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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1968/2018

ATA/784/2018 du 24.07.2018 ( DIV ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : CONDITION DE RECEVABILITÉ ; DÉCISION ; E-MAIL
Normes : LPA.4; LPA.65.al1; LPA.65.al2
Résumé : Irrecevabilité du recours contre un courriel ne revêtant pas les caractéristiques matérielles d'une décision.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1968/2018-DIV ATA/784/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 juillet 2018

en section

 

dans la cause

 

M. A______ B______

contre

DÉPARTEMENT DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE – SERVICE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE



EN FAIT

1) Le 5 juillet 2012, M. A______ B______, né en 1991 et domicilié à C______ dans le canton de Fribourg, a, sous le prénom de « D______ », obtenu son certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC) d’employé de commerce, délivré le 25 septembre 2012 par l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (ci-après : OFPC), à Genève.

2) Le 5 avril 2018, le service des affaires institutionnelles, des naturalisations et de l’état civil de l’État de Fribourg a autorisé M. B______ à porter l’unique prénom A______.

L’intéressé avait fait valoir que l’orthographe de son premier prénom
« D______ » variait souvent d’une instance ou d’une autorité à l’autre et que personne n’était capable d’écrire correctement son prénom. Il avait donc souhaité pouvoir porter son deuxième prénom « A______ » comme seul prénom et par la même occasion supprimer le prénom « D______ ».

3) Par courriel du 12 avril 2018, le service de la formation professionnelle
(ci-après : le service) de l’OFPC, rattaché au département de l’instruction publique, de la culture et du sport, devenu depuis le 1er juin 2018 le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP), a informé M. B______ que son prénom avait été modifié dans la base scolaire et dans la base des apprentis, comme il l’avait demandé.

4) Par courriel du 9 mai 2018, le service, par le secrétaire de son Pôle commerce, a répondu à M. B______ qui lui demandait s’il allait recevoir un nouveau CFC et un nouveau bulletin de notes corrigés, par un courriel du même jour mais reçu quarante-cinq minutes auparavant.

Après concertation avec la responsable des examens, il n’était pas en mesure de lui délivrer un nouveau CFC, ni un nouveau bulletin de notes.

5) Par courriel du 22 mai 2018, le secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (ci-après : SEFRI), rattaché au département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche, a informé M. B______ que les cantons étaient seuls compétents pour délivrer les CFC et que ceux-ci adoptaient parfois des pratiques différentes.

Le SEFRI rapportait qu’à sa connaissance, lorsqu’un changement d’état civil avait lieu, le canton qui avait délivré le CFC délivrait en général un facsimile mentionnant le nouvel état civil. Le SEFRI ne pouvait lui apporter plus d’informations, la compétence n’était pas de son ressort, et il s’en remettait à la décision cantonale.

6) Par acte de recours expédié le 7 juin 2018 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. B______ a demandé une correction par le service du bulletin de notes et du CFC afin qu’y soit inscrit le prénom « A______ » à la place de « D______ ».

Le service concerné s’était soumis à la décision sur le plan informatique mais pas pour le format papier. Il avait le devoir de faire le nécessaire. Le CFC délivré en 2012 était caduc, au motif que son prénom « D______ » avait été mal orthographié, ce qui était une insulte à son ancien prénom.

7) Par pli du 11 juin 2018, la chambre administrative a invité M. B______ à lui indiquer s’il formait recours contre une décision du DIP, et si oui laquelle, avec un délai au 22 juin 2018.

8) Par courrier du 12 juin 2018, M. B______ a indiqué faire recours contre le courriel du 9 mai 2018 du service, « [demandant] d’ouvrir une procédure administrative contre cette autorité ».

Le service avait décidé par courriel de ne pas entrer en matière. Il s’agissait dès lors d’une décision informelle prise par une autorité compétente, mais la décision n’était pas conforme et donc caduque puisqu’il n’y avait pas de moyens de recours.

9) Par lettre du 14 juillet 2018, M. B______ a transmis à la chambre administrative une « attestation de duplicata CFC » signée par le directeur du service le 13 juillet 2018, à teneur de laquelle « A______ » B______ avait obtenu le CFC d’employé de commerce le 25 septembre 2012, de même que le courrier d’accompagnement de l’OFPC daté aussi du 13 juillet 2018 et contenant la mention « Selon votre demande ».

Son prénom n’y était pas correctement orthographié. En outre, il avait demandé un CFC « conforme donc avec le drapeau suisse en arrière-plan et la signature de la Conseillère d’État et ainsi que d’un nouveau bulletin de notes ». Si ces agissements de discriminatoires continuaient, il allait « finalement alerter les autorités européennes ».

EN DROIT

1) Selon l’art. 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. En outre, il doit contenir l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes (al. 1). À défaut, un bref délai pour satisfaire à ces exigences est fixé au recourant, sous peine d’irrecevabilité (al. 2).

En l’espèce, l’acte attaquable contre lequel M. B______ recourt est un courriel reçu du service.

2) a. Se pose la question de savoir si le courriel reçu le 9 mai 2018 constitue une décision.

b. Aux termes de l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).

Selon l’art. 46 al. 1 LPA, les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours ; en cas de communication électronique au sens de l’art. 18A LPA, une signature manuscrite n’est pas exigée. En vertu de l’art. 47 LPA, une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties.

c. En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral
(art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 -
PA - RS 172.021 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015,
p. 101), ce qui est également valable pour les cas limites, ou plus exactement pour les actes dont l’adoption n’ouvre pas de voie de recours. Ainsi, de manière générale, les communications, opinions, recommandations et renseignements ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions, de même que les avertissements ou certaines mises en demeure (arrêts du Tribunal fédéral
1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2 in SJ 2013 I 18 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral
B-3768/2017 du 8 novembre 2017 ; ATA/76/2017 du 31 janvier 2017 ; ATA/946/2016 du 8 novembre 2016 ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., 2016, n. 874 ss ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 783 ss ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 2011, p. 179 ss n. 2.1.2.1 ss et 245 n. 2.2.3.3).

Ce n’est pas la forme de l’acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/657/2018 du 26 juin 2018 consid. 3b ; ATA/1508/2017 du
21 novembre 2017 consid. 4b).

d. Toute décision administrative au sens de l’art. 4 LPA doit avoir un fondement de droit public. Il ne peut en effet y avoir décision que s’il y a application, au travers de celle-ci, de normes de droit public (Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 873 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., p. 194, n. 2.1.2.4). De nature unilatérale, une décision se réfère à la loi dont elle reproduit le contenu normatif de la règle (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., p. 174 n. 2.1.1.4 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 798). Une décision tend à modifier une situation juridique préexistante. Il ne suffit pas que l’acte visé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu’acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l’administré par la volonté de l’autorité, mais sur la base et conformément à la loi (ATA/664/2018 du 26 juin 2018 consid. 2b ; ATA/1533/2017 du 28 novembre 2017 consid. 2a ; ATA/1199/2017 du 22 août 2017 consid. 6b ; ATA/766/2016 du 13 septembre 2016 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit. n. 876).

La notion de décision implique donc un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l’autorité et l’administré (ATF 141 I 201 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2016 précité consid. 2.2).

e. En l’espèce, il ressort du courriel produit par le recourant que le service a répondu le 9 mai 2018, dans un cadre informel et sans aucune référence à des règles de droit, à une brève demande de l’intéressé formulée environ
quarante-cinq minutes auparavant, sans viser des effets juridiques. Il s’agissait d’une simple communication ou d’un renseignement, qui ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions.

Dès lors, le courriel du service du 9 mai 2018 ne revêt pas les caractéristiques matérielles d’une décision et ne peut donc pas faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative.

f. En conséquence, l’acte visé ne constituant pas une décision, le recours doit être déclaré manifestement irrecevable, sans instruction conformément à
l’art. 72 LPA.

3) Les écritures et pièces produites par l'intéressé – qui sont à comprendre comme une demande de décision – seront, pour raison de compétence, transmises au service.

4) Les écritures et pièces produites par l’intéressé – qui sont à comprendre comme une demande de décision – seront pour raison de compétence, transmises au service.

5. Cela étant, l’intéressé est invité à ne plus utiliser de termes irrespectueux et insultants envers l’autorité administrative, tels que ceux employés dans son écriture du 12 juin 2018, un tel comportement pouvant cas échéant relever du droit pénal.

6. Malgré l’issue du litige et à titre exceptionnel, aucun émolument ne sera prélevé (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée
(art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 7 juin 2018 par M. A______ B______ contre le courriel du service de la formation professionnelle du 9 mai 2018 ;

transmet ledit acte, ses compléments et les pièces produites au service de la formation professionnelle pour raison de compétence ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s’il porte sur le résultat d’examens ou d’autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d’exercice d’une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à M. A______ B______, ainsi qu’au département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse - service de la formation professionnelle.

Siégeant : Mme Junod, présidente, MM. Thélin, Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :