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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4533/2010

ATA/493/2011 du 26.07.2011 sur JTAPI/297/2011 ( ICCIFD ) , ADMIS

Descripteurs : ; AVANCE DE FRAIS ; EXCÈS ; PAIEMENT ; ABSENCE
Normes : Cst.5 ; Cst.9 ; Cst.29.al1 ; LPA.86
Résumé : Irrecevabilité du recours pour paiement tardif de l'avance de frais en raison d'une erreur non imputable au recourant (numéro de référence erroné). Le recourant s'étant rendu à la caisse du Palais de justice afin de payer directement l'avance de frais le premier jour utile après avoir eu connaissance de l'erreur, l'autorité intimée a fait preuve de formalisme excessif.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4533/2010-ICCIFD ATA/493/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 juillet 2011

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur D______
représenté par Me Dominique Morand, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 avril 2011 (JTAPI/297/2011)


EN FAIT

1. Le 17 décembre 2010, Monsieur D______, contribuable à Genève, a saisi la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission) devenue depuis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), d'un recours contre une décision sur opposition prononcée le 6 décembre 2010 par le service de l'enregistrement de l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) concernant une donation.

Il précisait qu'il serait très vraisemblablement absent de Suisse "de mi-janvier à fin février 2011".

2. Le 8 février 2011, le TAPI a accusé réception du recours et fixé à M. D______ un délai échéant le vendredi 11 mars 2011 pour verser une avance de frais de CHF 500.-. Le même jour, le TAPI a imparti à l'AFC un délai échéant au 15 juin 2011 pour qu'elle transmette ses observations et le dossier fiscal concerné.

3. Le 10 février 2011, la Poste a informé le TAPI que le courrier adressé à M. D______ n'avait pas encore pu être distribué et, conformément à un ordre du destinataire, il demeurerait à l'office postal probablement jusqu'au 25 février 2011.

4. Il ressort de la consultation du site "track and trace" de la Poste suisse que le courrier en question a finalement, après notamment deux demandes de réexpédition et une erreur d'acheminement, été distribué le 8 mars 2011 à M. D______.

5. Le 14 mars 2011, M. D______ a écrit au TAPI. Il avait donné à sa banque l'ordre d'exécuter l'avance de frais le mercredi 9 février (sic ; recte : 9 mars). Cet ordre avait été exécuté le lendemain et lui avait été retourné le vendredi 11 mars avec l'indication "données bénéficiaire imprécises". Le 14 mars, il avait pris contact avec sa banque et il lui avait été indiqué que l'origine du problème restait inconnue. Il s'était rendu au TAPI vers 10h00 du matin et on lui avait demandé de téléphoner l'après-midi car il n'avait pas de rendez-vous. Il s'était donc rendu à la caisse du Pouvoir judiciaire vers 11h45 et avait versé l'avance de frais en espèces.

6. Le 28 mars 2011, le TAPI a demandé à M. D______ de lui transmettre l'ordre de paiement et de communiquer toutes informations utiles expliquant les motifs pour lesquels cet ordre n'avait pas été exécuté.

7. Le 30 mars 2011, M. D______ a transmis au TAPI deux documents qu'il avait imprimés depuis le site internet de sa banque, le premier, intitulé "détail de la transaction", indiquant qu'un ordre de paiement d'un montant de CHF 500.- avait été donné le 10 mars 2011, dont le destinataire était l'Etat de Genève. La description de l'ordre était "CCRA". Le second intitulé "avis de crédit", indiquait que cet ordre en faveur de l'Etat de Genève, n'avait pas été exécuté car les données du bénéficiaire étaient imprécises.

8. Par jugement du 12 avril 2011, le TAPI a déclaré le recours irrecevable, l'avance de frais ayant été faite tardivement. En dépit de la demande faite à M. D______, ce dernier n'avait pas produit copie de l'ordre de paiement litigieux et il n'était pas possible de connaître l'origine de l'erreur et donc de déterminer si cette dernière était excusable. Même si, comme il le soutenait, M. D______ avait pris connaissance de la demande d'avance de frais le 8 mars 2011, il disposait du temps nécessaire pour effectuer le paiement ou demander une prolongation du délai.

9. Le 13 mai 2011, M. D______ a saisi la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d'un recours contre le jugement précité. Le délai fixé par le TAPI était insuffisant et n'avait pas tenu compte de l'absence de Suisse annoncée à cette autorité. Il n'avait disposé que de quatre jours, dont un week-end, pour procéder au versement de l'avance de frais.

M. D______ avait donné l'ordre de paiement à sa banque, par internet, le 9 mars 2011, mais pour une raison qui n'avait pas été déterminée, le numéro de référence enregistré par la banque était erroné (00 00000 01272 00061 01010 01565 au lieu de 00 00000 01272 00061 10003 07010 01565), ainsi que cela ressortait du relevé détaillé de l'ordre exécuté, produit en annexe au recours.

M. D______ avait agi de bonne foi et l'autorité de première instance avait fait preuve d'un formalisme excessif.

10. Le 14 juin 2011, la commission a transmis son dossier, persistant dans les considérants et le dispositif de son jugement.

11. Le 1er juillet 2011, l'AFC a indiqué qu'elle s'en rapportait à justice quant à l'issue du recours.

12. Le 4 juillet 2011, la chambre administrative a informé les parties que la cause était gardée à juger.

13. Il ressort de la consultation du site internet de la banque du recourant que les bulletins de versement avec référence (ci-après : BVR) comportent un numéro de référence à 15 ou 27 positions, dont la dernière est le chiffre-clé permettant d'en vérifier la plausibilité. Cette vérification est réalisée après la saisie et l’ordre n’est transmis à la banque qu’après ce contrôle (http://www.ubs.com/2/f/ebanking_help /ebanking /ubsHelp.htm [consulté le 7 juillet 2011]).

Déterminés selon les règles exposées dans la documentation technique concernant les BVR (https://www.credit-suisse.com/ch/unternehmen/ kmugrossunternehmen/doc/besr_technische_dokumentation_fr.pdf , p. 7; www.postfinance.ch/content/dam/pf/de/doc/consult/manual/dldata/efin_recdescr_man_fr.pdf, p. 5, [consultés le 7 juillet 2011]) tant le chiffre-clé de la référence exacte que celui du numéro erroné sont égaux à « 5 », tous deux étant dès lors plausibles.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 131 et 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010-LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’art. 86 LPA, la juridiction saisie d’un recours invite le recourant à faire une avance destinée à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables. Elle fixe à cet effet un délai suffisant. Si l’avance n’est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable.

3. a. A rigueur de texte, la disposition légale précitée ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l’avance de frais n’intervienne pas dans le délai imparti.

b. La législation genevoise ne comportant pas de règle plus précise quant à la procédure à suivre pour la fixation du montant de l'émolument et du délai de paiement, les juridictions administratives sont à priori libres de s'organiser pour la mise en pratique de cette disposition légale, dans le respect cependant des garanties constitutionnelles de nature procédurale qui sont rappelées ci-après.

c. Dans les procédures mises en place pour l'application de l'art. 86 LPA les principes constitutionnels de la bonne foi et de la confiance tirés de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) doivent être d'autant plus respectés que l'absence de paiement de l'avance de frais dans les délais est lourd de conséquence pour le justiciable puisqu'il peut conduire à l'irrecevabilité de son recours.

La jurisprudence a tiré de l’art. 29 al. 1 Cst. et de l’obligation d’agir de bonne foi à l’égard des justiciables (art. 5 et 9 Cst.), le principe de l’interdiction du déni de justice formel qui comprend la prohibition de tout formalisme excessif. Un tel formalisme existe lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique sans raison objective la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_218/2007 du 16 octobre 2007 consid. 5.1 ; ATA/617/2008 du 9 décembre 2008 consid. 2). L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée au justiciable, soit dans la sanction qui lui est attachée (ATF 132 I 249 consid. 5 p. 253 ; 130 V 177 consid. 5.4.1 p. 183 ; 128 II 139 consid. 2a p. 142 et les arrêts cités). Ainsi en va-t-il lorsque la violation d’une règle de forme de peu d’importance entraîne une sanction grave ou disproportionnée, telle par exemple une décision d’irrecevabilité (ATA/356/2009 du 28 juillet 2009 ; ATA/473/2004 du 25 mai 2004 consid. 3 ; ATA/561/2003 du 23 juillet 2003 consid. 6 ; P. MOOR, Droit administratif, vol. 2, 2e éd., Berne 2002, p. 230 ss n. 2.2.4.6 et les réf. citées).

4. En l’espèce, le recourant avait clairement indiqué à la commission qu’il serait absent de Genève entre la mi-janvier et la fin du mois de février 2011. Ne tenant pas compte de cette indication, le TAPI lui a adressé la demande d’avance de frais pendant son absence et l’intéressé en a pris connaissance au plus tôt le 8 mars 2011. Il a alors, dans le délai, donné par internet un ordre de paiement dont les coordonnées bancaires étaient exactes ; toutefois, cet ordre n’a pas été exécuté car le numéro de référence - bien que plausible - comportait une erreur, dont il n’est pas possible de déterminer si elle provient d’une faute de frappe de l’intéressé ou d’un problème de transmission informatique. M. D______ n’a été informé de ce problème par sa banque que le vendredi 11  mars 2011, soit le dernier jour du délai qui lui avait été imparti pour procéder à l’avance de frais. Le premier jour utile après cette date, soit le lundi 14 mars 2011, il a versé la somme demandée directement à la caisse du Palais de justice et a contacté le greffe de l’autorité intimée.

Ces nombreux aléas, au sujet desquels la responsabilité du recourant n’apparaît pas engagée, amènent la chambre administrative à admettre que, en déclarant irrecevable le recours, le TAPI a fait preuve de formalisme excessif.

5. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et le jugement litigieux annulé. La procédure sera retournée à l’autorité de première instance, afin qu’il tranche le fond du litige.

Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à M. D______, à la charge de l’Etat de Genève (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 mai 2011 par Monsieur D______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 avril 2011 ;

 

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 avril 2011  ;

retourne la cause au Tribunal administratif de première instance dans le sens des considérants  ;

alloue à Monsieur D______ une indemnité de procédure de CHF 1’000.- à la charge de l’Etat de Genève  ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dominique Morand, avocat du recourant, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l'administration fiscale cantonale.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :