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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2205/2015

ATA/750/2016 du 06.09.2016 ( AMENAG ) , REJETE

Descripteurs : MESURE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ; PLAN DIRECTEUR ; PLAN D'AFFECTATION SPÉCIAL ; INDICE D'UTILISATION
Normes : LaLAT.13.al1.leta; LCI.27.al6; LCI.27.al7; LGZD.11.al2; LPMNS.18
Parties : GIANINAZZI Adriano, SOHRABI Bernard Mohsen, GIANINAZZI Bianca, MATSUOKA HARRIS Yuko, SOHRABI Chohreh, BAYARD MINDER Marie Thérèse, SARTORIUS Norman, STUDER Gérard, HARRIS Robert, MINDER Gabriel, REINHARDUS Sabine, KAUFMANN Marguerite, CHIANTERA Roberto, HOIRIE DE FEU WALTER GIANINAZZI, CHIANTERA Monika, SARTORIUS Vera, LUTHI GIANINAZZI Isabelle, STUDER Claude, KAUFMANN Heinrich, STUDER Jacqueline, REINHARDUS Carel et autres, GIANINAZZI Diego / FONDATION TERRA ET CASA, CONSEIL D'ETAT
Résumé : Rejet d'un recours contre un plan localisé de quartier déposé par des voisins du périmètre concerné ayant déjà recouru contre la loi de modification de zone. Examen de la densité du projet en lien avec une décision de classement d'une villa sise sur le site. Examen du gabarit de hauteur des bâtiments prévus.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2205/2015-AMENAG ATA/750/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 septembre 2016

 

dans la cause

 

 

Madame Marie-Thérèse BAYARD MINDER et Monsieur Gabriel MINDER
Madame Monika CHIANTERA
Monsieur Roberto CHIANTERA
Madame Bianca GIANINAZZI

Hoirie de feu Monsieur Walter GIANINAZZI, soit pour elle Madame Bianca GIANINAZZI, Monsieur Adriano D. GIANINAZZI et Monsieur Diego GIANINAZZI

Madame Marguerite et Monsieur Henri KAUFMANN
Madame Isabelle LUTHI GIANINAZZI et Monsieur Adriano D. GIANINAZZI

Madame Yuko MATSUOKA HARRIS et Monsieur Robert HARRIS
Madame Sabine et Monsieur Carel REINHARDUS
Madame Vera SARTORIUS et Monsieur Norman SARTORIUS
Madame Chohreh et Monsieur Mohsen SOHRABI
Madame Jacqueline STUDER
Monsieur Claude STUDER
Monsieur Gérard STUDER

représentés par Me Adriano Gianinazzi, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT


et

 

FONDATION TERRA & CASA, appelée en cause
représentée par Me François Bellanger, avocat



EN FAIT

1) Les parcelles nos 1'750, 2'060 et 2'061, feuille 62 du cadastre de la Ville de Genève (ci-après : la ville), section Petit-Saconnex, sont situées à l’angle de l’avenue Trembley et de la promenade des Crêts. La première parcelle est propriété de la ville et constitue un jardin public entre le chemin des Crêts et la promenade. Les secondes, propriétés de la Fondation Terra et Casa (ci-après : la fondation), sont sises de l’autre côté de la promenade, le long de l’avenue.

Ce périmètre est sis en zone de fond villa depuis 1952 et a fait l’objet d’un concours d’architecture en 2008 pour l’implantation d’un projet de logements sur les parcelles de la fondation.

2) Le 11 janvier 2012, le Conseil d’état a déposé un projet de loi no 10'910 modifiant les limites de zones sur le territoire de la ville visant à la création d’une zone de développement 3, une zone de développement 3 affectée à de l’équipement public et une zone de bois et forêts. Ce projet proposait notamment l’incorporation en zone de développement 3 des parcelles appartenant à la fondation ainsi que de la zone villa située au sud-est de celles-ci, soit les parcelles nos 4'915 à 4'922 ayant pour adresses 4 à 4H, avenue de Trembley.

La loi de modification de zones a été adoptée le 16 novembre 2012 par le Grand Conseil qui a également rejeté les oppositions formées à l’encontre du projet. Un recours déposé le 4 février 2013 par des habitants et des voisins du périmètre auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la loi no 10'910 a été rejeté par arrêt du 1er avril 2014 (ATA/197/2014).

3) Par arrêté du 30 mai 2012, le Conseil d’état a classé la villa Boccard, construite selon les plans de Maurice Braillard en 1937 sur la parcelle no 2'061 (plan no 29'862). Les abords de la villa, soit près de la moitié nord-ouest de la parcelle étaient également classés ainsi qu’un cône de préservation des vues sur la partie sud-est de la parcelle.

4) Le 15 juin 2012, un avant-projet de plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) no 29’817-204 a été élaboré par le département chargé de l’aménagement du territoire portant sur un périmètre incluant les parcelles nos 2'060 et 2'061 ainsi qu’une partie de la parcelle no 1'750 constituée par le début de la promenade des Crêts. La surface couverte par le PLQ est de 5'792 m2. La villa Boccard ainsi qu’un garage sont les seules constructions existant dans le périmètre couvert par le projet de PLQ.

Le projet prévoyait la construction de deux bâtiments articulés en forme de « L », à savoir un bâtiment haut, constitué de deux rez-de-chaussée inférieurs, d’un rez-de-chaussée supérieur et de neuf étages qui viendrait s’appuyer sur une construction plus basse, constituée de deux rez-de-chaussée inférieurs, d’un rez-de-chaussée supérieur et de six étages plus deux superstructures, le bâtiment étant affecté à du logement et devant permettre la réalisation de 10'300 m2 de surface brute de plancher (ci-après : SBP), pour un indice d’utilisation du sol (ci-après : IUS) de 1,79 maximum et un indice de densité (ci-après : ID) de 2. Un parking souterrain de cent treize places, dont dix destinées aux visiteurs, serait créé, accessible par l’avenue Trembley. Cent trois places de stationnement pour les vélos seraient situées à l’intérieur du bâtiment.

Les bâtiments sont prévus dans l’angle fait par l’avenue Trembley et le chemin privé perpendiculaire à celle-ci desservant les villas construites sur les parcelles nos 4'915 à 4'922.

5) L’avant-projet de PLQ a fait l’objet de trois enquêtes techniques en juillet 2012, janvier 2013 et juillet 2013. Des modifications ont été apportées au projet et le 30 mai 2013, la fondation a densifié son projet.

Le 8 juillet 2013, la direction générale de la nature et du paysage (ci-après : DGNP) a rendu un préavis favorable.

La ville a rendu un préavis favorable le 17 juillet 2013, après avoir conclu un accord avec la fondation attestant de la possibilité de traverser du nord-ouest au nord-est le périmètre, entre la villa Boccard et le futur bâtiment.

Le 19 juillet 2013, l’office du logement a préavisé favorablement sous réserves le projet.

Le 22 juillet 2013, le service des monuments et des sites a préavisé favorablement sous réserve le projet de PLQ, les demandes de compléments concernant la villa classée et ses abords, ayant été reportées sur le plan, conformément à la demande faite le 2 juillet 2012 par la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS).

Le 23 juillet 2013, le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a rendu un préavis favorable. Les valeurs limites d’immission (VLI) du bruit du trafic routier étaient dépassées de + 5 à + 6 dB(A) de jour et de nuit. Des mesures devraient impérativement être mises en œuvre afin de garantir le respect des valeurs limites et cette mention devait être ajoutée à la légende du PLQ. Les trémies d’entrée et de sortie du parking étaient idéalement situées. La qualité de l’air en 2012 sur le site concerné était conforme mais proche de la norme pour les immissions de NO2. Le projet était conforme aux exigences en matière de rayonnements ionisants.

Le 23 juillet 2013, le service de géologie, sols et déchets a délivré un préavis favorable au projet.

Le 29 juillet 2013, l’office cantonal de l’énergie (ci-après : OCEN) a rendu un préavis favorable sous réserve que le concept énergétique territorial portant le numéro CET 2011-44 mis à jour, validé le 27 juillet 2013 soit spécifié sur le plan.

Le 7 août 2013, l’office de l’urbanisme a rendu un préavis favorable sans observations.

Le 12 août 2013, la direction générale de l’eau (ci-après : DGEau) a rendu un préavis favorable sous conditions.

Le 7 novembre 2013, la commission d’urbanisme a préavisé favorablement le projet.

6) L’enquête publique du projet de PLQ a été ouverte du 1er juillet 2014 au 1er septembre 2014.

Vingt-quatre propriétaires de parcelles situées sur l’avenue Trembley 4B à 4H ainsi que des propriétaires d’appartements sis dans un bâtiment au 1, chemin Gilbert-Trolliet, en face de la parcelle no 2'060, de l’autre côté de l’avenue Trembley, se sont opposés, par écriture commune, au projet de PLQ.

7) Le 11 novembre 2014, le conseil municipal de la ville a voté un préavis favorable au projet de PLQ.

8) a. Par arrêté du 27 mai 2015, publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO), le Conseil d’état a approuvé le PLQ. L’arrêté était déclaré exécutoire nonobstant recours. L’exécution de travaux tendant à la réalisation des ouvrages et bâtiments était toutefois interdite jusqu’à droit connu.

b. Par arrêté du même jour, le Conseil d’état a statué sur l’opposition formée au projet de PLQ en la rejetant dans la mesure de sa recevabilité.

9) Le 26 juin 2015, Monsieur Carel REINHARDUS, Madame Sabine REINHARDUS, Madame Bianca GIANINAZZI, Monsieur Walter GIANINAZZI, Monsieur Adriano D. GIANINAZZI, Madame Isabelle LUTHI GIANINAZZI, Monsieur Claude STUDER, Monsieur Gérard STUDER, Madame Jacqueline STUDER, Monsieur Henri KAUFMANN, Madame Marguerite KAUFMANN, Monsieur Robert HARRIS, Madame Yuko MATSUOKA HARRIS, Monsieur Mohsen SOHRABI, Madame Choreh SOHRABI, Monsieur Gabriel MINDER, Madame Marie-Thérèse BAYARD MINDER, Monsieur Roberto CHIANTERA, Madame Monika CHIANTERA, Monsieur Norman SARTORIUS, Madame Véra SARTORIUS, tous habitants ou propriétaires de biens immobiliers sis à l’avenue Trembley 4B à 4H ou 1 et 3, chemin Gilbert-Trolliet, ont interjeté recours par mémoire commun auprès de la chambre administrative contre les arrêtés du Conseil d’état du 27 mai 2015 rejetant leurs oppositions et approuvant le PLQ no 29’817-204. Il s’agit des mêmes voisins du périmètre du PLQ qui avaient déjà recouru sans succès contre l’adoption de la loi no  10'910.

Ils concluaient à la restitution de l’effet suspensif au recours ainsi qu’à l’annulation de l’arrêté du Conseil d’État approuvant le PLQ.

Rien ne permettait d’affirmer que la demande de logements continuerait à augmenter dans le futur et l’hypothèse fondant tout le raisonnement du Conseil d’état pourrait très bien s’avérer fausse. Le projet de construction était de faible importance et n’aurait que très peu d’impact sur l’offre de logements.

Les buts principaux de l’aménagement du territoire étaient violés dans la mesure où leur intérêt n’avait pas été pris en compte.

La construction prévue était située au milieu d’une zone de verdure très différente des zones environnantes puisqu’elle était entièrement constituée de parcs à la seule exception des huit petites villas jumelles qui se trouvaient sur l’arrière de la villa Boccard. La tour prévue atteignait une fois et demie la hauteur maximale prévue par les dispositions légales. Cette implantation saugrenue était malvenue et due uniquement au classement d’une villa dont la valeur architecturale était plus que discutable. Il s’imposait de procéder à une nouvelle pesée des intérêts s’agissant du maintien de la villa.

Le gabarit de hauteur des bâtiments prévus était d’une moyenne de trente mètres au-dessus du sol, soit bien au-delà des gabarits maximaux autorisés par la loi. Les villas ne dépassaient pas huit mètres et l’immeuble sis au 1-3 chemin Trolliet, qui comptait aussi neuf niveaux au-dessus du sol, était construit en contrebas de l’avenue Trembley en raison de la pente. Le niveau du sol à l’endroit de la construction prévue était de trois mètres au-dessus de l’avenue. Il résultait de cette situation une différence de plus de neuf mètres entre le rez des deux immeubles. Aucune des conditions dérogatoires n’était remplie par le projet.

Le plancher du rez-de-chaussée inférieur 1 étant situé en dessous du niveau général du sol, il ne pourrait pas comporter de logements. Le PLQ devait être modifié pour réduire le nombre de rez inférieurs et réduire ainsi la hauteur de l’immeuble. En outre, l’immeuble comporterait quatre niveaux non chauffés dont l’affectation n’était pas déterminée. Cette proportion était énorme et non expliquée. Or, un dépassement de plus de la moitié de la hauteur maximale ne pouvait être justifié que pour un motif important.

L’impact du nouvel immeuble sur la zone avoisinante était désastreux. Le plan de coupe du projet de PLQ était erroné car la végétation existante qui serait d’ailleurs partiellement détruite par le projet, semblait arriver plus ou moins à la même hauteur que l’immeuble projeté, ce qui était faux. Les arbres existants n’arriveraient au mieux qu’à la moitié de la hauteur de l’immeuble projeté. Cette fausse représentation pouvait faire penser aux autorités que les usagers des parcs et les habitants voisins ne seraient pas gênés par l’immeuble. L’implantation de la construction provoquerait des dommages important sur l’ensemble paysager historique et sur la structure végétale qu’il était initialement prévu de conserver.

Aucune place pour les véhicules deux-roues motorisés n’était prévue, ce qui engendrerait le parcage sauvage de ces véhicules dans le quartier. Les normes légales sur le bruit et la qualité de l’air allaient être dépassées, notamment par l’effet de réverbération entre les immeubles. Il n’était pas admissible d’examiner ces questions au niveau de l’autorisation de construire seulement.

10) Le 20 juillet 2015, le département, pour le Conseil d’état, s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif.

11) Par décision sur effet suspensif du 31 juillet 2015, la chambre administrative a refusé la restitution de celui-ci.

12) Le 20 août 2013, le département, pour le Conseil d’état, a répondu au recours en concluant à son rejet.

Le PLQ avait comme but de matérialiser les objectifs de la zone de développement 3 créée par la loi no 10'910. En adoptant cette loi, le Grand Conseil avait à l’esprit de permettre l’adoption du projet de PLQ qui était connu en raison du concours d’architecture organisé par la fondation.

Les zones de développement visaient à la réalisation de constructions plus importantes que celles qu’autoriserait l’application des normes de la zone préexistante. L’implantation de l’immeuble avait été planifiée en tenant compte de la contrainte préexistante représentée par la villa classée.

Le plan de coupe n’était qu’indicatif et la végétation serait conservée dans la mesure nécessaire.

13) Le 27 août 2015, la fondation a requis son appel en cause.

Les parties s’en sont rapportées à justice sur la requête de la fondation les 8 et 14 septembre 2015.

Le 16 septembre 2015, la chambre administrative a ordonné l’appel en cause de la fondation.

14) Le 16 octobre 2015, la fondation a déposé des observations répondant aux griefs soulevés par les recourants.

15) Le 18 novembre 2015, les recourants ont répliqué.

Un projet de PLQ concernant les parcelles 4A à 4H avenue Trembley avait été élaboré par la ville et présenté aux habitants le 5 novembre 2015. Ce projet prévoyait l’édification d’un immeuble en forme de barre rectangulaire de dix niveaux implanté perpendiculairement à l’avenue. Des problèmes de trafic ne manqueraient pas de se poser.

La vue légaliste adoptée par le Conseil d’état et la fondation devait être remplacée par la volonté de faire quelque chose de beau, efficace pour la population et utile pour l’avenir de Genève. La chambre administrative devait modifier sa pratique et examiner le projet sous l’angle de l’opportunité.

Le projet était au centre de la pénétrante de verdure et la défigurait, diminuant sa largeur.

Pour le surplus, ils reprenaient et développaient l’argumentation présentée dans le recours.

16) Le 17 décembre 2015, la fondation a dupliqué et le Conseil d’état s’est déterminé, persistant dans leur argumentation.

17) Suite au décès de M. Walter GIANINAZZI, survenu le 1er décembre 2015, la procédure a été suspendue par décision de la chambre administrative du 13 janvier 2016. Les héritiers de M. GIANINAZZI, soit Monsieur Diego GIANINAZZI, Madame Bianca GIANINAZZI et Monsieur Adriano D. GIANINAZZI ayant déclaré souhaiter reprendre la procédure en cours, celle-ci a été reprise par décision du 2 mars 2016 de la chambre administrative.

18) Le 7 mars 2016, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) a. Aux termes de l’art. 6 al. 1 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35), le recours contre l’adoption d’un PLQ est régi par l’art. 35 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30).

b. Selon l’art. 35 LaLAT, la décision par laquelle le Conseil d’État adopte un PLQ au sens de l’art. 13 al. 1 let. a LaLAT peut faire l’objet d’un recours à la chambre administrative (al. 1). Le délai de recours est de trente jours dès la publication de la décision dans la FAO (al. 2). Le recours n’est par ailleurs recevable que si la voie de l’opposition a été préalablement épuisée (al. 4), la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) étant applicable pour le surplus (al. 5).

La chambre de céans a déjà jugé que le recours était également recevable contre l’arrêté rejetant les oppositions faites à l’encontre du PLQ comme en l’espèce. Bien que la lettre de la loi indique que seule la décision prononçant l'adoption d'un PLQ peut faire l'objet d'un recours, ce dernier peut aussi valablement être interjeté contre l'arrêté statuant sur l'opposition formée contre ledit PLQ. Le choix du Conseil d'État de scinder l’adoption d’un PLQ en deux actes distincts pour des impératifs de gestion administrative et pour faciliter le suivi de la procédure au sein de ses différents services ne saurait limiter la portée de l'art. 35 al. 1 LaLAT pour les administrés, qui peuvent recourir indifféremment soit contre l'arrêté d'adoption après sa publication ou contre celui rejetant l’opposition les concernant (ATA/664/2014 du 26 août 2014).

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue.

En tant que propriétaires de biens immobiliers sis sur des parcelles adjacentes ou voisines proches du périmètre du PLQ litigieux, les recourants disposent de la qualité pour agir au sens de l’art. 60 al. 1 let. b LPA et ont tous préalablement épuisé la voie de l’opposition. Leur recours est, partant, recevable.

2) Le recours contre le PLQ litigieux peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA et 35 al. 5 LaLAT). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité des PLQ, qui est examinée au stade de la procédure d'opposition (art. 61 al. 2 LPA, 6 al. 9 LGZD et 35 al. 5 LaLAT ; ATA/162/2014 du 18 mars 2014; ATA/532/2012 du 21 août 2012). La loi confère aux autorités de planification un très grand pouvoir d’appréciation, qui n’est soumis au contrôle juridictionnel qu’en tant qu’il consacre une violation du droit. Les choix liés à la planification du sol sont donc essentiellement politiques et relèvent de l’opportunité, qui n’est revue que par le Conseil d’État lors de la procédure d’opposition (art. 33 al. 3 let. b LAT ; ATA/900/2014 du 18 novembre 2014).

La chambre administrative n'est ainsi pas habilitée à examiner l'opportunité des mesures d'aménagement dont elle a à connaître sur recours (art. 61 al. 2 LPA et 35 LaLAT ; ATA/438/2014 précité; ATA/566/2008 précité ; Jean-Charles PAULI, L'élargissement des compétences du Tribunal administratif en matière d'aménagement du territoire et ses premières conséquences sur la conduite des procédures à Genève, RDAF 2000, vol. I, p. 526 ; Thierry TANQUEREL, Le contentieux de l'aménagement du territoire, in 3ème journée du droit de la propriété, 2000, p. 10).

3) Le grief principal des recourants concerne la densité du projet en lien avec la décision de classement de la villa Boccard. Du fait de ce classement, l’emplacement des bâtiments prévus gênerait les habitants des villas jumelles de l’avenue Trembley 4A à H.

L’arrêté de classement de la villa, entré en force, est antérieur à l’adoption de la loi modifiant les limites de zone et créant la zone de développement 3 ayant permis l’adoption du PLQ. Lors des débats préparatoires relatifs à la loi no 10'910, la question de la préservation de la villa, contestée par les recourants a déjà été examinée, comme elle l’a également été dans l’arrêt de la chambre de céans faisant suite au recours des recourants contre la loi (ATA/197/2014 précité).

En l’espèce, les recourants ne font que réitérer des griefs qui ont déjà été rejetés par la chambre de céans, et leur argumentation ne sera pas examinée plus en détail dans la mesure où la décision de classement ne saurait être remise en question dans le cadre du présent recours, sa révocation n’étant possible qu’à l’issue d’une procédure analogue à celle de classement (art. 18 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 - LPMNS - L 4 05).

Les projets de PLQ doivent s’adapter aux contraintes existantes, comme celle découlant du classement de la villa et de ses abords. Cela étant, la question de l’implantation des bâtiments est une question d’opportunité qui ne peut être revue que dans le cadre de l’opposition, mais non par la chambre de céans comme vu ci-dessus.

En conséquence le grief sera écarté dans la mesure où il est recevable.

4) Les recourants estiment que la hauteur du bâtiment est contraire à la loi. De plus, la présence de plusieurs rez-de-chaussée non chauffés dans le bâtiment projeté devait être expliquée en détail afin de justifier une éventuelle dérogation au gabarit de hauteur légal.

a. Selon l’art. 27 al. 6 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) applicable aux constructions sises en zone de développement 3 (art. 11 al. 2 LGZD), la hauteur de la ligne verticale du gabarit ne peut dépasser nulle-part 21 m. Afin de permettre la construction de logements supplémentaires, cette hauteur peut être portée à 27 m, à condition qu’une telle augmentation ne compromette pas l’harmonie urbanistique de la rue. Dans les zones de développement, les PLQ peuvent toutefois déroger à ces règles en prévoyant des hauteurs plus élevées (art. 27 al. 7 LCI).

b. Selon une jurisprudence bien établie, la chambre administrative observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité suive l'avis de
celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/281/2016 du 5 avril 2016 et les arrêts cités).

En l’espèce, le PLQ fait usage de la faculté prévue à l’art. 27 al. 7 LCI, le choix ayant été fait de dépasser la hauteur prévue de 21 m en prévoyant la construction d’un bâtiment de type R + 9, d’une hauteur de 30 à 33 m côté avenue Trembley et d’un bâtiment type R + 6 côté parc des Crêts. S’agissant d’une construction faite dans la pente du terrain, plusieurs étages de rez-de-chaussée sont prévus, souterrains d’un côté du bâtiment et au-dessus du sol de l’autre.

S’agissant des bâtiments environnants, le long de l’avenue Trembley, en face du bâtiment prévu, les immeubles d’habitation sont d’une hauteur de 29,26 m au 1 et 3, chemin Gilbert Trolliet, de 23,5 m au 2, chemin Gilbert Trolliet et de 25,8 m au 19, chemin des Crêts. De l’autre côté du parc des Crêts, à l’adresse 3A à 3F, rue de Moillebeau, les bâtiments ont une hauteur de 29 m, selon les données figurant sur le le système d’information du territoire genevois, (ci-après : SITG, consultable à l’adresse https://www.etat.ge.ch/geoportail/pro/).

Pour le surplus, les parcelles adjacentes au sud-ouest du PLQ sont déjà sises en zone de développement 3 et ce périmètre, dont font partie certaines parcelles des recourants occupées par des villas, fait l’objet d’un projet de PLQ (plan no 29'979) prévoyant la construction d’un bâtiment de type R + 9.

En conséquence, force est de constater, contrairement à ce que soutiennent les recourants, que les bâtiments prévus sont d’une hauteur comparable à ceux déjà construits dans le quartier ou à ceux prévus dans le projet de PLQ adjacent au périmètre concerné. Quant aux étages en sous-sol et aux rez-de-chaussée, liés à la pente du terrain, rien ne permet de retenir, comme le font les recourants de façon anticipée, que les normes applicables en matière de construction seront violées lors de la délivrance des autorisations de construire.

Enfin, les préavis de l’office et de la commission d’urbanisme, de la CMNS ainsi que celui de la commune et du service des monuments et des sites étaient favorables au projet.

En conséquence, les griefs des recourants seront écartés.

5) Les recourants estiment que des dommages importants seraient provoqués à l’ensemble paysager historique et à la structure végétale des lieux.

La zone de verdure située à l’est du périmètre du PLQ qui constitue le parc des Crêts prolongeant celui de Trembley jusqu’à la promenade des Crêts n’est pas touchée par le projet contrairement à ce que laissent entendre les recourants, oubliant que les parcelles concernées par le PLQ sont situées en zone de développement 3. En outre, la mesure de classement de la villa Boccard vise également les abords (nord de la parcelle no 2'061) et s’accompagne de la préservation d’un cône de dégagement s’évasant depuis la villa jusqu’au chemin privé bordant les villas des recourants, préservant une part importante de la surface de la parcelle de toute construction.

En matière de protection des sites, le projet de PLQ prévoit dans sa légende que les travaux de restauration et de réhabilitation de la villa Boccard devront être simultanés au projet de construction des logements et le parc devra faire l’objet d’un plan d‘aménagement paysager sur l’ensemble du périmètre. Compte tenu de cette exigence de la CMNS, le service des monuments et des sites a préavisé favorablement le projet.

S’agissant de la végétation, le PLQ prévoit l’abattage de certains arbres, la conservation et la plantation d’autres. Le projet a été préavisé favorablement par la DGNP ainsi que par la CMNS et les aménagements extérieurs figurant à titre indicatif sur le PLQ devront faire l’objet d’une étude particulière portant sur l’ensemble du périmètre dès le dépôt de la première requête en autorisation de construire et respecter les abords du bâtiment classé. Cette étude devra prévoir notamment le choix d’espèces végétales indigènes.

En conséquence, le grief des recourants tombe à faux, les aspects de protection des sites, incluant celui de la végétation, ayant été dûment pris en compte dans le projet litigieux.

6) Concernant la prétendue non-demande sur le marché du logement dans les années à venir et la faible importance du PLQ litigieux s’agissant de l’offre de logements à Genève, l’argumentation des recourants est, d’une part, contradictoire et d’autre part, porte uniquement sur les choix du législateur en matière d’aménagement du territoire qui ne sauraient être remis en cause par le biais d’un recours contre un plan d’affectation.

Cela dit, contrairement à ce que soutiennent les recourants, s’agissant de la situation sur le marché du logement, au 1er janvier 2016, toutes les catégories de logements ont été déclarées en situation de pénurie par le Conseil d’État (Arrêté déterminant les catégories de logements où sévit la pénurie en vue de l’application de l’art. 207 de la loi d’application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 13 janvier 2016 - ArCAP - I 4 45.07). Quant au plan directeur cantonal adopté le 20 septembre 2013 par le Grand Conseil, il préconise d’anticiper le développement démographique en mettant à disposition les surfaces nécessaires pour détendre le marché du logement et être en mesure d’accueillir jusqu’à 100'000 habitants supplémentaires sur le territoire du canton, de façon à permettre une mise en œuvre effective des objectifs de planification (Concept de l’aménagement cantonal p. 5).

Les griefs soulevés, non pertinents en l’espèce, ne seront dès lors pas examinés plus avant.

7) Les recourants font grief à l’autorité intimée de n’avoir pas pris en considération leur intérêt, violant en cela les principes et buts de l’aménagement du territoire.

Ce grief, déjà soulevé par les recourants dans la procédure qu’ils ont initiée contre la loi créant la zone de développement, a été largement examiné par la chambre de céans dans l’ATA/197/2014 précité (consid. 10 à 13) auquel il sera renvoyé, les considérants précités devant être considérés comme intégrés au présent arrêt si nécessaire au titre de motivation.

Pour le surplus, le PLQ vise à concrétiser les objectifs de la zone de développement 3 instaurée par la loi no 10'910. La constatation faite par la chambre administrative au sujet de la création de la zone de développement 3 qui intègre parfaitement les différents concepts de l’aménagement du territoire (ATA/197/2014 précité consid. 13) ne peut qu’être reprise ici et rien ne permet de retenir que la pesée de tous les intérêts en présence n’aurait pas été effectuée par l’autorité intimée.

Les recourants persistent principalement dans leur argumentation à faire prévaloir un projet différent de celui retenu dans le PLQ et qui impliquerait la démolition de la villa classée. Comme vu ci-dessus, cette alternative n’a, à juste titre, pas été examinée et, en tant qu’il poursuit ce but, leur intérêt ne peut s’opposer valablement à ceux, pris en compte pour l’élaboration du projet litigieux.

8) Les recourants allèguent encore que le PLQ violerait les normes légales sur le bruit et nécessiterait des mesures compensant les effets nocifs des nouvelles constructions sur la qualité de l’air. Cette argumentation des recourants a également déjà été examinée dans l’ATA/197/2014 précité aux consid. 14 et 15 auquel il sera renvoyé, conformément au considérant qui précède.

Ces griefs s’avèrent en outre infondés dans la mesure où le SABRA, service compétent en la matière, a préavisé favorablement le projet en exigeant des mesures suffisantes pour compenser les effets nocifs des nouvelles constructions en matière de pollution de l’air et des mesures typologiques et/ou architecturales permettant le respect des valeurs limites d’immission en matière de bruit, la légende du PLQ reprenant en outre ce préavis.

Le grief sera donc écarté.

9) En tous points infondé, le recours sera rejeté.

10) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge conjointe et solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à l’appelée en cause qui y a conclu (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 juin 2015 par Madame Marie-Thérèse BAYARD MINDER et Monsieur Gabriel MINDER, Madame Monika CHIANTERA, Monsieur Roberto CHIANTERA, Madame Bianca GIANINAZZI, l’hoirie de feu Monsieur Walter GIANINAZZI, soit pour elle Madame Bianca GIANINAZZI, Monsieur Adriano D. GIANINAZZI et Monsieur Diego GIANINAZZI,Madame Marguerite et Monsieur Henri KAUFMANN, Madame Isabelle LUTHI GIANINAZZI et Monsieur Adriano D. GIANINAZZI, Madame Yuko MATSUOKA HARRIS et Monsieur Robert HARRIS, Madame Sabine et Monsieur Carel REINHARDUS, Madame Vera et Monsieur Norman SARTORIUS, Madame Choreh et Monsieur Mohsen SOHRABI, Madame Jacqueline STUDER, Monsieur Claude STUDER, Monsieur Gérard STUDER contre l’arrêté du Conseil d’état du 27 mai 2015 no 4’051-2015 rejetant l’opposition faite au plan localisé de quartier no 29’817-204 et contre l’arrêté du Conseil d’État du 27 mai 2015 approuvant le plan localisé de quartier no 29’817-204 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge conjointe et solidaire de Madame Marie-Thérèse BAYARD MINDER et Monsieur Gabriel MINDER, Madame Monika CHIANTERA, Monsieur Roberto CHIANTERA, Madame Bianca GIANINAZZI, l’hoirie de feu Monsieur Walter GIANINAZZI, soit pour elle Madame Bianca GIANINAZZI, Monsieur Adriano D. GIANINAZZI et Monsieur Diego GIANINAZZI, Madame Marguerite et Monsieur Henri KAUFMANN, Madame Isabelle LUTHI GIANINAZZI et Monsieur Adriano D. GIANINAZZI, Madame Yuko MATSUOKA HARRIS et Monsieur Robert HARRIS, Madame Sabine et Monsieur Carel REINHARDUS, Madame Vera et Monsieur Norman SARTORIUS, Madame Choreh et Monsieur Mohsen SOHRABI, Madame Jacqueline STUDER, Monsieur Claude STUDER, Monsieur Gérard STUDER ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à la Fondation Terra & Casa, appelée en cause, à la charge conjointe et solidaire de Madame Marie-Thérèse BAYARD MINDER et Monsieur Gabriel MINDER, Madame Monika CHIANTERA, Monsieur Roberto CHIANTERA, Madame Bianca GIANINAZZI, l’hoirie de feu Monsieur Walter GIANINAZZI, soit pour elle Madame Bianca GIANINAZZI, Monsieur Adriano D. GIANINAZZI et Monsieur Diego GIANINAZZI, Madame Marguerite et Monsieur Henri KAUFMANN, Madame Isabelle LUTHI GIANINAZZI et Monsieur Adriano D. GIANINAZZI, Madame Yuko MATSUOKA HARRIS et Monsieur Robert HARRIS, Madame Sabine et Monsieur Carel REINHARDUS, Madame Vera et Monsieur Norman SARTORIUS, Madame Choreh et Monsieur Mohsen SOHRABI, Madame Jacqueline STUDER, Monsieur Claude STUDER, Monsieur Gérard STUDER ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Adriano Gianinazzi, avocat des recourants, à Me François Bellanger, avocat de la Fondation Terra & Casa, au Conseil d'État, ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial ARE.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :