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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1309/2021

ATA/817/2021 du 10.08.2021 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1309/2021-EXPLOI ATA/817/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 août 2021

1ère section

 

dans la cause

 

A______
représenté par Me Guy Braun, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



EN FAIT

1) La société A______ (ci-après : A______) est une société anonyme ayant son siège à Genève. Monsieur B______ en est l'administrateur. Selon autorisation du 13 mars 2017, M. B______ est autorisé à exploiter un établissement public de catégorie salon de jeux à l’enseigne « C______ » rue D______, à Genève, propriété de A______.

Selon la requête en autorisation d'exploiter déposée le 29 novembre 2016, il s'agit d'un cybercafé comportant trente ordinateurs. Il ressort de l'autorisation d'exploitation du 13 mars 2017 que l'horaire maximal était fixé de 17h00 à 24h00 du lundi au jeudi inclus et de 17h00 à 0200 les vendredis et samedis, le dimanche étant jour de fermeture.

2) Selon un rapport établi le mercredi 28 octobre 2020 par la police de proximité du poste du Bourg-de-Four, un contrôle, effectué le même jour à 21h55 au « C______ » en lien avec les mesures Covid-19, avait permis de constater que Messieurs E______ et F______ étaient en train d'y jouer en ligne, sur deux ordinateurs. Aucun responsable de l'établissement n'était présent, M. E______ ayant toutefois indiqué qu'il était responsable des lieux le soir, sans que cela ne fût officiel. Il n'avait pas été en mesure de présenter les autorisations d'exploiter. Il n'avait pas été informé de ses devoirs en tant que responsable remplaçant. La police avait, en vain, cherché à joindre M. B______ par téléphone.

Les agents de police avaient ordonné la fermeture immédiate de l'établissement. M. B______ serait mis en contravention pour poursuite de l'activité en violation de l'obligation de fermeture ordonnée (art. 40 et 83 de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme du 28 septembre 2012 [LEp - RS 818.01] ; art. 5, 15 et 17 des arrêtés du conseil d’État des 14 août et 23 octobre 2020), et absence de désignation d'un remplaçant compétent et instruit de ses devoirs assumant la responsabilité de l'exploitation (art. 22 al. 3 de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 [LRDBHD - I 2 22] et 40 al. 6 à 8 du règlement d'exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 28 octobre 2015 [RRDBHD - I 2 22.01]).

3) Par décision du 5 novembre 2020, déclarée exécutoire nonobstant recours, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a ordonné la fermeture immédiate du « C______ » avec pose de scellés, jusqu’au 20 décembre 2020 inclus, soit vingt et un jours de plus que la fermeture décidée par le Conseil d’État par arrêté du 1er novembre 2020, la décision pouvant être prolongée par le PCTN en cas de prolongation de la fermeture des établissements de divertissement et de loisirs par le Conseil d’État.

La poursuite de l'activité constatée le 28 octobre 2020, en violation de l'obligation de fermeture ordonnée par arrêtés du Conseil d'État des 23 et 29 octobre 2020, puis 1er novembre 2020, favorisait très activement et très gravement la circulation du Covid-19. L’art. 62 LRDBHD permettait au département, soit pour lui au PCTN, de procéder à la fermeture, avec apposition de scellés, pour une durée maximale de quatre mois, toute entreprise dont l’exploitation perturbait ou menaçait gravement l’ordre public, notamment en matière de tranquillité, de santé, de sécurité et de moralité publiques.

4) A______ a recouru le 1er décembre 2020 contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à son annulation.

Elle a, le 22 décembre 2020, retiré la demande en restitution de l'effet suspensif formulée dans son recours.

5) Les 10 et 11 décembre 2020, le PCTN a procédé à l'audition des deux personnes présentes dans l'établissement lors du contrôle du 28 octobre 2020.

a. M. F______ a indiqué qu'il en était client (le seul au moment du contrôle) et qu'il jouait à des jeux en ligne pour lesquels il avait payé. Il était passé à l'établissement et avait constaté qu'il était ouvert. Il ne connaissait ni M. B______, ni M. E______.

b. Ce dernier a indiqué qu'il était le remplaçant de M. B______, un ami. Il n'était pas au bénéfice d'un contrat de travail mais, en contrepartie de sa présence, se voyait crédité de temps de jeu. Il s'occupait de tester et de mettre à jour les programmes. Il ignorait que les établissements de la catégorie salon de jeux devaient être fermés selon arrêté du Conseil d'État du 23 octobre 2020 au titre de mesures anti Covid 19, et pensait que la fermeture était à 23h00. Le 28 octobre 2020, l'établissement était fermé, sa porte étant constamment verrouillée, mais il avait laissé entrer les habitués, ce qui avait été le cas pour trois ou quatre personnes le jour du contrôle.

6) Après échange d'écritures, la chambre administrative a, par arrêt ATA/154/2021 du 9 février 2021, partiellement admis le recours de A______, annulé la décision du PCTN du 5 novembre 2020 et retourné à ce dernier le dossier pour nouvelle décision au sens des considérants.

En raison de la crise sanitaire liée au Covid-19, les salles de jeux avaient été fermées par arrêtés du Conseil d’État. Lorsque le PCTN avait rendu sa décision, il n’y avait donc a priori pas d’urgence particulière, notamment pas d’urgence sanitaire, justifiant qu’aucun délai, même bref, ne soit imparti à A______ pour se déterminer avant que la décision ne soit prononcée. Il ne ressortait pas non plus du rapport de police d’indication permettant de retenir que les deux personnes présentes lors du contrôle auraient eu la possibilité de s’exprimer immédiatement sur les faits reprochés, étant relevé qu'elles ne l'avaient été que les 10 et 11 décembre 2020, soit après que le PCTN se soit vu impartir, le 3 décembre 2020, un délai au 6 janvier 2021 pour répondre au recours de A______. Le droit d'être entendue de cette dernière avait été violé.

7) Suite à cet arrêt, le PCTN a invité A______ à faire valoir son droit d'être entendue sur les faits constatés le 28 octobre 2020.

A______ a, le 2 mars 2021, observé que la fermeture du 5 novembre 2020 avait déjà été exécutée et que l'établissement était fermé lors du contrôle du 28 octobre 2020. Une nouvelle décision validant cette même fermeture devrait être déclarée nulle pour les divers motifs avancés, dans la mesure où elle avait déjà été exécutée et où la violation du droit d'être entendue ne pouvait pas être réparée.

8) Par décision du 16 mars 2021, le PCTN a ordonné rétroactivement et avec effet immédiat, du 5 novembre jusqu'au 20 décembre 2020 inclus, la fermeture de l'établissement « C______ ».

Les faits constatés le 28 octobre 2020 favorisaient très activement et très clairement la circulation du Covid 19. Les divers arrêtés du Conseil d'État alors en vigueur prévoyaient la fermeture des établissements de jeux, et il ressortait du constat des agents de police, de même que des déclarations des deux personnes présentes sur place, que l'établissement était ouvert. Quand bien même la fermeture ordonnée avait aggravé la situation financière de A______, déjà très difficile, la mesure prononcée était nécessaire vu la situation sanitaire et l'intérêt à la protection de la santé publique.

9) A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre cette décision par acte du 16 avril 2021, concluant principalement à sa nullité, subsidiairement à son annulation.

Au moment des faits litigieux, M. B______ était en vacances au Brésil. Durant son absence, du 5 octobre au 3 novembre 2020, il avait confié à une connaissance, M. E______, les clés de son établissement aux fins de surveillance et d'entretien des installations informatiques. Lors du contrôle de police du 28 octobre 2020, l’établissement était fermé au public. Le rapport indiquait d'ailleurs qu'à première vue l'établissement semblait fermé, que ses stores étaient baissés, que la lumière était tamisée et les fenêtres ouvertes. Ce n'était qu'après sollicitation expresse et insistante de la police que les personnes présentes à l'intérieur avaient ouvert la porte, fermée à clé. Tout comme M. E______, M. F______ gardait les lieux en utilisant les ordinateurs existants à bien plaire, sans recevoir la moindre rémunération. C'était à tort que la police avait considéré que l'établissement était ouvert au public.

En sus de la décision du 16 mars 2021, le PCTN en avait rendu une le 22 mars 2021 prononçant une amende de CHF 300.- à son encontre.

La décision de fermeture exécutée, qui avait prolongé de vingt jours la fermeture légale d'un mois décrétée par arrêté du Conseil d'État du 1er novembre 2020, avait à l'évidence mis en péril l'existence économique de A______, laquelle avait déjà été fortement éprouvée lors de la fermeture généralisée des commerces au printemps 2020.

La décision du 16 mars 2021 était entachée d'un grave vice de procédure, sous la forme d'une violation du droit d'être entendue, impossible à guérir a posteriori, ce qui entraînait sa nullité. Du fait de la fermeture immédiate ordonnée le 5 novembre 2020, le préjudice de A______ était déjà réalisé, soit une perte d'exploitation due à la fermeture de son commerce au mois de décembre 2020, durant une période d'ouverture autorisée nonobstant la pandémie. La nouvelle décision, qui venait valider rétrospectivement la fermeture, devait être déclarée nulle, d'autant plus que la nouvelle décision était identique à celle déjà ordonnée et exécutée, sans aucune prise en compte de la violation du droit d'être entendue. Ce vice de procédure ne pouvait pas être guéri dans la mesure où la fermeture avait été déjà exécutée. La gravité du vice était d'autant plus manifeste dans le cas d'une fermeture immédiate, ordonnée sans audition de la partie concernée et sans prise en compte de ses griefs, comportant le risque important d'ordonner une mesure quasiment impossible à remettre en question sur le moment. Les auditions de MM. E______ et F______ bien après la contrainte de fermeture ne réparaient pas ce vice. Enfin, l'art. 62 al. 1 LRDBHD avait été violé, dans la mesure où la fermeture immédiate décidée le 5 novembre 2021 était de la seule compétence du commissaire de police.

Subsidiairement, la sanction prononcée devait être annulée dans la mesure où l'établissement était fermé au public et inaccessible à la clientèle. Les deux personnes présentes sur place n'avaient à aucun moment eu pour mission de gérer l'établissement. Elles n'avaient d'ailleurs logiquement pas été informées de leurs devoirs, ce qu'elles avaient confirmé lors de leur audition.

Enfin, la sanction devait en tout état être annulée en considération des principes de la bonne foi et de la proportionnalité. La fermeture immédiate avait mis en péril son existence économique et risquait de précipiter sa faillite, l'établissement n'ayant pu être ouvert au public depuis la rentrée scolaire 2020 que durant deux mois. Sous l'angle de la bonne foi, M. B______ était totalement ignorant des mesures sanitaires décrétées par le Conseil d'État depuis le 23 octobre 2020 puisqu'il était alors en vacances au Brésil. S'y ajoutait l'illisibilité progressive des mesures décrétées sur la base de la succession des arrêtés du Conseil d'État, difficilement compréhensibles pour un tenancier d'établissement lambda.

10) Le PCTN a conclu le 20 mai 2021 au rejet du recours.

A______ n'avait pas contesté l'arrêt de la chambre administrative qui avait déjà tranché, le 9 février 2021, la question relative à la violation du droit d'être entendue, et lui avait renvoyé le dossier afin de rendre une nouvelle décision respectant le droit d'être entendue, ce qu'elle avait fait après avoir recueilli les observations de A______, du 2 mars 2021. En conséquence, la violation du droit d’être entendue constatée dans la précédente procédure avait été réparée. La nouvelle décision tenait compte du fait que la fermeture prononcée le 5 novembre 2020 avait déjà été exécutée, puisqu'elle confirmait rétroactivement cette fermeture jusqu'au 20 décembre 2020. Au demeurant, A______ n'avait pas maintenu sa demande de restitution de l'effet suspensif dans le cadre de la précédente procédure, ce qui aurait pu éviter l'exécution de la mesure pendant sa durée. La décision du 16 mars 2021 se fondant sur l'art. 62 al. 2 LRDBHD, elle était pleinement de la compétence du PCTN.

Conformément à l'autorisation d'exploiter délivrée le 13 mars 2017, « C______ » était un établissement de divertissement public de catégorie salon de jeux et était partant clairement visé par arrêté du Conseil d'État du 23 octobre 2020, de sorte qu'il devait être fermé dès le 26 octobre suivant. Le 28 octobre 2020, les agents de police avaient constaté que deux personnes s'y trouvaient et jouaient à des jeux en ligne, ce que ces dernières avaient confirmé lors de leur audition. Cet établissement accueillait donc des clients et était bien ouvert au public le 28 octobre 2020, en violation dudit arrêté.

Au moment de son prononcé, la mesure de fermeture était nécessaire au vu de la situation sanitaire, l'intérêt public à la protection de la santé l'emportant. Par ailleurs, A______ ne pouvait se prévaloir du principe de la bonne foi dans la mesure où, en tant qu'exploitant, M. B______ était responsable de l'établissement et, comme attesté par M. E______, se faisait remplacer par ce dernier. Au vu de la situation sanitaire prévalant au moment des faits, il devait s'attendre à ce que de nouvelles mesures soient prises par le Conseil d'État. L'arrêté du 23 octobre 2020 précisait qu’« il incombe à l'exploitant de s'assurer de la fermeture effective de son établissement ». M. E______ aurait donc pu avertir M. B______ de la fermeture imposée par l'arrêté du Conseil d'État ou y procéder lui-même.

11) Le 25 juin 2021, A______ a indiqué ne pas souhaiter répliquer.

12) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Bien que la durée de la fermeture ordonnée ait pris fin le 20 décembre 2020, le recourant conserve un intérêt actuel à ce que le bienfondé de la décision soit examiné, dès lors que la situation pourrait se reproduire dans des circonstances semblables, d'une part, et que la sanction prononcée à son encontre pourrait, en cas d'inobservation d'autres prescriptions, être prise en compte à titre d'antécédent, d'autre part (ATF 135 I 79 consid. 1 ; 131 II 361 consid. 1.2 ; 128 II 34 consid. 1b ; ATA/710/2020 du 4 août 2020 consid. 3d).

2) a. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend, notamment, le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat (ATF 143 III 65 consid. 3.2 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 137 IV 33 consid. 9.2).

b. En préambule, comme justement relevé par le PCTN, l'objet du présent litige est désormais sa décision du 16 mars 2021. Conformément à l'arrêt de la chambre de céans du 9 février 2021 ayant annulé la décision précédente du 5 novembre 2020 en raison d'une violation du droit d'être entendue de la recourante, laquelle n'avait pas pu faire valoir d'observations avant qu'elle ne soit rendue, le PCTN a dûment interpellé cette dernière, qui a pu faire valoir ses arguments, avant que ne soit rendue la décision querellée.

En conséquence, la recourante ne peut plus se prévaloir, au stade de la seconde décision, d'une violation de son droit d'être entendue et partant conclure à sa nullité pour vice de forme.

Ce grief sera partant rejeté.

3) La recourante soutient que le PCTN n'était pas compétent pour rendre une décision de fermeture immédiate de l'établissement pour une durée de vingt jours, laquelle a déployé ses effets entre le 5 novembre et le 20 décembre 2020 inclus.

a. Selon l'art. 62 al. 1 LRDBHD, si les circonstances le justifient, un commissaire de police procède à la fermeture immédiate, avec apposition de scellés, pour une durée maximale de dix jours, de toute entreprise dans laquelle survient une perturbation grave et flagrante de l'ordre public, notamment en matière de tranquillité, santé, sécurité et moralité publiques. La police fait rapport sans délai au département ainsi qu'à l'autorité compétente, si l'un des domaines visés à l'art. 1 al. 4 LRDBHD est concerné. Le département examine s'il y a lieu de prolonger la mesure, en application de l'al. 2.

Aux termes de l'art. 62 al. 2 LRDBHD, le département peut procéder à la fermeture, avec apposition de scellés, pour une durée maximale de quatre mois, de toute entreprise dont l'exploitation perturbe ou menace gravement l'ordre public, notamment en matière de tranquillité, santé, sécurité et moralité publiques.

b. Il ressort des travaux préparatoires, en lien avec l'adoption de l'art. 62 al. 1 LRDBHD, que le pouvoir de fermeture du commissaire de police devrait être exercé avec la plus grande prudence, étant entendu que la notion de perturbation grave et flagrante de l'ordre public devrait être interprétée de manière restrictive, et ne couvrir que les cas où l'intervention immédiate de la police était justifiée du fait de la gravité constatée, et qu'elle était la seule envisageable pour mettre fin aux troubles en question. Au vu des cas visés, la situation était suffisamment claire et grave pour que la décision de fermeture soit prise sans délai. Il s'agissait d'une exception au principe général du droit d'être entendu, conformément à l'art. 43 let. d LPA.

L'al. 2 de l'art 62 LRDBHD permettrait au département de prolonger la fermeture de l'entreprise, afin d'assurer le retour à une situation conforme à l'ordre public. Il pourrait également décider de la fermeture de sa propre initiative, sans fermeture préalable de la police. Au vu de l'intérêt public poursuivi, le délai octroyé à l'entreprise (son exploitant / son propriétaire exploitant) pour faire valoir son droit d'être entendu serait nécessairement bref (PL 11282 75/84).

c. Comme déjà tranché par la chambre de céans dans son arrêt précédent du 9 février 2021, à rigueur de texte, l'art. 62 al. 1 LRDBHD permet au commissaire de police, en cas de perturbation grave et flagrante de l'ordre public, notamment en matière de santé, d'ordonner la fermeture immédiate pour une durée maximale de dix jours d'un établissement, fermeture que le PCTN peut prolonger si les conditions sont réunies. Ce mécanisme aménage la possibilité d'une mesure immédiate lorsque la perturbation de l'ordre public grave et flagrante le justifie, mesure dont le maintien n'est ordonné que dans un second temps, ce qui permet à l'intéressé de s'exprimer. En l'occurrence, la mesure contestée du 5 novembre 2020, annulée par la chambre de céans, avait été rendue par le PCTN une semaine après le constat des agents de police, sans audition préalable du responsable des lieux, ce qui s'apparentait à une fermeture réservée ex lege au seul commissaire de police, en application de l'art. 62 al. 1 LRDBHD. Il ressortait toutefois des travaux préparatoires que le législateur n'avait pas exclu qu'une telle fermeture puisse être le fait du département, sans intervention préalable de la police.

Tel a été le cas en l'espèce, étant relevé que tant la décision du 5 novembre 2020 que celle du 16 mars 2021 visaient l'art. 62 al. 1 et 2 LRDBHD.

4) La recourante conteste le bienfondé de la décision, soutenant que son établissement n'était pas ouvert au public au moment du passage de la police. L'inobservation des règles sanitaires ne lui serait pas imputable, dans la mesure où l'exploitant de l'établissement était en vacances à l'étranger au moment du contrôle. La décision litigieuse violerait les principes de la bonne foi et de proportionnalité.

a. Selon l'art. 24 al. 1 LRDBHD, l'exploitant doit veiller au maintien de l'ordre dans son établissement, qui comprend sa terrasse, et prendre toutes les mesures utiles à cette fin.

L'art. 22 al. 3 et 4 LRDBHD prévoit qu'en cas d’absence ponctuelle de l’entreprise, l’exploitant doit désigner un remplaçant compétent et l’instruire de ses devoirs. Le remplaçant assume également la responsabilité de l’exploitation. L'exploitant répond du comportement adopté par les personnes participant à l’exploitation ou à l’animation de l’entreprise dans l’accomplissement de leur travail.

En l'espèce, M. B______ ne conteste pas être l'exploitant de l'établissement en cause, au sens de ces dispositions.

b. L'arrêté du Conseil d'État du 23 octobre 2020, entré en vigueur le 26 octobre 2020 à 0h00, a ordonné la fermeture notamment des établissements de jeux, à savoir les salles de billard, les salles de bowling, les escape games, les laser games et les salles de jeux vidéo.

L'art. 5 al. 3 dudit arrêté indique qu'il incombe à l'exploitant de s'assurer de la fermeture effective de son établissement.

La recourante ne soutient à juste titre plus que son établissement n'entre pas dans l'une des catégories de salle de jeux visées par cet arrêté, de sorte qu'il devait être fermé dès le 26 octobre 2020. À teneur de la LRDBHD et dudit arrêté, son exploitant avait la responsabilité de s'assurer du maintien de l'ordre dans son établissement, comprenant en l'espèce de s'assurer de sa fermeture effective. Peu importe à cet égard qu'il se soit trouvé en vacances à l'étranger, ce qui ne l'exemptait pas de cette responsabilité.

c. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments permettent de s'en écarter (ATA/67/2021 du 19 janvier 2021 consid. 2b ; ATA/502/2018 du 22 mai 2018 et les références citées).

d. Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

e. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7 ; ATA/1239/2017 du 29 août 2017 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème édition, p. 203 n. 568).

Valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 8D_4/2017 du 26 avril 2018 consid. 5.5 ; 2C_382/2016 du 11 juillet 2017 consid. 7.2).

5) a. En l'espèce, les faits reprochés à la recourante concernent l'inobservation de l'obligation de fermeture des établissements publics. Le non-respect de cette règle est susceptible de favoriser la propagation du virus de Covid-19 et est ainsi constitutif d'un grave trouble à la santé publique au sens de l'art. 62 al. 2 LRDBHD. La recourante ne le conteste pas.

Il ressort du rapport de la police du 28 octobre 2020 que lors de son passage à près de 22h00, elle a vu de la lumière à l'intérieur de l'établissement. Elle a également pu constater la présence de deux personnes dont l'une au moins s'est dite cliente et avoir payé pour s'adonner à des jeux en ligne. Ainsi, quand bien même la porte dudit établissement aurait été verrouillée, il n'en demeure pas moins qu'il accueillait alors à tout le moins un client, ce qui suffit à réaliser une violation de l'arrêté du Conseil d'État du 23 octobre 2020. La fermeture était donc fondée dans son principe, étant relevé qu'il incombait à l'exploitant de s'informer et de respecter, respectivement faire respecter, les mesures prises notamment par le Conseil d'État en vue d'enrayer la pandémie de Covid-19 qui sévissait déjà notoirement depuis quelques mois au moment de son départ, le 5 octobre 2020, pour le Brésil.

La loi autorise d'ordonner dans ce cas une fermeture d'une durée maximale de quatre mois.

Il ressort de la motivation de la décision attaquée que la fermeture de l'établissement a pris effet immédiatement, soit lors de sa notification le 5 novembre 2020, jusqu'au 20 décembre 2020, soit vingt-et-un jours de plus que la fermeture décidée par le Conseil d'État selon arrêté du 1er novembre 2020. Ainsi, la durée totale de la fermeture était de six semaines et trois jours, dont trois semaines devaient concerner une période de réouverture (prévue) des salles de jeux.

Dans la fixation de la durée de la mesure de fermeture, il convient de tenir compte du fait qu'à teneur du dossier, la recourante ne présente pas d'antécédents en sa qualité de propriétaire d'un établissement public et que les faits retenus sont d'avoir toléré qu'à tout le moins quatre clients, aux dires de l'un d'eux, dont il n'y a aucune raison de remettre en cause les déclarations faites devant le PCTN, y ont joué en ligne le jour du contrôle, dont deux en même temps.

Dans un cas récent (ATA/284/2021 du 2 mars 2021 consid. 4d), la durée de fermeture prononcée en raison de l'inobservation des règles sanitaires a été fixée à cinq semaines. Le restaurateur avait accueilli, au minimum à cinq reprises, des clients au nombre de cinq ou six dans son établissement, malgré la fermeture des restaurants. Il n'avait pas mis à disposition de sa clientèle de gel hydro-alcoolique, n'avait pas fait respecter les distances de sécurité dans son établissement ni l'obligation de porter le masque d'hygiène.

Dans un autre arrêt (ATA/340/2021 précité consid. 5c), la durée de la fermeture en raison de l'inobservation des règles sanitaires consistant à avoir dépassé, pour une table, le nombre de personnes alors autorisé à une table et à avoir toléré une distance insuffisante entre certaines tables a été fixée à deux semaines.

Dans une autre affaire (ATA/460/2021 du 27 avril 2021), la chambre de céans a ramené à une semaine la décision de fermeture d'un restaurant, l'infraction en cause ne concernant que deux personnes, qui consommaient à l'extérieur de l'établissement leur boisson en attendant que leur repas à l'emporter leur soit remis. L'infraction se rapportait toutefois également à un trouble grave à la santé publique, dès lors qu'elle favorisait la propagation du virus de Covid-19.

Compte tenu dans le cas présent de l'ensemble des circonstances, de la gravité des faits, s'agissant en l'espèce de la présence de quatre personnes ayant fréquenté l'intérieur de l'établissement dans la journée en cause, dont deux en même temps, de la faute de la recourante, de l'absence d'antécédents ainsi que du contexte de crise et de mesures sanitaires ayant frappé notamment les salles de jeux, la durée de la fermeture ordonnée par la décision attaquée apparaît disproportionnée et sera, dès lors, ramenée à une semaine.

b. En principe, la mesure prononcée ne saurait être exécutée durant les périodes de fermeture générale, sous peine d'être privée de tout ou partie de son efficience et de consacrer ainsi une inégalité de traitement avec les restaurateurs respectant la loi (ATA/340/2021 précité consid. 5c ; ATA/284/2021 précité consid. 4d), considération qui vaut mutatis mutandis pour les salles de jeux.

Telle que fixée dans la décision attaquée en l'espèce, la mesure a pris fin le 20 décembre 2020, la chambre de céans annulera la décision uniquement en ce qui concerne la durée de la mesure et non son exécution.

En conclusion, le recours sera partiellement admis et la décision attaquée modifiée en ce que la durée de la fermeture sera ramenée à une semaine.

6) La recourante obtenant gain de cause dans une certaine mesure, un émolument réduit de CHF 300.- sera mis à sa charge (art. 87 al. 1 LPA) et elle se verra allouer une indemnité de procédure de CHF 500.-, ayant recouru aux services d'un avocat et y ayant conclu (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 avril 2021 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 16 mars 2021 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision du 16 mars 2021 uniquement en tant que la durée de la fermeture de l'établissement à l'enseigne « C______ » est ramenée à une semaine ;

met un émolument de CHF 300.- à la charge de A______ ;

alloue à A______ une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guy Braun, avocat de la recourante, ainsi qu’au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :