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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2091/2021

ATA/826/2022 du 23.08.2022 sur JTAPI/1318/2021 ( LCI ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2091/2021-LCI ATA/826/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 août 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Mattia Deberti, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2021 (JTAPI/1318/2021)


EN FAIT

1) a. Monsieur A______ est propriétaire de la parcelle n° 4'972 de la commune de Bernex d’une superficie de 40'786 m2, sise en zone 4B protégée, à l’exception d’une portion au sud située en zone agricole, non pertinente en l’espèce.

La parcelle s’étend le long de la route de Soral. Elle abrite six bâtiments au total, au sud-est de celle-ci : deux de moins de 20 m2 et une habitation à l’adresse 144, route de Soral, non concernés par le présent litige ainsi qu’un ensemble composé de trois bâtiments contigus, les plus à l’est, soit une habitation à un logement, sis au 142, route de Soral, de 148 m2 (bâtiment B336), un « autre bâtiment » de 119 m2 (B337) et un hangar de 134 m2 (B338).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Selon le système d’information du Territoire à Genève (SITG), plus de 32 m séparent, au point le plus proche, les bâtiments concernés par le présent litige (B337 et 338, ci-après : le hangar) et la route de Soral.

Le groupe de bâtiments concernés (B 336-337-338) se trouve à l’arrière de feuillus.

b. Une enclave, au nord de la parcelle, comprend un lotissement de plusieurs maisons mitoyennes, sises au chemin des Curiades.

c. Les parcelles sises à l’ouest de la n° 4'972, l’enclave, et le village de Lully, y compris les parcelles au sud de la route de Lully, sont en zone 4B protégée.

2) Les maisons sises aux nos 144 et 142 ainsi que les entrepôts agricoles font l’objet de fiches au recensement architectural du canton de Genève (ci-après : RAC).

Celle relative au n° 142 (RAC-BRX-3249) conclut que « situé sur une ancienne rue principale du village de Bernex, cet ensemble rural est un exemple typique des domaines paysans genevois d’une certaine importance. La construction d’annexes supplémentaires soit une grange, des étables et deux autres bâtiments dans une cour fermée, ainsi que son organisation montre que le domaine était conçu avec un cheptel conséquent. Ces points confèrent à cet ensemble une valeur patrimoniale élevée ».

Le contenu des fiches sera repris, en tant que nécessaire, dans la partie en droit du présent arrêt.

3) a. Le 28 mai 2020, le département du territoire (ci-après : DT) a délivré à M. A______ une autorisation de construire, enregistrée sous les références APA 1______ relative à l'installation de panneaux photovoltaïques d'une surface totale de 129 m2, pour un coût estimé à CHF 80'000.-

Sous ch. 6, le DT a exigé que les conditions formulées dans le préavis du service des monuments et des sites (ci-après : SMS) du 27 mai 2020 soient strictement respectées. Le préavis dudit service mentionnait :

« Au vu des documents transmis, le service comprend qu'il s'agit d'installer des panneaux solaires photovoltaïques sur l'ensemble du pan sud de l'entrepôt agricole, sis route de Soral 142.

« Le bâtiment concerné est un entrepôt construit en 1904, réalisé en plots de ciment, pour le soubassement, et recouvert d'un bardage bois pour la partie haute. Il a probablement une charpente en bois. Sa couverture de tuile mécanique exprime une construction fonctionnelle avant tout, mais offrant des détails constructifs soignés (travail du soubassement de la façade pignon libre, entre autre). Son positionnement, tout à fait intégré dans l'ensemble du domaine auquel il appartient, le met particulièrement en évidence visuellement depuis la route de Soral. Le traitement de son toit demande donc une attention tout à fait sensible.

« Dès lors, le service peut entrer en matière pour une installation de panneaux photovoltaïques sur le pan sud de l'entrepôt aux conditions suivantes :

- la couleur des panneaux devra se rapprocher au plus près de la couleur de la tuile. Un échantillon devra être soumis au service pour validation avant commande des travaux ;

- l'intégration dans la toiture affleurée aux tuiles devra être assurée, comme les documents le précisent ;

- un soin tout particulier devra être pris pour le dessin du calepinage des panneaux et des rangs de tuiles.

« Les plans d'exécution devront donc également être visés par le service avant commande des travaux.

« Si ce choix ne pouvait être suivi, le service serait tout-à-fait défavorable à des panneaux noirs ou foncés sur l'ensemble de la toiture pour des questions d'impact dans le paysage. Et dès lors il ne pourrait entrer en matière que pour une série de panneaux en bande basse, comme demandé usuellement en zone protégée ».

b. En l’absence de recours, la décision est entrée en force.

4) Le 31 mars 2021, M. A______ a sollicité du DT la délivrance d'une nouvelle autorisation de construire en procédure accélérée en vue de la pose de panneaux photovoltaïques d'une surface totale de 165 m2, pour un coût estimé à CHF 82'000.- sur la même toiture (inclinée) des bâtiments B337 et B338.

Le nombre et les modèles de panneaux n’étaient toutefois pas identiques à la précédente demande. À teneur des documents produits, le projet consistait en l'intégration à ladite toiture de panneaux (nonante-huit tuiles Bisol 330 Wc [« puissance : 90 x 330 = 29.7 kWc »], dont huit non raccordées) noirs traités antireflet formant un rectangle uniforme de 2'366 cm x 696,5 cm entouré « par la ferblanterie » de la toiture. Ils recouvriraient tout le pan sud de la grange, sis côté route de Soral.

Un reportage photographique était joint, avec des prises de vue sous six angles différents.

La demande a été enregistrée sous les références APA 2______.

5) a. La commune de Bernex a émis un préavis favorable, sans observation, remarquant que le projet était en adéquation avec son plan directeur des énergies.

b. Le 5 mai 2021, le SMS a émis un préavis favorable, sous conditions ; le texte était identique à celui du 27 mai 2020 et s’arrêtait après la deuxième condition.

6) Par décision du 17 mai 2021, le DT a délivré l'autorisation APA 2______, tout en exigeant – sous ch. 6 – que les conditions formulées dans le préavis du SMS du 5 mai 2021 soient strictement respectées.

7) Par acte du 16 juin 2021, M. A______ a recouru devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre cette décision, concluant à ce que ladite condition n° 6 soit annulée et à ce qu'il soit dit que « l'autorisation de construire n'est pas soumise à la condition que la couleur des panneaux se rapproche au plus près de celle de la tuile ». À titre préalable, il a sollicité un transport sur place.

L'exigence formulée par le SMS sur la teinte des panneaux entraînerait une production d'électricité inférieure d'environ 20 % et un coût supérieur de 30 % en comparaison d'une installation ordinaire.

Le DT n'avait pas respecté la marge d'appréciation limitée que lui conférait l'art. 18a al. 4 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). Les considérations d'ordre esthétique ne devaient pas prévaloir sur l'intérêt à la promotion de l'énergie solaire. Ses bâtiments ne faisaient pas l'objet d'une mesure de protection découlant de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05). Ils étaient seulement recensés comme « intéressants » dans le RAC. Le préavis du SMS n'était pas suffisamment motivé pour se convaincre de la prépondérance de l'intérêt à la préservation des bâtiments. Il était par ailleurs inexact que le bâtiment en cause était « particulièrement en évidence visuellement depuis la route de Soral ». Ce préavis ne tenait pas compte du fait que, conformément à la « directive relative à l'installation de panneaux solaires » (édictée en décembre 2015 par l'office cantonal de l'énergie [ci-après : OCEN] en application de l'art. 1 al. 3 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) [ci-après : la directive]), il avait choisi d'installer des panneaux sur des bâtiments annexes, et non sur le bâtiment principal destiné à l'habitation.

8) Le DT a conclu au rejet du recours.

Le cas d'espèce entrait dans le champ d'application de l'art. 18a al. 3 LAT.

L'intérêt à l'utilisation de l'énergie solaire l'emportait, en principe, sur les aspects esthétiques. Cela ne voulait pas dire que, dans certains cas, des motifs esthétiques ne puissent pas imposer certaines conditions. En outre, la constitutionnalité de l'art. 18a LAT était discutée au sein de la doctrine, l'aménagement du territoire incombant aux cantons, selon l'art. 75 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

L'implantation du projet en zone 4B protégée, la valeur « intéressant » attribuée par le RAC, la valeur patrimoniale élevée de l'ensemble rural relevée par le SMS et son exposition depuis la route de Soral justifiaient que certaines conditions soient imposées, même dans le cas d'une application de l'art. 18a
al. 4 LAT.

La question de l'efficacité de l'installation devait être relativisée. Une solution alternative limitant l'impact visuel engendré par le projet, même si elle était légèrement moins favorable à la production d'énergie, permettrait au requérant d'atteindre un rendement conséquent, d'autant plus au vu de la surface totale importante des panneaux solaires autorisée. Le projet, tel qu'il était présenté, engendrerait un impact trop important tant sur le village protégé dans lequel il devait prendre place que sur l'ensemble rural sur lequel il était prévu. Les bâtiments en cause étaient considérés comme « intéressant », soit la deuxième valeur la plus élevée dans le cadre du RAC de 2018. De plus, le Tribunal fédéral avait déjà confirmé que la couleur des panneaux pouvait avoir une incidence sur un site et porter une atteinte notable à celui-ci. De même, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) avait déjà eu l'occasion de préciser que la fixation d'une condition dans une autorisation de construire quant à la matérialité ou l'apparence des panneaux, afin de s'assurer de leur intégration et de préserver le caractère de la zone 4B protégée, se justifiait et était proportionnée.

Enfin, la loi promouvait l'énergie renouvelable, mais n'imposait pas que le rendement soit maximum. D'ailleurs, le recourant ne démontrait pas que la condition fixée dans la décision attaquée entraînerait un rendement insuffisant, ce d'autant plus que le rendement total de l'installation, telle qu'autorisée, était estimé à 22'540 kWh et que la consommation moyenne d'un foyer suisse était de
4'000 kWh.

9) Dans sa réplique, M. A______ a relevé que contrairement à ce que le DT alléguait, l'art. 18a al. 4 LAT était applicable. Il ne suffisait pas qu'une zone soit « intitulée par la législation cantonale comme " protégée " pour qu'elle fasse partie des zones à protéger au sens de l'art. 17 LAT ». Conformément à l'art. 29 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), seuls les villages protégés selon les art. 105 à 107 LCI étaient considérés comme à protéger, mais non toute la zone 4B protégée. L'art. 105 LCI prescrivait que les limites exactes des zones de village protégé étaient déterminées par des plans détaillés adoptés par le Conseil d'État. Or, à sa connaissance, il n'existait pas un « plan détaillé, a fortiori d'arrêté du Conseil d'État déterminant une zone à protéger au hameau de Lully », ce qui n'était pas étonnant, car « fort peu de bâtiments de la partie ouest de la zone 4B protégée du village de Lully présent[ai]ent un intérêt patrimonial ». Dès lors, sa parcelle et tout le quartier en bordure duquel elle se trouvait, bien qu'en zone 4B protégée, ne se trouvaient pas dans une zone à protéger au sens de l'art. 17 LAT. Enfin, on concevait « mal comment une zone de village protégé pourrait être déterminée au vu de l'aspect du quartier et du peu de bâtiments ayant une valeur patrimoniale ».

10) Le DT a dupliqué, relevant que contrairement à ce que soutenait M. A______, il n'y avait pas de dissociation entre la zone 4B protégée et la notion de village protégé. L'art. 18a al. 3 LAT trouvait application in casu.

Même la photographie produite par l’intéressé, prise depuis un point de vue qu’il avait minutieusement choisi, n'infirmait pas le fait que l’installation serait visible depuis la route de Soral.

11) Par jugement du 22 décembre 2021, le TAPI a rejeté le recours.

À Genève, les villages protégés, selon les art. 105 à 107 LCI, étaient désignés par la LaLAT comme zone à protéger au sens de l’art. 17 LAT, de sorte que les installations solaires y nécessitaient une autorisation au sens de l’art. 18a al. 1 LAT.

Les bâtiments sur lesquels les panneaux photovoltaïques litigieux devaient prendre place étaient situés dans une zone 4B protégée, dûment délimitée par un plan approuvé par le Conseil d’État, soit une zone à protéger au sens de l’art. 17 LAT. L’art. 18a LAT n’était donc pas applicable. Son al. 4 devait toutefois être pris en compte dans le cas de l’application de l’art. 106 LCI. Conformément à ce dernier, le préavis du SMS était obligatoire. La jurisprudence imposait qu’une prééminence lui soit reconnue. Il ne pouvait dès lors, a priori, être reproché au DT de l’avoir suivi.

Il n’apparaissait pas que la pesée des intérêts effectuée par l’autorité intimée était constitutive d’un excès ou d’un abus de son pouvoir d’appréciation. Elle avait procédé de manière identique en délivrant l’autorisation de construire précédente, un an plus tôt (APA 1______). La décision querellée n’était pas un refus, ne condamnait pas le projet, ni ne le rendait considérablement plus difficile. L’alternative souhaitée par le SMS, qui apparaissait raisonnable, permettait de préserver tous les intérêts en présence, même si elle pouvait impacter l’efficacité et le coût de l’installation. Le SMS ne s’était pas écarté de la directive. La solution préconisée n’engendrait pas des obstacles insupportables, d’efficacité, ou de rapport de coût financier/rendement énergétique, qui enlèverait tout intérêt au projet sous l’angle de l’utilisation rationnelle de l’énergie renouvelable escomptée. M. A______ se contentait d’affirmer, sans l’étayer par pièce, que l’alternative entraînerait une production d’électricité inférieure d’environ 20 % et que son coût serait plus élevé de 30 %. Le recours à des panneaux d’une couleur proche de la tuile était au demeurant techniquement possible, n’était pas inusuel et était visiblement proposé par son mandataire.

12) Par acte du 1er février 2022, M. A______ a interjeté recours devant la chambre administrative contre le jugement. Il a conclu à son annulation ainsi qu’à celle du ch. 6 de l’autorisation de construire. Il devait être dit que l’autorisation n’était pas soumise à la condition que la couleur des panneaux solaires se rapproche au plus près de celle de la tuile. Préalablement, un transport sur place devait être ordonné.

Sa parcelle n’était pas située dans le village de Lully, mais à proximité de celui-ci. La plupart des constructions qui y étaient édifiées étaient récentes. Les bâtiments sur lesquels il entendait installer des panneaux solaires étaient peu visibles du domaine public. Le système d’intégration totale des panneaux avait été abandonné car trop coûteux. Une nouvelle variante avait été proposée par l’entreprise, sans panneaux sur mesure. Le nouveau modèle était plus performant, qu’il s’agisse de la solution avec des panneaux noirs (375W par panneau) ou de couleur tuile (320W par panneau). Le prix du panneau au mètre carré était de CHF 119.48 pour le noir contre CHF 206.48 (soit 74.5 % de plus) pour la couleur tuile. Le rendement des panneaux noirs était de 20,2 % contre 20 % pour la couleur tuile. Le coût par KWh produit (HT) était de CHF 0.62 pour les noirs et de CHF 1.19 (plus 92 %) pour la couleur tuile.

L’art. 18a al. 4 LAT trouvait application. La parcelle ne se situait pas dans une zone à protéger au sens de l’art. 17 LAT. Il contestait que les bâtiments édifiés sur sa parcelle soient situés sur une ancienne rue principale du village de Bernex, voire même de Lully. Le recours à des panneaux « TNT » induisait un surcoût de 64 % voire 74.5 % si l’on tenait compte de la surface plus réduite des panneaux colorés par rapport aux panneaux noirs. La puissance des panneaux colorés était inférieure à celle des noirs. Tous calculs faits, le coût de la production d’énergie par des panneaux colorés était presque le double (plus 92 %) de celui de la production fournie par des panneaux noirs.

13) Le DT a conclu au rejet du recours.

À juste titre, le TAPI avait considéré que l’art. 18a LAT n’était pas applicable, le projet étant situé sur une parcelle sise en zone 4B protégée. Les zones à protéger que les cantons devaient adopter en application de l’art. 17 al. 1 LAT étaient exclues de l’art. 18a al. 1 et 2 LAT qui visait des zones à protéger spéciales du droit cantonal lesquelles se distinguaient du droit fédéral. Elles n’étaient pas non plus comprises dans le champ de l’al. 3 au vu notamment de la définition prévue par l’art. 32b de l'ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1). L’art. 106 LCI trouvant application, le caractère obligatoire du préavis du SMS était, selon la jurisprudence, prééminent.

Les données techniques fournies par le recourant dans le cas de l’instruction du dossier de la procédure en première instance n’étaient pas les mêmes que celles avancées devant la chambre de céans. Les panneaux solaires de couleur tuile ne présentaient un coût supplémentaire que d’environ CHF 10'000.- et un rendement énergétique moins important de 20 %. Devant la chambre administrative, le recourant avait fourni des données techniques de panneaux différents de ceux prévus initialement afin visiblement de servir son argumentation et augmenter la différence de prix et la rentabilité. Or, il existait de nombreuses sortes d’installations solaires. Il convenait de se fonder sur les installations prévues initialement, ce d’autant plus que le rendement total de l’installation, tel qu’autorisé, était estimé à 22'540 kWh et que la consommation moyenne d’un foyer suisse était de 4'000 kWh. Une solution correspondant à la protection patrimoniale souhaitée était possible pour une différence de coût et d’efficience énergétique raisonnable par rapport aux panneaux noirs projetés dans l’autorisation de construire. L’ampleur du projet, soit 165 m² de panneaux, engendrait un impact trop important tant sur le village protégé dans lequel il devait prendre place que sur l’ensemble rural sur lequel il était prévu.

La jurisprudence du Tribunal fédéral avait confirmé que la couleur des panneaux pouvait avoir une incidence sur un site, lui porter une atteinte notable, et que l’image extérieure d’un village était fortement marquée par la toiture des constructions, raison pour laquelle l’esthétisme d’un toit pouvait ne pas affecter uniquement le bâtiment en question mais avoir une incidence sur tout un site. Il avait ainsi considéré que les installations solaires avaient un impact bien visible, également de loin.

14) Le recourant a renoncé à répliquer mais insisté sur la nécessité d’un transport sur place.

15) Un transport sur place s’est tenu le 19 mai 2022.

M. A______ a précisé ne pas avoir sollicité la prolongation de la première autorisation (APA 1______), laquelle était caduque. Le toit concerné était composé de deux types de tuiles différents. Sa ferblanterie était en mauvais état et serait changée dès l’obtention de l’autorisation de poser les panneaux photovoltaïques. De nombreux panneaux photovoltaïques noirs, sur tuiles rouges, visibles de loin, avaient été posés dans le village voisin de Sézenove, lui aussi protégé. Des panneaux noirs étaient forcément plus puissants que des panneaux de couleur tuile.

Le représentant de l’office du patrimoine et des sites (ci-après : OPS) a contesté cette affirmation. Il existait des panneaux de couleur tuile tout aussi puissants, voire avec 1 % de différence de rendement. Cela dépendait des fournisseurs. Il ne connaissait toutefois que Kromatix, en lien avec l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), qui fournissait les deux couleurs pour des prix similaires. Il ignorait si leurs produits revenaient plus cher que ceux concernés par le projet du recourant. Un changement de panneaux, entre le dépôt de la demande d’autorisation et la réalisation, en faveur de panneaux plus puissants n’était pas un problème, sous réserve de l’accord des services industriels de Genève (ci-après : SIG). En effet, lorsque, comme en l’espèce, l’installation était puissante, il convenait de vérifier que le réseau soit capable de recevoir l’énergie produite.

Selon M. A______, ce dernier point ne devait pas poser problème, les travaux nécessaires ayant été effectués récemment, à quelques mètres de sa propriété, en lien avec les serres voisines.

L’OPS a précisé que la directive de l’office de l’énergie de décembre 2015 était en cours de révision. Seules les bandes en bas de toiture étaient permises. Toutefois, en vue de la prochaine adoption du nouveau guide des installations solaires publié en commun par l’OPS et l’OCEN, celui-là entrait dorénavant en matière pour des pans entiers de panneaux photovoltaïques, à la condition toutefois que ce soient des teintes « assorties » avec le reste de la toiture ou du paysage. Référence était faite à l’art. 18a al. 3 LAT.

La juge déléguée a constaté l’existence de panneaux noirs sur trois villas sises au nord de la parcelle, dans l’enclave au chemin des Curiades, ainsi que sur deux maisons à l’ouest de la parcelle. Des photos des lieux ont été prises et versées au dossier.

16) Sur interpellation de la juge déléguée, B______, société mandataire du recourant, a précisé que la production annuelle attendue de chacun des deux modèles proposés devant la chambre de céans serait de 29'250 kWh pour les panneaux noirs et 24'960 kWh pour ceux de couleur tuile. Elle détaillait le calcul et précisait ne plus proposer à la vente les modules Kromatix, sauf demande expresse, ceux-ci étant avantageusement remplacés par les modèles litigieux.

17) Les parties ont fait d’ultimes observations.

a. Le recourant a relevé que les toitures des maisons du Vieux Lully, sises au chemin du Vieux Lully avaient des tuiles adjacentes de couleurs différentes, noires, rouges et brunes, sans aucune uniformité esthétique. De même, la zone 4B concernée incluait des constructions récentes avec des panneaux solaires noirs sur des tuiles brunes bien visibles depuis la route de Soral, et même une ancienne bâtisse sise au 105, chemin des Curiades, dont les panneaux noirs installés sur des tuiles rouges étaient bien visibles depuis la route de Soral. La technologie des modules Kromatix était dépassée. Une différence de coût de 78 % existait entre les modules noirs (CHF 18'954.- pour 78 modules) et teintés (CHF 33'696.-). De surcroît, le rendement des panneaux teintés était moindre de 15 %.

b. Selon le DT, B______ avait mentionné des prix supérieurs à ceux précédemment évoqués pour les panneaux couleur tuile. Précédemment, la différence n’était que de CHF 10'000.- Les chiffres étaient aisément manipulables. Une étude de marché démontrerait que l’écart de coûts entre panneaux noirs et couleur tuile pouvait « nettement être amoindri ». Comme l’avait mentionné le directeur de l’OPS lors du transport sur place, certaines entreprises proposaient des panneaux solaires dont le prix était identique. L’énergie produite, de 24'960 kWh était bien supérieure aux 4'000 kWh représentant la consommation moyenne annuelle d’un foyer. La chambre de céans avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur un cas similaire le 27 novembre 2018 et avait soutenu le bien-fondé de la position du département.

18) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

19) Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur le bien-fondé de la condition n° 6 de l’autorisation de construire délivrée le 17 mai 2021, à savoir l’exigence que les panneaux photovoltaïques autorisés « se rapprochent au plus près de la couleur tuile ».

3) Conformément à l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a), et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b) ; les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

Il n’en résulte toutefois pas que l’autorité est libre d’agir comme bon lui semble (ATA/211/2018 du 6 mars 2018 consid. 4). L’autorité commet un abus de son pouvoir d’appréciation tout en respectant les conditions et les limites légales, si elle ne se fonde pas sur des motifs sérieux et objectifs, se laisse guider par des éléments non pertinents ou étrangers au but des règles ou viole des principes généraux tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATA/189/2018 du 27 février 2018 consid. 3 ; ATA/38/2018 du 16 janvier 2018 consid. 6a et les références citées).

4) a. À teneur de l’art. 18a LAT, entré en vigueur au 1er mai 2014, dans les zones à bâtir et les zones agricoles, les installations solaires suffisamment adaptées aux toits ne nécessitent pas d’autorisation selon l’art. 22 al. 1 LAT. De tels projets doivent être simplement annoncés à l’autorité compétente (al. 1). Le droit cantonal peut désigner des types déterminés de zones à bâtir où l’aspect esthétique est mineur, dans lesquels d’autres installations solaires peuvent aussi être dispensées d’autorisation (al. 2 let. a), prévoir une obligation d’autorisation dans des types précisément définis de zones à protéger (al. 2 let. b). Les installations solaires sur des biens culturels ou dans des sites naturels d’importance cantonale ou nationale sont toujours soumises à une autorisation de construire. Elles ne doivent pas porter d’atteinte majeure à ces biens ou sites (al. 3). Pour le reste, l’intérêt à l’utilisation de l’énergie solaire sur des constructions existantes ou nouvelles l’emporte en principe sur les aspects esthétiques (al. 4).

b. L’OAT définit les installations solaires dispensées d’autorisation (art. 32a) et celles sur les biens culturels, au sens de l’art. 18a al. 3 LAT (art. 32b).

5) La LaLAT définit les zones protégées et les zones à protéger. Sont notamment désignées comme zones à protéger, au sens de l’art. 17 LAT, les villages protégés, selon les art. 105 à 107 LCI (art. 29 al. 1 let. f LaLAT).

La 4ème zone est destinée principalement aux maisons d’habitation, comportant en principe plusieurs logements. Lorsqu’elles ne sont pas susceptibles de provoquer des nuisances ou des inconvénients graves pour le voisinage ou le public, des activités peuvent également y être autorisées. Elle est divisée en 2 classes : a) la 4e zone urbaine (4e zone A) ; b) la 4e zone rurale (4e zone B) applicable aux villages et aux hameaux.

Le but de ces zones est la conservation de l'harmonie et de l'identité du secteur, par le biais de règles notamment sur les alignements, les gabarits et les couleurs (Lucien LAZZAROTTO, La protection du patrimoine, in : Bénédict FOËX/Michel HOTTELIER, La garantie de la propriété à l'aube du XXIème siècle, 2009, p. 113).

6) a. Selon l’art. 1 al. 1 let. a LCI, sur tout le territoire du canton, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail. Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l’autorisation de construire (art. 1 al. 5 LCI).

b. Dans les zones 4B protégées, le département, sur préavis de la commune et de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS), fixe dans chaque cas particulier l’implantation, le gabarit, le volume et le style des constructions à édifier, de manière à sauvegarder le caractère architectural et l’échelle de ces agglomérations ainsi que le site environnant (art. 106 al. 1
1ère phrase LCI). À teneur de l'art. 106 al. 2 LCI, entré en vigueur le 18 novembre 2017, les demandes d’autorisation instruites en procédure accélérée, notamment les travaux de réfection de façades et de toitures, ainsi que les enseignes, attributs de commerce, panneaux, réclames, vitrines mobiles et autres objets soumis à la vue du public, sont soumises, pour préavis, à la commune et à l’office du patrimoine et des sites.

L'art. 106 al. 4 LCI prévoit que la pose de panneaux solaires thermiques et photovoltaïques peut être autorisée.

En matière d’économie d’énergie, l’art. 113 al. 1 LCI précise que les constructions doivent être conçues et maintenues afin que l’énergie nécessaire à leur fonction soit utilisée économiquement et rationnellement.

7) Le canton et les communes encouragent une consommation d’énergie économe, rationnelle et respectueuse de l’environnement. Ils favorisent la diversification énergétique, la recherche, l’essai et l’application d’énergies renouvelables (art. 19 de la loi sur l’énergie du 18 septembre 1986 (LEn - L 2 30).

8) a. À teneur de la jurisprudence récente du Tribunal fédéral (ATF 146 II 367 consid. 3.1.1 et des références citées), l’art. 18a LAT est directement applicable. La disposition s'applique partout où il faut apprécier, à l'occasion d'une demande d'autorisation de construire comprenant une installation solaire, des questions relevant notamment de l'intégration architecturale ou de l'application de clauses générales d'esthétique de la législation cantonale ou communale en matière de constructions. Cela vaut également lorsqu'il est question d'interpréter une notion juridique indéterminée. Cette règle a pour conséquence qu'en cas de pesée des intérêts, celui à promouvoir l'énergie solaire l'emporte en principe. Le refus de l'autorisation de construire pour des considérations esthétiques n'est dès lors admissible que dans des cas très exceptionnels et devra être particulièrement bien justifié par la présentation et la discussion des intérêts opposés jugés prépondérants dans le cas concret, une mention générale (« mauvaise intégration » ou « nuit à l'apparence ») ne suffisant pas. Aussi, si le droit cantonal ou communal peut encore imposer au constructeur, à production et rendements énergétiques comparables, de choisir l'option la moins dommageable sur le plan de l'esthétique, ce droit cantonal ou communal ne peut condamner une utilisation conséquente de l'énergie solaire pour des seuls motifs d'esthétique. En d'autres termes, l'art. 18a al. 4 LAT restreint la marge d'appréciation des autorités délivrant les autorisations de construire.

La constitutionnalité de l'art. 18a LAT est sujette à discussion dans la doctrine, l'aménagement du territoire incombant, en vertu de l'art. 75 al. 1 Cst., aux cantons. Cela étant, à teneur de l'art. 89 al. 2 Cst., la Confédération fixe les principes applicables à l’utilisation des énergies indigènes et des énergies renouvelables et à la consommation économe et rationnelle de l'énergie. Aussi, quand bien même ses compétences législatives sont limitées dans ce domaine également, la Confédération peut, à titre exceptionnel, édicter des dispositions concrètes applicables dans le cas d'espèce lorsqu'elles sont nécessaires à la réalisation d'intérêts essentiels. On peut concevoir que tel soit le cas s'agissant de l'importance à donner à la production d'énergie solaire autonome en matière de constructions (ATF 146 II 367 précité consid. 3.1.1 et des références citées).

b. Les aspects d'un projet justifiés par le recours à l'énergie solaire ne sauraient, en principe et sauf alternative raisonnable, être condamnés pour des motifs esthétiques (arrêt du Tribunal fédéral 1C_544/2019 du 3 juin 2020 consid 4.2).

Ainsi que cela ressort de la jurisprudence et la doctrine, il s'agit d'examiner le respect du droit fédéral, et non de s'en tenir à un simple examen de l'appréciation de l'esthétique par l'autorité communale (arrêt du Tribunal fédéral 1C_415/2021 du 25 février 2022 consid. 3.3.2).

c. L'art. 18a al. 4 LAT définit rigoureusement le résultat, sauf circonstances particulières, d'une pesée d'intérêts entre la production d'énergie solaire et l'esthétique d'une construction. L'autorité de délivrance de l'autorisation de construire supporte en conséquence le fardeau de la preuve de circonstances particulières propres à l'esthétique justifiant de s'écarter de la solution préconisée par l'art. 18a al. 4 LAT en faveur de la production d'énergie solaire. Dans cette perspective, pour que de telles circonstances particulières soient reconnues, plus l'intérêt à la production à l'énergie solaire est important, plus l'intérêt à l'esthétique de la construction devra l'être également.

En effet, s'il y va, dans l'application de cette disposition, de la protection accrue de l'intérêt privé du propriétaire constructeur, il y va également de la protection d'intérêts publics à plus grande échelle. L'intérêt à l'utilisation de l'énergie solaire que promeut l'art. 18a al. 4 LAT peut notamment induire l'injection de courant produit en surplus dans le réseau. A priori peu importante à la mesure d'une seule construction, la différence de production d'énergie constatée en l'occurrence, reproduite pour un nombre indéterminé d'installations, peut alors devenir significative et contribuer à titre général en un approvisionnement énergique local et durable. La production énergétique suisse doit en effet répondre aux exigences du principe du développement durable (art. 73 Cst.), qui vise à établir sur le long terme un rapport équilibré entre, d'une part, la nature et sa capacité de renouvellement, et, d'autre part, la sollicitation de cette nature par l'homme (ATF 148 II 36 consid. 13.6).

9) De manière générale, l'art. 106 LCI confère un large pouvoir d’appréciation au département compétent. Celui-ci peut fixer lui-même les règles applicables aux constructions dans le but de sauvegarder le caractère d’un village et le site environnant, et déroger aux dispositions ordinaires (arrêts du Tribunal fédéral 1C_579/2015 du 4 juillet 2016 consid. 3.2 ; 1C_123/2010 du 25 mai 2010 consid. 3).

Ce large pouvoir d’appréciation et de décision implique la possibilité de refuser un projet qui, ne respectant pas ces prescriptions spéciales, porterait une atteinte excessive au caractère d’un village protégé, soit que les bâtiments existants méritent une protection particulière, soit que le projet en lui-même n’est pas satisfaisant du point de vue de l’intégration (arrêt du Tribunal fédéral 1C_579/2015 précité).

L'art. 106 LCI renferme une clause d’esthétique particulière, plus précise que l’art. 15 LCI, soit une notion qui varie selon les conceptions de celui qui l’interprète et selon les circonstances de chaque cas d’espèce (ATA/537/2017 précité consid. 4c ; ATA/305/2012 du 15 mai 2012 consid. 7). Cette notion juridique indéterminée laisse donc un certain pouvoir d’appréciation à l’administration, celle-ci n’étant limitée que par l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1358/2020 du 22 décembre 2020 consid. 18b et les références citées).

Lorsque l’autorité s’écarte des préavis, la chambre de céans peut revoir librement l’interprétation des notions juridiques indéterminées, mais contrôle sous le seul angle de l’excès et de l’abus de pouvoir, l’exercice de la liberté d’appréciation de l’administration, en mettant l’accent sur le principe de la proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable et sur le respect de l’intérêt public en cas d’octroi de l’autorisation malgré un préavis défavorable (ATA/198/2022 du 22 février 2022 consid. 4f ; ATA/1358/2020 précité consid. 18c et les références citées). Ce principe exige qu’une mesure restrictive doit être apte à produire les résultats escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il est interdit outre limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 140 I 168 consid. 4.2.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 et les arrêts cités).

10) Dans un premier grief, le recourant reproche à l’autorité intimée de ne pas avoir appliqué l’art. 18a al. 4 LAT.

a. Les parties s’opposent sur la possible application de l’art. 18a LAT à la zone 4B protégée. Après avoir soutenu, devant le TAPI, que l’art. 18a al. 3 LAT trouvait application, le DT a considéré, à l’instar du TAPI, que l’art. 18a LAT ne s’appliquait pas.

Les parties ne contestent pas qu’une autorisation est, en l’espèce, nécessaire pour la pose des panneaux. À ce titre, les al. 1 et 2 de l’art. 18a LAT sont applicables. Ceci ressort aussi de la directive du DT qui relève que les villages protégés (zone 4B protégée) sont concernés par l’obligation d’autorisation et mentionne expressément l’art. 18a al. 2 let. b LAT.

En conséquence, l’art. 18a al. 1 et 2 LAT, singulièrement la possible dérogation de l’al. 2 let. b LAT s’applique dans le cas d’espèce.

Autre est la question des al. 3 et 4, les termes « Pour le reste » de l’al. 4 posant notamment des difficultés d’interprétation.

b. Dans ses premières écritures, le DT a soutenu que seul l’al. 3 trouvait application dans une zone à protéger au sens de l’art. 17 LAT, ce qui excluait l’application de l’al. 4. Il a fait référence à un ouvrage de doctrine de 2016 (Eric BRANDT/Alexandre FLÜCKIGER/Yacine REZKI, Emile SPIERER/Valérie DÉFAGO GAUDIN/Alexandre FALTIN/Jean-Baptiste ZUFFEREY, La propriété immobilière face aux défis énergétiques, 2016, p. 135).

Selon la doctrine plus récente, le champ d’application de l’art. 18a LAT dans le périmètre de la zone à protéger est « d’interprétation difficile » (Etienne POLTIER, Droit de l’énergie, 2020 n° 115) L’auteur renvoie d’ailleurs au commentaire pratique LAT (Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN, Commentaire pratique LAT : Autorisation de construire, protection juridique et procédure, 2020, p. 11 ss).

Or, d’une part, selon ces derniers auteurs : « Le Tribunal fédéral semble cependant accorder à la vision incitative de l’art. 18a al. 4 LAT une signification universelle dépassant le champ d’application de l’art. 18a LAT, par exemple aussi dans les zones à protéger au sens de l’art. 17 LAT » (Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN, op. cit. ad art. 18a, n. 59, p. 66). D’autre part, le Tribunal fédéral a récemment indiqué que l’art. 18a al. 4 LAT était directement applicable. L’art. 18a LAT « s’appliquait partout où il fallait apprécier, à l'occasion d'une demande d'autorisation de construire comprenant une installation solaire, des questions relevant notamment de l'intégration architecturale ou de l'application de clauses générales d'esthétique de la législation cantonale ou communale en matière de constructions » (ATF 146 II 367 précité ; 1C_415/2021, précité consid. 3.1).

Il sera en conséquence retenu que l’art. 18a al. 4 LAT s’applique aussi dans la zone à protéger de l’art. 17 LAT, et que l’éventuelle application de l’al. 3 ne l’exclut pas.

c. En l’espèce, la parcelle concernée est située en zone 4B protégée. L’art. 18a al. 4 LAT lui est applicable, ce qui implique qu’en cas de pesée des intérêts, celui à promouvoir l’énergie solaire l’emporte en principe sur les aspects esthétiques. La question de savoir si les bâtiments concernés entrent dans le champ d’application de l’al. 3 et de l’art. 32 b OAT, question qui divise les parties, souffrira en conséquence de rester indécise.

Le refus de l'autorisation de construire pour des considérations esthétiques n'est dès lors admissible que dans des cas très exceptionnels et devra être particulièrement bien justifié par la présentation et la discussion des intérêts opposés jugés prépondérants dans le cas concret, une mention générale (« mauvaise intégration » ou « nuit à l'apparence ») ne suffisant pas (ATF 146 II 367 consid. 3.1.1).

11) Le DT soutient que même si l’art. 18a al. 4 LAT devait s’appliquer, l’intérêt patrimonial et esthétique devrait primer l’intérêt à la production d’énergie. La décision litigieuse n’interdit pas la pose de panneaux photovoltaïques mais pose comme condition leur couleur. Le refus serait justifié par l'implantation du projet en zone 4B protégée, la valeur « intéressant » attribuée par le recensement au bâtiment, la valeur patrimoniale élevée de l'ensemble rural relevée par le SMS et son exposition depuis la route de Soral.

a. Comme précédemment vu, la seule implantation du projet en zone 4B ne suffit pas à justifier un refus pour considérations esthétiques.

b. Sur le plan patrimonial, les bâtiments litigieux sont inventoriés au RAC avec la mention « intéressant ».

Le RAC a débuté en 1976, suite à l’adoption de la LPMNS. Selon son site internet (genevepatrimoine.ch consulté le 15 août 2022), l'opération de recensement vise à renseigner la construction et les transformations des bâtiments, et à comprendre leur évolution, grâce à l'analyse de la documentation ancienne et grâce à l'examen de visu des édifices. Elle permet de déterminer leur valeur patrimoniale. L'étude se concentre sur le patrimoine construit avant 1985, considérant le manque de recul pour estimer la valeur patrimoniale des édifices construits durant les trente dernières années. L'évaluation patrimoniale des objets recensés repose sur une échelle de quatre valeurs : « Exceptionnel », « Intéressant », « Intérêt secondaire », « Sans intérêt ». Celle-ci est fondée sur des critères historiques, artistiques, techniques, urbanistiques et de situation (contexte), rapportés à l'échelle locale, nationale, voire internationale. Sa mise à jour découle de la définition du plan directeur cantonal 2030 (fiche A 15).

Les bâtiments concernés ne bénéficient d’aucune protection de la LPMNS, à l’instar d’une mise à l’inventaire ou d’un classement. Si certes, le RAC a reconnu une valeur importante, en 2018 au hangar, il recense plus de 46'000 objets dans le canton, ce qui impose de nuancer l’importance à accorder auxdites fiches.

Trois fiches distinctes concernent les bâtiments querellés, soit pour la maison d’habitation, 144, route de Soral (RAC-BRX-3251) non directement pertinente dans le présent litige, l’ancienne maison rurale sise au 142, route de Soral (RAC-BRX-3249) et les entrepôts agricoles bâtiment B337, 338 et 339 (RAC-BRX-3250). La fiche relative au n° 142, route de Soral décrit longuement l’ancienne maison rurale cadastrée comme logement et dépendance en 1849. Une importance particulière est accordée à l’organisation de la façade principale, témoin des différentes fonctions des espaces et du passé agricole du bâtiment. Les portes et différentes ouvertures y sont décrites. S’agissant de la toiture, il est mentionné qu’elle a deux pans, avec avant-toits et bras de force en bois, et est relevée à la base par des coyaux. Le hangar et l’étable ont été accolés à l’habitation et construits plus tard. Une dépendance, cadastrée en 1921, dissociée de l’habitation est évoquée, sans pertinence dans le présent litige. La fiche se clôt par la mention que, situé sur une ancienne rue principale du village de Bernex, cet ensemble rural est un exemple typique des domaines paysans genevois d’une certaine importance. La construction d’annexes supplémentaires soit une grange, des étables et deux autres bâtiments dans une cour fermée, ainsi que son organisation montraient que le domaine était conçu avec un cheptel conséquent. Ces points conféraient à cet ensemble une valeur patrimoniale élevée. La fiche relative aux entrepôts agricoles mentionne le caractère « intéressant », quatre dates (de la construction en 1904 à l’agrandissement des bâtiments en 1938) et cinq photos. Quatre d’entre elles sont consacrées à la façade nord, non pertinente dans le présent litige, les panneaux photovoltaïques devant s’implanter sur le pan sud du toit.

En conséquence, l’importance des biens doit être relativisée s’agissant de fiches du seul RAC et les éléments patrimoniaux considérés comme « intéressants » par les fiches n’étant que très peu affectés par la pose de panneaux photovoltaïques.

c. Le critère de la visibilité doit être nuancé. Le toit litigieux est visible du haut de la route de Soral, depuis Bernex en direction de Sézenove. La photographie produite par le DT devant le TAPI le 22 octobre 2021 en témoigne. Sur ce même tronçon, les toits en tuiles, visibles sur la gauche en descendant, sont de teintes différentes, affaiblissant l’argument sur l’homogénéité du village.

Le hangar est par ailleurs éloigné de la route de 32 m minimum au point le plus proche, et est situé derrière des arbres. La couverture ainsi offerte en été ne sera toutefois pas efficiente en hiver, s’agissant de feuillus.

La visibilité depuis le tronçon de la route de Soral sis dans la plaine est moindre, compte tenu de l’importante surface de la parcelle (plus de 40 hectares) et de la distance du bâtiment concerné à la route (d’au minimum 70 m avec le rond-point et de plus de 200 m avec le trottoir à l’angle sud-ouest de la parcelle).

Les panneaux sont prévus pour couvrir l’entier du pan du toit, ce qui en favorise une vision uniforme. Ils sont antireflets.

D’autres panneaux photovoltaïques ont été constatés dans les parcelles voisines, en zone 4B protégée, lors du transport sur place, à l’instar de ceux sis sur trois maisons dans « l’enclave » au chemin des Curiades, qui ne couvrent pas les pans entiers de la toiture et qui sont visibles quand bien même leur éloignement de la route en diminue l’impact, ou sur deux habitations à l’ouest de la parcelle du recourant, sises dans la même zone.

Enfin, la commune a préavisé favorablement les panneaux photovoltaïques, indépendamment de la couleur.

d. Plaide toutefois en défaveur du recourant, le fait qu’il n’avait pas recouru lors de la délivrance de la première autorisation, acceptant la condition de la couleur tuile. En l’absence de toute construction au bénéfice de cette autorisation et de demande de prolongation, il n’y a cependant pas de risques d’avoir des panneaux de couleurs différentes. Enfin, l’évolution rapide de la technologie en la matière et des produits y relatifs peut expliquer l’opposition nouvelle du recourant.

e. À ce titre, sur le plan énergétique, le DT relève que la production serait de 24'960 kWh alors qu’un foyer n’utilise en moyenne que 4'000 kWh.

Les chiffres donnés par le recourant sont indicatifs. Ils sont fournis par son mandataire et ont une valeur probante moindre. Ils ne sont cependant pas formellement contestés par le DT, lequel n’a pas versé au dossier des documents à même de prouver l’identité de prix de panneaux noirs et de couleur, permettant de surcroît une production énergétique similaire. Le département s’est limité à indiquer qu’une étude de marché devrait permettre de trouver des panneaux des deux couleurs à des prix de différence moindre, voire identiques, alors même que la jurisprudence du Tribunal fédéral lui impose de « particulièrement bien justifier par la présentation et la discussion des intérêts opposés jugés prépondérants » sa position (ATF 146 II 367 précité consid. 3.1.1).

Il ressort des chiffres produits par le recourant, que si certes cette production suffira pour être autonome, cet argument plaide cependant en sa faveur. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, il existe un intérêt public à l'injection de courant produit en surplus dans le réseau. Notre haute Cour a ainsi récemment retenu qu’un projet d'injecter 27,07 MWh dans le réseau, au lieu de 20,74 MWh, soit une perte de production de plus de 23 % n’était pas une différence faible. Une comparaison entre un projet permettant une production d'énergie de 30,94 MWh/an, avec un degré d'autarcie de 46,4 % contre une variante produisant 24,22 MWh/an (-21,7 % environ), soit un degré d'autarcie de 38,3 % ne saurait être qualifiée de faible (arrêt du Tribunal fédéral 1C_415/2021 précité, consid. 3.2.).

La différence de couleur des panneaux induirait une diminution de 4'290 kWh annuel (29'250 kWh pour les panneaux noirs et 24'960 kWh pour ceux de couleur), soit plus de 4 MWh, représentant l’équivalent, comme le mentionne le DT, de la consommation d’un ménage pendant une année, ce qui n’est pas négligeable. Cet argument plaide en conséquence en faveur du recourant.

Les récents développements géopolitiques et les craintes récemment exprimées par le Conseil fédéral quant à l’approvisionnement futur en énergies vont dans le même sens.

f. Le DT reproche au recourant d’avoir modifié le modèle de panneaux entre la première et la seconde instance. Celui-là a toutefois confirmé lors du transport sur place qu’un changement de panneaux, entre le dépôt de la demande d’autorisation et la réalisation, en faveur de panneaux plus puissants n’était pas un problème, sous réserve de l’accord des SIG, non déterminant en l’état.

g. Le département se prévaut d’un arrêt du Tribunal fédéral 1C_26/2016 du 16 novembre 2016 consid. 3.3 lequel confirme un refus de panneaux photovoltaïques au motif de la couleur.

Il n’est pas contesté qu’un tel motif puisse être valable. Outre que cet arrêt date d’il y a six ans, ce qui est relativement ancien dans cette matière, il ne contredit pas le fait que la condition de la couleur doit s’analyser, de cas en cas, en tenant compte de l’ensemble des circonstances.

h. Le DT invoque une situation similaire jugée par la chambre de céans (ATA/1275/2018). Le cas n’est cependant pas comparable. L’arrêt a été prononcé il y a plus de trois ans, avant les clarifications du Tribunal fédéral et l’importance accrue prise ces derniers mois de l’approvisionnement en énergie.

Il ne portait pas sur la couleur mais sur des particularités techniques des panneaux, quand bien même celles-ci affectaient aussi l’esthétisme de l’ensemble. La situation individuelle du bâtiment, en lien avec le village concerné, n’était pas identique à celle du présent dossier, ne serait-ce que par la taille de la parcelle concernée et la proximité des constructions voisines.

Enfin, dans un arrêt ultérieur, dans un autre village du canton (ATA/1278/2018 du 27 novembre 2018), la chambre administrative avait donné raison au justiciable. Elle avait acquis la conviction, après un transport sur place, que la dernière version du projet, laquelle proposait une couverture intégrale des pans de toiture par des panneaux solaires, répondait précisément à l’exigence d’intégration d’un pan entier de toiture mentionnée dans la directive de l’OCEN. Les préavis de la CMNS qui se répétaient sans jamais prendre en compte ni même mentionner les efforts d’intégration proposés par les recourants apparaissaient dogmatiques à l’extrême.

i. En conséquence, le refus de l'autorisation de construire des panneaux photovoltaïques noirs, plus efficients que des panneaux de couleur tuile, tant en matière de production d’énergie qu’en termes d’investissements financiers, pour des considérations esthétiques ne remplit pas, dans le cas concret, les conditions, au sens de la jurisprudence, d’un cas très exceptionnel, particulièrement bien justifié par la présentation et la discussion des intérêts opposés jugés prépondérants.

Le jugement du TAPI sera en conséquence annulé à l’instar de la condition de l’autorisation de construire que la couleur des panneaux solaires se rapproche au plus près de celle de la tuile.

Partant, le recours sera admis.

12) Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (87 al. 1 LPA). Les frais de déplacement, en CHF 83,20 seront laissés à la charge de l’État. Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à M. A______ à la charge du DT (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2021 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2021 ;

annule la condition n° 6 de l’autorisation de construire APA 2______ en ce qu’elle impose que la couleur des panneaux solaires se rapproche au plus près de celle de la tuile ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

laisse les frais de déplacement de CHF 83,20 à la charge de l’État de Genève ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Monsieur A______ à la charge du département du territoire ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mattia Deberti, avocat du recourant, au département du territoire ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mme McGregor, M. Mascotto, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :