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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/938/2014

ATA/827/2014 du 28.10.2014 ( AIDSO ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : PLACEMENT D'ENFANTS; CALCUL; PARENTS; OBLIGATION D'ENTRETIEN ; FRAIS D'ENTRETIEN
Normes : RCFEMP.3.al1; RCFEMP.3.al2; RCFEMP.5.al1
Résumé : Les frais concernant les vêtements, le transport et l'argent de poche d'un enfant placé peuvent être négociés avec les parents. C'est à juste titre que le service de protection des mineurs a appliqué un rabais en fonction des revenus des parents sur les frais de pension, mais également sur l'entretien personnel.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/938/2014-AIDSO ATA/827/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 octobre 2014

1ère section

 

dans la cause

 

Mme A______

contre

SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS

 



EN FAIT

1) Mme A______, née le ______ 1974, divorcée, réside à Genève. Elle a trois enfants, B______, né le ______ 1999, C______, née le ______ 2003, et D______, né le ______ 2008.

2) Par ordonnance exécutoire nonobstant recours du 3 mars 2014, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE) a retiré la garde de B______ à Mme A______ et placé ce dernier au foyer de E______. Un droit de visite lui a été réservé à raison d’un week-end sur deux.

3) Par décision du 18 mars 2014, le service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) de l’office de l’enfance et de la jeunesse (ci-après : OEJ) a fixé le montant de la contribution mensuelle de Mme A______ aux frais d’entretien de son fils placé.

Sa contribution était composée de CHF 450.- de frais de pension et de CHF 140.- pour l’entretien personnel. Il prenait compte d’un rabais de 50 % calculé sur la base du revenu déterminant unifié (ci-après : RDU) de Mme A______ et du nombre d’enfants à sa charge.

4) Par acte du 31 mars 2014, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

Exposant sa situation difficile de mère élevant seule ses enfants, elle contestait le RDU sur lequel se basait le SPMi. Il y tenait en effet en compte des prestations sociales qui lui étaient octroyées. Elle avait déjà acheté à son fils placé un abonnement de bus et des fournitures scolaires. Ces frais ne pouvaient donc pas lui être facturés.

Elle a joint à son écriture une attestation du calcul de son RDU pour les prestations tarifaires de l’année 2012. Des frais de garde avaient été déduits à hauteur de CHF 4'821.-, les subsides de l’assurance-maladie, ainsi que les allocations de logement avaient en revanche été comptabilisés comme revenus.

5) Le 5 mai 2014, le SPMi a répondu, concluant au rejet du recours.

Conformément à sa directive sur la participation des parents aux frais de placement du 1er janvier 2014 (ci-après : la directive), un rabais de 50 %, calculé sur la base du RDU de Mme A______, avait été appliqué aux frais de pension de CHF 900.- et sur le budget personnel non négociable de l’enfant placé de CHF 280.-. Le RDU pris en compte comprenait les prestations sociales qu’elle percevait, car un ménage tirant la totalité de ses revenus d’un travail ne devait pas être moins bien traité qu’un autre ménage dont une partie des revenus provenait de prestations sociales. Les frais de garde des enfants en avaient en revanche été déduits.

Il a annexé une copie de la directive à sa réponse.

6) Par lettre du 2 juin 2014, Mme A______ a répliqué et confirmé les termes de son recours.

Elle regrettait de ne pas pouvoir décider du montant de l’argent de poche, ainsi que de celui consacré à l’habillement de son fils placé. Elle avait contesté le montant de frais de garde de ses deux autres enfants retenu par l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) et sur lequel était basé le calcul de son RDU.

7) Le 22 juin 2014, Mme A______ a produit un bordereau rectificatif du 11 juin 2014 que l’AFC-GE lui avait notifié pour l’impôt cantonal et communal de l’année 2012. Des frais de garde avaient été admis pour un montant de CHF 5'916.-.

8) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sur ces points (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l’art. 65 al. 1 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. Les conclusions doivent être complétées dans le cadre du délai de recours. Au-delà de celui-ci, elles sont irrecevables (ATA/34/2014 du 21 janvier 2014 ; ATA/757/2012 du 6 novembre 2012 ; ATA/99/2012 du 21 février 2012 ; ATA/12/2012 du 10 janvier 2012 ; ATA/153/2010 du 9 mars 2010).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que la chambre administrative et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/397/2011 du 21 juin 2011 ; ATA/478/2008 du 16 septembre 2008). Une requête en annulation d’une décision doit, par exemple, être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision, ainsi que sa volonté qu’elle ne développe pas d’effets juridiques (ATA/488/2014 du 24 juin 2014).

b. En l’espèce, la recourante, qui n’est pas assistée d’un avocat, n’a pas pris de conclusions formelles en annulation de la décision du SPMi. Il ressort toutefois clairement de ses écritures qu’elle est en désaccord avec celle-ci et qu'elle souhaite son annulation. Partant, l’acte de recours est également recevable de ce point de vue.

3) a. Les père et mère doivent pourvoir à l’entretien de l’enfant et assumer, par conséquent, les frais de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (art. 276 al. 1 du Code civil Suisse du 10 décembre l907 - CC -
RS 210).

L’entretien est assuré par les soins et l’éducation ou, lorsque l’enfant n’est pas sous la garde de ses père et mère, par des prestations pécuniaires (art. 276
al. 2 CC).

Lorsqu’elle ne peut éviter autrement que le développement de l’enfant ne soit compromis, l’autorité de protection de l’enfant retire l’enfant aux père et mère ou aux tiers chez qui il se trouve et le place de façon appropriée (art. 310
al. 1 CC).

À la demande des père et mère ou de l’enfant, l’autorité de protection de l’enfant prend les mêmes mesures lorsque les rapports entre eux sont si gravement atteints que le maintien de l’enfant dans la communauté familiale est devenu insupportable et que, selon toute prévision, d’autres moyens seraient inefficaces (art. 310 al. 2 CC).

L’ordonnance fédérale sur le placement d’enfants du 19 octobre 1977
(RS 211.222.338 - OPE) dispose que les cantons peuvent édicter des directives pour le calcul des contributions d’entretien afin de faciliter le placement d’enfants (art. 3 al. 2 let. b OPE).

b. Selon l’art. 1 al. 1 du règlement fixant la contribution des père et mère aux frais d’entretien du mineur placé hors du foyer familial ou en structures d’enseignement spécialisé de jour du 21 novembre 2012 (RCFEMP - J 6 26.04), l’OEJ perçoit une contribution financière aux frais de pension et d’entretien personnel auprès des père et mère du mineur placé. La part du financement du placement non couverte par la contribution des père et mère est à la charge de l’état (art. 1 al. 2 RCFEMP).

Le prix de pension pour un tel placement est facturé sur une base journalière forfaitaire de CHF 30.-, auquel peuvent se rajouter les frais d’entretien personnel du mineur (art. 2 al. 1 et 2 RCFEMP).

Les frais d’entretien personnel mensuels s’élèvent au maximum aux montants établis par les barèmes ci-après et sont refacturés aux père et mère sur la base des frais effectifs (art. 3 al. 1et 2 RCFEMP) :  

0-4 ans

5-7 ans

8-9 ans

10-11 ans

12-13 ans

14-15 ans

dès 16 ans*

Prestations / Âge

Vêtements

CHF 90.-

CHF 90.- 

CHF 90.- 

CHF 90.- 

CHF 90.- 

CHF 90.-

CHF 95.- 

Sports, culture, loisirs

--

CHF 30.-

CHF 40.-

CHF 50.-

CHF 60.-

CHF 70.-

CHF 80.-

Langes

CHF 80.-

--

--

--

--

--

--

Transport**

--

--

CHF 50.-

CHF 50.-

CHF 50.-

CHF 50.-

CHF 50.-

Argent de poche

--

--

CHF 10.-

CHF 20.-

CHF 30.-

CHF 40.-

CHF 80.-

Soin personnel

--

--

--

--

CHF 20.-

CHF 30.-

CHF 40.-

Matériel scolaire

--

--

--

--

--

--

CHF 15.-

Total

CHF 170.-

CHF 120.-

CHF 190.-

CHF 210.-

CHF 250.-

CHF 280.-

CHF 360.-

*     et/ou dès la fin de la scolarité obligatoire

**    hors structures d'enseignement spécialisé

c. Selon la directive, qui met en application et réglemente les articles contenus dans le RCFEMP, les frais de pension sont calculés sur une base mensuelle de CHF 900.-, quel que soit le nombre de jours compris dans le mois (ch. 3). Le montant des frais d’entretien relatifs aux vêtements, au transport et à l’argent de poche peut faire l’objet d’une négociation entre les parents et l’institution (ch. 5.1. let. c).

Cette directive est une ordonnance administrative dont les destinataires sont ceux qui sont chargés de l'exécution d'une tâche publique et non pas les administrés. Elle n’est pas publiée dans le recueil officiel de la collectivité publique et ne peut donc pas avoir pour objet la situation juridique de tiers. La directive en cause est toutefois une directive interprétative qui exerce un effet sur la situation des tiers. L'ordonnance administrative ne lie pas le juge, mais celui-ci la prendra en considération, surtout si elle concerne des questions d'ordre technique ; il s'en écartera cependant s'il considère que l'interprétation qu'elle donne n'est pas conforme à la loi ou à des principes généraux (ATA/605/2014 du 29 juillet 2014 ; Pierre MOOR, Droit administratif, vol. I, 2012, p. 420 ss).

c. En l’espèce, la recourante avance qu’elle a déjà payé un abonnement de bus, ainsi que du matériel scolaire à son fils mineur placé, raison pour laquelle ces frais ne devraient pas lui être facturés. Elle souhaiterait pouvoir décider du montant consacré à son argent de poche et son habillage.

Le SPMi a fixé l’entretien personnel du fils de la recourante, âgé de 14 ans au moment du prononcé de la décision attaquée, au maximum prévu par le RCFEMP, soit à CHF 280.-. Or, les postes « vêtements », « transport » et « argent de poche » composant ce montant peuvent faire l’objet d’une négociation avec la recourante, qui en a émis le souhait. Les frais de matériel scolaire ne peuvent en revanche pas être négociés, car ils ne font pas partie des frais d’entretien personnel d’un enfant placé âgé de 14 ans.

C’est donc à tort que le SPMi a fixé le montant des frais à l’entretien personnel du fils de la recourante tel qu’il l’a fait. La cause sera renvoyée au SPMi en vue d’une négociation avec la recourante sur les postes « vêtements », « transport » et « argent de poche ».

4) a. Un rabais fondé sur le RDU est accordé aux père et mère, selon le barème ci-après, pour le prix de pension de base fixé à l’art. 2 al. 2 RCFEMP (art. 5 al. 1 RCFEMP) :

Niveau de revenu

1

2

3

4

5

Limite du revenu familial pour 1 enfant*

CHF 0.- à 57 000.- 

CHF 57 001.- à 69 000.-

CHF 69 001.- à 84 000.-

CHF 84 001.- à 95 000.-

+ de CHF 95 000.-

Rabais

100%

80%

50%

20%

0%

 

 

 

*  dès le 2e enfant à charge, ajouter CHF 7’500.- par enfant au revenu pour déterminer la limite du revenu familial

Les limites de revenus sont exprimées en francs, calculées en application de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2006 (LRDU - J 4 06) (art. 5
al. 2 RCFEMP).

La chambre administrative a déjà relevé que l’art. 5 RCFEMP ne respectait pas le droit supérieur en ne prévoyant pas la possibilité d’un rabais pour les frais d’entretien personnel de l’enfant mineur placé et en ne prenant ainsi pas en considération la capacité contributive des personnes concernées (ATA/770/2013 du 19 novembre 2013).

b. Le RDU se calcule sur l’ensemble des revenus et de la fortune selon la dernière taxation fiscale définitive (art. 8 al. 2 et 9 LRDU). Les frais de garde des enfants en sont déduits (art. 5 al. 1 let. e LRDU).

Il est calculé automatiquement sur la base de la dernière taxation fiscale définitive (art. 9 al. 1 LRDU). Le RDU est en principe actualisé sur la base des derniers éléments de revenus et de fortune connus de la personne (art. 10 al. 1 LRDU). Il peut être actualisé sur demande d’un service (art. 10 al. 2 LRDU).

Les prestations octroyées par le SPMi sont calculées sur la base du RDU additionné des prestations catégorielles (art. 1 let. d du règlement d’exécution de la loi sur le revenu déterminant unifié du 27 août 2014 - RRDU - J 4 06.01 ; art. 1 et art. 13A al. 1 LRDU, qui ont repris les art. 2 al. 1 et 13 al. 2 2ème phr. de l’ancienne loi sur le revenu déterminant le droit aux prestations sociales cantonales du 19 mai 2005 - aLRD - J 4 06).

Sont considérées comme des prestations catégorielles, les subsides de l’assurance-maladie et les allocations de logement (art. 13 al. 1 let. a LRDU, qui a repris l’art. 13 al. 1 let. a aLRD).

c. En l’espèce, la recourante estime que le SPMi ne devrait pas se baser sur un RDU comprenant les prestations sociales qui lui sont versées et déduire les frais de garde nouvellement admis par l’AFC-GE.

Au préalable, il faut relever que, conformément à la jurisprudence de la chambre de céans et contrairement à l’art. 5 al. 1 RCFEMP, le SPMi a appliqué un rabais aux frais d’entretien personnel du fils mineur placé de la recourante, prenant ainsi en compte la capacité contributive de cette dernière.

Le SPMi a respecté la LRDU et son règlement en prenant la décision attaquée sur la base du RDU de la recourante, qui comprend son allocation logement et ses subsides d’assurance. L’AFC-GE ayant admis des frais de garde à la charge de la recourante augmentés à CHF 5'916.- pour l’année fiscale 2012, le SPMi devra demander l’actualisation du RDU de la recourante et recalculer, cas échéant, le rabais auquel elle a droit, tant pour les frais de pension que pour l’entretien personnel.

5) Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et le dossier renvoyé au SPMi pour nouvelle décision au sens des considérants.

La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 3 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la recourante, qui n’y a pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 mars 2014 par Mme A______ contre la décision du service de protection des mineurs du 18 mars 2014 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision du service de protection des mineurs du 18 mars 2014 en ce qu’elle fixe une contribution aux frais d’entretien personnel à CHF 140.- et applique un rabais de 50 % pour les frais de pension et l’entretien personnel ;

la confirme pour le surplus ;

renvoie la cause au service de protection des mineurs pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mme A______ ainsi qu'au service de protection des mineurs.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :