Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1899/2013

ATA/486/2014 du 24.06.2014 ( EXPLOI ) , REJETE

Descripteurs : MAISON DE PROSTITUTION ; SANCTION ADMINISTRATIVE ; LIBERTÉ ÉCONOMIQUE ; INTÉRÊT PUBLIC ; PROPORTIONNALITÉ ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI ; EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : LProst.9 ; LProst.10.letc ; LProst.14.al1.letb ; LProst.14.al2 ; LProst.16 ; LProst.17.letc ; LProst.21.al1.letb ; LProst.21.al2 ; Cst.27 ; Cst.36 ; Cst.9 ; Cst.5.al3
Résumé : Ordre de fermeture d'un club de massage et d'une agence d'escorte et interdiction à la personne responsable d'exploiter tout autre club et toute autre agence pendant dix ans pour insolvabilité. Pas de violation de la liberté économique ni du principe de la bonne foi. Pas d'abus du pouvoir d'appréciation. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1899/2013-EXPLOI ATA/486/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 juin 2014

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

et

B______ SÀRL
représentés par Me Dominique Lévy, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ ET DE L’ÉCONOMIE

 



EN FAIT

1) Le salon de massage C______ (ci-après : le C______) se situe au deuxième étage du bâtiment sis au ______, rue D______ à Genève.

2) La société B______ Sàrl (ci-après : la société), dont le siège se trouve à la même adresse que le club, a pour but social les productions multimédias et audiovisuelles, l’achat, la vente et la distribution de telles productions, l’acquisition et l’exploitation de droits audiovisuels et multimédias, l’acquisition, la création et l’exploitation de sites internet ainsi que la participation financière dans des sociétés liées au multimédia, l’audiovisuel et l’internet.

Monsieur A______ est gérant de la société, avec signature individuelle.

3) Suite à l’entrée en vigueur, le 1er mai 2010, de la loi sur la prostitution du 17 décembre 2009 (LProst – I 2 49) et de son règlement d’exécution (règlement d’exécution de la LProst du 14 avril 2010 – RProst – I 2 49.01), M. A______ s’est annoncé auprès de la brigade des mœurs (ci-après : BMOE) comme personne responsable du salon de massage, au moyen d’un formulaire d’annonce pour l’exploitation d’un salon. Sur ce formulaire, sous la rubrique « I. Données relatives au salon », la société était indiquée comme étant la « Société / raison sociale ».

4) Le dossier d’annonce adressé à la BMOE comprenait notamment une lettre d’accompagnement, datée du 17 juin 2010 et rédigée au nom de « C______ », le certificat de capacité civile du 1er juin 2010 et l’extrait de casier judiciaire du 14 mai 2010 de M. A______, ainsi qu’une attestation de l’office de poursuites (ci-après : OP) du 10 mai 2010 et une attestation de l’office des faillites (ci-après : OF) du 27 mai 2010 relatives à la société.

Selon les attestations de l’OP et de l’OF, la société ne faisait l’objet d’aucune poursuite en force dans le canton de Genève ni d’acte de défaut de biens et n’avait pas été sous le coup d’une liquidation forcée par voie de faillite à Genève.

5) M. A______ s’est également annoncé, auprès de la BMOE, comme personne responsable de l’agence d’escorte E______ (ci-après : l’agence), dont l’adresse correspond également au ______ rue D______ à Genève, selon le site www.local.ch.

6) Le 2 novembre 2011, le département de la sécurité, de la police et de l’environnement, devenu par la suite le département de la sécurité, puis le département de la sécurité et de l’économie (ci-après : le département), a infligé à M. A______ un avertissement en application de l’art. 14 al. 1 let. d et al. 2 let. a LProst ainsi qu’une amende administrative de CHF 1'000.- en application de l’art. 25 al. 1 LProst. Une prostituée de nationalité française, Madame F______, offrait ses services le 19 septembre 2011 dans le salon sans avoir été en mesure de présenter une autorisation de travail de courte de durée valable nonante jours. M. A______ avait ainsi violé l’art. 12 let. b LProst.

7) Le 9 mai 2012, le département a infligé à M. A______ un deuxième avertissement ainsi qu’une amende administrative de CHF 1'500.-. Une ressortissante française, Madame G______, se prostituait le 6 mars 2012 au club sans avoir été en mesure de présenter une autorisation de travail de courte durée valable nonante jours.

8) En février 2013, la BMOE a effectué une demande de renseignements auprès de l’OP en relation avec M. A______, à laquelle cet office a accédé le 8 février 2013. M. A______ faisait l’objet de quarante-cinq poursuites, pour un total de CHF 14'838'003,55, et dix actes de défaut de biens avaient été délivrés à son encontre, pour un montant totalisant CHF 14'591'878,75.

9) La BMOE a transmis ces informations au département par le biais d’un rapport de renseignements daté du 12 mars 2013. Selon ce rapport, M. A______ ne s’était toujours pas acquitté des amendes prononcées les 2 novembre 2011 et 9 mai 2012.

10) Par courrier du 12 avril 2013, le département a informé M. A______ du fait que, au vu des informations de l’OP transmises par la BMOE, il ne remplissait pas la condition de solvabilité requise pour être responsable d’un salon de massage et d’une agence d’escorte selon les art. 10 let. c et 17 let. c LProst. Le département envisageait donc d’ordonner la fermeture du salon et de l’agence, en application des art. 14 al. 1 let. b et al. 2 let. c ainsi que 21 al. 1 let. b et al. 2 let. c LProst. Le département a imparti à M. A______ un délai au 30 avril 2013 pour se déterminer sur les faits reprochés.

11) Le 30 avril 2013, M. A______ s’est opposé à la fermeture définitive du club et à l’interdiction d’exploiter tout autre salon pendant une durée de dix ans. Il n’a formulé aucune opposition en relation avec l’agence.

Le salon existait bien avant l’entrée en vigueur de la LProst. M. A______ avait adressé un dossier d’annonce complet à la BMOE conformément à la loi. Le département ne s’était alors pas opposé à ce que M. A______ soit responsable du salon. Les poursuites et actes de défaut de biens à son encontre existaient déjà lors de l’annonce et n’avaient aucun rapport avec son activité au sein de la société. Elles résultaient de son ancienne activité de promoteur immobilier dans les années 1990. Le département ne pouvait pas appliquer la LProst de manière rétroactive. M. A______ n’avait pas contracté de dettes en rapport avec l’exploitation du club depuis l’annonce. La décision envisagée violait sa liberté économique, en l’absence d’intérêt public justifiant une telle violation, puisque le club était exploité sans litige ni dettes depuis l’entrée en vigueur de la LProst.

12) Le 14 mai 2013, le département a infligé à M. A______ un troisième avertissement ainsi qu’une amende administrative de CHF 2'000.-. Une personne de nationalité française, Madame H______, se prostituait le 4 mars 2013 dans le salon sans avoir été en mesure de présenter une autorisation de travail de courte durée valable nonante jours.

13) Par acte du 13 juin 2013, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du département du 14 mai 2013.

14) Par décision du 17 mai 2013, le département a ordonné la fermeture définitive du club et de l’agence, et fait interdiction à M. A______ d’exploiter tout autre salon ou agence d’escorte pour une durée de dix ans. M. A______ avait toutefois la possibilité de désigner une nouvelle personne responsable du salon et de l’agence remplissant les conditions personnelles prévues aux art. 10 et 17 LProst.

La condition de solvabilité contenue aux art. 10 let. c et 17 let. c LProst était une condition personnelle que devait remplir la personne responsable. L’insolvabilité de M. A______ était à ce jour clairement établie. Il ne la contestait d’ailleurs pas. En produisant des attestations de l’OP et de l’OF concernant la société, il avait dissimulé à la BMOE son insolvabilité.

15) Par acte posté le 14 juin 2013, M. A______ et la société ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision précitée, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif et principalement à l’annulation de la décision attaquée et à la condamnation du département « en tous les frais et dépens ».

Le département avait violé le principe de la bonne foi. À réception du dossier d’annonce complet en juin 2010, ni la BMOE ni le département n’avaient réclamé d’autres documents. Les autorités avaient de la sorte admis que M. A______ pouvait exploiter le salon en tant que personne responsable en toute légalité. Ce n’était que trois ans plus tard, et en l’absence de tout changement de loi, que le département avait constaté son insolvabilité et prononcé la décision attaquée.

La décision attaquée violait la liberté économique des recourants. La société n’avait jamais fait l’objet de poursuites ou d’actes de défaut de biens, ni n’avait été mise en faillite. Elle exploitait depuis de nombreuses années le salon de manière correcte et transparente, sans rencontrer de litige. M. A______ ne contestait pas ses dettes mais rappelait qu’elles n’avaient aucun rapport avec son activité au sein de la société. Il n’avait pas contracté de dette en lien avec l’exploitation du salon. Il n’y avait donc pas d’intérêt public entrant en jeu et l’intérêt privé de M. A______ l’emportait. Le risque lié à l’insolvabilité était pallié par la bonne exploitation du salon, et l’intervention du département n’était pas nécessaire. Une telle intervention aurait eu des conséquences désastreuses pour les employés du salon et pour la société. Un avertissement de l’absence de tolérance de dette impayée aurait été suffisant.

Le département avait abusé de son pouvoir d’appréciation. En autorisant M. A______ à désigner une nouvelle personne responsable du salon, il avait ainsi démontré que la sanction n’était pas nécessaire pour atteindre le but visé.

Les recourants précisaient que le raisonnement susmentionné s’appliquait également à l’agence.

À l’appui de leur recours, M. A______ et la société ont produit la majeure partie des documents du dossier d’annonce envoyé à la BMOE en juin 2010.

16) Par courriers du 17 juin 2013, le juge délégué a informé les parties qu'il tenait la demande de restitution de l'effet suspensif pour dépourvue d'objet, la décision n’ayant pas été déclarée exécutoire nonobstant recours selon l’art. 66 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

17) Le 19 juin 2013, la société a informé la BMOE du changement de responsable du C______ et a transmis le dossier d’annonce relatif à la nouvelle responsable, Madame I______. Elle a également indiqué que l’agence n’avait plus son siège à Genève mais à Lausanne, depuis le 1er mai 2013.

18) Dans ses observations du 17 juillet 2013, le département a conclu à l’irrecevabilité du recours de la société, subsidiairement à son rejet, de même qu’au rejet du recours de M. A______.

La société n’avait pas la qualité pour recourir. Elle n’était que titulaire du bail, et l’exploitation d’un salon de massage et d’une agence d’escorte n’entrait pas dans son but social. Une nouvelle responsable avait par ailleurs été désignée.

Il n’y avait pas de violation du principe de la bonne foi. Les recourants ne s’étaient pas comportés de manière loyale. M. A______ ne pouvait pas ignorer son insolvabilité, ni le texte clair de la loi, et avait produit délibérément des extraits de l’OP et de l’OF de la société au lieu des extraits à son nom. Le département avait immédiatement réagi dès la connaissance de l’insolvabilité en demandant à M. A______ de se prononcer avant de rendre la décision du 17 mai 2013.

La liberté économique des recourants n’avait pas été violée. La LProst constituait une base légale permettant une restriction à la liberté économique. L’exigence de garantie de solvabilité visait à prévenir le risque d’exploitation des personnes prostituées ainsi qu’à éviter les conséquences d’une mauvaise gestion d’un salon de prostitution. La décision était nécessaire à atteindre les intérêts poursuivis par la LProst. Le nombre de poursuites et d’actes de défaut de biens à l’encontre de M. A______, ainsi que son comportement général au cours des trois années précédentes, durant lesquelles il avait commis plusieurs infractions à la LProst, étaient de nature à renforcer les doutes du département au sujet des capacités et de la volonté de M. A______ de se conformer à ses obligations. En outre, la décision n’avait pas de conséquences financières désastreuses pour les prostituées, celles-ci pouvant travailler dans un autre salon ou dans la rue et la société ayant déjà désigné une nouvelle personne responsable.

Le département n’avait pas abusé de son pouvoir d’appréciation. La décision respectait le principe de la proportionnalité. Le département était en droit de retenir que le seuil de tolérance relatif à la garantie de solvabilité était dépassé. Le fait que les dettes de M. A______ n’aient aucun lien avec l’exploitation du club et de l’agence n’était pas pertinent.

19) Le juge délégué a tenu le 18 septembre 2013 une audience de comparution personnelle des parties.

a. M. A______ a expliqué être actif dans le domaine depuis dix ans et exploiter le salon depuis cinq ans et demi. Le club n’avait aucun problème juridique ni de dette. Il ne contestait pas faire lui-même l’objet de poursuites. Elles étaient toutefois liées à son activité dans le secteur immobilier. Il n’était que le salarié de la société et n’encaissait pas le chiffre d’affaires. Il était surpris par la décision du département, qui intervenait trois ans après qu’il eut rempli le formulaire en toute bonne foi et avec transparence.

La société était détenue par J______ Sàrl, dont il était le gérant, elle-même détenue par K______ Ltd, société holding anglaise dont il n’était pas actionnaire. Mme I______ représentait à présent la société. L’exploitation d’un salon de massage ou d’une agence d’escorte ne rentrant pas dans le but statutaire de la société, la création d’une nouvelle société spécialement dévolue à ces fins était envisagée.

M. A______ avait été autorisé, au terme d’une procédure devant la chambre administrative, à exploiter une buvette au sein du salon, et s’étonnait d’être suffisamment honorable et solvable pour une telle activité mais pas en relation avec l’exploitation du salon lui-même, alors que la loi sur la restauration, le débit de boissons et l’hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH – I 2 21) contenait exactement la même condition.

Il n’avait jamais commis aucune infraction avant celles mentionnées par le département. Il y avait donc eu trois infractions en dix ans, plutôt que trois en trois ans. Dans le domaine de la prostitution, il était malheureusement très difficile de ne jamais être en infraction malgré les efforts déployés.

Le siège social de l’agence avait été déplacé à Lausanne. Elle n’était toutefois pas enregistrée au registre du commerce vaudois. L’agence devrait donc être exclue de la procédure. Le seul lien juridique persistant avec Genève était l’obligation de respecter la législation genevoise lorsque les escortes déployaient leurs activités dans le canton.

b. Le département a précisé que l’art. 5 LRDBH ne contenait pas les mêmes exigences que la LProst. L’exploitation d’un salon de massage ou d’une agence d’escorte ne figurait pas dans les buts statutaires de la société.

20) Le 28 octobre 2013, le département a persisté dans ses conclusions. Il a en substance repris les termes de ses précédentes écritures, précisant que, en sus des trois avertissements assortis d’amendes des 2 novembre 2011, 9 mai 2012 et 14 mai 2013, M. A______ avait fait l’objet de très nombreuses contraventions pour diverses raisons, notamment pour avoir employé des prostituées non recensées ou sans autorisation de travail en décembre 2004 et en mai 2006 et pour usure en juillet 2006. Plusieurs prostituées avaient en outre été déclarées en contravention pour exercice illicite de la prostitution, notamment les 28 septembre et 24 octobre 2009.

21) Le 1er novembre 2013, M. A______ et la société ont persisté dans l’intégralité de leurs conclusions.

Le département avait adopté une argumentation contradictoire en reprochant à M. A______ de ne pas avoir compris les subtilités de la LProst, tout en acceptant que la BMOE ne les ait pas comprises. Il avait procédé à l’annonce de bonne foi. Il revenait donc au département de lui demander des pièces complémentaires. M. A______ avait par ailleurs fait l’objet de seulement trois amendes administratives en cinq ans et demi d’exploitation du club.

22) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Les recours ont été interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, et sont donc recevables de ces deux points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 – LOJ – E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) Selon l’autorité intimée, la société n’aurait pas la qualité pour recourir.

a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure ayant abouti à la décision attaquée (let. a), ainsi que toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b).

b. Les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/193/2013 du 26 mars 2013 ; ATA/281/2012 du 8 mai 2012 et les références citées).

c. Le recourant doit être touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés, et l’intérêt invoqué – qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait – doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 p. 164 ; 137 II 40 consid. 2.3 p. 43 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 1.2). Il faut donc que l’admission du recours procure au recourant un avantage pratique et non seulement théorique, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 134 II 120 consid. 2 p. 122 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_152/2012 précité consid. 2.1 ; 8C_696/2011 du 2 mai 2012 consid. 5.1 ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009 ; ATA/207/2009 du 28 avril 2009). Un intérêt seulement indirect à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée n’est pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4 p. 296 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid. 3.1).

En l’espèce, M. A______ désigne la société comme l’exploitante du club, lui-même n’étant que son employé. En tant qu’exploitante du salon, la société serait touchée de manière spéciale et particulière. L’autorité intimée souligne que l’exploitation d’un salon de massage n’est néanmoins pas comprise dans le but statutaire de la société et qu’une nouvelle personne responsable a été nommée, de telle sorte que l’exploitation du salon de massage se poursuit.

La question de la qualité pour recourir de la société peut toutefois rester ouverte, dans la mesure où le recours de M. A______ est en tout état de cause recevable.

3) Le présent litige porte sur la question de savoir si c'est à bon droit que le département a ordonné la fermeture définitive du salon et de l’agence et a interdit à M. A______ d’exploiter tout autre salon ou agence d’escorte pour une durée de dix ans au motif qu’il n'offrirait pas toute garantie de solvabilité, au sens de la LProst et du RProst.

4) Au préalable, il convient d’analyser si la partie de la décision concernant l’agence doit être examinée par la chambre administrative. En effet, lors de sa comparution personnelle le 18 septembre 2013, M. A______ a affirmé que, suite au changement de siège de l’agence, celle-ci devait être exclue de la procédure.

Il appert toutefois qu’un siège à Lausanne n’impliquerait nullement l’absence de locaux à Genève. Or même en présence d’un changement de siège, la décision continuerait à déployer ses effets sur l’ensemble du canton de Genève en relation avec toute activité de l’agence relevant de la LProst sur ce territoire. Le seul changement de siège de l’agence n’entraînerait ainsi pas de facto son exclusion de la présente cause. Par ailleurs, M. A______ et la société ont persisté dans l’intégralité de leurs conclusions dans leurs déterminations finales du 1er novembre 2013, et n’ont ainsi pas retiré celles concernant l’agence. Au demeurant, il n’a aucunement été prouvé que le siège de l’agence se trouve désormais dans le canton de Vaud et non plus à Genève. Bien au contraire, l’adresse de l’agence indiquée par l’annuaire téléphonique correspond à ce jour toujours au 30, rue D______ à Genève.

Il convient ainsi d’examiner la décision du département tant en relation avec le salon qu’avec l’agence.

5) D’après les recourants, la décision attaquée constituerait une atteinte disproportionnée à leur liberté économique.

a. Invocable tant par les personnes physiques que morales, la liberté économique (art. 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse – Cst. - RS 101) protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 135 I 130 consid. 4.2 p. 135). La protection de l’art. 27 Cst. s’étend non seulement aux indépendants, mais encore aux employés salariés lorsqu’ils sont atteints dans leurs droits juridiquement protégés (ATF 112 Ia 318 consid. 2a p. 319). Les personnes exerçant la prostitution ainsi que l'exploitation d'établissements permettant son exercice peuvent s'en prévaloir (ATF 137 I 167 consid. 3.1 p. 172). Une restriction à cette liberté est toutefois admissible aux conditions de l'art. 36 Cst.

b. En l’espèce, l’autorité a ordonné la fermeture définitive du salon ainsi que de l’agence et interdit à M. A______ d’exploiter tout autre salon ou agence pour une durée de dix ans. La société gardait toutefois la possibilité de nommer une nouvelle personne responsable, ce qu’elle a fait en désignant Mme I______ à cette fin.

Cette décision constitue une ingérence dans la liberté économique des recourants. L’atteinte à la liberté économique de la société est toutefois amoindrie du fait que soit réservée la possibilité de nommer une nouvelle personne responsable. Il convient d’examiner si cette restriction repose sur une base légale, répond à un intérêt public et respecte le principe de la proportionnalité.

6) a. Toute personne physique qui, en tant que locataire, sous-locataire, usufruitière, propriétaire ou copropriétaire, exploite un salon et met à disposition de tiers des locaux affectés à l'exercice de la prostitution doit s'annoncer, préalablement et par écrit, aux autorités compétentes en indiquant le nombre et l'identité des personnes qui y exercent la prostitution (art. 9 al. 1 LProst). De même, toute personne physique qui exploite une agence d'escorte est tenue de s'annoncer, préalablement et par écrit, aux autorités compétentes en indiquant le nombre et l'identité des personnes qui exercent la prostitution par son intermédiaire (art. 16 al. 1 LProst). Lorsque les locaux destinés à l'exploitation d'un salon sont mis à la disposition de tiers par une personne morale, ou lorsque l’agence d’escorte est exploitée par une personne morale, celle-ci communique préalablement et par écrit aux autorités compétentes les coordonnées de la personne physique désignée pour assumer les obligations découlant de la LProst, notamment pour effectuer l'annonce (art. 9 al. 2 et 16 al. 2 LProst). La personne qui effectue l'annonce est considérée comme personne responsable (art. 9 al. 3 et 16 al. 3 LProst). La personne responsable d'un salon ou d’une agence d’escorte doit, en tant que condition personnelle, offrir, par ses antécédents et son comportement, toute garantie d'honorabilité et de solvabilité concernant la sphère d'activité envisagée (art. 10 let. c et 17 let. c LProst). Le critère de la solvabilité de la personne responsable constitue un prérequis indispensable à l’exploitation d’un salon de massage (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_166/2012 du 10 mai 2012 consid. 5.5.4).

Les art. 14 al. 1 let. b et 21 al. 1 let. b LProst autorisent l’autorité à sanctionner la personne responsable d’un salon de massage ou d’une agence d’escorte qui ne remplit pas ou plus les conditions personnelles. Selon les art. 14 al. 2 et 21 al. 2 LProst, l'autorité compétente prononce, selon la gravité ou la réitération de l'infraction : un avertissement (let. a) ; la fermeture temporaire du salon ou de l’agence d’escorte, pour une durée de un à six mois, et l’interdiction d’exploiter tout autre salon ou toute autre agence, pour une durée analogue (let. b) ; ou la fermeture définitive du salon ou de l’agence d’escorte et l'interdiction d'exploiter tout autre salon ou toute autre agence pour une durée de dix ans (let. c).

b. Le Tribunal fédéral a confirmé la conformité de ces dispositions aux art. 8, 13, 27 et 49 Cst., à l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ainsi qu’aux art. 13 et 39 de l’ancienne Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_230/2010 du 12 avril 2011 ; ATA/494/2011 du 27 juillet 2011). Dans une affaire dans laquelle l’autorité avait ordonné la fermeture d’un salon de massage pour insolvabilité de la personne responsable, le Tribunal fédéral a en outre constaté que l’art. 14 al. 2 LProst constituait une base légale suffisante pour restreindre la liberté économique (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_230/2010 précité consid. 5.3).

c. L’exigence de solvabilité, qui ne figurait pas dans le projet initial déposé par le Conseil d’État, a été ajoutée pendant les travaux de la commission législative. Un commissaire, souhaitant que les personnes qui étaient l’objet d’un acte de défaut de biens ne puissent pas gérer un salon, a proposé d’ajouter une condition supplémentaire, laquelle aurait eu la teneur suivante : « Ne fait pas l’objet d’un acte de défaut de biens » (MGC 2009-2010/III A 2112).

Il a toutefois été relevé qu’il était nécessaire de permettre à une personne qui avait eu des problèmes financiers de pouvoir exercer une profession, un acte de défaut de biens ne faisant pas d’elle un « criminel ». Il fallait toutefois intervenir si l’exploitant était un très mauvais gestionnaire et entraînait ses employés à la faillite de façon certaine. La commission a donc finalement retenu la formule figurant dans la loi « afin de laisser une marge de manœuvre au département pour dire qu’un acte de défaut de biens de peu d’importance n’empêche pas de donner l’autorisation mais qu’un même acte pour plusieurs dizaines de milliers de francs empêcherait de délivrer cette autorisation » (MGC 2009-2010/III A 2113).

Si l’exigence légale de solvabilité laisse ainsi une marge de manœuvre aux autorités, elle ne doit pas être vidée de son sens en tolérant des situations d’insolvabilité durable et caractérisée. La jurisprudence a retenu qu’il n’était pas arbitraire de considérer que la notion de « sphère d’activité envisagée » des art. 10 let. c et 17 let. c LProst ne se rapportait qu’à l’honorabilité et non à la solvabilité, qui ne devait dès lors pas nécessairement être envisagée de manière nuancée (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_166/2012 précité consid. 6.1.1).

d. L’insolvabilité est une notion de droit fédéral. Le débiteur est insolvable lorsqu’il ne dispose pas de moyens liquides suffisants pour acquitter ses dettes exigibles. Cet état ne doit toutefois pas être passager (ATF 137 II 353 consid. 5.2.1 p. 357 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_166/2012 précité consid. 6.1.1). Il y a insolvabilité notamment en cas de faillite, concordat ou saisie infructueuse (ATA/677/2009 du 22 décembre 2009 et les références citées).

Selon la jurisprudence constante de la chambre de céans, seul celui dont l’insolvabilité s’est étendue sur certaines périodes sans qu’il ait pu redresser sa situation financière et amortir régulièrement ses dettes doit être considéré comme insolvable (ATA/677/2009 du 22 décembre 2009 ; ATA/444/2005 du 21 juin 2005).

e. En l’espèce, M. A______ s’est annoncé comme personne responsable du salon ainsi que de l’agence. À ce titre, c’est bien lui – et non la société – qui doit offrir toutes les garanties de solvabilité. Or, le recourant fait l’objet de quarante-cinq poursuites pour un total de CHF 14'838'003,55. Dix actes de défaut de biens ont par ailleurs été délivrés à son encontre, pour un montant totalisant CHF 14'591'878,75. Au vu de ces montants extrêmement élevés, le seuil minimum pour retenir l’absence de garantie de solvabilité est de toute évidence largement dépassé. La solvabilité ne devant pas être envisagée de manière nuancée, le fait que ces dettes n’ont aucun rapport avec l’exploitation du salon et de l’agence n’est par ailleurs pas pertinent. De plus, les dettes en cause trouvent leur origine, selon le recourant lui-même, dans son activité dans le domaine immobilier, qu'il a déployée dans les années 1990 ; les dettes du recourant perdurant donc depuis plus de dix ans, la condition de durée est également remplie.

Au vu de ce qui précède, M. A______ est insolvable et ne remplit pas les conditions personnelles pour être la personne responsable d’un salon de massage et d’une agence d’escorte. Les art. 14 al. 1 let. b et al. 2 ainsi que 21 al. 1 let. b et al. 2 LProst autorisaient en conséquence l’autorité à prononcer la décision attaquée. La restriction de la liberté économique du recourant repose donc sur une base légale formelle et suffisante.

7) a. Sous l'angle de l'intérêt public, et en rapport avec l'exercice de la prostitution, sont autorisées les mesures de police ou de politique sociale, de même que les mesures dictées par la réalisation d'autres intérêts publics, à l'exclusion notamment des mesures de politique économique (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_166/2012 précité consid. 5.2).

b. Le Tribunal fédéral a constaté que le but poursuivi par la LProst ne se confine pas à la prévention d'infractions pénales. Elle tend aussi à favoriser l'exercice conforme au droit de l'activité de prostitution dans son ensemble, ainsi qu'une gestion correcte et transparente des établissements publics actifs dans ce domaine à risque (ATF 137 I 167 consid. 7.2.2 p. 182 s., consid. 7.5 p. 185, consid. 8.2 p. 188 et consid. 9.1.4 p. 192 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_166/2012 précité consid. 5.5.1).

Ainsi, outre la prévention du risque d'exploitation des prostituées par une personne criblée de dettes, l'exigence de garantie de solvabilité selon l'art. 10 let. c LProst poursuit également l'intérêt public d'éviter les conséquences d'une mauvaise gestion d'un salon de prostitution, notamment par rapport aux éventuels employés de celui-ci. En présence d'une activité soumise à la surveillance renforcée de L'État (ATF 137 I 167 consid. 8.4.1 p. 189), il existe un intérêt public légitime à éviter l'insolvabilité de son exploitant, de même que les répercussions potentiellement néfastes d'une telle situation sur ses méthodes de gestion ainsi que sur les personnes (clients, prostituées, usagers des locaux, etc.) concernées par cette activité (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_166/2012 précité consid. 5.4).

c. En l’espèce, des motifs d’intérêt public légitimes sont à l’origine de l’exigence de garantie de solvabilité. Les déclarations du recourant, selon lesquelles il n’aurait contracté aucune dette en lien avec l’exploitation du salon, ne permettent en outre pas de garantir l’absence de répercussions néfastes de son insolvabilité et l’intérêt public perdure.

8) Pour être conforme au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), une restriction d'un droit fondamental doit être apte à atteindre le but visé, lequel ne peut pas être obtenu par une mesure moins incisive. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 p. 175 s ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_166/2012 précité consid. 5.2).

Dans un arrêt confirmant la fermeture d’un salon de massage pour défaut de solvabilité, le Tribunal fédéral a retenu que la mesure respectait le principe de la proportionnalité. En relation avec la proportionnalité au sens étroit, il a constaté que la mesure ne privait ni l’exploitant ni les prostituées qui exerçaient dans les locaux de l’exercice de toute activité dans le domaine de la prostitution. Au contraire, ces dernières gardaient la faculté de se prostituer dans des salons exploités par des concurrents solvables ou d’ouvrir leur propre salon dans le respect des conditions légales. Cela ne signifiait donc nullement que, de facto, les prostituées concernées par la fermeture risqueraient de se retrouver dans la rue (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_166/2012 précité consid. 5.5.3). Par ailleurs, il fallait prendre en compte dans la pesée des intérêts le fait que la solvabilité était un prérequis indispensable à l’exploitation d’un salon, cette notion intégrant toutefois une marge de manœuvre. Le Tribunal fédéral a retenu qu’il n’était pas arbitraire de considérer que, dans le cas d’espèce, l’exploitante, qui supportait plus de CHF 64'000.- de dettes, faisait l’objet de trente-quatre actes de défaut de biens ainsi que de nombreuses poursuites et dont la faillite avait été clôturée faute d’actifs, avait atteint le seuil minimum pour retenir l’absence de solvabilité. Le Tribunal fédéral a en outre précisé qu’il fallait prendre en compte le comportement général de l’exploitante (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_166/2012 précité consid. 5.5.4).

9) En l’espèce, les recourants font valoir plusieurs arguments en relation avec le principe de la proportionnalité.

a. Ils soutiennent d’abord que le risque lié à l’insolvabilité serait pallié par la bonne exploitation du salon, de sorte que la mesure ne serait pas nécessaire. Un avertissement d’absence de tolérance de dette impayée serait suffisant. Cet argument ne convainc pas, les risques liés à l’insolvabilité de M. A______ ne pouvant être palliés que par son retour à la solvabilité. Les recourants n’apportent du reste aucune preuve de la bonne exploitation du salon.

b. Les recourants se plaignent également du caractère disproportionné (au sens strict) de la décision, laquelle aurait des conséquences désastreuses pour les employées du salon et pour la société.

L'ordre de fermeture de l'établissement litigieux et de l’agence ne prive toutefois ni les prostituées du salon et de l’agence ni la société de l'exercice de toute activité économique dans le domaine de la prostitution. Les prostituées sont libres de s'adonner à leur activité dans d’autres salons ou agences ou de continuer à exercer au C______ ou à l’agence dès la désignation de la nouvelle personne responsable. Quant à la société, elle a déjà nommé une nouvelle personne responsable, de sorte qu’elle est en mesure de rouvrir le salon et poursuivre l’exploitation de l’agence.

c. Dans le cadre de la pesée globale des intérêts qui doit être effectuée afin de déterminer le caractère proportionné de la mesure administrative querellée, il y a également lieu de tenir compte de l'importance des dettes supportées par M. A______ ainsi que du nombre des actes de défaut de biens et des poursuites encourues, le seuil minimum pour retenir l'absence de garantie de solvabilité ayant largement été dépassé. S'ajoute à cela le comportement de M. A______, lequel a fait l’objet de deux avertissements et amendes relatives à l’exploitation du salon entrées en force, qui restaient impayées au 12 mars 2013, soit plus d’un an après le prononcé de la première amende et presqu’une année après celle de la deuxième.

d. À l’issue de la pondération de l'ensemble des éléments qui précèdent avec l'intérêt des recourants à pouvoir exploiter un salon de prostitution et une agence d’escorte, l'intérêt public au respect des conditions gouvernant l'exploitation de tels établissements l’emporte sur l'intérêt privé des recourants à jouir sans entrave de leur liberté économique dans le domaine de la prostitution. Le résultat inverse aurait conduit à accepter que les recourants dérogent durablement à l'une des prémisses légitimes auxquelles est soumise l'exploitation d'un salon de prostitution à Genève, de sorte que l'on ne voit pas de mesure moins incisive parmi celles figurant aux art. 14 et 21 LProst qui aurait permis de rétablir une situation conforme au droit.

e. Par conséquent, la décision est conforme au principe de la proportionnalité et le grief tiré de la violation de la liberté économique doit être écarté.

10) Les recourants soulèvent le grief de la violation du principe de la bonne foi.

a. Valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161 consid. 4 p. 170 ; 129 II 361 consid. 7.1 p. 381 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_534/2009 du 2 juin 2010 ; 9C_115/2007 du 22 janvier 2008 consid. 4.2 ; ATA/141/2012 du 13 mars 2012 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 193 n. 568).

b. Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 p. 193 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 p. 72 s ; 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 et les arrêts cités ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_151/2012 du 5 juillet 2012 consid. 4.2.1 et 2C_1023/2011 du 10 mai 2012 consid. 5). Conformément au principe de la confiance, qui s’applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l’administration doivent recevoir le sens que l’administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu’il connaissait ou aurait dû connaître (Arrêt du Tribunal fédéral du 14 octobre 2004 in RDAF 2005 I 71 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 n. 569 s). Le principe de la confiance est toutefois un élément à prendre en considération et non un facteur donnant en tant que tel naissance à un droit (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 n. 569 et les références citées). La protection de la bonne foi ne s’applique pas si l’intéressé connaissait l’inexactitude de l’indication ou aurait pu la connaître en consultant simplement les dispositions légales pertinentes (ATF 135 III 489 consid. 4.4 ; 134 I 199 consid. 1.3.1 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 s n. 571).

c. Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, on doit être en présence d’une promesse concrète effectuée à l’égard d’une personne déterminée. Il faut également que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATA/811/2012 du 27 novembre 2012 consid. 2a ; ATA/398/2012 du 26 juin 2012 consid. 8 ; Pierre MOOR/ Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, Vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 922 ss n. 6.4.1.2 et 6.4.2.1 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 196 s n. 578 s ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Félix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., 2010, p. 140 ss et p. 157 n. 696 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Vol. 2, 3ème éd., 2013, n. 1’173 ss).

d. En l’espèce, le département a reçu le dossier d’annonce concernant le salon et ainsi les attestations de l’OP et de l’OF concernant la société – et non M. A______ – en juin 2010. Le département n’a pas réagi jusqu’au 12 avril 2013, date de son courrier avertissant le recourant de son intention d’ordonner la fermeture du club ainsi que de l’agence et de lui interdire d’exploiter tout autre salon de massage ou agence d’escorte pendant dix ans.

Les recourants affirment qu’ils pouvaient conclure de ce comportement que l’autorité considérait la situation comme régulière.

M. A______ et la société étaient toutefois en mesure de se rendre compte de l’inexactitude de cette conclusion simplement en consultant les dispositions pertinentes de la LProst, laquelle précise expressément que les conditions personnelles des art. 10 et 17 concernent la personne responsable, laquelle est clairement définie aux art. 9 al. 3 et 16 al. 3 LProst, mis en relation avec leurs alinéas précédents.

La protection de la bonne foi n’est donc pas applicable au cas d’espèce, et le grief doit être écarté.

11) Les recourants soutiennent encore que l’autorité intimée aurait commis un abus de son pouvoir d'appréciation.

a. Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 73 ; 123 V 150 consid. 2 p. 152 et les références citées).

b. Les recourants considèrent qu’en autorisant M. A______ à désigner une nouvelle personne responsable du salon et en revenant sur sa position « rétroactivement », le département aurait démontré que la sanction n’était pas nécessaire pour atteindre le but visé. Il y aurait ainsi abus de pouvoir d’appréciation de par la violation du principe de la proportionnalité ainsi que du principe de la bonne foi.

Cependant, comme déjà examiné ci-dessus, la décision attaquée est conforme au principe de la proportionnalité et la protection de la bonne foi ne trouve pas application dans le cas d’espèce. L’autorité n’a ainsi pas abusé de son pouvoir d’appréciation. Le grief est dès lors écarté.

12) Dans ces circonstances, le recours de M. A______ sera rejeté, tandis que celui de la société sera rejeté en tant qu’il est recevable.

13) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu'il est recevable, le recours interjeté le 14 juin 2013 par Monsieur A______ et B______ Sàrl contre la décision du département de la sécurité du 17 mai 2013 ;

met à la charge de Monsieur A______ et B______ Sàrl, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu’il ne leur est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dominique Levy, avocat des recourants, ainsi qu'au département de la sécurité et de l’économie.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :