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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/781/2009

ATA/356/2009 du 28.07.2009 sur DCCR/352/2009 ( PE ) , ADMIS

Descripteurs : ; PROCÉDURE ; AVANCE DE FRAIS ; FORMALISME EXCESSIF ; CONDITION DE RECEVABILITÉ ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : LPA.86 ; Cst.5.al3 ; Cst.9 ; Cst.29.al1
Résumé : Dans les procédures mises en place pour l'application de l'art. 86 LPA les principes constitutionnels précités doivent être d'autant plus respectés que l'absence de paiement de l'avance de frais dans les délais est lourd de conséquence pour le justiciable puisqu'il peut conduire à l'irrecevabilité de son recours. Les juridictions administratives doivent donc communiquer d'une manière claire quel est le montant de l'avance à payer, le délai dans lequel cela doit être fait et les conséquences d'un défaut de paiement ou d'un paiement hors-délai. De même, la possibilité de requérir l'assistance juridique en cas d'impossibilité de payer le montant réclamé doit être rappelée.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/781/2009-PE ATA/356/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 28 juillet 2009

 

dans la cause

Madame R______

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 29 avril 2009 (DCCR/352/2009)


EN FAIT

1. Le 6 février 2009, l’office cantonal de la population (ci-après  : OCP) a refusé de renouveler l’autorisation de séjour pour études de Madame R______, ressortissante du Pérou.

2. Le 6 mars 2009, Mme R______ a déposé au greffe de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après  : CCRA) un recours contre la décision de l’OCP du 6 février 2009.

3. Le 9 mars 2009, la CCRA a écrit par courrier recommandé no 98.32.108142.00823126, à Mme R______. Le greffe accusait réception du recours formé le 6 mars 2009 et communiquait le no de cause sous lequel il avait été enregistré. Mme R______ était en outre invitée à s’acquitter  : « dans le délai fixé  (mentionné sous "conditions de paiement" de la facture remise en annexe) de l’avance de frais au moyen du bulletin de versement (ci-après  : BVR) ci-joint, sous peine d’irrecevabilité du recours ».

A ce courrier était annexée une facture établie par le greffe de la CCRA, qui se présentait ainsi  :

Commission cantonale de recours en matière administrative

Police des étrangers

Rue Ami-Lullin

Case postale 3888 Madame R______

1211 Genève 3 c/o Mme G_____

Rue ______

CH-1207 GENEVE

 

Invitation à payer No200-390000290-296242Date invitation à payer  : 09.MAR-09Page 1

Service Prestataire  : 14011300 CCRA Condition de paiement  :30

Référence  : A/781/09-CCR-1-PE jours net à compter du

09-MAR-09

Dossier R______ contre OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION

Concerne  : votre recours interjeté en date du 06.03.2009

Description Qt Unité PU HT Montant HT TVA

1 Avance de frais (LPA) 1 500.00 500.00

Total HT  : 500.00 Total  : 500.00 CHF

Net à payer  : 500.00 CHF

Faute de paiement intégral dans le délai imparti, la demande précitée sera déclarée irrecevable. Utiliser exclusivement le BVR ci-dessous.

 

4. Le 9 mars 2009, une copie du recours a été transmise à l’OCP avec un délai au 8 mai 2009 pour communiquer son dossier accompagné de ses observations.

5. Mme R______ a payé le 16 avril 2009 l’avance de CHF 500,- demandée.

6. Le 29 avril 2009, la CCRA a rendu une décision dont le dispositif était le suivant:

"La commission cantonale de recours en matière administrative:

1) déclare le recours irrecevable  ;

2) renonce à percevoir un émolument  ;

3) ordonne la restitution de l’avance de frais de CHF 500.- versée par la recourante. "

Par courrier recommandé du 9 mars 2009, elle avait imparti à Mme R______ un délai de 30 jours à compter de cette date, soit jusqu'au 8 avril 2009, pour effectuer une avance de frais de CHF 500.- sous peine d’irrecevabilité. L’avance de frais avait été effectuée le 16 avril 2009, soit en dehors du délai imparti. En vertu de l’art. 86 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le recours devait être déclaré irrecevable, la recourante n’ayant pas prouvé ni allégué qu’elle aurait été victime d’un empêchement non fautif de s’acquitter en temps utile du montant réclamé.

7. Par acte du 11 juin 2009, Mme R______ a recouru contre la décision précitée, qu'elle avait reçue le 13 mai 2009.

La CCRA avait considéré de manière erronée qu’elle n’avait pas payé dans le délai de 30 jours. Le courrier et la facture du 9 mars 2009 ne lui avaient été notifiés que le 17 mars 2009, si bien que le délai de 30 jours échéait le 16 avril 2009, date à laquelle le montant de CHF 500.- avait été versé, comme elle l’établissait par la production de la photocopie du récépissé. Le recours était recevable et la décision de la CCRA devait être annulée.

8. La consultation du site internet de La Poste suisse (www.poste.ch) a permis de contrôler que le pli recommandé No 98.32.108142.00823126 avait été remis le 17 mars 2009 à sa destinataire au guichet de la poste des Eaux-Vives.

9. Le 23 juin 2009, la CCRA a transmis son dossier.

10. Le 2 juillet 2009, l’OCP a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler à propos du recours de Mme R______.

11. Par courrier du 14 juillet 2009, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a LPA).

2. a. Devant la CCRA et devant le Tribunal administratif, la procédure de recours est payante, sauf dans les domaines visés aux art. 10 et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10. 03). La juridiction saisie fixe au recourant un "délai suffisant" pour payer une avance ou fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables, et en fait dépendre l'examen du recours (art. 86 al. 1 LPA).

b Si l'avance de frais n'est pas faite dans le délai imparti, le recours est déclaré irrecevable (art. 86 al. 2 LPA).

c. S'agissant d'un délai accordé par le juge, il peut être prolongé ou restitué (art. 16 al. 2 et 3 LPA). Il est au surplus computé conformément à l'art. 17 LPA.

3. a. La teneur actuelle de l'art. 86 LPA résulte d'un amendement adopté le 18 septembre 2008 lors des débats au Grand-Conseil sur la novelle modifiant la LOJ. Elle n'a donc pas fait l'objet de travaux préparatoires, la volonté de la députée ayant proposé l'amendement étant de donner une signification à l'acte de recourir auprès d'une juridiction administrative, en soumettant la recevabilité de celui-ci au paiement d'une avance de frais, à l'instar des règles prévalant devant d'autres juridictions (MGC 2008/XI, séance n°63 du 18 septembre 2008).

b. La législation genevoise ne comportant pas de règle plus précise quant à la procédure à suivre pour la fixation du montant de l'émolument et du délai de paiement, les juridictions administratives sont a priori libres de s'organiser pour la mise en pratique de cette disposition légale, dans le respect cependant des garanties constitutionnelles de nature procédurale qui sont rappelées ci-après.

4. a. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aujourd’hui aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération Suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale. C'est l'émanation d'un principe plus général, soit celui de la confiance, en vertu duquel l'Etat doit notamment respecter la sécurité juridique et l'administré n'est tenu de faire quelque chose ou n'en n'est dispensé que dans la mesure où il pouvait ou devait le comprendre (B. KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème éd., 1991, n°498, p. 105, AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 2ème éd., vol. II, n°1159, p. 543). En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161 consid. 4 p. 170 ; 129 II 361 consid. 7.1 p. 381 ; Arrêt du Tribunal fédéral 9C.115/2007 du 22 janvier 2008 consid. 4.2).

b. La jurisprudence a tiré de l’art. 29 al. 1 Cst. et de l’obligation d’agir de bonne foi à l’égard des justiciables (art. 5 et 9 Cst.), le principe de l’interdiction du déni de justice formel qui comprend la prohibition de tout formalisme excessif. Un tel formalisme existe lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique sans raison objective la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (Arrêt du Tribunal fédéral 1C 218/2007 du 16 octobre 2007 consid. 5.1  ; ATA/617/2008 du 9 décembre 2008 consid. 2). L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée au justiciable, soit dans la sanction qui lui est attachée (ATF 132 I 249 consid. 5 p. 253 ; 130 V 177 consid. 5.4.1 p. 183 ; 128 II 139 consid. 2a p. 142 et les arrêts cités). Ainsi en va-t-il lorsque la violation d’une règle de forme de peu d’importance entraîne une sanction grave ou disproportionnée, telle par exemple une décision d’irrecevabilité (ATA/473/2004 du 25 mai 2004 consid. 3 ; ATA/561/2003 du 23 juillet 2003 consid. 6 ; P. MOOR, Droit administratif, vol. 2, 2e éd., Berne 2002 , p. 230 ss n. 2.2.4.6 et les références citées).

c. Dans les procédures mises en place pour l'application de l'art. 86 LPA les principes constitutionnels précités doivent être d'autant plus respectés que l'absence de paiement de l'avance de frais dans les délais est lourd de conséquence pour le justiciable puisqu'il peut conduire à l'irrecevabilité de son recours. Les juridictions administratives doivent donc communiquer d'une manière claire quel est le montant de l'avance à payer, le délai dans lequel cela doit être fait et les conséquences d'un défaut de paiement ou d'un paiement hors-délai. De même, la possibilité de requérir l'assistance juridique en cas d'impossibilité de payer le montant réclamé doit être rappelée.

5. La recourante a compris du courrier du 9 mars 2009 et de la facture annexée qu'elle disposait d'un délai de trente jours pour payer l'avance de frais réclamée depuis la réception du pli recommandé contenant ces documents, alors que pour la CCRA, le dies a quo était le 9 mars 2009, cette date figurant comme date de référence sur la facture. Vu cette divergence, le tribunal de céans doit examiner si la communication faite par la CCRA à la justiciable pour obtenir le versement de l'avance de frais et si le refus de prendre en considération le versement effectué le 16 avril 2009 respectent les principes rappelés ci-dessus.

En l'espèce, le libellé du courrier du 9 mars 2009, permet à la recourante de comprendre qu'elle doit payer à titre d'avance de frais, dans un certain délai sous peine d'irrecevabilité, le montant figurant sur la facture annexée. En revanche, la date à laquelle doit intervenir le paiement ne lui est pas expressément communiquée. Pour la déterminer, la recourante est renvoyée à la facture annexée, avec la précision que le délai pour y procéder est mentionné sous la rubrique "conditions de paiement". Sur ladite facture, celui-ci n'apparaît pas expressément mais il doit être calculé par la justiciable qui doit comprendre qu'elle doit appliquer la formule "30 jours net à compter du 09-MAR-09". A ce sujet, le tribunal de céans relève que la facture annexée au courrier d'invitation à payer, au vu de son libellé et de sa présentation, est une reprise adaptée d'un modèle de facture commerciale tiré d'un logiciel comptable, ce qui explique l'utilisation des termes "30 jours nets", la référence à des quantités (QT) et à de la TVA, et l'utilisation d'une abréviation anglophone et inusuelle de la date de référence donnée pour calculer le délai. Si un justiciable averti peut ne pas être déconcerté par la façon dont la CCRA lui communique le délai de paiement, les risques sont plus grands pour le justiciable profane, et notamment pour le justiciable de langue maternelle étrangère, pour lequel ce procédé est susceptible d'être source de confusion ou d'erreur.

6. Que la CCRA fixe le délai d'avance de frais en fonction de la date d'envoi de la lettre d'invitation à payer, n'est en soi pas contraire à l'art. 86 LPA. Il en va de même de l'utilisation, pour des impératifs de gestion comptable ou découlant des exigences de l'informatique, de factures adaptées de modèles-type. En revanche, pour qu'il puisse être admis que l'avance de frais requise par la loi a été sollicitée valablement, vu les conséquences du non-respect du délai sur le sort de la procédure, il importe que cette juridiction communique - au moins une fois dans l'un ou l'autre des courriers qu'elle adresse à la recourante - la date limite de paiement à la personne qui recourt, sans que celle-ci doive l'établir par elle-même en fonction du libellé incertain de la facture qui lui a été adressée. Cette exigence s'impose d'autant plus si la CCRA entend fixer des délais de paiement de l’avance de frais selon un mode de computation recourant à un dies a quo constitué par une date fixé a priori par l'autorité qui s'écarte du mode pratiqué traditionnellement en procédure administrative où le dies a quo est déterminé par la date de réception, par l'administré, de la communication de l'autorité (cf art. 17 al. 1 ou 63 al. 3 LPA). En omettant d'agir de la sorte et en refusant de considérer que l'avance de frais avait valablement été payée, la CCRA a violé les garanties conférées par les art. 5 al. 3 et 9 de la Cst. Le recours sera admis et le dossier retourné à cette juridiction pour qu'elle reçoive le recours et statue sur le fond.

7. Vu l'admission du recours pour les raisons précitées, le Tribunal administratif renoncera à examiner si la CCRA a, en sus de cela, fait preuve de formalisme excessif, en refusant de prendre en considération le versement de l'avance de frais intervenue le 16 avril 2009, alors que, par courrier du 9 mars 2009, elle avait déjà accordé à l'OCP un délai au 8 mai 2009 pour répondre.

8. Aucun émolument ne sera perçu (art. 87 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure à la recourante, celle-ci agissant en personne et n'y ayant au demeurant pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 mars 2009 par Madame R______ contre la décision DCCR/352/2009 de la commission de cantonale de recours en matière administrative du 29 avril 2009 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision DCCR/352/2009 de la commission cantonale de recours en matière administrative du 29 avril 2009 ;

retourne la cause à la commission cantonale de recours en matière administrative pour qu'elle statue sur le fond  ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame R______, à la commission cantonale de recours en matière administrative ainsi qu'à office cantonal de la population.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :