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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1783/2011

ATA/715/2011 du 22.11.2011 ( ELEVOT ) , REJETE

Parties : GROUPE MUNICIPAL VILLE DE GENEVE "ENSEMBLE A GAUCHE", ENSEMBLE A GAUCHE, M. GAUTHIER ET MME WENGER, GAUTHIER Pierre, WENGER Salika / VILLE DE GENEVE, GROUPE MUNICIPAL VILLE DE GENEVE UDC
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1783/2011-ELEVOT ATA/715/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 novembre 2011

 

 

dans la cause

 

GROUPE MUNICIPAL VILLE DE GENÈVE "ENSEMBLE À GAUCHE",
soit pour lui Monsieur Pierre Vanek
Madame Salika WENGER
Monsieur Pierre GAUTHIER

contre

VILLE DE GENÈVE

et

GROUPE MUNICIPAL VILLE DE GENÈVE UDC,

appelé en cause
représenté par Me Antoine Boesch, avocat



EN FAIT

1. Le 13 mars 2011 a eu lieu dans le canton de Genève le renouvellement des conseils municipaux. Pour la Ville de Genève, dont le conseil municipal compte quatre-vingt membres, le procès-verbal de la récapitulation générale de l’élection, établi le 14 mars 2011 par la chancellerie d’Etat, mentionnait les résultats suivants :

- Ensemble à Gauche - SolidaritéS, Parti du Travail,

Indépendants de Gauche, Défense des Aînés,

des locataires de l’Emploi et du Social

(ci-après : Ensemble à Gauche) 12 sièges

- Les Socialistes 16 sièges

- Les Verts 11 sièges

- PLR - Les Libéraux Radicaux (ci-après : PLR) 15 sièges

- Les Démocrates Chrétiens de la Ville de Genève (ci-après DC) 7 sièges

- UDC Ma commune Ma maison (ci-après : UDC) 8 sièges

- MCG Mouvement Citoyens Genevois (ci-après : MCG) 11 sièges

2. Le 21 avril 2011, le bureau du conseil municipal de la Ville de Genève (ci-après : le bureau) et les chefs des groupes politiques représentés au conseil municipal (ci-après : chefs de groupe) ont procédé à la répartition des 15 sièges que compte chaque commission permanente du conseil municipal pour la nouvelle législature qui devait commencer le 1er juin 2011. Les sièges ont été attribués comme suit :

- Ensemble à Gauche 2 sièges

- Les Socialistes 3 sièges

- Les Verts 2 sièges

- PLR 3 sièges

- DC 1 siège

- UDC 2 sièges

- MCG 2 sièges

3. Le 23 mai 2011, Monsieur Pierre Vanek, conseiller municipal nouvellement élu et mandataire des déposants de la liste Ensemble à Gauche pour les élections municipales du 13 mars 2011, a interpellé le bureau. Il avait appris que ce dernier avait décidé d’attribuer deux sièges en commission à son groupe au lieu des trois auxquels il avait droit. Cette décision n’avait fait l’objet d’aucune communication audit groupe, de sorte qu’il n’était pas en mesure de savoir s’il s’agissait d’une simple opinion du bureau ou d’une décision opposable au conseil municipal sorti des urnes le 13 mars 2011. Dans la première hypothèse, le groupe Ensemble à Gauche exposerait de manière circonstanciée son point de vue lors de la première séance du nouveau conseil municipal. Dans la seconde hypothèse, considérant que cette décision violait leurs droits politiques, le bureau n’ayant pas respecté le principe du système proportionnel applicable aux élections cantonales et municipales qui s’appliquerait à la fois au conseil municipal et à ses commissions, M. Vanek demandait au bureau de rendre une décision formelle, dûment motivée, avec indication des délai et voie de recours, afin de pouvoir porter ce différend devant la juridiction compétente.

4. Le 31 mai 2011, le bureau a répondu qu’il était nommé afin de représenter le conseil municipal et avait la compétence de valider la répartition des sièges dans les commissions, nécessaire pour que ledit conseil municipal puisse siéger valablement lors de la séance d’installation. Le bureau et les chefs de groupe s’étaient donc rencontrés pour valider la répartition selon laquelle 2 sièges étaient attribués à Ensemble à Gauche. Ce groupe était régulièrement à cette séance par l’une des secrétaires du bureau et la cheffe de groupe. Il avait été précisé à cette occasion que la décision serait exécutoire nonobstant un recours éventuel au conseil d’Etat ou à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

5. Le 6 juin 2011, le conseil municipal a tenu sa séance d’installation. Selon son ordre du jour, consultable sur le site internet de la Ville de Genève, il a notamment élu son président (point 6), ses deux vice-présidents et ses quatre secrétaires (point 9). Il a également désigné les quinze membres de chacune des commissions permanentes (points 23 à 33), selon la répartition arrêtée lors de la séance du bureau du 21 avril 2011.

6. Par courrier du 6 juin 2011 également, adressé au bureau, à charge pour lui de l’acheminer sans délai à l’autorité de recours qu’il désignerait, le groupe Ensemble à Gauche a formé un recours contre la décision de répartition des sièges dans les commissions, concluant à ce que cette autorité constate que la répartition était la suivante :

- Ensemble à Gauche 3 sièges

- Les Socialistes 3 sièges

- Les Verts 2 sièges

- PLR 3 sièges

- DC 1 siège

- UDC 1 sièges

- MCG 2 sièges

La décision querellée était nulle car prise par une instance qui ne pouvait engager le conseil municipal nouvellement élu qui venait de désigner le jour même ses propres organes représentatifs. Elle violait en outre les art. 149 et ss de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05) et l’art. 122 al. 2 du règlement du conseil municipal du 20 avril 2005 (RCM 2005 - LC 21 111). Enfin, l’effet suspensif devait être restitué au recours, aucune mise en danger grave et imminente d’un intérêt public important empêchant que la constitution des commissions soit différée.

7. Le 8 juin 2011, le groupe municipal Ensemble à Gauche représenté par M. Vanek (ci-après : le groupe Ensemble à Gauche), a saisi la chambre administrative et le Conseil d’Etat d’un recours concernant la répartition des sièges dans les commissions du conseil municipal. Il venait d’apprendre de sa cheffe de groupe que le bureau avait décidé de ne pas transmettre le recours du 6 juin 2011 à l’autorité de recours compétente. Copie dudit recours était jointe et il était laissé aux instances saisies le soin de déterminer laquelle était compétente pour examiner ledit recours. Ce dernier a été enregistré sous le numéro de cause A/1783/2011.

Le groupe Ensemble à Gauche a joint à son recours un avis de droit du professeur François Bellanger du 23 décembre 2010, adressé au secrétariat du conseil municipal et portant sur les conséquences de la démission d’un commissaire de son groupe sur la composition des commissions. Les éléments utiles en seront repris plus loin, en tant que de besoin.

8. Le 9 juin 2011, la chambre administrative a demandé au groupe Ensemble à Gauche de lui faire parvenir dans les meilleurs délais l’original du recours du 6 juin 2011 ainsi que, dans le délai de recours, la décision du bureau de ne pas transmettre ce dernier.

9. Le 14 juin 2011, le groupe Ensemble à Gauche a reconnu qu’il avait demandé au bureau de transmettre à la chambre de céans l’original du recours qui était en sa possession ainsi que la décision prise par lui et les chefs de groupe le 8 juin 2011, de ne pas acheminer ledit recours à l’autorité compétente.

10. Le 27 juin 2011, le groupe Ensemble à Gauche a fait parvenir à la chambre administrative l’original de son recours, à lui restitué par le bureau. Ce dernier avait en revanche refusé de communiquer le procès-verbal de la séance du 8 juin 2011, s’agissant d’un document strictement confidentiel remis uniquement à ses membres et aux chefs de groupe. La cheffe du groupe Ensemble à Gauche le ferait donc parvenir directement à la chambre administrative.

11. Le 6 juillet 2011, Ensemble à Gauche et deux conseillers municipaux de ce groupe, Madame Salika Wenger et Monsieur Pierre Gauthier, ont recouru auprès de la chambre administrative contre la décision du conseil municipal du 6 juin 2011 qui n’avait accordé que 2 sièges à leur groupe dans les commissions permanentes.

Le conseil municipal fixait le nombre des membres des commissions permanentes ainsi que le nombre des conseillers municipaux de chaque groupe y siégeant, proportionnellement aux résultats des élections municipales. Lors de sa séance d’installation du 6 juin 2011, la présidente du conseil municipal avait annoncé cette répartition, sur proposition du bureau, soit :

- Ensemble à Gauche 2 sièges

- Les Socialistes 3 sièges

- Les Verts 2 sièges

- PLR 3 sièges

- DC 1 siège

- UDC 2 sièges

- MCG 2 sièges

Les désignations avaient eu lieu ensuite sur la base de cette décision orale. Or, la répartition retenue ne tenait pas compte de l’effet des apparentements de listes entre les formations politiques, le calcul devant par ailleurs se faire selon le système proportionnel des art. 149 et ss LEDP. Dans le cas particulier, les listes Ensemble à Gauche, les Socialistes et les Verts étaient apparentées (ci-après : apparentement 1), de même que les listes PLR et DC (ci-après : apparentement 2).

La première répartition par groupes apparentés donnait ainsi 7 sièges à l’apparentement 1, 4 à l’apparentement 2 et 1 à l’UDC et 2 au MCG. Le siège restant revenait à l’apparentement 1 à l’issue de la deuxième répartition par groupes apparentés. Ensuite la première répartition au sein de l’apparentement donnait 2 sièges à Ensemble à Gauche, 3 aux Socialistes et 2 aux Verts. Le siège restant revenait à Ensemble à Gauche à l’issue de la deuxième répartition, conformément au calcul ci-après :

Calcul de la répartition des sièges en commission (15 sièges)

Nombre électoral = total des suffrages valables /16 (arrondi à l’unité supérieure)

N = 3’050’982 / 16 = 190’687

Première répartition par groupes apparentés (nb de suffrages / nb électoral) :

Alternative de Gauche

1’459’616 / 190’687

7,65

07

Entente

853’845 / 190’687

4,47

04

UDC

322’850 / 190’687

1,69

01

MCG

414’671 / 190’687

2,17

02

Total

 

 

14

A pourvoir

 

 

01

Deuxième répartition par groupes apparentés (nombre de suffrages du groupe divisés par le nombre de sièges obtenus + 1) :

Alternative de Gauche

1’459’616 / 8

182’452 (+1)

08

Entente

853’845 / 5

170’769

04

UDC

322’850 / 2

161’425

01

MCG

414’671 / 3

138’223

02

Total

 

 

15 sièges

A pourvoir

 

 

--

Première répartition du nombre de sièges par partis apparentés dans l’Alternative de Gauche

Nombre électoral = N = 190’687

EaG

458’828 / N

2,40

02

Socialistes

593’459 / N

3,11

03

Verts

407’329 / N

2,13

02

Total

 

 

07

A pourvoir

 

 

01

Deuxième répartition par liste (nb de suffrages / nb de sièges obtenus + 1)

EaG

458’828 / 3

152’942 (+1)

03

Socialistes

593’459 / 4

148’364

03

Verts

407’329 / 3

135’776

02

Total

 

 

08

 

L’effet suspensif devait être accordé au recours, afin que la répartition existant avant la nouvelle législature soit maintenue jusqu’à droit jugé.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/2078/2011.

12. Le 7 juillet 2011, la conseillère d’Etat en charge du département de l’intérieur et de la mobilité (ci-après : le DIM) a informé le groupe municipal Ensemble à Gauche que le Conseil d’Etat suspendait l’instruction du dossier, la chambre administrative s’étant saisie du recours du 14 juin 2011.

13. Le 18 juillet 2011, dans une écriture unique, le Conseil d’Etat, soit pour lui la conseillère d’Etat chargée du DIM, s’est déterminé sur les deux recours. Il a conclu à la jonction des deux causes et s’en est rapporté à justice tant sur effet suspensif que sur le fond.

Les deux procédures avaient le même objet, soit la répartition des sièges entre les partis politiques au sein des commissions permanentes du conseil municipal.

La constatation de l’effet suspensif au recours n’aurait d’autre conséquence que de suspendre la composition des commissions et leur fonctionnement et que des mesures provisionnelles ne pouvaient revenir à faire droit aux conclusions au fond. Par ailleurs, la répartition des sièges au sein des commissions entre les partis politiques ne faisait pas partie des objets tombant sous le coup des fonctions délibératives ou consultatives des conseils municipaux telles que décrites aux art. 29 à 31 de la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 (LAC - B 6 05). Il était douteux que cette répartition soit susceptible de recours auprès de la chambre administrative. Si l’objet du recours était relatif aux votations et élections, se posait la question du respect du délai de recours. Quant au fond, il relevait que le droit cantonal était presque muet sur la formation des commissions au sein des conseils municipaux, de sorte que les communes disposaient d’une grande liberté d’organisation à cet égard. L’examen du recours était dès lors limité à l’arbitraire. Enfin, le fait pour un conseiller municipal ou un groupe municipal d’être évincé d’une commission ne les empêchait pas d’exercer pleinement leurs prérogatives au sein du conseil municipal.

14. Le 19 juillet 2011, le conseil municipal s’est déterminé sur effet suspensif dans le cadre de la procédure no A/2078/2011, concluant au rejet de la requête.

Une fois connus les résultats des élections du conseil municipal du 13 mars 2011, le bureau avait réuni les chefs de groupe en vue notamment de répartir les sièges en commission. La séance au cours de laquelle la répartition litigieuse était intervenue avait un lieu le 21 avril 2011 et à l’issue du vote, la présidente du conseil municipal avait informé les personnes présentes, dont les deux représentantes d’Ensemble à Gauche, que cette répartition était exécutoire nonobstant le dépôt d’un éventuel recours. Cela avait été confirmé à M. Vanek par courrier du 31 mai 2011. Le 6 juin avait eu lieu la séance d’installation du conseil municipal, consacrée en grande partie à l’élection (sic) des conseillers municipaux dans les diverses commissions. Aucun intérêt public prépondérant ne justifiait la restitution de l’effet suspensif au recours. Les commissions ne pourraient plus fonctionner, ce qui paralyserait le conseil municipal, lequel ne disposerait plus du travail d’analyse effectué en commission. En outre le recours avait peu de chances de succès, la chambre administrative ayant jugé que la délibération d’un conseil municipal fixant la répartition des sièges dans les diverses commissions n’était pas une décision susceptible de recours devant elle mais devant le Conseil d’Etat, selon une jurisprudence de 1991. En outre, le recours était tardif, la décision litigieuse étant connue depuis le 21 avril 2011 par les deux représentantes d’Ensemble à Gauche ayant participé à la séance de répartition des sièges.

15. Par décision du 9 août 2011, le juge délégué a joint les causes A/1783/2011 et A/2078/2011 sous le premier numéro de procédure et a appelé en cause le groupe municipal UDC (ci-après : le groupe UDC) qui était susceptible de perdre un siège en commission s’il était fait droit aux conclusions des recourants. Un délai au 19 août 2011 lui a été imparti pour transmettre à la chambre administrative sa détermination.

16. Le 16 août 2011, le groupe UDC a conclu au rejet de la demande d’octroi ou de restitution d’effet suspensif aux recours. A titre principal, il conclut à l’irrecevabilité de ces derniers et subsidiairement à leur rejet au fond.

Il se ralliait à l’argumentation du Conseil d’Etat et du conseil municipal des 18 et 19 juillet 2011 s’agissant de la recevabilité des recours. En l’absence de toute règle autre que l’art. 117 al. 2 RCM, la répartition des sièges déterminée par le bureau avec les chefs de groupe et sur la base de laquelle le conseil municipal avait désigné les membres des commissions, était le reflet du résultat des élections municipales, à savoir que les partis de gauche, avec 39 sièges sur 80, étaient désormais minoritaires. Il était logique que la majorité soit à droite dans les commissions, le MCG étant un parti résolument de droite.

17. Le 16 août 2011 également, le conseil municipal s’est déterminé sur le fond, concluant principalement à l’irrecevabilité des recours et subsidiairement à leur rejet.

Il n’avait pas la qualité pour défendre. La LAC lui conférait des fonctions consultatives et délibératives, mais pas la compétence d’agir ou défendre en justice. Celle-ci appartenait au conseil administratif, ce que la jurisprudence avait confirmé. La chambre administrative n’était pas compétente pour connaître du litige car la répartition des sièges au sein d’une commission n’était pas une décision susceptible de recours ni une opération électorale dont cette juridiction pouvait connaître. Par ailleurs, les recours étaient tardifs, la répartition litigieuse ayant été validée lors de la séance du bureau et des chefs de groupe du 21 avril 2011. Le délai le plus long envisageable - soit 30 jours - était ainsi échu le 23 mai 2011 et le groupe Ensemble à Gauche comme Mme Wenger et M. Gauthier disposaient des éléments nécessaires pour agir en temps utile.

Il incombait au bureau de veiller à la bonne marche des travaux du conseil municipal. Le bureau devait donc préparer la séance d’installation du début de législature, au cours de laquelle doivent être désignés les membres des commissions. La répartition des sièges entre les groupes devait être connue à ce moment. Il n’était en effet pas envisageable que cela se fasse lors de cette première séance, faute de point à l’ordre du jour. Selon le RCM, cette répartition se faisait en tenant compte du fait que chaque groupe avait droit à une représentation proportionnelle au nombre de suffrages obtenus lors des élections municipales, chaque commission comptant 15 membres. Cela n’emportait pas qu’on devait appliquer sans autres les règles de la LEDP, à laquelle aucun renvoi explicite n’était fait. Le RCM 2005 lui-même faisait référence aux groupes politiques mais ne mentionnait pas la possibilité d’apparentement. Dans le cadre de la révision du RCM 2005, le groupe municipal PLR (ci-après : groupe PLR) avait proposé l’introduction d’un renvoi exprès aux art. 159 et ss LEDP - incluant l’apparentement - pour la répartition des sièges au sein des commissions. Cet amendement avait été refusé par le conseil municipal à une forte majorité, dont le groupe municipal A gauche Toute, prédécesseur d’Ensemble à Gauche. Cela étant, même en cas de renvoi à la LEDP, comme c’était le cas pour le Grand Conseil, la répartition obtenue pouvait être modifiée si elle ne reflétait pas celle qui prévalait au sein dudit conseil. Enfin, durant le mode de répartition des sièges en commission n’avait pas varié depuis les précédentes législatures. Il n’avait jamais été tenu compte des apparentements. La méthode de répartition utilisée était dite "calcul du sautier", qui renvoyait à la méthode Hagenbach-Bischof, au détail près que les sièges restant à répartir après l’application du quotient électoral étaient attribués aux groupes ayant les plus forts restes.

 

Dans le cas particulier, cela se traduisait de la manière suivante :

Partis

Suffrages

 

 

PDC

294’861

Libéraux-radicaux

558’984

Ensemble à gauche

458’828

Les Verts

407’329

Les Socialistes

593’459

UDC

322’850

MCG

414’671

Total des suffrages

3’050’982

Calcul du quotient électoral

 

 

 

Total des suffrages

3’050’982

Divisé par nombre de sièges + 1

16

Résultat

190’686,38

 

 

Quotient = entier imm. supérieur

190’687

 

 

 

 

Répartition proportionnelle selon méthode Hagenbach-Bischoff (avec le plus fort reste)

 

Total des suffrages

Suffrages divisé par quotient

Première répartition

Reste après première répartition

Deuxième répartition selon le plus fort reste

Résultat final

PDC

294’861

1,546

1 siège

0,546

 

1 siège

Libéraux-radicaux

558’984

2,931

2 sièges

0,931

1 siège

3 sièges

Ensemble à gauche

458’828

2,406

2 sièges

0,406

 

2 sièges

Les Verts

407’329

2,136

2 sièges

0,136

 

2 sièges

Les Socialistes

593’459

3,112

3 sièges

0,112

 

3 sièges

UDC

322’850

1,693

1 siège

0,693

1 siège

2 sièges

MCG

414’671

2,174

2 sièges

0,174

 

2 sièges

 

 

 

 

 

 

 

 

3’050’982

 

 

 

 

15 sièges

 

18. Le 19 août 2011, le juge délégué a transmis aux parties l’ensemble des écritures en leur impartissant un délai au 31 août 2011 pour formuler d’éventuelles observations finales.

19. Le 22 août 2011, le groupe UDC a constaté que tant le conseil d’Etat que le conseil municipal allaient dans le sens de ses propres conclusions.

20. Le 31 août 2011, le groupe Ensemble à Gauche a persisté dans les conclusions de son recours remis le 6 juin 2011 au bureau. Ce dernier, dans sa composition qui était la sienne lors de la précédente législature, n’avait pas compétence pour fixer le nombre de sièges dans les commissions pour la législature débutant le 1er juin 2011 puisqu’il ne comportait pas de représentants de chaque groupe nouvellement élu. En tout état, la répartition retenue violait la loi.

La chambre administrative était compétente pour traiter le recours, les références jurisprudentielles citées par les parties intimées pour le contester n’étant pas applicables au cas d’espèce ou plus d’actualité en raison de l’évolution législative, si ce n’est que ce type de décision était bien sujet à recours.

Celui-ci n’était pas tardif. Le groupe Ensemble à Gauche n’avait pas participé à la séance du bureau du 21 avril 2011, faute d’en être membre ou d’y avoir été invité. Les décisions prises ce jour là ne lui avaient pas été notifiées et ne lui étaient donc pas opposables. Il avait appris incidemment l’existence de la décision de répartition des sièges en commission et le responsable de la liste, M. Vanek, avait aussitôt demandé des éclaircissements au bureau. La réponse était parvenue le 31 mai 2011. Le recours a été déposé le 6 juin 2011, soit dans le délai de l’art. 60 al. 3 (sic) de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), à supposer que cette disposition s’applique, ce qui était contesté.

Le conseil municipal avait la légitimité passive pour défendre en justice sa décision.

Quant au fond, le législateur avait choisi, pour les élections municipales, le système proportionnel avec apparentement Ce système devait être appliqué pour la répartition des sièges au sein des commissions entre les différentes composantes du conseil municipal. Si le législateur avait voulu faire le choix d’un système de représentation proportionnelle, sans apparentement, il l’aurait dit expressément et le RCM 2005 devait se conformer au droit cantonal supérieur. Ainsi, les sièges en commissions auraient dû être répartis en tenant compte des apparentements.

21. Le 31 août 2011 également, Ensemble à Gauche, Mme Wenger et M. Gauthier ont persisté dans leur recours.

Le bureau, dont la composition ne correspondait pas à la répartition des forces politiques au sein du conseil municipal, ne faisait que préparer les débats, la décision ultime revenant à celui-là. C’était particulièrement vrai s’agissant de la première séance de la nouvelle législature, au cours de laquelle il était décidé de la composition des commissions. Cette décision, qui n’était pas une élection mais une répartition entre fractions de sièges dont les titulaires étaient désignés par celles-ci, était intervenue le 6 juin 2011, de sorte que le recours avait été déposé en temps utile.

Quant au fond, il n’y avait pas deux camps, la droite et la gauche, mais une palette de sept partis politiques représentants divers courants de l’extrême gauche à l’extrême droite en passant par la gauche, la droite, le centre et l’écologie, avec un mouvement se déclarant comme n’étant ni à droite ni à gauche. Conformément au « principe la proportionnalité », « système [qui] découlait de celui du Grand Conseil », il fallait tenir compte des apparentements pour la répartition des sièges au sein des commissions.

22. Le 6 septembre 2011, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

23. Le 16 septembre 2011, Ensemble à Gauche, Mme Wenger et M. Gauthier ont indiqué à la chambre de céans que depuis le début de la nouvelle législature, trois conseillers municipaux avaient démissionné de leur groupe politique respectif - soit deux du groupe PLR et un du groupe UDC - et siégeaient désormais comme indépendants.

Ce courrier a été communiqué aux autres parties pour information le 19 septembre 2011.

EN DROIT

1. a. La chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al.1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

b. Selon l’art. 132 al. 2 LOJ, le recours à la chambre administrative est ouvert notamment contre les décisions des autorités administratives. Font partie de ces dernières les autorités communales, les services et les institutions qui en dépendent (art. 5 let. f LPA) et les personnes, institutions et organismes investis du pouvoir de décision par le droit fédéral ou cantonal (art. 5 let. g LPA).

Le recours n’est toutefois pas recevable contre les décisions pour lesquelles le doit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132 al. 7 LOJ). A l’inverse, il peut être ouvert dans d’autres cas que contre des décisions lorsque la LOJ ou une autre loi le prévoit expressément (art. 132 al. 3 à 6 LOJ).

2. Au sens de l’art. 4 al. 1 LPA sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).

En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021), ce qui est également valable pour les cas limites, ou plus exactement pour les actes dont l’adoption n’ouvre pas de voie de recours. Ainsi, de manière générale, les communications, opinions, recommandations et renseignements ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions, de même que les avertissements ou certaines mises en demeure (Arrêts du Tribunal fédéral 8C.191/2010 du 12 octobre 2010 consid. 6.1 ; 1C.408/2008 du 16 juillet 2009 consid. 2 ; ATA/741/2010 du 2 novembre 2010 consid. 2 ; ATA/576/2010 du 31 août 2010 consid. 2 ; ATA/311/2009 du 23 juin 2009 consid. 4 ; ATA/42/2007 du 30 janvier 2007 consid. 4 ; ATA/602/2006 du 14 novembre 2006 consid. 3 ; ATA/836/2005 du 6 décembre 2005 consid. 2 ; U.HÄFELIN/G.MÜLLER/F.UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., Zürich-Bâle-Genève 2010, no 867 ss ; P. MOOR, Droit administratif, Vol. 2, Berne 2002, p. 214, n. 2.2.3.3 ; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 334-344).

3. Selon l’art. 154 de la Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 (Cst-GE - A 2 00), la Ville de Genève a un conseil municipal de 80 membres élus au scrutin de liste d’après le principe de la représentation proportionnelle, tempéré par un quorum de 7% (art. 148 let. a Cst-GE), selon le mode et la procédure prévus par la LEDP (art. 4 de la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 - LAC - B 6 05). Les compétences du conseil municipal sont déterminées par la loi (art. 156 Cst-GE). Il constitue l’un des deux organes de la commune, l’autre étant le conseil administratif (art. 3 LAC). Le conseil municipal élit chaque année les membres de son bureau choisis parmi les conseillers municipaux (art. 9 al. 2 LAC). La loi ne confère pas de compétences propres au bureau. Le conseil municipal peut désigner dans son sein des commissions nommées pour la durée de la législature (commissions permanentes) ou pour étudier un objet déterminé (commissions ad hoc ; art. 10 al. 1 LAC). Il doit par ailleurs édicter un règlement, soumis à l’approbation du Conseil d’Etat, fixant la procédure des délibérations (art. 17 LAC).

4. Le 2 juin 2011 est entré en vigueur le règlement du conseil municipal adopté le 16 avril 2011 et approuvé par le Conseil d’Etat le 1er juin 2011 (RCM 2011- LC 21 111). Il a abrogé et remplacé le RCM 2005.

Ainsi, la répartition des sièges en commission à laquelle ont procédé le bureau et les chefs de groupe est intervenue sous l’empire du RCM 2005 tandis que la séance du conseil municipal du 6 juin 2011 s’est tenue sous le régime du RCM 2011.

a. Selon l’art. 8 RCM 2005, lors de la séance d’installation, puis chaque année, lors de la première séance ordinaire du mois de juin, le conseil municipal élit les membres de son bureau, comprenant au moins cinq membres, soit le président, deux vice-présidents et deux ou plusieurs secrétaires (art. 9 RCM 2005). Le bureau est chargé de représenter le conseil municipal (art. 11 let. a RCM 2005), de veiller à la bonne marche des travaux de ce dernier, en convoquant si nécessaire les chefs de groupe une demi-heure avant la première séance de chaque session (art. 11 let. b RCM 2005), d’établir la liste des objets en suspens (art. 11 let. c RCM 2005), de proposer au conseil administratif la nomination, au sein de l’administration municipale, des personnes responsables de son secrétariat et de la rédaction du mémorial (art. 11 let. d RCM 2005), de proposer au conseil administratif la nomination des huissiers attachés au service des séances du conseil municipal (art. 11 let. e RCM 2005), de fixer l’ordre du jour des séances (art. 11 let. f RCM 2005) et de transmettre à qui de droit les motions, les résolutions et les conclusions de la commission des pétitions qui ont été acceptées par le conseil municipal (art. 11 let. g RCM 2005).

S’agissant des commissions, l’art. 114 RCM 2005 prévoit que le conseil municipal peut désigner en son sein des commissions, permanentes ou ad hoc, qui lui font rapport sur l’objet de leurs délibérations. Selon l’art. 117 RCM 2005, au début de chaque législature, lors de la séance d’installation, puis chaque année lors de la première séance du mois de juin, le conseil municipal procède à la désignation des quinze membres de chacune des treize commissions permanentes instituées par l’art. 118 RCM 2005, à savoir : aménagement et environnement; arts et culture ; finances ; informatique et communication ; logement ; naturalisations ; pétitions ; règlement ; sociale et jeunesse ; sports et sécurité ; travaux ; agenda 21 ; contrôle de gestion.

Le bureau établit le liste des membres des commissions, sur proposition des groupes (art. 122 al. 1 RCM 2005). Il procède aux remplacements en cas de vacance, sur proposition des groupes intéressés (art. 127 al. 2 RCM 2005). Chaque groupe a droit à une représentation proportionnelle au nombre de suffrages obtenus lors des élections du conseil municipal, mais au maximum à trois personnes et au minimum à une personne par commission (art. 122 al. 2 RCM 2005). Forment un groupe les membres du conseil municipal élus sur une même liste (art. 5 al. 1 RCM 2005). La personne qui quitte son groupe ou en est exclue ne peut pas se rattacher à un autre groupe (art. 5 al. 2 RCM 2005).

Par ailleurs, le conseil municipal procède à l’élection de ses représentants dans divers conseils d’administration et commissions administratives mis en place par la par la législation cantonale ou communale (art. 129 RCM 2005).

b. Selon l’art. 12 RCM 2011, lors de la séance d’installation, puis chaque année, lors de la première séance ordinaire du mois de juin, le conseil municipal élit les membres de son bureau, comprenant une personne par groupe, soit le président, deux vice-présidents et un ou plusieurs secrétaires (art. 13 RCM 2011). Le bureau a pour compétence de représenter le conseil municipal (art. 15 let a RCM 2011), de fixer l’ordre du jour des sessions et de le communiquer à chaque membre du conseil municipal par le moyen qu’il a choisi (art. 15 let. b RCM 2011), de veiller à la bonne marche des travaux du conseil municipal, en s’entourant au besoin des chefs de groupe avant les sessions ou en cours de séance (art. 15 let. c RCM 2011), de reporter un point à l’ordre du jour s’il estime qu’il n’est pas en état de faire l’objet d’une délibération, étant précisé que sa décision peut faire l’objet d’un débat suivi d’un vote en séance plénière (art. 15 let. d RCM 2011), de transmettre à qui de droit les motions, les résolutions ainsi que les conclusions de la commission des pétitions acceptées par le conseil municipal immédiatement ensuite de la séance (15 let e RCM 2011), de s’assurer que les objets en suspens au sein des commissions soient étudiés dans le délai réglementaire d’un an et que les rapports parviennent au service du conseil municipal selon les délais fixés par ce règlement (art. 15 let. f RCM 2011) et de veiller à l’application du suivi des délibérations votées par le conseil municipal et de rappeler, si besoin est, le conseil administratif à l’obligation de rendre compte de l’exécution desdites délibérations (art. 15 let g RCM 2011).

En ce qui concerne les commissions, l’art. 114 RCM 2011 prévoit que le conseil municipal désigne en son sein des commissions, permanentes ou ad hoc, qui lui font rapport sur l’objet de leurs délibérations. Les commissions permanentes sont au nombre de onze : aménagement et environnement ; arts et culture ; cohésion sociale et jeunesse ; finances ; logement ; naturalisations ; pétitions règlement ; sécurité, domaine public ; information et communication ; sports ; travaux et constructions (art. 115 al. 1 RCM 2011). Le conseil municipal procède à la désignation des quinze membres de chaque commission permanente chaque année lors de la première séance ordinaire du mois de juin. Chaque groupe a droit à une représentation proportionnelle au nombre de suffrages obtenus lors des élections municipales (art. 117 al. 1 et 2 RCM 2011). En cas de vacance, le bureau procède immédiatement à une nouvelle désignation sur proposition du groupe intéressé (art. 117 al. 4 RCM 2005). Un groupe est composé des membres du conseil municipal élus sur une même liste (art. 11 al. 1 RCM 2011). Aucun membre élu sur une liste ne peut, en cours de législature, siéger parmi les membres d’un autre groupe politique (art. 11 al. 2 RCM 2011).

5. Il résulte des dispositions claires tant du RCM 2005 que du RCM 2011, qu’hormis les cas de vacance, le bureau n’a pas de compétences de désignation en matière de composition des commissions du conseil municipal. Si, sous l’ancien règlement, il établissait la liste des membres, c’était sur proposition des groupes intéressés et cela n’équivalait pas encore à une désignation, laquelle était de la seule compétence du conseil municipal lors de la première séance ordinaire du mois de juin, fût-elle d’installation. Cela emporte qu’il fixe à ce moment la répartition des sièges entre les groupes, dans les limites de l’art. 122 al. 2 RCM 2005, respectivement de l’art. 117 al. 2 RCM. Dans le cadre de sa tâche générale de veiller à la bonne marche des travaux du conseil municipal, le bureau peut donc formuler des propositions à cet égard mais elles ne sauraient lier ce dernier, auquel seul elles sont destinées. C’est d’autant moins le cas dans la présente espèce, lorsque, dans le contexte particulier d’un changement de législature doublé d’un changement partiel de réglementation sur le point faisant l’objet de la proposition. Ainsi, ni la répartition des sièges au sein des commissions en opérée le 21 avril 2011 par le bureau et les chefs de groupe, ni le courrier de ce même bureau du 31 mai 2011 la confirmant ne sont des décisions au sens de l’art. 4 LPA.

6. Il faut encore examiner si la proposition de répartition des sièges du 21 avril 2011 est une opération électorale dont la violation de la procédure est susceptible de recours selon l’art. 180 LEDP.

 

Constitue une opération électorale tout acte destiné aux électeurs et de nature à influencer la libre formation de l’expression du droit de vote (ATA/180/2011 du 17 mars 2011 ; ATA/454/2009 du 15 septembre 2009 et les références citées).

En l’espèce, la répartition en cause n’est réglementée par aucune disposition de la LEDP. Elle ne constitue pas un cas d’élection prévu par les art. 95 et ss LEDP et ceux qui y procèdent ne le font pas qualité d’électeur au sens des art. 1 et ss LEDP mais de membres du bureau du conseil municipal. Il ne s’agit clairement pas d’un processus électoral. Le seul fait que chaque groupe au sein dudit conseil ait droit dans les commissions à une représentation proportionnelle au nombre de suffrage obtenus lors des élections municipales ne suffit pas à transformer cette répartition en opération électorale et encore moins à la faire tomber sous le coup de l’art. 180 LEDP.

7. Enfin, opérée par le bureau du conseil municipal et les chefs de groupe, la répartition des sièges susmentionnée n’est, de ce seul fait, pas une délibération du conseil municipal (art. 30 LAC). Elle n’est ainsi pas susceptible de recours à ce titre auprès de la chambre de céans et n’est pas soumise au contrôle du Conseil d’Etat en application des art. 66 et ss LAC, de sorte qu’il n’y a pas lieu de transmettre la cause à celui-ci.

8. Au vu de ce qui précède, le recours du 6 juin 2011 déposé par le groupe Ensemble à Gauche, portant sur la proposition de répartition des sièges du 21 avril 2011 et sur sa confirmation du 31 mai 2011 doit être déclaré irrecevable.

9. Lors de sa séance d’installation du 6 juin 2011, le conseil municipal a procédé à la désignation des membres des commissions, en reprenant, pour la répartition des sièges entre les groupes, la proposition du bureau du 21 avril 2011 qu’il a adoptée telle quelle.

Encore faut-il que cette répartition puisse être considérée comme une décision sujette à recours au sens de l’art. 4 LPA. Il s’agit en effet d’une modalité d’organisation du conseil municipal. Or, ne constituent en principe pas des décisions, notamment, les mesures d’organisation administrative qui sont aussi qualifiées d’actes internes ou d’organisation de l’administration et qui s’adressent à leurs destinataires en qualité d’organe, d’agent d’auxiliaire ou de service chargé de gérer une tâche publique sans autonomie. Le destinataire n’est donc pas un administré mais l’administration. En principe, ces actes n’ont pas d’effets juridiques sur l’administré, même s’ils peuvent avoir des conséquences pratiques ou indirectes sur lui (B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 261; ATF 136 I 323 c. 4.4, et les références citées). La clé de répartition des sièges au sein d’une commission déterminée par l’autorité de nomination a ainsi été considérée soit comme une décision générale et abstraite si elle se rapporte à toutes les nominations futures, soit comme une pure mesure organisationnelle s’il s’agit d’une nomination ou d’une série de nominations (B. BOVAY, op. cit. p.261-262 ; JAAC 1999 n° 56 consid 3.2.4 et 3.2.5). Toutefois dans le cas cité par cet auteur, qui concernait la désignation des membre de la commission fédérale instituée par l’ancienne ordonnance sur le contrôle du commerce des vins (OCCV - RS 817.421). Les dispositions applicables prévoyaient que cette dernière se composait au plus de neuf membres et huit suppléants, désignés pour quatre ans par l’ancien département fédéral de l’économie, qui devait tenir compte des groupements intéressés, de la région, du sexe, de l’âge et de la langue (art. 7 al. 1 et 9 OCCV). Elles ne conféraient ainsi aucun droit à qui que ce soit, au contraire de la présente espèce, puisque l’art. 117 al. 2 RCM 2011 prévoit que chaque groupe a droit à être représenté en commission proportionnellement au nombre de suffrages obtenus lors des élections municipales. Cette norme confère à chaque groupe municipal le droit à être non seulement représenté, mais encore celui de l’être selon une règle proportionnelle. Son application doit donc pouvoir être contrôlée par un tribunal, de sorte que la répartition des sièges adoptée par le conseil municipal est sujette à recours.

N’étant pas une opération électorale pour les motifs indiqués ci-dessus, et ne portant pas sur un objet qui doit revêtir la forme d’une délibération sens de l’art. 30 al. 1 let a) à z) et al. 2 LAC, elle est une décision soumise au délai ordinaire de recours de trente jours (art. 62 al. 1 let. a LPA), devant la juridiction de céans (art. 132 al. 1 LOJ).

10. A teneur de l’art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/77/2009 du 17 février 2009 et références citées).

La question de avoir si le groupe « Ensemble à Gauche », qui n’est pas une personne morale, peut se voir reconnaître la qualité pour recourir dans le contexte particulier de l’application des dispositions du RCM le concernant, peut demeurer ouverte, dès lors que Mme Wenger et M. Gauthier, en tant que conseillers municipaux appartenant au groupe alléguant être lésé par la répartition de sièges opérée, peuvent faire valoir un intérêt digne de protection à la modification de la décision.

11. Organe communal, le conseil municipal a agi dans le cadre des compétences qui lui sont conférées par la loi. Il est à cet égard une autorité administrative au sens de l’art. 5 let f) LPA., raison pour laquelle il a qualité pour défendre.

12. Les recourants reprochent au conseil municipal de n’avoir pas tenu compte des apparentements lors de la répartition des sièges, leurs faisant ainsi perdre un siège au bénéfice de l’UDC.

L’art. 117 al. 2 RCM 2011 prévoit uniquement qu’au sein des commissions, chaque groupe a droit à une représentation proportionnelle au nombre de suffrages obtenus lors des élections municipales. Le RCM 2005 avait une teneur identique sur ce point, limitant pour le surplus à trois le nombre de sièges pouvant être attribués à chaque groupe.

La notion de groupe politique renvoie à l’art. 11 al. 1 RCM 2011, à savoir, les membres du conseil municipal élus sur une même liste. Là encore, la formulation nouvelle n’est pas différente de l’ancienne (art. 5 al. 1 RCM 2005).

Ni le RCM 2011 le RCM 2005 ne précisent la méthode de calcul pour la répartition proportionnelle, pas plus qu’ils ne mentionnent que les apparentements de listes devraient être pris en compte au moment de cette répartition. Il n’est fait référence qu’au groupe politique. La LAC n’impose rien à cet égard, de sorte que la règlementation communale est variée : droit à une représentation proportionnelle à l’effectif du groupe (art. 72 al. 3 du règlement du conseil municipal de la commune de Bernex, du 24 février 2004 - LC 07 111) ; possibilité de désignation au scrutin de liste et à la pluralité des suffrages (art. 69 al. 1 let b du règlement du conseil municipal de la Ville de Carouge, du 19 mars 1992 - LC 08 111) ; obligation pour le conseil municipal de veiller à assurer à chaque parti ou groupe un représentation équitable sur l’ensemble des commissions (art. 67 let. a du règlement du conseil municipal de la Ville de Chêne-Bougeries, du 9 février 2006 - LC 12 111) ; obligation pour le conseil municipal de veiller à assurer à chaque groupe ayant au moins trois élus une représentation aussi proportionnelle que possible (art. 13 al. 3 du règlement du conseil municipal de la commune de Collonge-Bellerive, du 9 décembre 1996 - LC 16 111) ; représentation proportionnelle correspondant à un membre par groupe de un à trois élus, deux membres par groupe ayant quatre à sept élus et trois membres au-delà (art. 77 du règlement du conseil municipal de la commune de Plan-les-Ouates, du 15 mai 2007 - LC 33 111) ; droit de chaque parti à une représentation proportionnelle à son effectif tel qu’il résulte des élections, la répartition proportionnelle des sièges étant calculée conformément aux art. 159 et suivants LEDP (art. 87 al. 2 et 3 du règlement du conseil municipal de la commune de Vernier). Cette dernière commune est la seule à renvoyer à la LEDP et à imposer ainsi la méthode de calcul applicable comme de tenir compte des apparentements, puisque selon l’art. 162 al. 1 LEDP, pour la répartition des sièges, un ensemble de listes apparentées est considéré comme une seule liste, les sièges ainsi obtenus étant ensuite répartis entre les listes qui le composent selon la même méthode (art. 162 al. 2 LEDP).

Lors des débats du conseil municipal consacrés à la révision du RCM 2005, un amendement au projet d’art. 117 ayant une teneur identique à la disposition verniolane susmentionnée, avec un complément permettant de rectifier une éventuelle distorsion entre le résultat du calcul et la répartition des sièges en plénière, a été refusé en séance plénière le 28 mars 2011 (Mémorial des séances du conseil municipal de la Ville de Genève 201 - ci-après : Mémorial - n° 52, p. 6132 et ss.). Le groupe « Ensemble à Gauche » figurait parmi les opposants à cet amendement (Mémorial, op. cit. p. 6137). Les conseillers municipaux ont ainsi écarté le renvoi impératif aux dispositions de la LEDP.

En l’absence de toute précision de ce type dans le RCM 2011, le conseil municipal n’est ainsi pas tenu de procéder à la répartition proportionnelle des sièges au sein des commissions selon les modalités prévues par la LEDP. Il dispose à cet égard d’un pouvoir d’appréciation dont l’usage peut être revu par la juridiction de céans sous l’angle de l’excès ou de l’abus, mais non de l’opportunité (art. 61 al. 1 let. a et al. 2 LPA).

En l’espèce, il est établi que le principe d’une répartition des sièges selon la représentation proportionnelle a bien été appliqué par le conseil municipal. L’exactitude des résultats de la démonstration chiffrée figurant dans ses écritures n’est pas contestée par les recourants. Le début de leur propre démonstration est d’ailleurs identique et le quotient ou nombre électoral est le même, ce qui n’est guère étonnant puisqu’en réalité, tous ont procédé pour ce faire selon la méthode définie à l’art. 159 al. 1 LEDP, qui prévoit que le nombre total des suffrages valables des listes (…) est divisé par le nombre des sièges à pourvoir augmenté d’une unité.

Le conseil municipal a ensuite procédé à la première répartition sans tenir compte des apparentements qui avaient eu lieu pour les élections municipales du 13 mars 2011 et a appliqué le système du plus fort reste pour répartir les sièges restant. Il a indiqué, sans être contredit, avoir ainsi procédé selon la même méthode que celle utilisée lors des précédentes législatures. Il n’a ainsi pas changé de pratique. La répartition des sièges en commission opérée le 6 juin 2011 est ainsi conforme au droit

Au vu de ce qui précède, le recours du groupe « Ensemble à Gauche » et Madame Salika Wenger et Monsieur Pierre Gauthier sera rejeté dans la mesure où il est recevable.

13. La chambre administrative statuant au fond, la requête d’effet suspensif n’a plus d’objet.

14. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge du groupe municipal de la Ville de Genève « Ensemble à Gauche » et un émolument de CHF 500.- à la charge de Madame Salika Wenger et de Monsieur Pierre Gauthier, pris conjointement et solidairement. Une indemnité de CHF 500.- sera allouée au groupe municipal de la Ville de Genève UDC, à la charge du groupe municipal de la Ville de Genève « Ensemble à Gauche ». Une seconde indemnité de CHF 500.- sera allouée au groupe municipal de la Ville de Genève UDC à la charge de Madame Salika Wenger et Monsieur Pierre Gauthier, pris conjointement et solidairement (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare irrecevable le recours interjeté le 8 juin 2011 par le groupe municipal de la Ville de Genève « Ensemble à Gauche » contre la proposition de répartition des sièges en commission faite par le bureau du conseil municipal de la Ville de Genève le 21 avril 2011 et confirmée le 31 mai 2011 ;

au fond :

rejette dans la mesure où il est recevable le recours interjeté le 6 juillet 2011 par le groupe municipal de la Ville de Genève « Ensemble à Gauche », Madame Salika Wenger et Monsieur Pierre Gauthier contre la répartition des sièges en commission adoptée par le conseil municipal de la Ville de Genève le 6 juin 2011 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge du groupe municipal de la Ville de Genève « Ensemble à Gauche » ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Madame Salika Wenger et Monsieur Pierre Gauthier, pris conjointement et solidairement ;

alloue au groupe municipal de la Ville de Genève UDC une indemnité de CHF 500.- à la charge du groupe municipal de la Ville de Genève « Ensemble à Gauche » ;

alloue au groupe municipal de la Ville de Genève UDC une indemnité de CHF 500.- à la charge de Madame Salika Wenger et Monsieur Pierre Gauthier, pris conjointement et solidairement ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt au groupe municipal de la Ville de Genève « Ensemble à Gauche », soit pour lui Monsieur Pierre Vanek, à Madame Salika Wenger et Monsieur Pierre Gauthier, à Me Antoine Boesch, avocat du groupe municipal de la Ville de Genève UDC, appelé en cause, au conseil municipal de la Ville de Genève ainsi qu’au Conseil d’Etat, pour information.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière -juriste :

 

 

C. Derpich

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :