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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2630/2018

ATA/839/2019 du 30.04.2019 ( LIPAD ) , REJETE

Descripteurs : DONNÉES PERSONNELLES ; PROTECTION DES DONNÉES ; RADIATION(EFFACEMENT) ; PROCÉDURE PÉNALE ; CONSERVATION(EN GÉNÉRAL) ; PROPORTIONNALITÉ ; PESÉE DES INTÉRÊTS
Normes : LCBVM.3c.al1; Cst.10.al2; Cst.13.al2; Cst.29.al2; Cst-GE.21; LPD.37.al1; LCBVM.1.al1; LCBVM.1.al2; LIPAD.36.al1.leta; LCBVM.1.al3; LIPAD.47.al2.leta
Résumé : Rejet du recours contre une décision de la commandante de la police refusant la radiation des dossiers de police de documents relatifs au recourant, soit un rapport d'arrestation suite à des plaintes pénales déposées à l'encontre de l'intéressé pour menaces, injures et infraction à la législation sur les armes. Même si le recourant n'a pas récidivé depuis sa condamnation en 2014 et même si les infractions commises ne relèvent ni de la criminalité organisée ni d'infractions contre l'intégrité physique ou sexuelle, il convient de ne pas minimiser les faits en cause. La conservation du document dans le dossier de police moins de cinq ans après sa condamnation n'apparaît en l'espèce pas disproportionnée. L'intérêt du recourant à voir le document radié de son dossier de police cède le pas sur l'intérêt public à sa conservation.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2630/2018-LIPAD ATA/839/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 avril 2019

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

COMMANDANTE DE LA POLICE


et

PRÉPOSÉ CANTONAL À LA PROTECTION DES DONNÉES ET À LA TRANSPARENCE

 



EN FAIT

1) Le 1er octobre 2014, Monsieur A______, né le ______ 1990, a été condamné par ordonnance pénale pour injures, menaces et infraction à la législation fédérale sur les armes, à une peine pécuniaire de cent quatre-vingt jours-amende, sous déduction de quatre-vingt-cinq jours-amende correspondant à quatre-vingt-cinq jours de détention avant jugement, à CHF 30.- le jour. Il a été mis au bénéfice du sursis et le délai d'épreuve a été fixé à trois ans. À titre de règle de conduite pendant le délai d'épreuve, il lui a été ordonné de se soumettre à un suivi psychiatrique ambulatoire.

Il avait menacé de mort, entre septembre et novembre 2013, deux femmes qu'il avait rencontrées dans le cadre de ses études, en les terrorisant par la parole ainsi que par des messages et courriers électroniques, en tenant notamment les propos suivants : « je sais, je t'avoue que j'étais prêt à aller loin, on va dire, dans un sens que je n'ai pas trop pitié pour mes ennemis », « je t'assure et je te promets, au plus profond de mes tripes que je te briserai sous toutes ses formes. Personne ne pourra te protéger, je te poursuivrai jusqu'à ce que tu sois au plus bas de ton moral et je serai en face de toi avec un grand sourire aux lèvres », « concernant ma détermination, j'irai jusqu'au bout pour te briser s'il le faut », « je veux te voir souffrir », « Tiens, je vais te torturer - prépare toi mentalement ». Il avait également écrit, en parlant de ces deux femmes, à une tierce personne: « j'ai envie de les buter », « non sérieusement je veux les voir mortes », « je veux qu'elles souffrent », « non moi je veux me venger sauf que je risque de me faire repérer ». Il leur avait également montré une photographie illustrant un homme, sourire aux lèvres, entouré de cadavres.

Il avait par ailleurs injurié l'une de ses victimes en la traitant de « salope », et l'avait traitée de « pute » dans un message adressé à une tierce personne.

Enfin, il avait détenu à son domicile deux couteaux à lancer, sans disposer d'un permis d'acquisition pour ces armes.

2) Le 30 octobre 2017, M. A______ a signé un contrat de travail avec B______ (ci-après : B______) pour un emploi en qualité d'agent de sécurité.

3) Par courrier du 4 avril 2018, le département de la sécurité et de l'économie, devenu le 1er février 2019 le département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : le département) a informé B______ que les antécédents de M. A______ étaient incompatibles avec l'exigence d'honorabilité prévue par l'art. 9 al. 1 let. d du concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (CES - I 2 14). L'autorisation d'engager l'intéressé en qualité d'agent de sécurité ne pouvait ainsi être délivrée.

4) Par courrier du 11 avril 2018, B______ a informé M. A______ qu'elle était contrainte de mettre un terme à son contrat de travail, compte tenu de la teneur du courrier du département du 4 avril 2018.

5) Le 19 mai 2018, M. A______ a requis, auprès de la commandante de la police, la radiation des procédures judiciaires figurant dans son « casier de police », lesquelles l'empêchaient de trouver un emploi.

Après avoir réussi sa mise à l'épreuve au mois d'octobre 2017, son casier judiciaire était redevenu vierge. Il avait alors postulé pour des emplois en qualité d'agent de sécurité. Après avoir signé un contrat auprès de B______, il avait reçu une réponse négative de la part du département, lequel considérait qu'il ne répondait pas aux normes du CES. Cela faisait quatre ans qu'il était sans emploi et cette interdiction de travailler dans la sécurité était un énorme problème sur le plan financier et social.

6) Par courrier du 1er juin 2018, M. A______ a réitéré sa demande, en apportant des explications complémentaires.

En 2013, il avait décidé de suivre une formation à la Haute école de gestion de Genève (ci-après : HEG) afin d'y obtenir un bachelor. Cette formation, en plus du brevet fédéral d'agent de sécurité et de surveillance dont il était censé passer l'examen en automne 2014, devaient lui donner accès à une carrière militaire. Il souhaitait alors devenir soldat professionnel au sein du « [détachement de reconnaissance de l'armée] 10 ». Il avait cependant eu des problèmes avec deux camarades durant l'année scolaire 2013-2014. Il avait, à cette époque, une mentalité assez rigide car il pensait qu'avec cette attitude, il serait préparé pour toutes les épreuves que les forces spéciales de l'armée pourraient exiger de lui. Ce comportement n'était toutefois pas adapté à la vie civile et il avait eu des propos qui avaient dépassé sa pensée. Il regrettait les événements passés et avait depuis lors beaucoup mûri et évolué. Il avait intégré le collège pour adultes et en était sorti diplômé avec mention. Il préparait actuellement les tests d'entrée des examens sportifs pour l'Université de Lausanne.

Il avait renoncé à son rêve de faire une carrière militaire, ce qui avait été un énorme défi personnel et psychologique. Il souhaitait devenir dorénavant professeur de sport, mais pour pouvoir poursuivre ses études dans cette voie, il devait devenir financièrement indépendant. Actuellement, il était aidé par l'Hospice général (ci-après : l'hospice). Il n'avait pas d'autres formations, en dehors de sa formation scolaire, et le refus d'accréditation du département constituait « une épée de Damoclès sur [ses] épaules ». Il souffrait de sa situation de précarité, laquelle lui pesait de plus en plus.

 

7) Par décision du 26 juin 2018, la commandante de la police a refusé de procéder à la radiation des informations contenues dans le dossier de police de M. A______.

Son dossier de police contenait un seul document relatif à un rapport d'arrestation établi le 22 novembre 2013 suite à des plaintes pénales déposées à l'encontre de l'intéressé pour menaces via des moyens de communications informatiques et verbales, injures et détention d'armes interdites. Il avait été condamné pour ces faits par ordonnance pénale du 1er octobre 2014.

De jurisprudence constante, lorsque les faits devaient être considérés comme étant peu importants, ils perdaient progressivement leur utilité et la police ne pouvait plus en tirer aucune information utilisable pour le maintien de l'ordre et de la tranquillité publics. Le principe de proportionnalité exigeait donc qu'au-delà d'un délai de cinq ans, ils soient éliminés des fichiers des dossiers de police.

En l'occurrence, la condamnation de l'intéressé était datée de moins de cinq ans, de sorte que la conservation des données figurant dans son dossier de police demeurait proportionnelle et constitutionnelle.

8) Par acte du 29 juillet 2018, mis à la poste le 1er août 2018, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant à son annulation et à la radiation de son « casier de police ».

Réitérant les explications apportées dans ses précédentes écritures à la commandante de la police, l'intéressé a précisé qu'il avait effectué des formations de fitness en 2014 et dans le domaine de la sécurité en 2016. Il avait également obtenu le « first certificate » et un diplôme pour le niveau B2 en italien. Il s'était inscrit à la faculté de psychologie et sciences de l'éducation pour la rentrée académique 2017-2018 mais avait arrêté cette formation qui ne lui plaisait guère. En 2018, il avait réussi les tests d'entrée lui permettant d'intégrer l'Institut des sciences du sport de l'Université de Lausanne dès la rentrée académique
2018-2019.

Il était désespéré par la réponse négative visant la radiation des informations contenues dans son « casier de police ». Il était sans emploi depuis quatre ans et avait honte d'être bénéficiaire de l'aide sociale.

Les faits qui lui avaient été reprochés à une époque avaient une certaine importance, mais il n'avait tué personne. Ils étaient dus à une erreur de jeunesse, mélangée à un mauvais contrôle de ses émotions et de ses frustrations. Il n'était toutefois pas un criminel et avait suffisamment payé pour ce qu'il avait fait. Il souhaitait retrouver une vie normale et pouvoir travailler dans le domaine qui lui plaisait. Si cela apparaissait nécessaire, il demandait à être entendu par la chambre administrative.

Étaient notamment jointes au recours une copie des diplômes obtenus par l'intéressé ainsi que cinq lettres de soutien écrites respectivement par des amis, un ancien collègue et le président de la société de tir « C______ », attestant que
M. A______ était une personne calme, amicale, respectueuse des règlements, possédant un grand sens de la rigueur et un grand sens moral.

9) Dans ses observations du 3 septembre 2018, la commandante de la police a conclu au rejet du recours.

Dès lors que les jugements prononçant une peine pécuniaire comme peine principale étaient éliminés d'office après dix ans, l'ordonnance pénale du
1er octobre 2014 devait toujours être mentionnée au casier judiciaire de l'intéressé. Son casier ne devait dès lors pas être vierge, comme il le prétendait, ce qui fondait très certainement ses difficultés à travailler dans le domaine de la sécurité.

Reprenant l'argumentation contenue dans sa décision du 26 juin 2018, la commandante de la police a encore relevé que les données de police relatives à
M. A______ concernaient des faits constitutifs de délits, lesquels comportaient une certaine gravité. L'intéressé possédait plusieurs armes, dont une interdite en Suisse, avait menacé de mort deux victimes, dans un cadre scolaire, lesquelles avaient été terrorisées par la parole ainsi que par messages et courriers électroniques. Ces faits, au vu de leur gravité, pouvaient ainsi être conservés, pour les besoins de la police relatifs au maintien de l'ordre et de la tranquillité publics, au-delà du délai de cinq ans minimal.

10) Par courrier du 5 septembre 2018, M. A______ a précisé qu'il souhaitait obtenir une « dérogation exceptionnelle » lui permettant d'obtenir une radiation de son casier de police avant le délai de cinq ans qui ressortait de la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Il souhaitait trouver une activité lucrative. Son ancien formateur était prêt à l'engager pour un poste d'agent de sécurité si sa situation se débloquait. Son comportement et sa bonne foi « ne [devaient] pas laisser planer le doute sur [sa] personne ». Il sollicitait la clémence de la chambre administrative afin que sa requête soit acceptée et qu'il puisse retrouver une vie équilibrée.

Était jointe la directive du 2 juin 2004 concernant l'exigence d'honorabilité de la commission concordataire concernant les entreprises de sécurité.

11) Le 14 septembre 2018, M. A______ a réitéré ses précédentes explications.

Pour le surplus, il a indiqué avoir recouru contre la décision lui refusant l'octroi de l'assistance juridique.

12) Le 20 septembre 2018, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

13) Par décision du 21 décembre 2018, le vice-président de la Cour civile de la Cour de justice a rejeté le recours formé par M. A______ contre la décision du 13 août 2018 du vice-président du Tribunal civil rejetant sa requête d'assistance juridique.

14) Le 27 février 2019, la chambre administrative a interpellé le préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci-après : le préposé), en lui transmettant copie des écritures.

15) Le 8 mars 2019, le préposé s'est déterminé, estimant que la conservation des données personnelles de M. A______ figurant dans son dossier de police était conforme aux principes régissant le traitement des données personnelles, et notamment au principe de la proportionnalité.

La condamnation de l'intéressé datait de moins de cinq ans et la police conservait un intérêt à garder des données personnelles pendant une certaine durée, notamment pour sa mission de prévention des crimes et délits ; elle ne pouvait être contrainte à détruire ses dossiers immédiatement après une ordonnance pénale.

16) Le 1er avril 2019, la commandante de la police a indiqué ne pas avoir de détermination à formuler concernant la prise de position du préposé et a persisté intégralement dans ses conclusions.

17) Le 3 avril 2019, M. A______ a réitéré ses précédentes explications. Il se trouvait dans une situation de précarité complète. Malgré de nombreuses postulations, il n'avait pas réussi à trouver un emploi et s'était résigné à solliciter l'aide de l'hospice. Toutefois, son actuel statut d'étudiant ne lui permettait plus de bénéficier de l'aide sociale depuis la fin du mois de mars. Cette situation allait entraîner la perte de son bail à loyer ainsi que des poursuites. Son unique objectif était de retrouver un emploi. La radiation sollicitée lui permettrait de postuler pour des postes dans la sécurité, pour lesquels il avait toutes les qualités requises.

18) Le 5 avril 2019, les parties ont été informées que la cause restait gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 3C al. 1 de la loi sur les renseignements et les dossiers de police et la délivrance des certificats de bonne vie et moeurs du 29 septembre 1977 - LCBVM - F 1 25).

2) Le litige concerne le refus de la commandante de police de procéder à la radiation des informations contenues dans le dossier de police du recourant.

3) Le recourant sollicite son audition, « si cela [apparaît] nécessaire ».

a. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend notamment le droit pour la personne concernée de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et de participer à l'administration des preuves (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2).

Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_119/2015 du 16 juin 2015 consid. 2.1). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2).

b. En l'espèce, la chambre administrative ne procédera pas à l'audition du recourant dans la mesure où celle-ci ne serait pas susceptible d'influencer l'issue du litige, le dossier contenant toutes les pièces utiles à la résolution de celui-là. En outre, le recourant a pu s'exprimer à plusieurs reprises par écrit sur les arguments de l'autorité intimée.

4) Selon la jurisprudence, la personne au sujet de laquelle des informations ont été recueillies a en principe le droit de consulter les pièces consignant ces renseignements afin de pouvoir réclamer leur suppression ou leur modification s'il y a lieu ; ce droit découle de l'art. 10 al. 2 Cst., qui garantit la liberté personnelle, et plus spécifiquement de l'art. 13 al. 2 Cst. qui protège le citoyen contre l'emploi abusif de données personnelles. La conservation de renseignements dans les dossiers de police porte en effet une atteinte au moins virtuelle à la personnalité de l'intéressé car ces renseignements peuvent être utilisés ou consultés par les agents de la police, être pris en considération lors de demandes d'informations présentées par certaines autorités, voire être transmis à ces dernières (ATF 137 I 167
consid. 3.2 ; 126 I 7 consid. 2a ; arrêts du Tribunal fédéral 1P.713/2006 du
19 décembre 2006 consid. 2 ; 1C_307/2015 du 26 novembre 2015 consid. 2 ; ATA/636/2016 du 26 juillet 2016 consid. 5). Pour être admissible, cette atteinte doit reposer sur une base légale, être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et être proportionnée au but visé
(art. 36 al. 1 à 3 Cst.).

5) a. Les garanties de l'art. 13 al. 2 Cst. reprises à Genève à l'art. 21 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012
(Cst-GE -A 2 00) sont concrétisées par la législation en matière de protection des données (art. 1 de la loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 - LPD - RS 235.1), étant précisé que l'art. 37 al. 1 LPD établit un standard minimum de protection des données que les cantons et les communes doivent garantir lorsqu'ils exécutent le droit fédéral (Philippe MEIER, Protection des données, 2011, p. 145 n. 273).

b. La protection des particuliers en matière de dossiers et fichiers de police est assurée par les dispositions de la LCBVM et de la loi sur l'information du public et l'accès aux documents du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08). Selon
l'art. 1 al. 2 LCBVM, ceux-ci ne peuvent contenir des données personnelles qu'en conformité avec la LIPAD. Ainsi, à teneur de l'art. 1 al. 1 et 2 LCBVM, la police est autorisée à organiser et à gérer des dossiers et fichiers pouvant contenir des renseignements personnels en rapport avec l'exécution de ses tâches, en particulier en matière de répression des infractions ou de prévention des crimes et délits.

Dans le cadre de la législation cantonale sur les données personnelles, les institutions publiques veillent, lors de leur traitement, à ce que ces dernières soient pertinentes et nécessaires à l'accomplissement de leurs tâches légales (art. 36 al. 1 let. a LIPAD).

La conservation des données personnelles dans les dossiers de police judiciaire tient à leur utilité potentielle pour la prévention des crimes et délits ou la répression des infractions (art. 1 al. 3 LCBVM). Elle poursuit ainsi des buts légitimes liés à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (ACEDH Khelili c. Suisse du 18 octobre 2011, req. n. 16188/07, § 59).

c. Conformément aux exigences découlant des art. 10 al. 2 et 13 al. 2 Cst., des renseignements inexacts ne peuvent être retenus en aucun cas. En outre, dès le moment où des renseignements perdent toute utilité, leur conservation et l'atteinte que celle-ci porte à la personnalité ne se justifient plus ; ils doivent être éliminés (arrêts du Tribunal fédéral 1P.713/2006 précité consid. 2 ; 1P.436/1989 du
12 janvier 1990 consid. 2b in SJ 1990 p. 564 ; ATA/636/2016 précité consid. 6c).

d. Sauf disposition légale contraire, toute personne concernée par des données personnelles se voit conférer le droit d'accès à celles-ci et aux autres prétentions prévues par la LIPAD (art. 3A al. 1 LCBVM). Elle est en droit d'obtenir des institutions publiques, à propos des données la concernant, qu'elles détruisent celles qui ne sont pas pertinentes ou nécessaires (art. 47 al. 2 let. a LIPAD).

6) Selon la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH), en matière de radiation de données personnelles dans les dossiers de police, le droit interne des États parties doit assurer que les données à caractère personnel sont pertinentes et non excessives par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées, et qu'elles sont conservées sous une forme permettant l'identification des personnes concernées pendant une durée n'excédant pas celle nécessaire auxdites finalités (ACEDH Khelili précité, § 62 ; S. et Marper c. Royaume-Uni du 4 décembre 2008, req. n. 30562/04, § 103).

La conservation des données personnelles dans les dossiers de police judiciaire tient à leur utilité potentielle pour la prévention, l'investigation et la répression des infractions pénales (arrêt du Tribunal fédéral 1C_363/2014 du
13 novembre 2014 consid. 2 publié in SJ 2015 I p. 128 ss). Elle poursuit ainsi des buts légitimes liés à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (ACEDH Khelili précité, § 59 ; arrêt du Tribunal fédéral précité 1C_363/2014 consid. 2). La conservation au dossier de police judiciaire des données relatives à la vie privée d'une personne condamnée au motif que cette dernière pourrait récidiver est en principe conforme au principe de la proportionnalité (ACEDH Khelili précité, § 66 ; arrêt du Tribunal fédéral précité 1C_363/2014 consid. 2). En revanche, tel n'est pas le cas en principe de la conservation de données personnelles ayant trait à une procédure pénale close par un non-lieu définitif pour des motifs de droit, un acquittement ou encore un retrait de plainte (arrêt du Tribunal fédéral précité 1C_363/2014 consid. 2).

Dans la pesée des intérêts en présence, il convient de prendre en considération la gravité de l'atteinte portée aux droits fondamentaux du requérant par le maintien des inscriptions litigieuses à son dossier de police, les intérêts des victimes et des tiers à l'élucidation des éléments de fait non encore résolus, le cercle des personnes autorisées à accéder au dossier de police et les intérêts de la police à pouvoir mener à bien les tâches qui lui sont dévolues (ATF 138 I 256 consid. 5.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_307/2015 précité consid. 2).

Les caractéristiques d'une personne évoluent et les autorités ne doivent pas se référer à des images figées. Des faits peu importants perdent progressivement toute signification et la police ne peut plus en tirer aucune information utilisable pour le maintien de l'ordre et de la tranquillité publics. Le principe de la proportionnalité exige donc qu'à terme, ils soient éliminés des fichiers et des dossiers de la police (arrêt du Tribunal fédéral 1P.713/2006 précité consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.436/1989 précité in SJ 1990 p. 565).

Le législateur a renoncé à fixer un délai maximal régissant la garde de données personnelles ; la durée de conservation des données personnelles recueillies dans le dossier de police doit s'apprécier au regard de l'utilité potentielle des informations pour la prévention ou la répression des crimes et des délits (arrêt du Tribunal fédéral 1P.713/2006 précité consid. 3.1 ; Mémorial des séances du Grand Conseil, séance du 16 décembre 1988, p. 7274/7275). Il n'y a pas lieu de se montrer trop sévère dans l'examen de cette question, car il se peut qu'une donnée a priori anodine prenne par la suite une importance que l'on ne pouvait soupçonner à l'origine (arrêts du Tribunal fédéral 1P.713/2006 précité consid. 3.1 ; 1P.3/2001 précité consid. 3a).

Dans l'arrêt 1P.3/2001 précité, le Tribunal fédéral a jugé qu'en deçà d'une durée de cinq ans, qui semblait raisonnable au regard des intérêts en présence (principes de la liberté personnelle et de la proportionnalité), la conservation des renseignements ne devait pas être considérée comme inconstitutionnelle. Dans l'affaire en question, une personne sollicitait la radiation du rapport de police rédigé après que cette dernière ait dû lui ordonner de partir d'un établissement qu'elle refusait de quitter d'elle-même. Dans l'arrêt 1P.713/2006 précité, une personne sollicitait la radiation des dossiers de police de deux plaintes formées à son égard, lesquels avaient été finalement classées faute d'avoir pu l'entendre sur les faits en question. Une troisième plainte avait été formée contre elle postérieurement, pour des faits similaires, laquelle avait abouti à sa condamnation à une peine de vingt jours d'emprisonnement avec sursis pendant cinq ans. Le Tribunal fédéral a alors confirmé le refus de l'autorité de radier des dossiers de police des plaintes ayant été classées, celles-ci n'ayant pas perdu tout intérêt pour la prévention et la répression des infractions, tout en précisant que la demande pourrait être réexaminée à l'issue du délai d'épreuve de cinq ans assorti à sa condamnation.

7) Le Tribunal fédéral a donné raison à un recourant qui sollicitait la radiation, de son dossier de police, de documents se rapportant à des pièces d'une procédure pénale ouverte à son encontre pour escroquerie et faux dans les titres, laquelle avait toutefois abouti à une ordonnance de classement. Le Tribunal fédéral a notamment relevé que le recourant n'avait jamais été condamné ou poursuivi pénalement avant les faits qui avaient donné lieu à la procédure pénale litigieuse, de sorte que la conservation de ces données ne se justifiait pas dans la perspective d'une éventuelle récidive. Les faits dénoncés n'étaient pas comparables quant à leur gravité à des causes relevant de la criminalité organisée ni à des infractions contre l'intégrité physique ou sexuelle. La probabilité que ces données puissent servir aux investigations ultérieures de la police ou à la prévention d'autres infractions était purement théorique. Leur utilité pour la prévention générale des infractions était donc faible. L'intérêt du recourant à voir ces données radiées de son dossier de police pour ne pas compromettre les chances de succès d'une nouvelle candidature à un poste au sein de la police genevoise l'emportait sur l'intérêt public à leur conservation. Le fait que la demande de radiation avait été présentée deux mois à peine après le classement de la procédure pénale n'y changeait rien (arrêt du Tribunal fédéral 1C_307/2015 précité).

8) La chambre administrative a considéré que le refus de radier des fichiers de la police des condamnations datant de près dix ans pour des vols à réitérées reprises de trottinettes, de vélos, de vélomoteurs et de pièces détachées de scooters, ainsi qu'un incendie intentionnel sur le toit d'un cycle d'orientation, était conforme au droit, alors même que les faits avaient été commis lorsque le recourant était encore mineur et que la conservation de ces données dans les dossiers de police l'empêchait d'obtenir un poste au sein de la police cantonale genevoise (ATA/636/2016 précité).

9) Le recourant soutient que la conservation des données litigieuses dans son dossier de police lui cause un préjudice considérable sur le plan professionnel en l'empêchant d'être autorisé à exercer en qualité d'agent de sécurité, le département ayant déjà opposé un refus au motif de sa condamnation pénale. L'intimée considère qu'au vu de la gravité des faits, le document pouvait être conservé, pour les besoins de la police relatifs au maintien de l'ordre et de la tranquillité publics.

À teneur du dossier, il existe un seul document relatif au recourant dans les dossiers de police, inscrit le 22 novembre 2013, soit un rapport d'arrestation suite à des plaintes pénales déposées à l'encontre de l'intéressé pour menaces, injures et infraction à la législation sur les armes (ci-après : le document). La question de savoir si ledit document présente une utilité pour la prévention ou la répression des infractions et s'il peut être conservées au dossier, doit être résolue au regard de toutes les circonstances déterminantes du cas d'espèce (ATF 138 I 256
consid. 5.5).

Le recourant ayant été condamné pour les infractions précitées par ordonnance pénale du 1er octobre 2014, il n'y a pas lieu de prendre en considération l'aspect de répression dans l'utilité potentielle des données conservées. Reste à analyser, la prévention, soit le risque de récidive, et la durée maximale de conservation des données de police selon l'importance des infractions, au regard du principe de proportionnalité.

Le document litigieux figure dans les dossiers de police depuis un peu plus de cinq ans, soit depuis le 22 novembre 2013, date du rapport d'arrestation survenu le même jour, même s'il est vrai que sa condamnation par ordonnance pénale du 1er octobre 2014 date quant à elle d'un peu moins de cinq ans. Sans qu'il ne soit nécessaire de trancher en l'espèce la question de savoir si le dies a quo démarre à l'inscription des données litigieuses ou à la date de la condamnation pénale - la jurisprudence semblant toutefois privilégier ce dernier délai-, il convient de relever qu'à teneur de la jurisprudence précitée le délai de cinq ans ne constitue dans tous les cas pas un délai fixe et qu'il faut bien plutôt examiner les circonstances concrètes du cas d'espèce.

Comme susmentionné, la conservation au dossier de police judiciaire des données relatives à la vie privée d'une personne condamnée au motif que cette dernière pourrait récidiver est en principe conforme au principe de la proportionnalité. Même si le recourant n'a pas récidivé depuis sa condamnation et même si les infractions commises ne relèvent ni de la criminalité organisée ni d'infractions contre l'intégrité physique ou sexuelle, il convient de ne pas minimiser les faits en cause. Le recourant a notamment proféré des menaces de mort et de torture à l'égard de deux étudiantes, et ce durant plusieurs mois, les faisant alors vivre dans la terreur. Il a également proféré de telles menaces auprès d'une tierce personne concernant les deux jeunes femmes.

Dans une affaire précitée (ATA/636/2016 précité), la chambre de céans a confirmé le refus de radiation de pièces faisant état de condamnations au pénal, datant de près de dix ans, notamment pour incendie intentionnel, soit un crime (art. 10 al. 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0).

Au regard de cet arrêt, du fait que les infractions pour lesquelles le recourant a été condamné en l'espèce relèvent de délits (art. 10 al. 3 CP) et des explications qui précèdent, la conservation du document dans le dossier de police moins de cinq ans après sa condamnation n'apparaît pas disproportionnée.

Par ailleurs, l'on ne saurait considérer comme pertinent l'argument du recourant selon lequel il faudrait faire suite à sa demande de radiation au motif qu'il souhaite exercer la profession d'agent de sécurité. En effet, comme déjà indiqué par la chambre de céans dans un précédent arrêt (ATA/636/2016 précité consid. 9), il est logique que les autorités ne se montrent pas plus clémentes en termes de radiation d'antécédents judiciaires lorsque la personne concernée souhaite faire carrière dans une branche nécessitant une intégrité et une honnêteté sans faille, ce qui est en l'espèce le cas pour la profession d'agent de sécurité.

À toutes fins utiles, il sera encore relevé que le recourant semble confondre les procédures, distinctes, de radiation des données personnelles du dossier de police (art. 1 à 3C LCBVM - objet de la présente procédure) et de délivrance d'une carte d'agent privé de sécurité (art. 9 et 12A CES). Le maintien du document au sein du dossier de police n'exclut ainsi pas que la condition d'honorabilité prévue par l'art. 9 al. 1 let. d CES puisse, le cas échéant et suivant les circonstances, être remplie. Au demeurant, l'infraction de menace et les infractions à la législation fédérale sur les armes, hors service, sont considérées comme des infractions non graves objectivement au sens de la directive du 3 juin 2004 concernant l'exigence d'honorabilité. Au surplus, la délivrance de la carte précitée s'examine à l'aune d'autres critères que ceux déterminant in casu.

Dès lors, au vu des circonstances concrètes du cas d'espèce, l'intérêt du recourant à voir le document radié de son dossier de police cède le pas par rapport à l'intérêt public à sa conservation. La décision litigieuse est ainsi conforme au droit.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

10) Malgré l'issue du litige et au vu des circonstances particulières du cas d'espèce, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er août 2018 par Monsieur A______ contre la décision de la commandante de la police du 26 juin 2018 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature de la recourante ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à la commandante de la police, ainsi qu'au préposé cantonal à la protection des données et à la transparence.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Thélin, Mme Junod, M. Pagan,
Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

K. De Lucia

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :