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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/227/2010

ATA/127/2011 du 01.03.2011 ( PROF ) , REJETE

Descripteurs : ; AVOCAT ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; ADMINISTRATION DES PREUVES ; SANCTION ADMINISTRATIVE ; MESURE DISCIPLINAIRE ; RÉPRIMANDE ; PUBLICITÉ(COMMERCE) ; DEVOIR PROFESSIONNEL ; DILIGENCE ; NE BIS IN IDEM ; CHOSE JUGÉE
Normes : Cst.29.al2 ; LLCA.12.leta ; LLCA.12.letd ; LLCA.17
Résumé : Celui qui se prévaut de sa qualité de juge suppléant dans une procédure où il intervient comme avocat, qui met en avant ses compétences auprès de la partie dont les intérêts sont défendus par un confrère, en dénigrant celui-ci, viole les règles professionnelles de la profession d'avocat (devoir d'exercer sa profession avec soin et diligence, interdiction de publicité ou démarchage). Un avertissement prononcé à l'encontre d'un juge suppléant à la Cour de Justice par le Conseil supérieur de la magistrature n'empêche pas la commission du barreau de sanctionner ce professionnel, en sa qualité d'avocat, pour des faits identiques, car les violations et les intérêts publics protégés par les lois en cause ne sont pas les mêmes (loi sur l'organisation judiciaire d'une part, et loi sur l'exercice de la profession d'avocat, d'autre part).
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/227/2010-PROF ATA/127/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er mars 2011

 

dans la cause

 

Monsieur X______
représenté par Me Véronique Mauron-Demole, avocate

contre

COMMISSION DU BARREAU

 



EN FAIT

1. Monsieur X______ est inscrit au registre cantonal des avocats du canton de Genève. Il exerce en outre la charge de juge suppléant à la Cour de justice depuis le 1er juin 1996.

2. Par décision du 8 décembre 2008, le conseil supérieur de la magistrature (ci-après : CSM) a infligé un avertissement à M. X______.

Dans le cadre de son activité de juge suppléant, il avait siégé dans une composition de la Cour de justice qui avait statué dans une cause au détriment d’une compagnie d’assurances (ci-après : la compagnie) représentée par un avocat. Ce dernier avait dénoncé M. X______ au CSM, lui faisant grief de s’être prévalu d’un pouvoir de décision dans les arrêts rendus par la Cour de justice, d’utiliser sa qualité de juge suppléant pour solliciter des mandats d’avocat, de trahir le secret des délibérations et de dénigrer l’avocat dénonciateur auprès de sa cliente.

Après une instruction comprenant plusieurs auditions tant de M. X______ que de témoins, le CSM avait retenu que l’intéressé avait rapporté, dans le cadre d’une séance réunissant des collaborateurs, la compagnie et lui-même en qualité de représentant d’une partie en litige avec cette dernière, qu’il était le rapporteur de la décision rendue par la Cour de justice ci-dessus mentionnée.

Il s’était en outre prévalu à réitérées reprises de son statut de magistrat lors de discussions avec des représentants de la compagnie, mettant en avant sa compétence en regard de celle de l’avocat dénonciateur. Entendu par le CSM, il avait admis avoir « peut-être fait un peu d’ironie relative au choix » de cet avocat, à l’égard duquel il ne pouvait « exclure une légère irritation en constatant [son] omniprésence dans les dossiers de cette compagnie ». Il n’avait pas exclu avoir pu penser et laisser transparaitre dans ses propos qu’il mériterait autant qu’un autre la confiance de la compagnie.

Le CSM avait estimé que le comportement de Me X______ constituait une violation du principe du secret des délibérations ainsi qu’une violation du devoir de réserve et un manquement à la dignité à laquelle l’astreignait sa qualité de magistrat.

Estimant que les faits de la cause étaient susceptibles de constituer également des violations des règles professionnelles auxquelles était astreint l’intéressé en sa qualité d’avocat, le CSM a communiqué sa décision à la commission du barreau (ci-après : la commission) pour information, en application de l’art. 15 de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61).

Cette décision est devenue définitive.

3. Le 24 février 2009, la commission a invité M. X______ à se prononcer sur la dénonciation du CSM.

4. Le 6 avril 2009, l’intéressé a contesté les faits qui lui étaient reprochés et toute violation des règles professionnelles, concluant au classement de la dénonciation.

5. Le 19 septembre 2009, la commission a informé M. X______ qu’une instruction disciplinaire était ouverte à son encontre pour d’éventuels manquements professionnels, en regard des art. 12 let. a et d LLCA et 27 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 (LPAv - E 6 10)

6. M. X______ s’est déterminé le 25 septembre 2009.

Il s’était bien prévalu de sa qualité de juge suppléant rédacteur d’un arrêt de la Cour de justice dans le cadre d’une réunion professionnelle, fait pour lequel il avait été sanctionné par le CSM. En revanche, il contestait avoir dénigré le confrère à l’origine de sa dénonciation devant le CSM auprès de la compagnie d’assurance en cause.

7. En date du 14 décembre 2009, la commission a constaté que M. X______ avait violé les art. 12 let. a et d LLCA et lui a infligé un avertissement.

L’intéressé avait violé son obligation d’exercer sa profession avec soin et diligence, qui s’étendait à tous les actes professionnels de l’avocat. Si, en soi, faire référence à des fonctions exercées en relation avec les activités judiciaires, n’était pas critiquable, le fait d’ajouter la précision d’avoir été l’auteur ou le rédacteur d’une décision judiciaire qui avait donné tort à une partie devenue sa partie adverse pouvait constituer une pression inadmissible à l’égard de celle-ci et avait été ressenti comme tel par ses représentants.

Par ailleurs, il avait violé son allégation de ne faire de la publicité que pour autant que celle-ci se limite à des faits objectifs et qu’elle satisfasse à l’intérêt général, en se prévalant à deux reprises, sans y être invité, de son statut de juge suppléant dans des circonstances propres à amener ses interlocuteurs à établir une comparaison entre leur propre conseil et lui-même, ayant par ailleurs indiqué qu’il souhaitait dans le futur, être mandaté par la compagnie d’assurances.

 

8. Le 21 janvier 2010, Me X______ a recouru auprès du Tribunal administratif - devenu le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) - concluant à l’annulation de la décision précitée.

Les faits qui lui étaient reprochés n’étaient pas susceptibles d’entraver le bon fonctionnement de la profession d’avocat et ne nécessitaient pas une protection du public. Ils avaient déjà été sanctionnés par le CSM, de sorte que la décision querellée violait le principe « ne bis in idem ». Il n’aurait commis aucun manquement grave aux règles de confraternité et de courtoisie. Le fait d’avoir indiqué qu’il avait participé à une décision judiciaire qui avait donné tort à sa partie adverse n’était pas constitutif de pression inadmissible. Il ressortait en effet de son papier à lettres qu’il était juge suppléant à la Cour de justice et son nom figurait dans l’arrêt rendu par cette dernière à l’encontre de la compagnie d’assurances. Peu importait, à cet égard, comment cela avait été ressenti par les représentants de cette dernière.

Enfin, il n’avait pas cherché à faire de la publicité prohibée. Il n’avait jamais exprimé ni eu l’intention d’obtenir un hypothétique futur mandat de la compagnie d’assurances puisqu’il défendait les intérêts d’assurés qui agissaient contre elle.

9. Le 2 février 2010, la commission a transmis son dossier en concluant au rejet du recours. Il n’y avait pas violation du principe « ne bis in idem » car les reproches retenus pas le CSM et elle-même ne touchaient pas les mêmes biens juridiquement protégés.

10. Le 11 février 2010, le courrier de la commission a été transmis à M. X______. Un délai au 12 mars 2010 a été imparti à ce dernier pour solliciter d’éventuels actes d’instruction complémentaires. Aucune suite n’a été donnée à cette invite et la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l’ensemble des compétences jusqu’alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative de la Cour de justice, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2. Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A aLOJ ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) dans sa teneur au 31 décembre 2010.

3. Le recourant a sollicité son audition ainsi que celle de trois témoins.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; 127 III 576 consid. 2c p. 578 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C.58/2010 du 19 mai 2010 consid. 4.3 ; 4A.15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l’issue du litige (ATF 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C.424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; 2C.514/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1).

En l’espèce, M. X______ a eu l’occasion de s’exprimer par écrit tant devant la commission que la chambre de céans. Il a en outre également pu faire valoir son point de vue durant la procédure devant le CSM. Les déclarations de Me X______ devant cette autorité et celles des trois témoins dont l’audition est demandée ont été reprises dans la décision qu’elle a rendue à l’encontre du recourant et qui est versée au dossier de la présente procédure. Dite décision est en force, n’ayant pas été contestée. Enfin, les procès-verbaux des auditions devant le CSM tant de M. X______ que des trois témoins susmentionnés figurent également au dossier. La chambre de céans est ainsi en mesure de statuer sans qu’il soit nécessaire de procéder aux actes d’instruction sollicités, les faits étant établis à satisfaction de droit.

4. L’exercice de la profession d’avocat est régi par la LLCA qui définit dans sa section 3 intitulée « Règles professionnelles et surveillance disciplinaire », plus particulièrement à l’art. 12 LLCA, les règles professionnelles applicables aux avocats.

b. Cette législation énumère les règles en question de manière exhaustive (voir Message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 28 avril 1999 [ci-après : Message], FF 1999 VI p. 5331 ss, spéc. p. 5372/5373). En la matière, il n’y a donc plus de place pour le droit cantonal : les cantons ne peuvent prévoir d’autres règles professionnelles ni d’autres sanctions. Le législateur a ainsi voulu clairement délimiter les règles professionnelles des règles déontologiques et ce pour l’ensemble de la Suisse, de manière à faciliter la libre circulation des avocats (Message, p. 5368).

c. Les règles déontologiques (notamment le code suisse de déontologie de la Fédération suisse des avocats, adopté le 10 juin 2005, ou les us et coutumes du Barreau de Genève) conservent une portée juridique, dans la mesure où elles peuvent aider à interpréter et à préciser les règles professionnelles. Elles ne sauraient toutefois servir de références que si elles expriment une opinion largement répandue au plan national et ne peuvent, en tant que telles, fonder des sanctions disciplinaires au sens de la loi fédérale sur les avocats. Les dispositions de la LLCA doivent d’abord chercher à s’appliquer de manière autonome. La formulation ouverte de l’art. 12 let. a LLCA ne doit pas conduire à ce que des coutumes et usages d’un des ordres cantonaux deviennent partie intégrante des obligations auxquelles se soumet l’ensemble de la profession ; il ne se justifie pas non plus d’admettre d’emblée une limitation du champ d’application de l’article 12 lettre a LLCA (ATF 130 II 270 consid. 3.2 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2P.194/2004 du 23 mars 2005 consid. 3.2 ; 2A.191/2003 du 22 janvier 2004 consid. 5.3 ; ATA 97/2007 du 6 mars 2007 ; ATA/404/2006 du 26 juillet 2006).

5. A Genève, la commission du barreau est compétente pour statuer sur tous manquement aux devoirs professionnels des avocats (art. 14 et 43 al. 1 LPAv).

6. Aux termes de l’art.12 let. a LLCA, l’avocat exerce sa profession avec soin et diligence. Il est nécessaire et d’intérêt public que l’avocat observe certaines règles, non seulement dans ses rapports avec ses clients, mais aussi à l’égard des autorités, de ses confrères et du public, (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.191/2003 du 22 janvier 2004 consid. 5 ; I. MEIER, Bundesanwaltsgesetz : Probleme in der Praxis, Plädoyer 5/2000 p. 33 ; voir aussi FF précitée, p. 3568 in fine).

Selon la jurisprudence cantonale et la doctrine, l’expression « avec soin et diligence » ne vise rien d’autre que d’assurer un exercice du mandat d’avocat correspondant aux attentes du public et de l’état de droit. L’art. 12 let. a LLCA n’est violé que si le comportement de l’avocat contrevient aux règles qui servent à protéger les justiciables et à garantir qu’ils puissent faire valoir leurs droits. Seuls des comportements grossièrement fautifs peuvent tomber sous le coup de cette disposition légale. La législation de droit public réglementant la profession a pour objectif final d’assurer que l’avocat remplit ses devoirs et n’agit pas contrairement aux intérêts de son client, dans le cadre de comportements laissant apparaître des circonstances plus graves, soit un exercice irresponsable de la pratique du métier d’avocat (ATA/6/2009 du 13 janvier 2009 et les réf. cit.).

7. Selon l’art. 12 let. d LLCA, l’avocat peut faire de la publicité, pour autant que celle-ci se limite à des faits objectifs et qu’elle satisfasse à l’intérêt général.

La notion de publicité s’entend en particulier de toute communication spécialement destinée à amener autrui à faire appel aux services d’un avocat ou d’une étude d’avocats. Le public doit voir dans le comportement de l’avocat une volonté de publicité. Cette dernière peut être directe - émanant directement de l’avocat - ou indirecte, par exemple à travers un article de journal ou une interview. Elle peut être institutionnelle, quand elle porte sur la profession d’avocat en tant que telle ou personnelle lorsqu’elle concerne un ou plusieurs avocats déterminés (ATA/901/2010 du 12 décembre 2010 et les références citées).

Les déclarations publiques d’un avocat doivent être appréciées au regard des deux dispositions susmentionnées. Ainsi, il est admis que l’avocat dispose d’une grande liberté pour critiquer l’administration de la justice - que ce soit en s’en prenant à un magistrat ou à un confrère (Arrêts du Tribunal fédéral 1A.191/2003 précité ; 2P.212/2000 du 5 janvier 2001, RDAF 2001 II no 10 p. 44 consid. 3b) - tant qu’il le fait dans le cadre de la procédure, dans un mémoire ou à l’occasion de débats oraux.

Dans ce cas, l’avocat n’agit contrairement à ses devoirs professionnels et, partant, de façon inadmissible, que s’il formule des critiques en étant conscient de la fausseté de ses affirmations ou dans une forme attentatoire à l’honneur, au lieu de se limiter à des allégations de fait et à des appréciations.

Les déclarations faites en dehors de toute procédure sont quant à elles soumises à des exigences plus strictes. En particulier, un avocat ne devrait faire des déclarations publiques que si les circonstances le justifient. Tel est le cas notamment lorsque cela est nécessaire à sauvegarder les intérêts de son client ou pour repousser des attaques dirigées contre l’avocat lui-même ou encore quand ce dernier se heurte à d’importants dysfonctionnements des pouvoirs publics et ne peut obtenir par une autre voie qu’il y soit remédié (ATF 106 Ia 100 consid. 8b p. 107-108 et les références citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.251/2000 du 20 février 2001 consid. 5b et 5c/aa). En tout état, dans la mesure où toute prise de position publique comporte nécessairement une part de publicité, il doit prendre garde à demeurer dans les limites de l’art. 12 let. d LLCA.

8. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le recourant, dans le cadre de l’exercice de sa profession d’avocat, s’adressant à des représentants de la compagnie, s’est prévalu à réitérées reprises de sa qualité de juge suppléant à la cour de justice ayant été rapporteur de surcroît dans une cause où la compagnie, défendue par l’avocat dénonciateur, avait été déboutée. Il s’est exprimé de manière à mettre en avant sa compétence en regard de celle de son confrère qu’il savait être souvent mandaté par la compagnie, et a au minimum laissé entendre qu’il envisagerait favorablement d’être également mandaté par celle-ci. Par ses propos et son attitude, il a suscité des craintes chez les représentants de la compagnie au sujet du sort de leurs causes, s’il figurait dans la composition de l’instance appelée à statuer et quant à l’avocat à mandater.

Alors qu’il toujours tenté de minimiser la portée de ses propos, il a néanmoins admis avoir été irrité par l’ « omniprésence» de son confrère dans les dossiers de la compagnie et usé d’ironie au sujet de ce choix. De même a-t-il admis avoir pu laisser transparaître qu’il mériterait aussi bien la confiance de celle-ci.

Un tel comportement revient à faire pression sur une partie à la fois en se prévalant de son influence potentielle dans la prise de décisions judiciaires la concernant et en dénigrant l’avocat qui la représente. Il est également constitutif de tentative d’obtenir des mandats de cette même partie. La commission a ainsi retenu à bon droit que le recourant a violé tant l’obligation de soin et de diligence de l’avocat envers une partie adverse et vis-à-vis d’un confrère que l’interdiction de démarchage (art. 12 let. a et d LLCA).

9. a. Selon l’art. 17 LLCA, l’avocat qui transgresse ses obligations légales découlant de l’art. 12 LLCA peut faire l’objet de mesures disciplinaires. En l’espèce, c’est à juste titre que la commission a décidé de sanctionner le recourant. Reste à examiner l’adéquation de la mesure choisie par celle-ci.

b. Toujours selon l’art. 17 LLCA, l’autorité de surveillance peut prononcer les mesures disciplinaires suivantes : l’avertissement, le blâme, une amende de CHF 20'000.- au plus, l’interdiction temporaire de pratiquer pour une durée maximale de deux ans ou l’interdiction définitive de pratiquer. L’amende peut être cumulée avec une interdiction de pratiquer. L’art. 20 al. 1 LLCA précise que l’avertissement, le blâme et l’amende sont radiés du registre cinq ans après leur prononcé.

c. Pour déterminer la sanction, l’autorité doit, en application du principe de la proportionnalité, tenir compte tant des éléments objectifs, tels l’atteinte objectivement portée à l’intérêt public, que de facteurs subjectifs, comme par exemple les motifs qui ont poussé l’intéressé à violer ses obligations.

d. L’autorité compétente pour prononcer une sanction administrative jouit en général d’un large pouvoir d’appréciation que le Tribunal administratif ne censure qu’en cas d’excès (ATA/6/2009 du 13 janvier 2009).

Dans le cas d’espèce, les manquements professionnels qui peuvent être reprochés au recourant sont graves, puisqu’ils touchent directement aux qualités de diligence qu’un confrère et une partie adverse sont en droit d’attendre d’un avocat. En optant pour la mesure la plus clémente, la commission n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation, faisant même preuve de modération. Sa décision échappe à toute critique.

10. Le recourant se prévaut en vain du principe ne bis in idem, qui interdit de poursuivre deux fois la même personne pour les mêmes faits, pour autant que les procédures soient dirigées contre la même personne, qu’elle sanctionne le même comportement condamnable et vise les mêmes biens juridiquement protégés.

Tel n’est pas le cas en l’espèce.

En effet, il a été sanctionné par le CSM en qualité de magistrat du pouvoir judiciaire, composante de l’un des trois pouvoirs de l’Etat, astreint notamment à se comporter avec dignité dans l’exercice de sa charge et, notamment à respecter le secret des délibérations (art. 73 al. 1 et 102 de loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - aLOJ - et art. 1 de la loi instituant un conseil supérieur de la magistrature et une cour d’appel de la magistrature, du 27 septembre 1997 - LCSM - en vigueur jusqu’au 31 décembre 2010).

La commission du barreau l’a sanctionné en qualité d’avocat, soit de titulaire d’un brevet d’avocat pratiquant, dans le cadre d’un monopole, la représentation en justice en Suisse (art. 2 al. 1 LLCA), astreint au respect de règles professionnelles dont celles mentionnées plus haut.

Dans le premier cas, c’est la dignité de la magistrature qui est en cause, dans le second, la déontologie de l’avocature.

Le fait que le recourant revête les deux qualités n’interdit pas qu’il soit sanctionné au titre de chacune d’elles si par un même comportement, il enfreint des règles sanctionnant les exigences propres à chacune d’elles.

Le grief ne peut donc qu’être écarté.

11. Le recours sera rejeté. Le recourant devra s’acquitter d’un émolument de procédure de CHF 1'000.- (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 janvier 2010 par Monsieur X______ contre la décision de la commission du barreau du 14 décembre 2009 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Véronique Mauron-Demole, avocate du recourant ainsi qu’à la commission du barreau.

Siégeants : Mme Junod, présidente, M. Dumartheray, juges, MM. Bonard, Bellanger et Torello, juges suppléants.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :