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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2150/2015

ATA/852/2016 du 11.10.2016 ( LAVI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2150/2015-LAVI ATA/852/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 octobre 2016

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______

représentée par Caritas Genève, soit pour lui Monsieur Laurent Della Chiesa, mandataire

contre

ASSOCIATION DU CENTRE DE CONSULTATION POUR VICTIMES D'INFRACTIONS

 



EN FAIT

1. Madame A______, née le ______ 1955, est ressortissante du Kosovo. Elle est mariée depuis le ______ 1977 à Monsieur A______, né le ______ 1952 et lui aussi originaire du Kosovo. Ils vivent en Suisse depuis 1991, tous deux au bénéfice d'un permis d'établissement.

2. Lors d'un séjour au Kosovo en 2012, M. A______, suite à une querelle entre familles alliées, a été attaqué à l'arme à feu et a reçu quatre balles dans le corps. Il a réchappé à cette agression mais est resté handicapé.

3. En juillet 2014, les époux A______ ont été évacués de leur logement pour défaut de paiement de leur loyer. Ils ont alors logé chez leur fils aîné.

4. Madame B______, psychologue travaillant pour l'Association E______ (ci-après : la psychologue), a reçu Mme A______ en consultation dès le 28 juillet 2014. À sa demande, le centre de consultation pour victimes d'infractions (ci-après : centre LAVI) a pris en charge cinq séances de psychothérapie en « aide immédiate » par décision du 28 juillet 2014, puis cinq autres par décision du 7 novembre 2014.

5. Le 13 août 2014, la Doctoresse C______, médecin interne au département de santé mentale et de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) a rédigé une attestation médicale pour Mme A______.

Elle suivait cette dernière au centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie intégrée (ci-après : CAPPI) de D______ depuis le 1er novembre 2013.

Mme A______ souffrait d'un épisode dépressif majeur récurrent, épisode actuel moyen, et d'un probable syndrome de stress post-traumatique. L'anxiété se situait au premier plan, étant responsable de troubles du sommeil, la thymie était triste, avec une incapacité à se projeter dans l'avenir.

Dernièrement, des événements familiaux dramatiques s'étaient déroulés, comme le décès de sa belle-fille d'un cancer. La famille A______ logeait actuellement à dix chez leur fils, le mari de la patiente présentant également des problèmes de santé.

6. Le 6 novembre 2014, une collaboratrice du centre LAVI a indiqué par courriel à la psychologue qu'un financement supplémentaire ne serait accordé le cas échéant que sous forme d'« aide à plus long terme », et sur la base d'une demande écrite.

7. Le 20 novembre 2014, la psychologue s'est adressée par écrit au centre LAVI.

Mme A______ se trouvait dans une situation de profond désarroi et de grande souffrance, et devait faire face à des difficultés financières concrètes qui créaient des tensions particulièrement fortes au sein de son couple et de sa famille. Elle était très isolée et exprimait le besoin de poursuivre ces rencontres hebdomadaires qu'elle décrivait comme extrêmement profitables.

Une quinzaine de séances supplémentaires serait nécessaire afin de l'accompagner vers une meilleure gestion de ces difficultés.

8. La psychologue a continué à suivre Mme A______ après les dix premières séances, à raison de vingt-deux séances entre le 14 novembre 2014 et le 15 octobre 2015.

9. Par décision du 19 mai 2015, le centre LAVI, par le biais du comité de son association, a refusé d'accorder la prise en charge de quinze séances de psychothérapie supplémentaires au titre de l'aide à plus long terme.

Mme A______ revêtait la qualité de proche d'une victime au sens de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions du 23 mars 2007 (LAVI - RS 312.5).

La demande de prise en charge mentionnait essentiellement des difficultés familiales et financières. Aucun lien n'était fait avec l'agression qu'avait subie son mari. Le comité avait ainsi estimé que les troubles psychologiques ne présentaient plus de lien direct avec ladite agression ; la condition de la causalité directe entre l'infraction et le dommage subi n'était ainsi plus remplie.

Copie de la décision était adressée à Mme A______.

10. Par acte posté le 20 juin 2015, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à son annulation et à la prise en charge de quinze séances supplémentaires de psychothérapie.

Suite à son agression, son mari avait tellement changé et son état était tellement mauvais que cela l'avait elle-même plongée dans une situation de grande détresse psychologique. Il ne pouvait plus vivre comme avant, son sommeil, sa mémoire, sa concentration et son humeur ayant été fortement affectés. En outre, leurs revenus avaient baissé, dès lors qu'il ne pouvait plus travailler. Elle s'était chargée des différentes tâches administratives en plus de son travail, mais elle n'avait pas réussi à répondre à toutes ses obligations, et leur situation s'était fortement précarisée. Ils vivaient chez leur fils, lequel venait de perdre son épouse. Leur situation était particulièrement difficile, et à l'origine figurait cette agression qui avait constitué le début de leurs problèmes.

Le droit d'être entendu avait été violé, dès lors que le centre LAVI s'était contenté des explications contenues dans la demande de prise en charge, sans demander, à la psychologue ou à elle-même, ce qui expliquait son état de santé actuel, et qu'il ne l'avait pas interpellée avant de prendre une décision à son détriment.

La décision enfreignait également l'art. 13 al. 2 LAVI, qui exigeait que l'état de la victime soit stationnaire avant que ne puissent être interrompues les prestations.

11. Le 22 juillet 2015, le centre LAVI a conclu au rejet du recours.

Pour savoir si la demande était effectivement en lien direct avec l'agression subie par M. A______ en 2009 (sic), le comité s'était basé notamment sur l'attestation de la psychologue.

L'état psychologique de Mme A______ s'était péjoré dans une mesure notable depuis l'agression de son mari, et le centre LAVI ne remettait nullement en cause les difficultés qu'elle rencontrait. Toutefois, à teneur même des explications de Mme A______, il s'agissait d'une atteinte par ricochet puisque c'était le changement de comportement de son mari suite à l'infraction qui était à l'origine de leurs problèmes.

Par ailleurs, Mme A______ avait déjà bénéficié en tant que victime indirecte de la prise en charge de dix séances de psychothérapie au titre de l'aide immédiate. Il convenait également de prendre en compte que M. A______ n'avait quant à lui pas sollicité de séances supplémentaires en sus des cinq séances dont il avait bénéficié au titre de l'aide immédiate.

Pour ces différentes raisons, le comité avait considéré que la condition de la causalité directe et adéquate entre les frais de psychothérapie de Mme A______ et l'agression de son mari n'était plus remplie.

12. Le 7 octobre 2015, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

a. Mme A______ a déclaré que les séances avec la psychologue lui étaient profitables. Elle s'était sentie mieux, et ce travail comptait beaucoup pour elle.

Elle consultait un psychiatre depuis 2012, là aussi suite à l’agression de son mari. Ce suivi était nettement moins régulier (mensuel et non hebdomadaire, et à des dates imposées), et plus axé sur la prescription médicamenteuse. Le psychiatre changeait aussi, car elle consultait au CAPPI de D______, qui dépendait des HUG.

La demande de prise en charge sous-entendait qu'il y avait un lien entre l'agression de son mari et son état psychologique actuel. De plus, on ne comprenait pas pourquoi, quelques mois après avoir pris en charge dix séances de psychothérapie, le centre LAVI considérait que l'atteinte n'était plus directe.

Il n’avait pas été fait de demande de prise en charge par l’assurance-maladie ; en effet, les séances de psychothérapie fournies par les psychologues de l’Association E______ n'étaient pas prises en charge par l’assurance-maladie, faute de médecin répondant.

b. Les représentants du centre LAVI ont indiqué que les dix séances de psychothérapie avaient été prises en charge en 2014 au titre de l'aide immédiate ; il était fréquent que le centre finance un soutien psychologique pour des victimes par ricochet, c'est-à-dire les proches des victimes directes. Pour la prise en charge de séances supplémentaires, qui relevait de l'aide à plus long terme, Mme A______ faisait elle-même allusion à d'autres motifs que l'agression de son mari pour justifier la poursuite de la psychothérapie, à savoir des difficultés financières, ainsi que sa situation personnelle et familiale douloureuse. C'étaient ainsi les conséquences des conséquences de l'infraction qui étaient à l'origine du besoin.

c. À l'issue de l'audience, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 6 novembre 2015 pour formuler leurs observations finales, après quoi la cause serait gardée à juger.

13. Le 4 novembre 2015, le centre LAVI a persisté dans ses conclusions.

14. Le 18 novembre 2015, exerçant son droit à la réplique, Mme A______ a également persisté dans ses conclusions.

15. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 11 de la loi d’application de la LAVI du 11 février 2011 - LaLAVI - J 4 10 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du centre LAVI refusant à la recourante la prise en charge de séances de psychothérapie supplémentaires à celles déjà financées en 2014.

3. L'infraction pénale comme la demande de prise en charge étant postérieures à l'entrée en vigueur de la LAVI le 1er janvier 2009, c'est cette dernière qui s'applique et non l'ancien droit (art. 48 LAVI).

4. Toute personne qui a subi, du fait d'une infraction, une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle – une victime – a droit au soutien prévu par la LAVI, soit l’aide aux victimes (art. 1 al. 1 LAVI) ; ont également droit à l’aide aux victimes, le conjoint, les enfants et les père et mère de la victime ainsi que les autres personnes unies à elle par des liens analogues (proches ; art. 1 al. 2 LAVI). Le droit à l'aide aux victimes existe, que l'auteur de l'infraction ait été découvert ou non, ait eu un comportement fautif ou non et ait agi intentionnellement ou par négligence (art. 1 al. 3 LAVI).

5. L’aide aux victimes est régie par le principe de la subsidiarité (art. 4 LAVI ; art. 3 LaLAVI). Les prestations d'aide aux victimes ne sont accordées définitivement que lorsque l'auteur de l'infraction ou un autre débiteur ne versent aucune prestation ou ne versent que des prestations insuffisantes (art. 4 al. 1 LAVI). Celui qui sollicite une contribution aux frais pour l'aide à plus long terme fournie par un tiers doit rendre vraisemblable que les conditions de l'art. 4 al. 1 LAVI sont remplies, à moins que, compte tenu des circonstances, on ne puisse pas attendre de lui qu'il effectue des démarches en vue d'obtenir des prestations de tiers (art. 4 al. 2 LAVI).

6. a. Les centres de consultation fournissent immédiatement à la victime et à ses proches une aide pour répondre aux besoins les plus urgents découlant de l'infraction (aide immédiate ; art. 2 let. a et 13 al. 1 LAVI ; art. 6 al. 1 let. b in initio LaLAVI). Si nécessaire, ils fournissent une aide supplémentaire à la victime jusqu'à ce que l'état de santé de la personne concernée soit stationnaire et que les autres conséquences de l'infraction soient dans la mesure du possible supprimées ou compensées (aide à plus long terme ; art. 2 let. b et c et 13 al. 2 LAVI ;
art. 6 al. 1 let. b in fine LaLAVI). Les centres de consultation peuvent fournir l'aide immédiate et l'aide à plus long terme par l'intermédiaire de tiers (art. 2 let. a et c et 13 al. 3 LAVI).

b. À Genève, le centre LAVI est chargé des tâches qui lui sont dévolues par la loi fédérale, soit notamment donner à la victime et à ses proches des informations et conseils et les aider à faire valoir leurs droits, et fournir directement ou par l'intermédiaire de tiers de l'aide immédiate à la victime et à ses proches, ainsi que, si nécessaire, de l'aide à plus long terme (art. 6 al. 1 LaLAVI). La nature et l'étendue des prestations, ainsi que leurs conditions d'octroi, sont déterminées par la loi fédérale et ses dispositions d'exécution (art. 6 al. 2 LaLAVI). Le règlement du Conseil d'État fixe les précisions nécessaires relatives à l'étendue des prestations (art. 6 al. 3 LaLAVI). Le centre LAVI peut faire appel à des tiers pour fournir des prestations d'aide médicale, psychologique, sociale, matérielle et juridique (art. 8 al. 1 LaLAVI).

Les demandes de contribution aux frais d'une aide à plus long terme fournie par un tiers sont présentées par écrit ; lorsqu'elles émanent d'un tiers prestataire, elles sont motivées et quantifiées (art. 9 al. 1 du règlement d'exécution de la LaLAVI, du 13 avril 2011 - RaLAVI - J 4 10.01).

Les décisions en matière de prestations d'aide immédiate sont rendues par la direction du centre LAVI, tandis que celles en matière d'aide à plus long terme sont rendues par le comité de l'association du centre LAVI (art. 12 RaLAVI).

c. Les prestations comprennent l'assistance médicale, psychologique, sociale, matérielle et juridique appropriée dont la victime ou ses proches ont besoin à la suite de l'infraction et qui est fournie en Suisse (art. 14 al. 1 1ère phr. LAVI). Selon le Tribunal fédéral, la disposition précitée requiert un lien de causalité entre l'infraction et la prestation sollicitée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_612/2015 du 17 mai 2016 consid. 2.3), sans préciser si la notion de causalité est la même que celle prévue pour l'indemnisation (art. 19 ss LAVI), donc la même que celle du droit civil (art. 19 al. 2 LAVI ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_244/2015 du 7 mai 2015 consid. 3.2 et 3.3), qui exige cumulativement un lien de causalité naturelle et un lien de causalité adéquate.

d. L'aide immédiate et l'aide à plus long terme ne se distinguent pas par leur contenu mais par le degré d'urgence de la fourniture de la prestation à la victime (Dominik ZEHNTNER, in Dominik ZEHNTNER/Peter GOMM [éd.], Kommentar zum Opferhilfegesetz, 3ème éd., 2009, n. 1 ad art. 16 LAVI), ainsi que – partiellement du moins – dans la prise en compte de la situation financière de la victime.

7. En vertu de l'art. 16 LAVI, l'octroi d'une contribution aux frais pour l'aide à plus long terme fournie par un tiers dépend de la situation financière de la victime. Cependant, il faut également examiner au préalable, sous l'angle des art. 13 et 14 LAVI, si l'aide ou la mesure est nécessaire, adéquate et proportionnée (arrêt du Tribunal fédéral 1B_114/2010 du 28 juin 2010 consid. 3.1 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de la LAVI du 9 novembre 2005, FF 2005 6683, p. 6733 s ; Dominik ZEHNTNER, op. cit., n. 1 ad art. 16 LAVI). L’aide doit en outre être appropriée, c'est-à-dire avoir une utilité prévisible (arrêt du Tribunal fédéral 1C_612/2015 précité consid. 2.3 in fine).

8. a. En règle générale, les instructions, les circulaires et les directives administratives - ou, en d'autres termes, les ordonnances administratives - n'ont, selon la jurisprudence et la doctrine, pas force de loi (ATF 121 II 473 consid. 2b p. 478 ; ATA/563/2012 du 21 août 2012 consid. 14 ; ATA/439/2009 du 8 septembre 2009 et les références citées).

Si les directives, circulaires ou instructions émises par l'administration ne peuvent contenir de règles de droit, elles peuvent cependant apporter des précisions quant à certaines notions contenues dans la loi ou quant à la mise en pratique de celle-ci. Sans être lié par elles, le juge peut néanmoins les prendre en considération en vue d'assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré. Il ne doit cependant en tenir compte que si elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATF 121 II 473 consid. 2b ; ATA/12/2012 du 10 janvier 2012 consid. 3 ; ATA/839/2003 du 18 novembre 2003 consid. 3c). En d'autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 133 II 305 consid. 8.1 ; 121 II 473 consid. 2b ; 117 Ib 225 consid. 4b).

b. Le département peut édicter des directives d’application. Ces directives s'inspirent des recommandations de la Conférence suisse des offices de liaison de la LAVI pour l’application de la LAVI du 21 janvier 2010 (ci-après : les recommandations CSOL-LAVI ; art. 3 al. 2 RaLAVI). Le département de la solidarité et de l’emploi, devenu ensuite le département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé (ci-après : DEAS), a ainsi adopté les directives cantonales en matière d’aides financières fournies par le centre LAVI le 15 avril 2011 (ci-après : les directives DEAS).

Selon ces dernières, pour déterminer le caractère nécessaire, adéquat et proportionné de l’aide ou de la mesure, il faut tenir compte du degré de l’atteinte causée à la victime en raison de l’infraction, de la possibilité et la capacité de cette dernière à surmonter les conséquences de l’infraction, de sa santé physique et psychique, de ses connaissances linguistiques et juridiques, de l’efficacité et des chances de succès d’une prestation d’aide ou des mesures proposées ainsi que de la possibilité de la victime de réduire le dommage, dans les limites du raisonnable (point 5 des directives DEAS, reprenant le point 3.3.3 des recommandations CSOL-LAVI).

9. a. En l’espèce, le refus du centre LAVI porte sur le caractère du lien entre l'agression subie par le mari de la recourante et le besoin exprimé dans la demande de prise en charge de nouvelles séances de psychothérapie, lien qui ne serait plus direct.

b. Le texte même de l'art. 14 LAVI précise que les prestations peuvent être accordées aux proches de la victime directe de l'infraction, ce que le centre LAVI ne conteste d'ailleurs pas, puisqu'il dit prendre fréquemment en charge des frais de psychothérapie pour de telles victimes par ricochet au sens de l'art. 1 al. 2 LAVI. À cet égard, la référence faite par le centre LAVI à l'ATF 129 II 312 consid. 3.3 et à la contribution doctrinale qui y est citée n'apparaît pas pertinente, dans la mesure où il y est question du caractère direct de l'atteinte nécessaire à la reconnaissance de la qualité de victime directe au sens de l'actuel art. 1 al. 1 LAVI ; or en l'espèce, la qualité de victime de la recourante n'est pas contestée et se fonde non pas sur l'art. 1 al. 1 mais sur l'art. 1 al. 2 LAVI (proche de la victime directe, ou « victime par ricochet »).

c. Quant à la causalité naturelle et adéquate, dont on ne peut pas retenir d'emblée qu'elles soient toutes deux des conditions de la prise en charge comme elles le sont en matière d'indemnisation selon les art. 19 ss LAVI, les exigences à cet égard sont semblables en matière d'aide immédiate et d'aide à plus long terme, d'éventuelles divergences d'évaluation à ce propos de la direction du centre LAVI et du comité de l'association qui le gère ne devant à l'évidence pas nuire à l'administré. Dès lors, pour que le lien de causalité nécessaire à la prise en charge puisse être considéré comme donné en 2014 mais plus en 2015, il faudrait qu'une circonstance puisse être retenue comme interrompant le lien de causalité.

d. Or, la seule circonstance exprimée dans la demande de prise en charge qui ne puisse être mise en lien de causalité naturelle et adéquate avec l'infraction ayant failli coûter la vie au mari de la recourante est celle du décès de sa belle-fille d'un cancer. Toutefois, comparée au reste de ses difficultés, qui toutes découlent de l'infraction et constituent des résultats s'enchaînant de manière malheureuse mais conforme à l'expérience générale de la vie – changement d'état et d'attitude de son mari accompagné d'un sentiment de solitude, perte par son mari de son travail, difficultés financières, puis expulsion de leur logement –, cet élément n'apparaît pas prépondérant au point de rompre le lien de causalité adéquate.

e. Dès lors, le grief relatif à la violation de l'art. 13 LAVI en lien avec l'absence de causalité doit être admis.

10. Il ne s'ensuit pas pour autant que la prestation sollicitée doive être directement accordée, le centre LAVI n'ayant pas examiné dans sa décision d'autres conditions de la prise en charge, comme la subsidiarité de celle-ci (notamment par rapport à l'assurance-maladie) ou encore son adéquation, soit le point de savoir si la prestation sollicitée, à savoir quinze séances supplémentaires de psychothérapie avec une psychologue, était susceptible d'améliorer l'état de la recourante, ou si celui-ci devait être considéré comme stabilisé, c'est-à-dire comme n'étant plus susceptible d'amélioration.

Le recours sera dès lors partiellement admis, la décision attaquée annulée et la cause renvoyée au centre LAVI pour nouvelle décision au sens des considérants.

11. Vu la nature de la cause et l'issue du litige, aucun émolument ne sera prélevé (art. 87 al. 1 LPA et art. 30 al. 1 LAVI ; ATF 141 IV 262 consid. 2.2), et une indemnité de procédure de CHF 800.- sera allouée à la recourante, qui obtient partiellement gain de cause.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 juin 2015 par Madame A______ contre la décision de l'Association du centre de consultation pour victimes d'infractions du 19 mai 2015 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision de l'Association du centre de consultation pour victimes d'infractions du 19 mai 2015 ;

renvoie la cause à l'Association du centre de consultation pour victimes d'infractions, au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Madame A______ une indemnité de procédure de CHF 800.- ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ représentée par Caritas Genève, soit pour lui Monsieur Laurent Della Chiesa, mandataire, à l'Association du centre de consultation pour victimes d'infractions, ainsi qu'à l'office fédéral de la justice.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :