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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2596/2011

ATA/776/2013 du 26.11.2013 ( MARPU ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.01.2014, rendu le 07.10.2014, IRRECEVABLE, 2C_62/14, 2C_710/2012
Descripteurs : ; MARCHÉS PUBLICS ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; FORMALISME EXCESSIF ; CONCLUSIONS ; DROIT DU TRAVAIL ; PLACEMENT DE PERSONNEL ; NATURE JURIDIQUE ; AUTORISATION D'EXERCER ; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
Normes : LPA.60.letb; AIMP.18.al2; LPA.49.al1; Cst.29.al1; Cst.29.al2; LSE.12.al1; OSE.26; OSE.29.al1; AIMP.1.al3.letb; AIMP.11.leta; RMP.16; RMP.39.al2; RMP.24; RMP.27; RMP.43; LPA.87
Parties : ALLTITUDE SA, ALLTITUDE S.A. / CENTRALE D'ACHATS ET D'INGENIERIE BIOMEDICALE DES HUG, TELIOS S.A.
Résumé : On ne saurait faire preuve de formalisme excessif en exigeant de la recourante des conclusions claires ne prêtant pas à discussion dans un domaine tel que celui des marchés publics (domaine formaliste et technique). Compte tenu de l'ensemble des circonstances, l'appelée en cause n'a pas pratiqué de la location de services dans le cadre de ses relations contractuelles avec l'intimée. Dans un souci d'égalité de traitement et pour permettre une meilleure comparaison des offres, il était justifié de corriger le prix proposé par l'appelée en cause. Enfin, le tableau comparatif produit démontre que l'offre de l'appelée en cause était la plus avantageuse. Recours rejeté dans la mesure où il est recevable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2596/2011-MARPU ATA/776/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 novembre 2013

 

dans la cause

 

ALLTITUDE S.A.
représentée par Me Olivier Bastian, avocat

contre

CENTRALE D’ACHATS ET D’INGÉNIERIE BIOMÉDICALE DES HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE ET DU CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE VAUDOIS
représentée par Me Pierre Martin-Achard, avocat

et

TÉLIOS S.A., appelée en cause



EN FAIT

1) Dans le but d’assurer une maîtrise accrue de la qualité des coûts des prestations, les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) ont entrepris une démarche d’industrialisation de certains domaines opérationnels de l’informatique. A cet effet, ils ont lancé le 24 mars 2011 un appel d’offres en procédure ouverte, portant sur des prestations dispensées par des sociétés spécialisées dans le domaine informatique et comportant deux lots, à savoir :

- lot 1 : la mise à disposition de ressources humaines pour des activités de déploiement du parc informatique pour environ cinq cent quatre jours (journée de huit heures) ouvrés par année ;

- lot 2 : la mise à disposition de ressources humaines pour des activités de centrale d’appels pour environ cinq cent quatre jours (journée de huit heures) ouvrés par année.

Les soumissionnaires pouvaient présenter une offre pour un ou deux lots. La durée du marché envisagée était de cinq ans à partir du mois de septembre 2011. Les critères d’adjudication, au nombre de trois, étaient pondérés de la manière suivante :

- critère 1 : coûts de la prestation sur cinq ans 60 %

- critère 2 : adéquation fonctionnelle des prestations 25 %

- critère 3 : pérennité du soumissionnaire 15 %

Ces critères étaient décomposés en sous-critères faisant l’objet de deux annexes, soit le tableau d’évaluation des critères et le tableau récapitulatif des prix.

S’agissant du lot 2, seul en cause en l’espèce, l’objectif était de sélectionner un prestataire de services informatiques capable d’assurer la prise en charge de 1'000 à 1'300 tickets par mois en « front office », ce qui représentait l’équivalent d’environ cinq cent jours de prestations/an. Il était en outre spécifié que : « cette prestation se déroulera dans une équipe déjà existante de collaborateurs des HUG et se fera selon les directives et les consignes en vigueur ».

2) L’avis d’appel d’offres a fait l’objet d’une parution dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 9 mai 2011. Le délai de clôture pour le dépôt des offres était fixé au 20 juin 2011 à 11h00. Le marché était soumis à l’accord GATT/OMC, respectivement aux accords internationaux, ainsi qu’au règlement genevois sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01).

3) Le 22 juin 2011, Monsieur Philippe Battier, chef de service « achats équipements » de la centrale d'achats et d’ingénierie biomédicale des HUG et du Centre hospitalier universitaire vaudois (ci-après : CAIB VD-GE), Monsieur Pierre Petroff, gestionnaire de produits à la CAIB VD-GE, et Monsieur Lionel Delbart, chef de service responsable du service de support aux utilisateurs à la direction des systèmes d'information des HUG, ont procédé à l’ouverture des quatorze offres déposées pour le lot 2, notamment par les sociétés Télios S.A. (ci-après : Télios), ayant son siège dans le canton de Genève, et Alltitude S.A. (ci-après : Alltitude), ayant son siège dans le canton de Vaud.

Un groupe de travail a été constitué pour évaluer les offres et les examiner. L’une des entreprises soumissionnaires, MGI Consultants S.A. (ci-après : MGI), a signalé spontanément qu’elle avait commis une erreur de calcul, ce qui a conduit les HUG à interpeller Télios sur le même point. L’une et l’autre de ces sociétés avaient en effet chiffré leur tarif forfaitaire journalier pour deux intervenants et non par personne.

Par courrier électronique du 1er juillet 2011, MGI a précisé spontanément que le tarif forfaitaire par jour et par intervenant s’élevait à CHF 570.-. Le même jour, Télios a répondu à M. Petroff que son tarif s’entendait hors taxes sur la valeur ajoutée (ci-après : TVA) à CHF 390.- par technicien et par jour.

Les offres de ces deux entreprises ont ainsi été corrigées sur ce seul point pour diviser par deux les tarifs forfaitaires journaliers mentionnés.

4) Pour le premier critère du coût de la prestation sur cinq ans, Alltitude a obtenu une note pondérée de 47,5699 et Télios de 60,0000. Pour le deuxième critère, soit l’adéquation fonctionnelle des prestations, Alltitude a obtenu une note pondérée de 10,9167 et Télios de 11,6667. Pour le troisième critère, à savoir la pérennité du soumissionnaire, Alltitude a obtenu une note pondérée de 2,8627 et Télios de 1,9932. Télios est arrivée ainsi en tête du classement avec une note pondérée de 73,6599 et Alltitude deuxième avec une note pondérée de 61,3493.

5) Au terme de cette analyse, la CAIB VD-GE a signifié par pli recommandé daté du 18 août 2011 à Alltitude à Lausanne que le lot 2 avait été attribué à Télios, Alltitude obtenant le deuxième rang sur treize offres évaluées. A l’encontre de cette décision, un recours pouvait être interjeté dans les dix jours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

6) Le 29 août 2011, Alltitude, agissant en personne, a recouru auprès de la chambre administrative contre la décision précitée, concluant à ce qu’il plaise à ladite chambre de :

« 1. constater que les activités telles que prévues dans le « Lot 2 : Mise à disposition de ressources humaines pour des activités de centrale d’appels pour les Hôpitaux Universitaires de Genève - marché de services » sont soumises aux dispositions prévues par la LSE ;

2. constater que la société Télios SA ne dispose pas de l’autorisation de pratiquer au sens de la LSE ;

3. constater que la société Télios SA n’est pas habilitée à valablement déposer une offre pour le " Lot 2 : Mise à disposition de ressources humaines pour des activités de centrale d’appels pour les Hôpitaux Universitaires de Genève - marché de services " ;

4. constater que les critères d’adjudication tels que publiés n’ont pas été respectés ;

5. accorder l’effet suspensif à la procédure d’adjudication, respectivement à la signature du contrat entre les Hôpitaux Universitaires de Genève représentés par la Centrale d’Achats et d’Ingénierie Biomédicale des Hôpitaux Universitaires Vaud-Genève et la société Télios SA. ».

Toute l’argumentation de la recourante était fondée sur le fait que l’art. 12 de la loi fédérale sur le service de l’emploi et la location de services du 6 octobre 1989 (LSE - RS 823.11) contraignait les bailleurs de services faisant commerce de céder à des tiers les services des travailleurs à avoir obtenu une autorisation de l’office cantonal du travail. Or, Télios ne disposait pas d’une telle autorisation et aucune demande en ce sens n’était en cours, alors qu’elle-même était au bénéfice des autorisations cantonale et fédérale de pratiquer la location de services.

Si le contrat de location de services était signé entre la CAIB VD-GE et Télios, il serait nul et non avenu selon l’art. 22 al. 5 LSE, de même que les contrats de travail du personnel de Télios appelé à intervenir dans le cadre de l’appel d’offres en question (art. 19 al. 6 LSE). Sachant que le coût de la prestation comptait pour 60 % dans les critères d’adjudication, elle s’étonnait que son offre, la meilleure marché, n’ait pas été retenue, alors que celle de Télios n'arrivait qu'en treizième position dans le classement du prix journalier. Il en était de même pour l’adéquation fonctionnelle des prestations, puisque l’adjudicataire ne pratiquait pas ce genre d’activités. Enfin, quant à la pérennité du soumissionnaire, Alltitude existait depuis avril 2002, alors que Télios n’existait que depuis octobre 2003.

7) Par pli recommandé du 30 août 2011, le juge délégué a appelé en cause Télios et imparti à la CAIB VD-GE, de même qu’à Télios, un délai au 12 septembre 2011 pour le dépôt de leurs observations sur effet suspensif.

8) Le 12 septembre 2011, Télios a relevé que l'appel d'offres des HUG n'imposait pas aux soumissionnaires d'être autorisés à pratiquer la location de services. De plus, la maison mère de Télios, DL Groupe GMG S.A. (ci-après : DL Groupe), ayant son siège dans le canton de Genève, bénéficiait de l'autorisation de pratiquer la location de services. L'appel d'offres ne concernait pas un projet de location de services, mais un mandat de prestations de services. C'était Télios qui sélectionnerait et gèrerait les techniciens qui fourniraient les prestations aux HUG. Alltitude faisait un amalgame entre une prestation et de la location de services. Télios fournissait des prestations informatiques depuis sa création, étant précisé que la maison mère était active dans l'informatique genevoise, romande, suisse et internationale depuis 1990. Enfin, quand une administration genevoise « percevait » (sic) un projet pour de la location de services, elle le mentionnait sans ambiguïté au stade de l'appel d'offres, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

9) Le même jour, la CAIB VD-GE, sous la plume de son mandataire, a conclu à l'irrecevabilité du recours et s'est opposée à la restitution de l'effet suspensif dans la mesure où les conditions de celle-ci – devant rester l'exception en matière de marchés publics – n'étaient pas réalisées.

10) Par décision de la présidente de la chambre administrative du 16 septembre 2011, la demande de restitution de l’effet suspensif a été rejetée. Il résultait des déterminations de l’appelée en cause et de l’intimée que l’adjudicataire n’avait pas à être au bénéfice des autorisations requises en vertu de la LSE et que le recours semblait dépourvu de chances de succès puisqu’il devait, selon elles, être déclaré irrecevable en raison des seules conclusions constatatoires prises par la recourante. Il apparaissait, dans un contexte procédural où la chambre de céans ne revoyait pas l'opportunité des décisions, que le recours avait prima facie peu de chances de succès compte tenu des conclusions qu'il comportait. L'intérêt des HUG de disposer d'un système informatique permettant en tout temps au personnel soignant d'accéder aux dossiers informatisés des patients et d'assurer la prescription des médicaments, elle aussi informatisée, était manifestement prépondérant et l'emportait sur l'intérêt privé d'Alltitude à se voir attribuer le marché.

11) Le 2 novembre 2011, un avocat s’est constitué pour Alltitude en demandant à compléter l’acte de recours de cette dernière dans un délai convenable ou à déposer une réplique, Alltitude ayant déposé son recours sans avoir eu le temps de consulter un conseil.

Le 3 novembre 2011, l’avocat constitué pour la CAIB VD-GE s’est opposé à cette requête, qualifiée de manifestement abusive puisqu’elle intervenait plus d’un mois et demi après la décision sur effet suspensif et près de deux mois et demi après le dépôt du recours.

Le 4 novembre 2011, le juge délégué a néanmoins indiqué au conseil d’Alltitude qu’il pourrait répliquer après le dépôt de l’écriture responsive de Télios et de la CAIB VD-GE.

12) Le 7 novembre 2011, le conseil de la CAIB VD-GE a remis au juge délégué son mémoire de réponse. Dans sa lettre d'accompagnement, il était précisé que le mémoire de réponse et le chargé d'une pièce y afférent avaient été adressés au conseil d'Alltitude.

Le contrat entre les HUG et Télios avait été signé le 21 septembre 2011. Le bon de commande était produit et faisait état d'un montant de CHF 196'560.- hors TVA pour une quantité de cinq cent quatre jours au prix de CHF 390.- par unité hors TVA.

La CAIB VD-GE a persisté à conclure à l’irrecevabilité du recours. La juridiction administrative était liée par les conclusions des parties. Or, Alltitude n’avait pas conclu à l’annulation de la décision d’adjudication ni à l’octroi du marché, mais s’était contentée d’agir en constatation.

Si le recours devait néanmoins être déclaré recevable, il devait être rejeté. Télios, adjudicataire, n’avait pas, pour le lot 2, à disposer d’autorisations délivrées en application de la LSE. Même si tel avait été le cas, Alltitude n’avait pas à se substituer à l’autorité adjudicatrice en choisissant les critères d’aptitude et d’adjudication. Le marché en cause portait sur une prestation dans le domaine informatique, dont le résultat était garanti par le prestataire de services, ce que Télios avait bien compris puisque les deux collaborateurs qui interviendraient au sein de la centrale d'appels seraient encadrés par un responsable d'équipe. En outre, le prestataire de services ne transmettait pas de décomptes des heures effectuées par ses collaborateurs mais facturait un prix forfaitaire convenu d'avance. Il était essentiel que le prestataire de services garantisse aux HUG la réalisation des objectifs fixés dans le cahier des charges, soit la prise en charge de 1'000 à 1'300 tickets par mois en « front office ». Le marché en cause n'impliquait dès lors pas une location de services mais constituait un mandat de prestations de services.

Alltitude alléguait qu’elle remplirait mieux que Télios les trois critères d’adjudication précités. Or, selon le tableau comparatif produit, Télios avait formulé la meilleure offre, soit l’offre la plus avantageuse économiquement. Après correction du prix, Télios était meilleur marché qu’Alltitude. L’art. 39 al. 2 RMP permettait la correction d’erreurs de calcul évidentes, ce que la jurisprudence admettait. Le coût de la prestation étant le critère le plus important, Télios avait obtenu la meilleure note pondérée. Quant à l’adéquation fonctionnelle des prestations, il était inexact d’alléguer que Télios ne pratiquait pas ce genre d’activités. Elle avait au contraire déjà une expérience dans ce domaine pour un hôpital et pour d’autres clients « possédant plus de 500 PC et maîtrisant cinq applications servant au service desk ». Télios obtenait ainsi pour ce critère une meilleure pondération qu’Alltitude. Pour la pérennité du soumissionnaire, Alltitude obtenait en effet une meilleure note pondérée que Télios, mais ce critère ne comptait que pour 15 % dans l’évaluation de l’offre.

13) Le 15 novembre 2011, Télios, se référant à ses observations sur effet suspensif du 12 septembre 2011, a fait valoir qu’Alltitude aurait dû se renseigner au stade des questions préliminaires pour éviter le recours et le retard pris par le projet d’un client critique tel un institut hospitalier. Le marché public en cause n'était pas un projet de location de services, mais un mandat de prestations de services, ce que la pratique, depuis la conclusion du contrat, soit le 21 septembre 2011, confirmait dans la mesure où le directeur technique était impliqué chaque jour dans le suivi de la qualité des prestations, des demandes des HUG et de la coordination.

Le 16 novembre 2011, le juge délégué a transmis au conseil d'Alltitude les écritures de la CAIB VD-GE et de Télios lui fixant un délai au 15 décembre 2011 pour lui faire parvenir sa réplique.

14) Le 15 décembre 2011, Alltitude, sous la plume de son avocat, a répliqué. Elle a sollicité l'audition de MM. Battier et Petroff aux fins d'obtenir de plus amples informations sur l'organisation de la centrale d'appels et l'intégration des employés mis à disposition de Télios ainsi que sur les modalités de paiement en cas d'absence d'un des employés mis à disposition par Télios. Alltitude a conclu « avec suite de dépens » à ce qu’il plaise à la chambre administrative :

« Accorder les conclusions 1 à 3 prises au pied du recours d’Alltitude SA du 29 août 2011 ;

Constater l’illicéité de la décision d’adjudication des Hôpitaux universitaires de Genève / Centrale d’achats et d’ingénierie biomédicale des HUG du 18 août 2011 en ce qu’elle concerne le lot 2 de l’appel d’offres du 24 mars 2011 ;

Condamner les Hôpitaux Universitaires de Genève / Centrale d’achats et d’ingénierie biomédicale des HUG à payer immédiatement à Alltitude SA à titre de réparation du dommage subi un montant qui sera précisé dans un délai imparti par l’autorité de céans ».

Son recours était recevable. Le contrat ayant été conclu, la chambre administrative devrait, en cas d'admission du recours, rendre une décision en constatation du caractère illicite de la décision. De plus, Télios ne possédant pas l'autorisation nécessaire, le contrat entre celle-ci et les HUG était nul. Les HUG devraient alors procéder à un nouvel appel d'offres, auquel Alltitude pourrait participer. Elle avait donc un intérêt personnel, concret et digne de protection à l'admission de son recours. Enfin, en qualité de détentrice de l'autorisation LSE, Alltitude avait un intérêt personnel, concret et digne de protection à la correcte application de cette loi.

Le marché litigieux s'inscrivait dans le champ d'application de la LSE, de sorte que Télios devait être titulaire de l'autorisation nécessaire, ce qui n'était pas le cas. De plus, si le marché litigieux devait être qualifié de location de services au sens de la LSE, Télios devait être détentrice d'une autorisation pour conclure le contrat.

Le contrat conclu entre Télios et les HUG devait être qualifié de contrat de services au sens de la LSE. En effet, tous les critères permettant de conclure à la fourniture d'une prestation de travail sous la forme de location de services étaient remplis. Ces critères étaient au nombre de cinq : a) le rapport de subordination, b) l'intégration du travailleur dans l'entreprise de mission au niveau du personnel, de l'organisation et des horaires, c) l'obligation d'établir le décompte des heures effectuées, d) le risque commercial de la prestation de travail, e) les dommages causés.

Télios n'avait pas commis une erreur d'écriture et de calcul en formulant son offre de CHF 780.- hors TVA par jour. De plus et même s'il s'agissait d'une erreur, celle-ci n'était pas manifeste, de sorte que les HUG n'étaient pas autorisés à corriger l'offre de Télios. En appelant cette dernière après l'ouverture des plis et en tenant compte d'une modification de l'offre de celle-ci à la suite d'un entretien téléphonique, qui plus est sans en informer les autres adjudicataires, les HUG avaient violé le principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires.

Au moment du dépôt du recours, Alltitude n'avait pas connaissance de la modification du prix de l'offre de Télios. De plus et après avoir pris connaissance de l'offre, Alltitude reconnaissait s'être trompée en affirmant que Télios ne pratiquait pas ce genre d'activités. Alltitude se demandait comment l'offre de Télios était réalisable, en termes de coûts, en respectant la LSE. Télios n'était pas la succursale de DL Groupe, l'autorisation de cette dernière ne permettait pas à Télios de faire de la délégation de personnel. L'offre de Télios contenait dès lors des informations qui n'étaient pas conformes à la réalité. Cette offre aurait ainsi dû être exclue par les HUG.

S'agissant du dommage, elle ne pourrait le chiffrer qu’une fois la procédure terminée et requérait un délai à cette fin, après que la chambre de céans « aura constaté l’illicéité de l’adjudication ».

15) Le 30 janvier 2012, la CAIB VD-GE a dupliqué. Elle persistait dans ses conclusions. Le recours d'Alltitude devait être déclaré irrecevable dans la mesure où les conclusions formulées dans son recours du 29 août 2011 étaient constatatoires. Il en était de même des conclusions nouvelles prises par Alltitude dans sa réplique du 15 décembre 2011. Sur le fond, la décision d'adjudication du 18 août 2011 était conforme tant sur le plan formel que matériel. Son appel d'offres ne mentionnait pas la nécessité pour le soumissionnaire de bénéficier d'une autorisation au sens de la LSE puisque le marché visé ne tombait pas sous le coup de cette législation. Les critères de prestation de travail tombant sous le coup de la location de services n'étaient, en l'espèce, pas réalisés. La CAIB VD-GE n'avait pas violé le principe d'égalité de traitement dans la mesure où la loi et la jurisprudence fédérale permettaient de corriger l'offre de Télios. Enfin, le tableau comparatif, reprenant les critères fixés dans l'appel d'offres, démontrait que Télios avait formulé la meilleure offre.

16) Le 31 janvier 2012, Télios a persisté dans ses conclusions sans apporter d'éléments nouveaux.

17) Par arrêt du 12 juin 2012 (ATA/370/2012), la chambre administrative a rejeté, dans la mesure où il était recevable, le recours interjeté par Alltitude le 29 août 2011.

L'action en constatation était déclarée irrecevable faute de conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée et/ou à l'octroi du marché.

« En intervenant le 2 novembre 2011 seulement pour le compte de la recourante et en demandant à cette date à compléter l’acte de recours ou à déposer une réplique, le conseil d’Alltitude, alors qu’il ignorait que le contrat avait été signé entre les parties le 21 septembre 2011, ne pouvait plus prendre de conclusions nouvelles sans que celles-ci ne soient tardives et partant, irrecevables.

Demeure [Demeurait] réservée la possibilité, une fois le contrat conclu, de faire constater l’illicéité de la décision d’adjudication du 18 août 2011 et de réclamer la réparation du dommage allégué, pour autant qu’un recours ait été valablement déposé (art. 3 al. 3 L-AIMP). En prenant des conclusions à cet effet à l’occasion de sa réplique le 15 décembre 2011, soit dans le délai qui lui avait été octroyé pour ce faire le 16 novembre 2011 - la date de la signature du contrat lui ayant été communiquée par courrier du 7 novembre 2011 - la recourante pourrait avoir agi en dehors du délai de recours. Cette question peut [pouvait] souffrir de rester ouverte, au vu de ce qui suit [suivait] ».

Alltitude disposait de la qualité pour recourir puisqu'elle conservait un intérêt à recourir, dans la mesure où son recours était à même d'ouvrir ses droits à une indemnisation.

Il était renoncé aux auditions de MM. Battier et Petroff, car le dossier était suffisamment complet pour permettre de statuer.

Alltitude remettait en question les conditions de l'appel d'offres, en les interprétant à sa manière, et substituait son appréciation à celle de l'autorité adjudicatrice, ce qu'elle n'avait pas le pouvoir de faire. La CAIB VD-GE et Télios avaient démontré que le marché ne portait pas sur la location de services et qu'une autorisation exigée par la loi n'était pas requise. Le fait que Télios ne soit pas au bénéfice d'une telle autorisation était ainsi sans pertinence. La note relative à l'adéquation fonctionnelle avait avantagé Télios, qui contrairement aux allégués d'Alltitude, disposait d'une expérience dans le domaine hospitalier. Pour le dernier critère concernant la pérennité du soumissionnaire, Alltitude avait obtenu une meilleure note pondérée que Télios. Cependant, ce critère ne comptant que pour 25 %, Télios avait néanmoins obtenu le meilleur résultat global. Alltitude n'avait, sur ces deux points, pas démontré que l'adjudication aurait été illicite.

La correction de l’erreur matérielle à laquelle le groupe de travail d’évaluation des offres avait procédé résultait de la réaction spontanée de MGI, qui avait suscité une demande ponctuelle de renseignements adressée par M. Petroff à Telios. Ces deux soumissionnaires ayant annoncé un prix forfaitaire journalier pour deux personnes, la correction avait consisté à diviser par deux ces prix pour rendre les offres de ces deux sociétés comparables à celles des autres soumissionnaires. Il s'agissait typiquement d’une erreur matérielle que la loi permettait de corriger, l’autorité adjudicatrice étant habilitée à solliciter des explications si nécessaire. Ainsi, il n'en était pas résulté une violation des principes d'égalité de traitement ou de transparence.

18) Agissant par la voie du recours en matière de droit public et celle du recours constitutionnel subsidiaire, Alltitude a demandé, le 16 juillet 2012, au Tribunal fédéral, « sous suite de frais et dépens », de réformer l'arrêt rendu le 12 juin 2012 par la chambre administrative en ce sens que la décision d'adjudication du lot 2 était illicite, de lui allouer une indemnité de CHF 20'000.- à titre de réparation du dommage, subsidiairement de renvoyer la cause pour nouvelle décision au sens des considérants. Alltitude se plaignait notamment de la violation de son droit d'être entendu.

Le 2 août 2012, la chambre administrative s'est rapportée à justice quant à la recevabilité et a persisté dans les considérants et le dispositif de son arrêt.

Le 14 septembre 2012, la CAIB VD-GE a conclu à l'irrecevabilité du recours en matière de droit public et s'est rapportée à justice sur la recevabilité du recours constitutionnel subsidiaire. Sur le fond, la CAIB VD-GE a conclu à leur rejet.

19) Par arrêt du 7 décembre 2012 (2C_710/2012), le Tribunal fédéral a admis le recours d'Alltitude et renvoyé la cause pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Le droit d'être entendu d'Alltitude avait été violé par la chambre administrative.

Alltitude s'était trouvée dans la situation d'exposer directement devant le Tribunal fédéral - qui se trouvait ainsi indûment dans la situation d'une autorité de première instance - une nouvelle fois l'ensemble de sa position sans savoir en quoi ni pour quelles raisons ses critiques avaient été écartées par la chambre administrative.

La complexité des questions de droit ainsi que celle des faits déterminants au vu du droit applicable exigeaient de la chambre administrative qu'elle entre dans le détail des arguments et objections des parties. La chambre administrative ne pouvait pas, sans violer le principe du droit d'être entendu, se contenter de renvoyer à la prise de position d'une partie au litige, dont la position était largement critiquée par Alltitude. Elle devait développer une motivation circonstanciée sur la question de l'application de la LSE. Alltitude avait par ailleurs requis, à juste titre, l'audition de témoins.

20) Le 14 janvier 2013, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 31 janvier 2013 pour lui faire parvenir la liste des témoins à entendre ainsi que la liste des éventuels autres actes d'instruction à requérir.

21) Le 31 janvier 2013, Alltitude a requis l'audition de MM. Battier, Petroff et Delbart. Ces témoins permettraient de faire la lumière sur l'organisation de la centrale d'appels, l'intégration des employés mis à disposition par Télios ainsi que sur les modalités de paiement.

Elle requérait également la production en mains des HUG de tous les rapports de travail présentés par Télios avec l'indication de toutes les heures de travail effectuées, de toutes les factures présentées aux HUG par Télios, ainsi que toutes les pièces permettant de démontrer l'intégralité des paiements effectués par les HUG en faveur de Télios. La production desdits documents était indispensable pour savoir si les HUG avaient payé Télios en fonction des heures effectuées par les collaborateurs de celle-ci.

Alltitude requérait également la production de toutes les demandes adressées par les HUG à Télios depuis la conclusion du contrat litigieux, tous les échanges de correspondance ou courriels, ainsi que tous documents permettant de démontrer le nombre d'interventions du directeur technique de Télios sur le site des HUG. Les HUG avaient assuré que le directeur technique était impliqué chaque jour dans le suivi de la qualité des prestations, des demandes du client et de la coordination, sans jamais fournir de justificatif.

L'intéressée requérait enfin la production en mains de Télios des coordonnées de tous les collaborateurs qu'elle avait mis à disposition des HUG, de leur date d'engagement ainsi que, pour les collaborateurs étrangers, de toutes pièces démontrant qu'ils travaillaient en Suisse avant leur engagement par Télios. Dans le cadre de la LSE, le bailleur de services ne pouvait engager en Suisse que des étrangers admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative et autorisés à changer d'emploi.

Enfin, elle se réservait le droit de requérir d'autres actes d'instruction ou l'audition d'autres témoins en fonction de l'éclairage qu'apporteraient les témoins et les pièces requises.

22) Le même jour, Télios a écrit au juge délégué. Elle confirmait la teneur de ses précédents courriers des 12 septembre 2011 et 15 novembre 2011 relevant par ailleurs qu'après un an et demi de pratique journalière, son activité auprès des HUG ressortait de l'activité de mandat de prestations et non de location.

Elle remettait par ailleurs un échange de correspondance entre elle et l'office cantonal de l'emploi (ci-après : OCE). L'OCE s'était inquiété du fait que Télios pourrait pratiquer la location de services sans autorisation. Après explications de Télios sur ses activités, l'OCE avait classé le dossier le 11 novembre 2011.

23) Toujours le même jour, la CAIB VD-GE a requis l'audition de MM. Battier et Petroff.

24) Le 4 février 2013, la CAIB VD-GE s'est opposée à la production des pièces sollicitées. Les documents d'appel d'offres, de même que le bon de commande du 21 septembre 2011, fixaient précisément le cadre des relations entre l'adjudicataire et le pouvoir adjudicateur. Les pièces sollicitées par Alltitude n'étaient pas susceptibles d'apporter de plus amples éléments et étaient en tout état couvertes par le secret des affaires.

25) Le 22 février 2013, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle et d'enquêtes.

a. M. Battier a expliqué que la CAIB VD-GE n'avait pas considéré le marché comme un contrat de location de services mais comme un contrat de mandat de prestation de services avec obligation de résultat afin de traiter 1'000 à 1'300 tickets par mois, le nombre de personnes devant effectuer ce travail n'étant pas imposé mais le prestataire ayant certaines garanties à présenter. Télios avait prévu que deux personnes effectueraient le travail et qu'une troisième, le superviseur, assurerait le suivi ainsi que le contrôle des objectifs. C'était ce troisième qui donnait les instructions aux deux autres. En cas de difficultés, le superviseur en rapportait aux HUG, mais c'était à ces trois personnes qu'incombait la garantie de résultat, le suivi et la coordination. Les HUG ne voulaient pas gérer ce personnel, ni s'occuper du recrutement, des vacances, des maladies, des salaires. Ce personnel travaillait avec des employés des HUG, en renfort de ceux-ci, mais sous la responsabilité de son propre superviseur. Les HUG n'avaient émis aucune condition quant à l'organisation du travail de ces trois personnes, sous réserve de l'horaire, et du fait que les prestations représentaient cinq cent quatre jours par an.

Les HUG avaient travaillé sur la base d'un mandat de prestations de services avec un tarif forfaitaire par jour. Les HUG ne voulaient pas que des heures supplémentaires soient effectuées.

L'adjudicataire, soit Télios, devait établir un rapport mentionnant le nombre de jours travaillés pour contrôle, mais chaque jour était payé au montant forfaitaire, soit CHF 390.- par jour.

Le risque commercial n'était pas à la charge des HUG mais entièrement à celle du prestataire de services. Si le quota de 1'300 tickets n'était pas atteint, les HUG pouvaient prendre des mesures pouvant aller jusqu'à rompre le contrat, mais il incombait au prestataire de remédier aux éventuels problèmes, quitte à changer le personnel.

Si une des personnes mises à disposition par le prestataire de services était malade, elle n'était pas payée pendant son absence, mais ce jour de travail demeurait dû.

Les éventuels dommages causés étaient à la charge du prestataire de services car dans le cadre de l'appel d'offres, il était requis des soumissionnaires qu'ils soient au bénéfice d'une assurance responsabilité civile en cas de dommage aux personnes et aux choses. M. Battier ignorait si une telle responsabilité civile couvrait un dommage qui aurait pu survenir quant aux prestations. Sur ce dernier point, Télios a expliqué avoir contracté une assurance responsabilité civile qui couvrait les dommages aux choses (un ordinateur tombé par exemple), mais pas une éventuelle perte de productivité.

b. M. Petroff a précisé qu'il avait rédigé l'appel d'offres, mis en œuvre une série de documents, lancé l'appel d'offres sur internet, répondu aux éventuelles questions des soumissionnaires, reçu les offres et procédé avec ses collègues à leur ouverture.

C'était de manière délibérée que l'appel d'offres ne faisait pas mention du fait que les soumissionnaires devaient être au bénéfice d'une autorisation pour la location de services au titre de la LSE, car les HUG entendaient s'adresser à une société et ne voulaient pas avoir à recruter ni à gérer du personnel susceptible d'effectuer ce travail, et souhaitaient une société qui puisse garantir la prestation désirée.

Le point Q de l'appel d'offres prévoyait qu'au-dessus de quatre dédits par année et par lot, les HUG se réservaient le droit de résilier le contrat.

Les HUG laissaient le prestataire de services libre de déterminer le nombre d'intervenants nécessaires aux fins de fournir les prestations requises. La gestion des absences, maladies, vacances du personnel mis à disposition par le prestataire incombait uniquement à ce dernier.

Les prestations étaient rémunérées selon un tarif forfaitaire, par jour, quel que soit le nombre de personnes mises à disposition. Les heures supplémentaires n'étaient pas rémunérées.

Afin de comparer les prix indiqués par les soumissionnaires dans leurs offres, et suite à la démarche de MGI qui avait fait état de deux postes, il avait contacté Télios afin de connaître le prix par intervenant.

Les HUG avaient déterminé cinq cent quatre jours ouvrés, mais il leur importait peu de savoir si le travail allait être effectué par une personne le matin et par une autre l'après-midi, ou comment était réparti le travail entre les personnes engagées par le prestataire.

Le prestataire de services devait garantir le résultat et la qualité dudit travail, et il était également responsable d'un éventuel dommage (un ordinateur tombé par exemple), raison pour laquelle le prestataire devait être au bénéfice d'une assurance responsabilité civile.

M. Petroff n'avait pas à se déterminer sur le nombre de personnes que chacun des soumissionnaires avait prévu pour le « back office ».

c. M. Delbart a expliqué que deux fonctionnaires des HUG et trois personnes engagées par Télios travaillaient à la centrale d'appels. Ces personnes tournaient pour assurer une journée de huit heures.

Le travail de ces personnes était opérationnel et consistait à répondre aux appels des utilisateurs travaillant au sein des HUG lorsqu'ils rencontraient un problème informatique. Ces personnes n'avaient pas besoin d'instructions particulières pour assurer ce travail de base informatique et elles répondaient aux appels au fur et à mesure qu'ils arrivaient et qu'ils étaient répartis.

Si l'une de ces cinq personnes rencontrait un problème technique, le ticket était transféré aux agents des HUG qui avaient l'expertise nécessaire.

Selon l'appel d'offres, le socle de base était de deux personnes pour assurer cinq cent quatre jours ouvrés. En cas de forte demande, une personne supplémentaire pouvait être appelée. Cette dernière était rémunérée selon le tarif forfaitaire prévu, et il n'y avait pas eu d'heures supplémentaires ni de journées supplémentaires.

Le service était toujours en sous-effectif. S'il devait y avoir un surplus de tickets, il pourrait s'ensuivre une dégradation dans le traitement des tickets. Des jours supplémentaires seraient possibles en cas d’augmentation de budget.

Les employés mis à disposition par Télios n'avaient pas besoin d'avoir un chef d'équipe. Ils s'organisaient entre eux pour assurer la prestation et la présence. Si la personne qui distribuait le travail aux employés de Télios était absente, c'était un autre employé de Télios qui remplissait cette tâche. Toutes les personnes de la centrale d'appels faisaient le même travail, qu'elles soient fonctionnaires des HUG ou employées par Télios. Elles avaient le même « process », utilisaient le même outil, mais n'avaient pas le même système de ressources humaines. Il était le supérieur des deux personnes en contrat à durée indéterminée des HUG, mais pas des employés mis à disposition par Télios. Sur ce point, Télios a précisé que son personnel était supervisé par le directeur technique. En cas d'absence d'un membre du personnel mis à disposition, le directeur technique ou le directeur de Télios était informé et la personne malade était remplacée dans les huit heures ouvrables.

Il était possible de savoir si l'une des personnes de la centrale travaillait bien ou non puisque chaque ticket était attribué de manière nominative. De plus, les appels étaient enregistrés. Il avait constaté qu'un des employés de Télios jouait en ligne et il en avait informé Télios, qui avait remédié à la situation. Il ne s'occupait pas de la facturation des prestations de Télios.

En cas de dommage, qu'il s'agisse de casse ou de dysfonctionnement, il était possible de demander à Télios de changer l'employé responsable dans les trois jours.

Télios devait garantir le résultat souhaité, à savoir le traitement mensuel de quelque 1'300 tickets.

d. Par la voix de son conseil, Alltitude a persisté dans la demande de production des pièces requises le 31 janvier 2013 dans la mesure où elles permettraient de déterminer si le contrat conclu portait sur une location de services. Il devait y avoir eu quinze rapports de travail et donc quinze facturations.

e. Par la voix de son conseil, la CAIB VD-GE s'est opposée à la production de ces pièces qui étaient non pertinentes et couvertes par le secret d'affaires.

f. Télios s'est également opposée à la production de ces pièces. Elle ne souhaitait pas que le nom de ses employés soit révélé. Sur ce point, Alltitude a proposé de les caviarder.

Télios a de plus donné divers renseignements sur la société, indiquant notamment que Monsieur Paul Guerlement, directeur de Télios, était aussi le directeur de DL Groupe, la société mère de Télios, et que Monsieur Denis Thébault était le directeur technique de Télios, mais également de DL Groupe. Télios avait des employés, ingénieurs et techniciens qui travaillaient chez les clients ou en « back office » chez Télios.

26) Le 27 février 2013, le juge délégué a imparti aux parties un délai au 15 avril 2013 pour formuler d'éventuelles observations après enquêtes.

27) Le 7 mars 2013, le juge délégué a prié la CAIB VD-GE de produire les quinze rapports de travail ainsi que les quinze factures relatives à l'activité déployée par Télios.

28) Le 26 mars 2013, la CAIB VD-GE a produit les quinze factures de Télios aux HUG ainsi que les rapports de travail y relatifs partiellement caviardés pour la période allant du 3 octobre 2011 au 31 décembre 2012. Selon ces pièces, aucune heure supplémentaire n'a été comptabilisée, la durée d'une journée de travail était de huit heures sauf maladie et le prix journalier de travail était facturé CHF 390.- hors TVA. Sur les « feuilles de contrôle de présence » étaient notées les heures effectuées par les employés de Télios.

29) Le 15 avril 2013, Alltitude a remis au juge délégué ses conclusions après enquêtes. Les témoignages et les pièces produites par la CAIB VD-GE démontraient que le contrat entre Télios et les HUG était un contrat de location de services au sens de la LSE. Les « feuilles de contrôle de présence » confirmaient qu'il s'agissait d'une pure mise à disposition de ressources, soit une fourniture de prestations de travail sous la forme de la location de services. Les enquêtes avaient démontré que les cinq critères permettant de conclure à la fourniture d'une prestation de travail sous la forme de location de services étaient remplis. Les « feuilles de contrôle de présence » contredisaient les allégués de la CAIB VD-GE, de Télios et les témoins entendus le 22 février 2013. S'agissant du dommage, elle sollicitait un délai, une fois la constatation du caractère illicite de la décision d'adjudication du 18 août 2011 prononcée, pour quantifier et motiver sa prétention.

30) Le même jour, la CAIB VD-GE a conclu à l'irrecevabilité du recours du 29 août 2011, à l'irrecevabilité de la réplique du 15 décembre 2011 et, sur le fond, à leur rejet, « sous suite de frais et dépens ». La CAIB VD-GE reprenait ses arguments développés dans ses précédentes écritures des 12 septembre 2011, 7 novembre 2011 et 30 janvier 2012. Sur le fond, les témoignages avaient démontré que les cinq critères pour conclure à l'existence d'une location de services n'étaient pas remplis, de sorte que le marché en cause ne tombait pas sous le coup de la LSE. S'il l'avait été, Alltitude aurait dû recourir contre l'appel d'offres, lequel ne prévoyait pas la nécessité d'une autorisation au sens de la LSE. La CAIB VD-GE n'avait pas violé le principe de l'égalité de traitement en contactant Télios pour corriger l'erreur matérielle relative aux tarifs par intervenant. Enfin, le tableau comparatif, reprenant les critères fixés dans l'appel d'offres, démontrait que Télios avait formulé, parmi les soumissionnaires, la meilleure offre.

31) Télios n'a produit aucune écriture suite à l'invite du juge délégué du 27 février 2013.

32) Le 26 avril 2013, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Déférant à l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_710/2012 précité, annulant dans son ensemble l'ATA/370/2012 précité, la chambre de céans examinera le bien-fondé du recours de la recourante, relatif à la décision d'adjudication du 18 août 2011 prise par la CAIB VD-GE, tant sur la recevabilité qu'éventuellement sur le fond.

2) Le marché offert est soumis notamment à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05), au RMP, à la loi autorisant le Conseil d’Etat à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 (L-AIMP - L 6 05.0), ainsi qu’à la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

En vertu des art. 62 al. 1 let. b LPA, 15 al. 1 et 2 AIMP, 3 et 3A L-AIMP et 56 RMP, le recours est adressé à la chambre administrative dans les dix jours dès la notification de la décision.

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours d'Alltitude du 29 août 2011 est recevable de ce point de vue.

3) a. La qualité pour recourir appartient à toute personne touchée directement par une décision et ayant un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (art. 60 let. b LPA). Tel est le cas de celle à laquelle la décision attaquée apporte des inconvénients qui pourraient être évités grâce au succès du recours, qu’il s’agisse d’intérêts juridiques ou de simples intérêts de fait (ATA/580/2013 du 3 septembre 2013 ; ATA/517/2009 du 13 octobre 2009).

En l’espèce, le contrat ayant été conclu avec l’adjudicataire (art. 46 RMP), soit Télios, il convient de se demander si la recourante conserve un intérêt digne de protection au maintien du recours.

b. Selon l’art. 18 al. 2 AIMP, lorsque le contrat est déjà conclu, l’autorité qui admet le recours ne peut que constater le caractère illicite de la décision. Si cette illicéité est prononcée, le recourant peut demander la réparation de son dommage, limité aux dépenses qu’il a subies en relation avec les procédures de soumission et de recours (art. 3 al. 3 L-AIMP). Par ailleurs, selon l’arrêt du Tribunal fédéral 2P.307/2005 du 24 mai 2006, le recourant qui conteste une décision d’adjudication et qui déclare vouloir maintenir son recours après la conclusion du contrat conclut, au moins implicitement, à la constatation de l’illicéité de l’adjudication, que des dommages-intérêts soient réclamés ou non.

En tant que soumissionnaire évincée et, bien que le contrat ait été déjà conclu, la recourante conserve un intérêt actuel à recourir contre la décision d’adjudication au sens de l’art. 60 let. b LPA, son recours étant à même d’ouvrir ses droits à une indemnisation (ATF 125 II 86 consid. 5 b p. 96 ; ATA/580/2013 précité). Elle dispose donc de la qualité pour recourir.

Dès lors que toutes les conditions ci-dessus énumérées sont remplies, le recours est recevable à cet égard.

4) a. Selon l’art. 49 al. 1 LPA, l’autorité peut, d’office ou sur demande, constater par une décision l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits ou d’obligations fondés sur le droit public. Cependant, lorsque le justiciable peut obtenir en sa faveur un jugement condamnatoire, la voie de l’action en constatation n’est pas admise par le Tribunal fédéral (ATF 132 V 18 consid. 2.1 p. 21 ; ATF 119 V 11 consid. 2 p. 12 ; ATA/770/2010 du 9 novembre 2010 confirmé par Arrêt du Tribunal fédéral 2D_77/2010 du 19 juillet 2011 ; ATA/768/1998 du 1er décembre 1998).

En vertu du principe de subsidiarité, une décision de constatation ne sera prise qu’en cas d’impossibilité d’obtenir une décision formatrice, dès lors que celui qui prétend à une prestation doit réclamer son dû, plutôt que faire constater son droit (A. GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel, 1984, p. 867). En d’autres termes, lorsque la question litigieuse peut être réglée par une décision positive ou négative, l’intérêt juridique personnel, concret et digne de protection nécessaire à la recevabilité de l’action, fait défaut (P. TSCHANNEN / U. ZIMMERLI / M. MÜLLER, Allgemeines Verwaltungsrecht, 3ème éd., Berne, 2009, p. 243).

b. En l'espèce, la recourante, agissant en personne, a, le 29 août 2011, déclaré interjeter recours contre la décision litigieuse, mais dans les conclusions figurant en dernière page, elle a prié la chambre de céans de constater un certain nombre de faits ayant une incidence juridique, sans conclure à l’annulation de la décision attaquée, ni à l’octroi du marché.

C’est seulement dans la réplique envoyée le 15 décembre 2011 par le conseil de ladite société que ces mêmes conclusions ont été reprises et qu’en outre, il a été requis de constater l’illicéité de la décision d’adjudication, le contrat ayant été conclu dans l’intervalle, et de condamner l’adjudicatrice à lui payer, à titre de réparation du dommage subi, un montant qu’elle préciserait après que ladite illicéité aura été constatée, les frais d’avocat ne pouvant être connus dans leur intégralité avant une telle décision.

Il convient ainsi de déterminer préalablement si, comme le soutiennent l’intimée et l’appelée en cause, cette action constatatoire doit être déclarée irrecevable, puisqu’un recours aurait pu être déposé le 29 août 2011 par Alltitude et que ladite action en constatation est subsidiaire, comme indiqué ci-dessus.

c. La jurisprudence a tiré de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et de l’obligation d’agir de bonne foi à l’égard des justiciables (art. 5 et 9 Cst.) le principe de l’interdiction du déni de justice formel qui comprend la prohibition de tout formalisme excessif. Un tel formalisme existe lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique sans raison objective la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 = RDAF 2010 I 367 ; ATF 132 I 249 consid. 5 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_39/2013 du 11 mars 2013 consid. 2.1 ; ATA/43/2013 du 22 janvier 2013 consid. 3c). L’excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée au justiciable, soit dans la sanction qui lui est attachée (ATF 132 I 249 consid. 5 ; 130 V 177 consid. 5.4.1 ; 128 II 139 consid. 2a). Ainsi en va-t-il lorsque la violation d’une règle de forme de peu d’importance entraîne une sanction grave ou disproportionnée, telle par exemple une décision d’irrecevabilité (ATA/626/2013 du 24 septembre 2013 consid. 3 ; ATA/386/2013 du 18 juin 2013 consid. 3c ; ATA/493/2011 du 26 juillet 2011 ; ATA/356/2009 du 28 juillet 2009 ; ATA/473/2004 du 25 mai 2004 consid. 3 ; ATA/561/2003 du 23 juillet 2003 consid. 6).

d. En l'occurrence et dans le domaine des marchés publics – domaine technique et formaliste –, on ne saurait faire preuve de formalisme excessif en exigeant des parties, qu’elles soient représentées ou non, des conclusions claires ne prêtant pas à discussion. En l’espèce, la question de la recevabilité des conclusions de la recourante peut toutefois souffrir de rester ouverte, au vu de ce qui suit.

5) La recourante sollicite la production d'un certain nombre de pièces en mains des HUG et de Télios.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (Arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282 ; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; ATA/586/2013 du 3 septembre 2013 consid. 5b).

En l'espèce et après invitation du juge délégué, la CAIB VD-GE a produit, le 26 mars 2013, les quinze factures de Télios aux HUG ainsi que les rapports de travail y relatifs partiellement caviardés pour la période allant du 3 octobre 2011 au 31 décembre 2012. La chambre de céans dispose ainsi d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige et de se prononcer sur les griefs soulevés en toute connaissance de cause. Les autres pièces sollicitées ne sont pas susceptibles, par une appréciation anticipée des preuves, de modifier la solution du litige.

Il ne sera dès lors pas donné suite à la requête de la recourante.

6) La recourante fait grief à la CAIB VD-GE d'avoir accordé le marché public à Télios alors que cette dernière n'est pas titulaire d'une autorisation pour la location de services, ce qui aurait pour conséquence la nullité du contrat conclu entre Télios et la CAIB VD-GE conformément à l'art. 22 al. 5 LSE.

a. La location de services est le contrat par lequel une personne (le bailleur de services) met des travailleurs à la disposition d'une autre (le locataire de services), moyennant rémunération. On considère en général qu'il s'agit d'un contrat innommé sui generis, comportant des aspects du mandat (P. TERCIER / P. FAVRE / A. EIGENMANN, Les contrats spéciaux, 4ème éd. 2009, p. 479 n. 3272 ; P. MATILE / J. ZILLA / D. STREIT, Travail temporaire, Commentaire pratique des dispositions fédérales sur la location de services [art. 12-39 LSE], 2010, p. 5 ss ; L. THÉVENOZ, Le travail intérimaire, 1987, p. 121 ss ; ATF 137 V 114 consid. 4.2.1 ; ATF 119 V 357 consid. 2a p. 359).

Lorsqu'elle est faite de façon systématique, la location de services est soumise à la LSE et à ses ordonnances d'application, notamment l'ordonnance sur le service de l'emploi et la location de services du 16 janvier 1991 (OSE - RS 823.111).

b. Selon l'art. 12 al. 1 LSE, les employeurs (bailleurs de services) qui font commerce de céder à des tiers (entreprises locataires de services) les services de travailleurs doivent avoir obtenu une autorisation de l'OCE.

L'art. 26 OSE précise qu'est réputé bailleur de services celui qui loue les services d'un travailleur à une entreprise locataire en abandonnant à celle-ci l'essentiel de ses pouvoirs de direction à l'égard du travailleur.

L’art. 29 al. 1 OSE indique encore qu’une entreprise fait commerce de location de services lorsqu’elle loue les services de travailleurs à des entreprises de manière régulière et dans l’intention de réaliser un profit ou qu’elle réalise, par son activité de location de services, un chiffre d’affaires annuel de CHF 100'000.- au moins. L’al. 2 de cette disposition prévoit que l’exercice régulier de la location de services est réalisé lorsqu’en l’espace de douze mois, plus de dix contrats de location de services portant sur l’engagement ininterrompu d’un travailleur individuel ou d’un groupe de travailleurs ont été conclus.

c. Le Message concernant la révision de la loi fédérale sur le service de l’emploi et la location de services du 27 novembre 1985 (FF 1985 III p. 581 ss) souligne que la caractéristique principale de cette dernière est la cession à des fins lucratives, c'est-à-dire régulière et contre rémunération, de travailleurs à d'autres employeurs. [...] Il faut cependant distinguer le contrat de location de services du contrat d'entreprise ou de montage. La cession à l'entreprise locataire de services du droit de donner des instructions aux travailleurs engagés est une caractéristique de la location de services. Au contraire, l'entreprise de louage d'ouvrage ou l'entreprise de montage s'engage auprès du donneur d'ouvrage à produire quelque chose. Elle équipe les travailleurs et garde le droit de donner des instructions ; le donneur d'ouvrage reste passif. Etant donné qu'il faut s'attendre à des tentatives de détourner la loi par le biais de « pseudo contrats de louage » et de « contrats de montage », la définition du 1er al. de l'art. 12 LSE est intentionnellement large ; elle implique que la loi est également applicable aux entreprises dont les travailleurs, sur la base de contrats d'entreprise ou de montage ou d'autres formes analogues, exécutent des travaux pour des tiers qui s'en chargent habituellement eux-mêmes, c'est-à-dire qui sont spécifiques à la branche (par exemple travaux de construction dans le cas d'une entreprise de construction).

d. Le secrétariat d'Etat à l'économie (ci-après : SECO) relève dans ses directives et commentaires relatifs à la LSE et à l'OSE (ci-après : le commentaire SECO), publiés en 2003, que la distinction entre les contrats de mise à disposition de travailleurs et ceux qui visent l'offre d'une prestation de nature différente à effectuer auprès d'un tiers n'est pas aisée et qu'à cet égard, le nom que les parties donnent au contrat n'est pas déterminant ; la distinction doit se faire dans chaque cas d'espèce, en s'appuyant sur le contenu du contrat, la description du poste et la situation du travail concrète dans l'entreprise locataire (commentaire SECO, p. 61). Dans ce sens, il y a contrat de location de services en fonction des critères suivants :

- rapport de subordination : le pouvoir de direction et de contrôle, caractéristique essentielle de la fourniture d'une prestation de travail, appartient à l'entreprise de mission (y entrent notamment la compétence de donner des instructions concernant la manière d'exécuter le travail et le choix des moyens auxiliaires). Cette condition peut déjà être remplie lorsque le bailleur de services et l'entreprise de mission se partagent le pouvoir de direction ;

- intégration du travailleur dans l'entreprise de mission au niveau du personnel, de l'organisation et des horaires : il travaille avec les outils, le matériel, les instruments de l'entreprise de mission, principalement au siège de celle-ci et selon ses horaires ;

- obligation d'établir le décompte des heures effectuées : le bailleur de services facture les heures, semaines, mois de mission, et non un prix fixe convenu d'avance pour la prestation de travail ;

- le risque commercial de la prestation de travail (mauvaise exécution) est supporté par l'entreprise de mission. La seule responsabilité qu'assume le bailleur de services vis-à-vis de l'entreprise de mission est celle du bon choix du travailleur ; il ne garantit aucun résultat contractuel (quant à la qualité ou l'achèvement du produit jusqu'à une date donnée). Si l'objectif n'est pas atteint, il ne fait pas de rabais sur le prix convenu ni ne fournit par exemple des prestations réparatoires gratuites ;

- le bailleur ne répond pas non plus des dommages que son travailleur est susceptible de causer par négligence ou intentionnellement à l'entreprise de mission ou à des tiers dans le cadre de son activité pour l'entreprise de mission (cf. commentaire SECO, p. 65-66)

7) Afin de déterminer, à titre préjudiciel, si l'appelée en cause pratique la location de services, il est nécessaire d’étudier la relation qu’elle entretient avec l'intimée à l’aune des critères rappelés ci-dessus :

a. Dans l'offre qu'elle a présentée à la CAIB VD-GE le 16 juin 2011, Télios proposait une équipe de deux personnes renforcée de deux autres en « backup » qui pouvaient en cas d'absences, maladie, accident, service militaire, remplacer l'un des deux techniciens dédiés dans un délai de huit heures ouvrables. L'équipe était encadrée par l'un des responsables de Télios. Ce dernier se chargeait de la coordination et gérait la ponctualité et les éventuelles absences. Le responsable s'assurait également que la mission se déroulait à la satisfaction de la CAIB VD-GE et que les techniciens avaient bien assimilé la mission. Néanmoins, le responsable d'équipe ne pouvait pas prendre d'initiative sans en référer préalablement à la CAIB VD-GE. Les tarifs étaient de CHF 390.- par jour par employé hors TVA. Il était précisé que les éventuelles heures supplémentaires hors cadre de l'appel d'offres généraient une majoration dont le montant était conforme au règlement d'entreprise. Un organigramme expliquant le concept de cette « mise à disposition de ressources humaines pour des activités de centrale d'appels » était annexé à l'offre de l'appelée en cause.

b. S’agissant des déclarations faites par les parties au cours des enquêtes, la chambre administrative retiendra les éléments suivants :

Pour M. Battier, l'appelée en cause avait une obligation de résultat, soit traiter 1'000 à 1'300 tickets par mois. Le personnel de Télios travaillait avec des employés des HUG, en renfort de ceux-ci, mais sous la responsabilité de leur propre superviseur. L'organisation du travail était laissée à Télios sous réserve de l'horaire et du fait que les prestations représentaient cinq cent quatre jours par an. Chaque jour était payé au montant forfaitaire de CHF 390.-. Télios avait le risque commercial et était responsable des dommages causés.

Selon M. Petroff, les HUG laissaient Télios libre de déterminer le nombre d'intervenants nécessaires aux fins de fournir les prestations requises. Les prestations étaient rémunérées selon un tarif forfaitaire, par jour, quel que soit le nombre de personnes mises à disposition. Les heures supplémentaires n'étaient pas rémunérées. Télios devait garantir le résultat et la qualité dudit travail, et elle était également responsable d'un éventuel dommage.

Pour M. Delbart, les personnes présentes à la centrale d'appels n'avaient pas besoin d'instructions particulières pour assurer le travail. Les employés de Télios n'avaient pas besoin d'avoir un chef d'équipe, mais s'organisaient entre eux pour assurer la prestation et la présence. Toutes les personnes de la centrale d'appels faisaient le même travail, elles avaient le même « process », utilisaient le même outil mais n'avaient pas le même système de ressources humaines. Télios devait garantir le résultat de 1'300 tickets mensuels. Il lui était arrivé de constater qu'un des employés de Télios jouait en ligne et il en avait informé Télios. Cette dernière avait remédié à la situation. En cas de dommage (casse ou dysfonctionnement), les HUG pouvaient demander à Télios de changer l'employé responsable dans les trois jours.

c. Les factures de Télios aux HUG ainsi que les rapports de travail, intitulés « feuille de contrôle de présence », y relatifs partiellement caviardés pour la période allant du 3 octobre 2011 au 31 décembre 2012 produits par la CAIB VD-GE révèlent qu'aucune heure supplémentaire n'a été effectuée, que la durée de la journée de travail était normalement de huit heures et que le prix journalier pour le travail d'un collaborateur de Télios était de CHF 390.- hors TVA. Sur ces feuilles étaient notées les heures effectuées par mois par les employés de Télios.

8) Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la chambre de céans retiendra, à titre préjudiciel, que Télios n'a pas pratiqué de la location de services dans le cadre de ses relations contractuelles avec la CAIB VD-GE.

En effet, le pouvoir de direction sur les deux employés travaillant pour la CAIB VD-GE demeure « en mains » de Télios puisque les employés sont supervisés par un responsable de l'appelée en cause.

Le contrat conclu entre Télios et la CAIB VD-GE n'a pas pour objet la facturation d'heures de travail, mais la réalisation d'un objectif clairement défini, soit le traitement de 1'000 à 1'300 tickets mensuels, contre une certaine rémunération, soit CHF 390.- hors TVA pour une journée de huit heures de travail par employé.

Les pièces figurant au dossier comprenant une attestation de prise d'assurance de responsabilité civile par Télios, ainsi que les enquêtes, ont par ailleurs démontré que Télios, en cas de dommage éventuel (un ordinateur cassé par un employé de Télios dans le cadre de son activité), serait responsable, ce qui plaide également pour l'absence d'un contrat de location de services.

De plus, le fait que les employés de Télios déploient leur activité selon les horaires voulus par la CAIB VD-GE et dans la centrale d'appels de la CAIB VD-GE - critères qui militeraient pour un contrat de location de services - est d'une part insuffisant par rapport aux critères du pouvoir de direction, de la réalisation d'un objectif clairement défini contre une rémunération fixe et de la responsabilité de Télios en cas de dommage, et d'autre part expliqué par le fait que le lieu de l'activité déployée par Télios se confond avec celui de l'activité normalement exécutée par les autres employés des HUG pour résorber les problèmes informatiques de l'établissement hospitalier. Sur ce point, la jurisprudence a précisé que l'obligation faite aux employés d'une société de respecter les méthodes de travail et les procédures de l'entreprise bénéficiaire ne suffisait pas à qualifier les prestations de la société de location de services, puisque de telles modalités d'exécution n'étaient pas propres à la location de services, mais se retrouvaient aussi dans les contrats d'entreprise ou de mandat (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.425/2006 du 30 avril 2007 consid. 5.2.3).

Enfin, les factures produites par l'intimée attestent bien que le prix, soit CHF 390.- hors TVA, était convenu d'avance pour le travail d'une journée de huit heures par employé. L’augmentation des coûts sur une année ne trouve son fondement qu’après la conclusion du contrat entre l’appelée en cause et l’intimée, de sorte que cette augmentation n’influence pas la qualification de la relation entre ces deux parties au moment de la conclusion du contrat.

En conséquence, l'activité déployée par Télios n'est pas soumise à la LSE et une autorisation au sens de l'art. 12 al. 1 LSE n'est pas nécessaire, étant précisé que l'OCE était arrivé à la même conclusion le 11 novembre 2011 en classant le dossier relatif à l'activité de l'appelée en cause.

9) La recourante excipe de plus de la violation du principe de l'égalité de traitement, dans la mesure où la CAIB VD-GE a corrigé le prix proposé par Télios.

La législation en matière de marchés publics est fondée sur les principes énoncés à l’art. 1 AIMP. Il s’agit notamment d’assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires, de garantir l’égalité de traitement à l’ensemble de ceux-ci, l’impartialité de l’adjudication ainsi que la transparence des marchés publics et, finalement, de permettre une utilisation parcimonieuse des deniers publics.

En particulier, le respect de l’égalité de traitement entre soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. b et 11 let. a AIMP ; art. 16 RMP) oblige l’autorité adjudicatrice à traiter de manière égale les soumissionnaires pendant tout le déroulement formel de la procédure (ATA/646/2013 du 1er octobre 2013 ; ATA/884/2004 du 26 octobre 2004 ; J.-B. ZUFFEREY / C. MAILLARD / N. MICHEL, Droit des marchés publics, 2002, p. 109 ; B. BOVAY, La non-discrimination en droit des marchés publics, in RDAF 2004, p. 241).

Aux termes de l'art. 39 al. 2 1ère phrase RMP, les erreurs évidentes, telles que les erreurs de calcul et d'écriture, sont corrigées. L'autorité adjudicatrice peut demander aux soumissionnaires des explications relatives à leur aptitude et à leur offre (art. 40 al. 1 RMP).

Selon le point G. 3 de l'appel d’offres de la CAIB VD-GE du 24 mars 2011, les erreurs évidentes, telles que les erreurs de calcul et d'écriture, seront corrigées par les HUG.

En l'espèce, le grief de la recourante tombe à faux. L'appelée en cause ayant fixé ses tarifs à un prix forfaitaire journalier pour deux personnes, il se justifiait dans un souci d'égalité de traitement et pour permettre une meilleure comparaison des offres des différents soumissionnaires de procéder à la correction du prix, ce que l’intimée a fait également à l’égard d’un autre soumissionnaire. Dès lors, en contactant Télios et en corrigeant son prix, la CAIB VD-GE a fait un juste exercice des prérogatives précisées par les art. 39 al. 2 et 40 al. 1 RMP.

Le grief sera rejeté.

10) Dans un dernier grief lié à l'évaluation des offres, la recourante objecte que l'offre de Télios n'est pas la meilleure sur la base des critères d'aptitude imposés par la CAIB VD-GE.

L’art. 24 RMP énonce que l’autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché. Elle doit les énoncer clairement et par ordre d’importance au moment de l’appel d’offres et les faire figurer dans les documents y relatifs (art. 27 RMP).

Aux termes de l’art. 43 RMP, l’évaluation est faite selon les critères prédéfinis conformément à l’art. 24 RMP et énumérés dans l’avis d’appel d’offres et/ou les documents d’appel d’offres (al. 1). Le résultat de l’évaluation des offres fait l’objet d’un tableau comparatif (al. 2). Par ailleurs, le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l’offre économiquement la plus avantageuse, c’est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix (al. 3).

En l'espèce, force est de constater qu'à teneur du tableau comparatif produit, l'offre de Télios est bien la plus avantageuse.

Il s'ensuit que la CAIB VD-GE n’a pas méconnu la législation en matière de marchés publics, de sorte que ce grief doit également être écarté.

11) En conséquence, le recours sera rejeté dans la mesure où il est recevable. La recourante ne sera donc pas invitée à chiffrer son dommage.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante. Aucune indemnité de procédure ne sera accordée à Télios, qui n'y a pas conclu et qui n'a pas eu recours aux services d'un mandataire (art. 87 LPA).

Conformément à la jurisprudence récente (ATA/581/2013 du 3 septembre 2013), aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la CAIB VD-GE, qui dépend directement des HUG (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 29 août 2011 par Alltitude S.A. contre la décision de la centrale d’achats et d’ingénierie biomédicale des Hôpitaux universitaires de Genève et du Centre hospitalier universitaire vaudois du 18 août 2011 ;

met à la charge d'Alltitude S.A. un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure à Télios S.A. ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure à la centrale d’achats et d’ingénierie biomédicale des Hôpitaux universitaires de Genève et du Centre hospitalier universitaire vaudois ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- sinon, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Alltitude S.A., représentée par Me Olivier Bastian, avocat, à Me Pierre Martin-Achard, avocat de la centrale d’achats et d’ingénierie biomédicale des Hôpitaux universitaires de Genève et du Centre hospitalier universitaire vaudois, à Télios S.A., appelée en cause, ainsi qu’à la commission fédérale de la concurrence, pour information.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :