicables à la zone agricole jusqu’à autorisation d’application des normes de la zone de développement par le Conseil d’État ou renonciation à l’établissement d’un PLQ. Préalablement à cette autorisation ou renonciation, il continue dès lors à être situé hors zone à bâtir et rentre dans le champ d’application de la LDFR, à laquelle il reste assujetti.

La lettre de l’art. 10A al 1 RaLDFR confirme cette interprétation, en exigeant que le bâtiment soit bâti, au bénéfice d’une autorisation de construire entrée en force ou inclus dans un PLQ ou d’autres plans d’affectation approuvés par le Conseil d’État.

Cette interprétation du droit cantonal est en harmonie avec la définition de droit fédéral de la zone à bâtir faite par la LAT. Elle est également en harmonie avec le système de la LDFR, qui assujettit au droit foncier rural les immeubles situés à cheval dans une zone à bâtir et hors zone à bâtir.

En conséquence, l’ancienne pratique de la CFA était conforme à la loi, alors même que la nouvelle pratique se heurte au texte légal, laquelle n’est par ailleurs par justifiée par un changement de droit ou de circonstances, ni motivée par un intérêt public. La CFA n’a au demeurant apporté qu’une motivation peu convaincante à l’appui de son changement de pratique.

Au vu de ce qui précède, le changement de pratique opéré par la CFA est contraire au droit, de sorte que son ancienne pratique doit être maintenue. Sa décision de constatation de non-assujettissement de la parcelle no 2'238, qui n’a pas fait l’objet d’un PLQ en application de la zone de développement cinq, doit en conséquence en principe être annulée.

9) L’État de Genève soutient toutefois qu’un refus de constatation du non-assujettissement serait contraire au principe d’égalité de traitement.

a. Une décision viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente (ATF 138 V 176 consid. 8.2 p. 183 ; 134 I 23 consid. 9.1 p. 42 ; 131 I 1 consid. 4.2 p. 6 s).

b. Le principe de la légalité de l’activité administrative prévaut en principe sur celui de l’égalité de traitement. En conséquence, le justiciable ne peut généralement pas se prétendre victime d’une inégalité devant la loi lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu’elle aurait été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d’autres cas. Cela présuppose cependant, de la part de l’autorité dont la décision est attaquée, la volonté d’appliquer correctement à l’avenir les dispositions légales en question. Le citoyen ne peut prétendre à l’égalité dans l’illégalité que s’il y a lieu de prévoir que l’administration persévérera dans l’inobservation de la loi. Il faut encore que l’autorité n’ait pas respecté la loi selon une pratique constante, et non pas dans un ou quelques cas isolés, et qu’aucun intérêt public ou privé prépondérant n’impose de donner la préférence au respect de la légalité (ATF 139 II 49 consid. 7.1 p. 61 ; 136 I 65 consid. 5.6 p. 78 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_482/2010 du 14 avril 2011 consid. 5.1 ; ATA/352/2012 du 5 juin 2012 consid. 7).

c. Le principe de l'égalité de traitement n'a qu'une portée très restreinte en matière d’aménagement du territoire (art. 8 Cst ; ATF 121 I 245 consid. 6e/bb p. 249 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C.154/2007 du 29 août 2007 consid. 8.8 ; ATA/164/2014 du 18 mars 2014 consid. 11d).

d. En l’espèce, la CFA a prononcé le désassujettissement de la parcelle no 1'932 alors que les conditions pour une constatation d’un non-assujettissement n’étaient a priori pas remplies. Il semble cependant qu’il s’agit d’un cas isolé. En effet, cette décision va à l’encontre de la pratique maintenue par la CFA jusqu’à la décision attaquée. L’État de Genève ne peut ainsi se prévaloir de ce désassujettissement pour invoquer le principe d’égalité dans l’illégalité et s’opposer à l’annulation de la constatation du non-assujettissement de la parcelle n2'238, résultant d’une application correcte de la loi.

Au vu de ce qui précède, le maintien de l’assujettissement de la parcelle n2'238 à la LDFR n’est pas contraire au principe d’égalité de traitement.

10) Dans ces circonstances, le recours de Mme Danielle COEN, M. N. GAON et Mme Marguerite HERZOG sera admis et la décision litigieuse annulée, de sorte que la parcelle n2'238 de la commune demeurera assujettie à la LDFR.

11) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de l’État de Genève, qui ne défend pas sa propre décision (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée aux recourants, pris conjointement et solidairement, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 juin 2013 par Madame Danielle COEN, Monsieur Nessim GAON et Madame Marguerite HERZOG contre la décision de la commission foncière agricole du 23 avril 2013 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision de la commission foncière agricole du 23 avril 2013 ;

met à la charge de l’État de Genève un émolument de CHF 1'000.- ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à Madame Danielle COEN, Monsieur Nessim GAON et Madame Marguerite HERZOG, pris conjointement et solidairement, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Valticos, avocat des recourants, à Me Jean-Jacques Martin, avocat de Monsieur David GAON, à Me Laurent Marconi, avocat de l'État de Genève, ainsi qu'à la commission foncière agricole, ainsi qu’à l’office fédéral de la justice.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :