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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1515/2015

ATA/701/2016 du 23.08.2016 sur JTAPI/1466/2015 ( LDTR ) , REJETE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; POUVOIR D'EXAMEN ; VENTE ; AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL) ; PESÉE DES INTÉRÊTS ; INTÉRÊT PUBLIC ; LOGEMENT ; MARCHÉ LOCATIF
Normes : Cst.29.al2; LPA.61; LPA.67; LDTR.39; LDTR.25; RDTR.11
Parties : ASSOCIATION GENEVOISE DES LOCATAIRES- ASLOCA / DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE- OCLPF, D'ALMEIDA ARAUJO Anne Marie Claire, LEPEU Pascale Marie-Louise
Résumé : Autorisation d'aliéner accordée par le DALE selon l'art. 39 al. 4 let. d LDTR. Confirmation de l'autorisation par substitution de motifs par le TAPI, en vertu de l'art. 39 al. 2 LDTR. Confirmation du jugement du TAPI, qui a correctement effectué la pesée des intérêts. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1515/2015-LDTR ATA/701/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 août 2016

 

dans la cause

 

ASSOCIATION GENEVOISE DES LOCATAIRES (ASLOCA)

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE

et

Madame Anne Marie Claire D'ALMEIDA ARAUJO
représentée par Me Diane Schasca, avocate

et

Madame Pascale LEPEU
représentée par Me Olivier Wehrli, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 décembre 2015 (JTAPI/1466/2015)


EN FAIT

1) Dans les années 1980, la Société Anonyme Clarté (ci-après : SA Clarté) était propriétaire de l'« immeuble Clarté », soit les bâtiments 928 et C95 de la parcelle no 727, feuillet 13, de la commune de Genève Eaux-Vives, situés au 2 et 4, rue Saint-Laurent et 5, rue Adrien-Lachenal, 1207 Genève, en deuxième zone de construction (ci-après : l'immeuble).

2) Le 21 décembre 1984, la SA Clarté a fait l'objet d'une restructuration, son but statutaire étant désormais de posséder, pour le compte de ses actionnaires, l'ensemble des locaux de l'immeuble. Ses actionnaires, Monsieur Pascal HAUSERMANN, Monsieur Bruno CAMOLETTI et Madame Anne ZUSLI, se sont répartis les différents appartements et locaux.

3) Le 18 septembre 1986, la SA Clarté a modifié ses statuts, soumis l'immeuble au régime de la propriété par étages (ci-après : PPE) et adopté un cahier statutaire d'attribution des locaux. Le lot no 10.05, enregistré au registre foncier sous no 727-63, correspondait à un appartement de quatre pièces avec balcon au huitième étage (ci-après : l'appartement).

4) Le 22 mars 2004, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de la SA Clarté.

5) Le 20 décembre 2005, la masse en faillite de la SA Clarté a reconnu, par procès-verbal de conciliation, l'existence d'un contrat de bail avec M. CAMOLETTI, avec effet au 26 février 1990, conformément à l'arrêt de la chambre d'appel des baux et loyers de la cour civile de la Cour de justice du 17 juillet 2013 (ACJC/883/2013).

6) Par vente à terme du 10 mars 2010, dans la cadre de la liquidation de la société, Madame Anne Marie Claire D'ALMEIDA ARAUJO a acheté l'appartement, au prix de CHF 750'000.-.

À teneur du contrat, l'appartement faisait l'objet d'un contrat de bail à loyer tacite en faveur de M. CAMOLETTI, ancien actionnaire-locataire. Selon la section « déclarations fiscales », l'acquéreur attestait sur l'honneur que l'appartement serait affecté à sa résidence principale. L'acte de vente n'était pas soumis à l'autorisation d'aliénation des appartements destinés à la location, l'opération étant assimilée à une adjudication.

7) Selon la base de données de l'office cantonal de la population et des migrations, Mme D'ALMEIDA ARAUJO n'est plus domiciliée à Genève depuis le 20 décembre 2012.

8) Par requête du 17 février 2015, Mme D'ALMEIDA ARAUJO a sollicité auprès de l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OLCPF), rattaché au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : DALE), une autorisation de vendre l'appartement à Madame Pascale LEPEU, au prix de CHF 1'150'000.-.

Le motif de la vente était la réalisation du bien et le but de l'achat un investissement.

9) Par arrêté du 24 mars 2015 (VA 12'394), le DALE a accordé l'autorisation sollicitée.

L'appartement avait déjà fait l'objet d'une aliénation au sens de l'art. 39 al. 4 let. d de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) et était libre de tout occupant.

10) Par acte du 8 mai 2015, l'Association genevoise des locataires (ci-après : ASLOCA) a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cet arrêté, concluant à son annulation.

L'art. 39 al. 4 let. d LTDR comportait deux conditions cumulatives, soit la délivrance d'une autorisation d'aliéner et l'effectivité d'une aliénation individualisée, la première n'étant pas réalisée dans le cas d'espèce. Vu la date de la constitution de la PPE et la requérante n'ayant pas allégué l'absence de location de l'appartement, aucun des cas d'autorisation de l'art. 39 al. 4 LDTR n'était rempli.

11) Par réponse du 30 juin 2015, le DALE a conclu au rejet du recours.

Une aliénation par voie d'exécution forcée n'avait pas à faire l'objet d'une autorisation. L'appartement avait déjà fait l'objet d'une aliénation au sens de l'art. 39 al. 4 let. d LDTR et le DALE avait l'obligation de délivrer l'autorisation litigieuse.

12) Par réplique du 10 juillet 2015, l'ASLOCA a persisté dans son recours et son argumentation, en la précisant.

L'art. 11 al. 4 du règlement d'application de LDTR du 29 avril 1996 (RDTR - L 5 20.01) n'avait aucun sens s'il signifiait qu'après adjudication, l'adjudicataire avait un droit automatique à une autorisation d'aliéner.

13) a. Dans ses déterminations du 13 juillet 2015, Mme D'ALMEIDA ARAUJO a conclu au rejet du recours.

L'acquisition par voie d'adjudication constituait une aliénation au sens de l'art. 39 al. 4 LDTR. La détention d'un appartement par le truchement d'une société immobilière d'actionnaires-locataires (ci-après : SIAL) constituait une forme analogue à la PPE, de sorte que l'appartement avait déjà fait l'objet d'une cession individuelle avant le 30 mars 1985, lors de l'attribution des appartements aux actionnaires. M. CAMOLETTI, dont la situation était similaire à celle d'un propriétaire par étage, ne pouvait être considéré comme un véritable locataire et l'appartement n'avait jamais été loué à un tiers. Elle avait été contrainte de quitter définitivement la Suisse. L'empêcher de vendre l'appartement reviendrait à la contraindre à le conserver indéfiniment, ce qui constituerait une atteinte disproportionnée à la garantie de la propriété. Son intérêt privé l'emportait, d'autant plus au regard de ses circonstances personnelles douloureuses et de l'impossibilité qu'elle avait eue d'occuper son bien, vu la procédure d'évacuation longue et fastidieuse à l'encontre de M. CAMOLETTI.

b. À l'appui de ses déterminations, elle a notamment versé à la procédure un courrier du 3 novembre 2014 concernant l'évacuation de l'appartement.

14) Dans ses observations du même jour, Mme LEPEU a conclu au rejet du recours.

La LDTR ne tendait pas à empêcher un propriétaire de revendre un appartement acquis dans le respect des conditions légales, comme dans le cas d'espèce. La forme de la SIAL, adoptée en 1984, constituait une forme de propriété analogue à la PPE et l'appartement avait fait l'objet d'une cession individuelle, de M. HAUSERMANN à M. CAMOLETTI, lequel ne pouvait être considéré comme un locataire. L'aliénatrice quittait la Suisse et devait vendre l'appartement.

15) Le 21 août 2015, l'ASLOCA a persisté dans l'intégralité de ses conclusions et dans son argumentation, en la complétant.

Les pièces démontraient que l'appartement avait été loué, en tout cas à M. CAMOLETTI. En 1984, la SA Clarté n'était pas une SIAL, son nouveau but statutaire ne donnant pas un droit aux actionnaires de louer des locaux déterminés en fonction de la titularité des droits au sein de la société. Il en allait de même en 1986. Au demeurant, il ne pouvait être retenu que l'appartement avait été individualisé par la simple attribution de droit au sein de la société. Mme D'ALMEIDA ARAUJO n'avait jamais été domiciliée dans l'appartement, de sorte que son intérêt privé n'était pas présumé l'emporter sur l'intérêt public. Elle n'avait pas exposé sa situation personnelle dans sa requête en autorisation et ne produisait à cet égard aucune pièce probante.

16) Le même jour, Mme D'ALMEIDA ARAUJO a maintenu sa position.

17) Le 1er septembre 2015, le DALE a persisté dans ses conclusions.

18) Le 7 octobre 2015, Mme LEPEU a maintenu ses conclusions et son argumentation précédente, en la précisant.

L'immeuble ne faisait plus partie du parc locatif depuis la vente opérée par la masse en faillite de la SA Clarté. Les statuts adoptés en 1984 démontraient que cette dernière était alors devenue une SIAL.

19) Le 30 octobre 2015, Mme D'ALMEIDA ARAUJO a persisté dans sa position, reprenant les arguments exposés précédemment.

20) Par jugement du 15 décembre 2015, le TAPI a rejeté le recours et confirmé l'autorisation d'aliéner par substitution de motifs.

L'appartement, situé dans un bâtiment d'habitation et comportant quatre pièces, entrait dans une catégorie de logement où sévissait la pénurie et était soumis à autorisation d'aliéner. L'acquéreur ne pouvait se prévaloir de l'acquisition, même individualisée, de l'appartement par la voie des enchères pour justifier être autorisé à revendre sur cette base. L'autorisation ne pouvait être délivrée sur la base de l'art. 39 al. 4 let. d LDTR. Avant le 30 mars 1985, l'appartement n'avait pas été cédé de manière individualisée, puisque les trois actionnaires s'étaient répartis l'ensemble des appartements de l'immeuble. Le contrat entre la SIAL et l'actionnaire-locataire était un contrat de bail et il ne pouvait être retenu que l'appartement n'avait jamais été loué. Aucun motif de l'art. 39 al. 4 LDTR n'était réalisé.

Vu l'effet dévolutif du recours, le TAPI pouvait procéder à la pesée des intérêts. L'intérêt privé de Mme D'ALMEIDA ARAUJO l'emportait sur l'intérêt public au maintien de l'affectation locative de l'appartement. L'aliénation par les enchères forcées avait entraîné l'individualisation de l'appartement. L'argument selon lequel elle n'avait jamais occupé ce logement n'était pas décisif, étant donné qu'elle en avait été empêchée en raison de la longue procédure l'opposant à M. CAMOLETTI. Elle avait quitté la Suisse en 2012. Il serait disproportionné de la contraindre à rester propriétaire de l'appartement.

21) Par acte du 26 janvier 2016, l'ASLOCA a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation ainsi qu'à l'annulation de l'autorisation litigieuse, « sous suite de frais et dépens ».

Le DALE n'avait pas instruit les faits pertinents nécessaires à la pesée des intérêts et le jugement du TAPI violait les règles d'administration des preuves. Le TAPI ne disposait d'aucun pouvoir d'appréciation et ne pouvait dès lors confirmer l'autorisation par substitution de motifs. La seule motivation à l'origine de l'aliénation était la volonté de réaliser un investissement ou des liquidités, intérêts de pure convenance. L'opération était hautement spéculative, la plus-value s'élevant à 53 % en environ quatre ans. L'appartement n'était pas sorti du marché locatif, puisqu'il avait encore été loué jusqu'à récemment. Le refus de l'autorisation ne contraindrait pas Mme D'ALMEIDA ARAUJO à rester propriétaire de l'appartement à tout jamais, d'autres circonstances pouvant donner lieu à la prépondérance de l'intérêt privé et la pénurie pouvant se résorber. Les intérêts privés devaient céder le pas à l'intérêt public à la préservation du parc locatif. Elle avait délibérément choisi d'acheter un bien non construit en PPE et devait en assumer les conséquences.

22) Le 29 janvier 2016, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative, sans formuler d'observations.

23) Par réponse du 26 février 2016, accompagnée de son dossier, le DALE a conclu au rejet du recours et a persisté dans sa décision et ses écritures de première instance, adhérant subsidiairement au jugement du TAPI.

24) a. Dans ses observations du 29 février 2016, Mme D'ALMEIDA ARAUJO a conclu au rejet du recours ainsi qu'à la condamnation de l'ASLOCA aux frais et « dépens » et a repris l'argumentation formulée devant le TAPI, en y apportant des précisions.

La précédente aliénation ne faisait pas toujours nécessairement l'objet d'une autorisation, la question décisive étant l'individualisation de la précédente vente. Il suffisait que la précédente aliénation soit conforme à la loi ou à la jurisprudence dispensant d'autorisation. La LDTR entendait protéger les véritables locataires. La vente d'un appartement par voie de cession d'actions d'un actionnaire-locataire à un autre n'était pas soumise à autorisation, le bien n'étant pas sur le marché locatif. Il n'y avait jamais eu de volonté de mettre l'appartement sur le marché locatif.

Du fait de l'effet dévolutif du recours et du plein pouvoir d'examen en fait et en droit, le TAPI était à même de substituer un motif d'autorisation à un autre, sans nécessité de renvoyer le dossier au DALE. L'ASLOCA n'avait formulé aucune offre de preuve, se contentant d'affirmer que l'affaire n'était pas en état d'être jugée. La plus-value à la vente n'était pas pertinente, et était bien moindre vu les nombreux frais engendrés par et après l'achat de l'appartement. La pénurie n'était pas prête de se résorber. L'état de l'appartement ne permettait pas sa mise en location et elle n'avait plus les moyens de le rénover.

b. À l'appui de ses observations, elle a produit de nouvelles pièces. Selon un courriel du 18 juin 2015, les comptes de sa société, AAA Triple A Design, avaient enregistré une perte de EUR 387.- en 2013 et EUR 3'354.- en 2014. Conformément à une attestation d'une agence immobilière de Saint-Tropez du 22 février 2016, elle vendait sa maison de famille. Dans trois attestations sur l'honneur des 9, 22 et 27 février 2016, trois connaissances confirmaient sa « situation financière catastrophique », qui la contraignait à vendre l'appartement. Des photographies illustraient l'appartement, vide.

25) Dans ses déterminations du même jour, Mme LEPEU a conclu au rejet du recours, « avec suite de frais et dépens », et a repris l'argumentation développée précédemment, en la complétant.

Exclure la revente d'un appartement acquis aux ventes aux enchères forcées reviendrait à réintroduire une restriction de droit public contraire à la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1). Le « bail » conclu entre la SIAL et ses actionnaires avait uniquement un but fiscal.

Le TAPI jouissait d'un plein pouvoir d'examen. Il devait procéder d'office à la pesée des intérêts. Aucune mesure d'instruction impliquant le renvoi du dossier au DALE n'apparaissait nécessaire. Il n'existait pas de motif prépondérant s'opposant à la vente de l'appartement.

26) Par réplique du 4 avril 2016, l'ASLOCA a persisté dans l'intégralité de ses conclusions, a contesté la situation financière difficile de Mme D'ALMEIDA ARAUJO ainsi que le caractère impropre à l'habitation de l'appartement, et a complété son argumentation.

S'agissant d'un bâtiment construit dans les années 1930, il était invraisemblable que l'appartement n'ait jamais été loué.

27) Le 5 avril 2016, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). En outre, de jurisprudence constante, l'ASLOCA jouit de la qualité pour recourir au sens de l'art. 45 al. 3 LDTR (ATA/80/2014 du 12 février 2014 consid. 1 et les références citées). Le recours est dès lors recevable.

2) La recourante reproche au TAPI d'avoir procédé à la pesée des intérêts en présence, sans avoir connaissance de tous les faits pertinents ni le pouvoir de cognition nécessaire.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b ; 127 III 576 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid. 3.1 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_119/2015 du 16 juin 2015 consid. 2.1).

b. Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b ; art. 61 al. 1 LPA). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA). Dès le dépôt du recours, le pouvoir de traiter l'affaire qui en est l'objet passe à l'autorité de recours (art. 67 al. 1 LPA).

c. En l'espèce, le TAPI, qui, tout comme la chambre administrative, a un plein pouvoir d'examen en fait et en droit, a confirmé la décision litigieuse par substitution de motif en procédant à la pesée des intérêts prescrite par l'art. 39 al. 2 LDTR, de sorte qu'il n'a pas statué en opportunité et n'a pas outrepassé son pouvoir de cognition.

Par ailleurs, la recourante affirme que le TAPI n'aurait pas été en possession des faits nécessaires à la pesée de intérêts et aurait en conséquence dû renvoyer le dossier au DALE pour instruction complémentaire. Elle n'apporte toutefois aucune substance à son grief et n'allègue aucun fait pertinent dont le TAPI n'aurait pas eu connaissance, ceci tout en se référant dans son acte de recours aux faits tels qu'établis par ce dernier. Au surplus, le TAPI - à l'image de la chambre administrative à présent - disposait d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause.

Le grief sera par conséquent écarté.

3) La recourante affirme que le TAPI aurait à tort confirmé la délivrance de l'autorisation d'aliéner à Mme D'ALMEIDA ARAUJO.

a. L'aliénation sous quelque forme que ce soit (notamment cession de droits de copropriété d'étages ou de parties d'étages, d'actions, de parts sociales), d'un appartement à usage d'habitation jusqu'alors offert en location est soumise à autorisation dans la mesure où l'appartement entre, à raison de son loyer ou de son type, dans une catégorie de logement où sévit la pénurie (art. 39 al. 1 LDTR). Pour remédier à la pénurie d'appartements locatifs dont la population a besoin, tout appartement jusqu'alors destiné à la location doit conserver son affectation locative, dans les limites du chapitre relatif aux mesures visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs (art. 25 al. 1 LDTR). Il y a pénurie d'appartements lorsque le taux des logements vacants considéré par catégorie est inférieur à 2 % du parc immobilier de la même catégorie (art. 25 al. 2 LDTR). Les appartements de plus de sept pièces n'entrent pas dans une catégorie où sévit la pénurie (art. 25 al. 3 LDTR).

b. Selon l'art. 11 al. 3 RDTR, par appartement jusqu'alors offert en location, au sens de l'art. 39 al 1 LDTR, il faut entendre, soit l'appartement loué lors du dépôt de la requête en autorisation d'aliéner (let. a), l'appartement vide ou vacant lors du dépôt de la requête en autorisation d'aliéner, mais qui a précédemment été loué par son propriétaire actuel (let. b) ou l'appartement occupé, lors du dépôt de la requête en autorisation d'aliéner, par son propriétaire, si celui-ci a précédemment loué l'appartement considéré (let. c). Nonobstant la teneur de l'art. 11 al. 3 RDTR, une autorisation d'aliéner doit impérativement être requise en cas de vente d'un ou plusieurs appartement(s) acquis par voie d'adjudication (art. 11 al. 4 RDTR).

c. Les catégories de logements où sévit la pénurie sont déterminées chaque année par arrêté du Conseil d'État en fonction du nombre de pièces par appartement (art. 11 al. 1 RDTR). Le Conseil d'État a constaté, en 2015 et 2016, qu'il y a pénurie, au sens de l'art. 25 et 39 LDTR, dans toutes les catégories des appartements d'une à sept pièces inclusivement (arrêtés du Conseil d'État déterminant les catégories de logement où sévit la pénurie en vue de l'application des art. 25 à 39 LDTR du 15 janvier 2015 et du 13 janvier 2016 - ArAppart - L 5 20.03).

d. Selon la jurisprudence de la chambre administrative, la vente d'un appartement est soumise à autorisation pour autant que ce dernier entre, du fait de son loyer ou de son type, dans une catégorie de logements où sévit la pénurie (ATA/356/2012 du 5 juin 2012 consid. 8d et 10 ; ATA/826/2001 du 11 décembre 2001 consid. 3b).

e. En l'espèce, l'appartement - situé dans un immeuble d'habitation en deuxième zone de construction et donc assujetti à la LDTR (art. 2 LDTR) - comporte quatre pièces et entre ainsi dans une catégorie de logements où sévit la pénurie.

Le TAPI a par conséquent à juste titre constaté que l'appartement était soumis à autorisation d'aliéner.

4) a. Le DALE autorise l'aliénation d'un appartement si celui-ci a été dès sa construction soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue (let. a), était, le 30 mars 1985, soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue et qu'il avait déjà été cédé de manière individualisée (let. b), n'a jamais été loué (let. c), a fait une fois au moins l'objet d'une autorisation d'aliéner en vertu de la LDTR (let. d). L'autorisation ne porte que sur un appartement à la fois. Une autorisation de vente en bloc peut toutefois être accordée en cas de mise en vente simultanée, pour des motifs d'assainissement financier, de plusieurs appartements à usage d'habitation ayant été mis en propriété par étages et jusqu'alors offerts en location, avec pour condition que l'acquéreur ne peut les revendre que sous la même forme, sous réserve de l'obtention d'une autorisation individualisée (art. 39 al. 4 LDTR).

En cas de réalisation de l'une des hypothèses de l'art. 39 al. 4 LDTR, le DALE est tenu de délivrer l'autorisation d'aliéner, ce qui résulte des interprétations tant littérale - le texte indique que l'autorité « accorde » l'autorisation, sans réserver d'exception - qu'historique - l'art. 9 al. 3 aLDTR, dont le contenu est repris matériellement à l'art. 39 al. 4 LDTR, prévoyait expressément que l'autorité ne pouvait refuser l'autorisation - du texte légal. Il n'y a donc, le cas échéant, pas de place pour une pesée des intérêts au sens de l'art. 39 al. 2 LDTR. Les conditions posées à l'art. 39 al. 4 LDTR sont par ailleurs alternatives, ce qui résulte notamment de l'incompatibilité entre les let. a et b de cette disposition (ATA/80/2014 précité consid. 8 ; ATA/215/2013 du 9 avril 2013 consid. 7).

b. Au vu de la marge d'appréciation dont elle dispose, lorsqu'aucun des motifs d'autorisation expressément prévus par l'art. 39 al. 4 LDTR n'est réalisé, l'autorité doit rechercher si l'intérêt public l'emporte sur l'intérêt privé du recourant à aliéner l'appartement dont il est propriétaire (arrêts du Tribunal fédéral 1C_137/2011 ; 1C_139/2011 ; 1C_141/2011 ; 1C_143/2011 du 14 juillet 2011).

Dans le cadre de l'examen de la requête en autorisation, le DALE procède à la pesée des intérêts publics et privés en présence (art. 13 al. 1 RDTR). L'intérêt privé est présumé l'emporter sur l'intérêt public lorsque le propriétaire doit vendre l'appartement par nécessité de liquider un régime matrimonial ou une succession (let. a), par nécessité de satisfaire aux exigences d'un plan de désendettement (let. b) ou du fait de la prise d'un nouveau domicile en dehors du canton (let. c ; art. 13 al. 3 RDTR). Le DALE refuse l'autorisation lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose. L'intérêt public et l'intérêt général résident dans le maintien, en période de pénurie de logements, de l'affectation locative des appartements loués (art. 39 al. 2 LDTR).

La politique prévue par la LDTR procède d'un intérêt public important (arrêt du Tribunal fédéral 1C_143/2011 précité consid. 2.2). Le refus de l'autorisation de vendre un appartement loué lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose n'est pas contraire au principe de la proportionnalité, dès lors qu'il est consécutif, de la part de l'autorité administrative, à une pesée des intérêts en présence et à une évaluation de l'importance du motif de refus envisagé au regard des intérêts privés en jeu. En effet, la restriction à la liberté individuelle ne doit pas entraîner une atteinte plus grave que ne l'exige le but d'intérêt public recherché (ATF 113 Ia 126 consid. 7b/aa; arrêt du Tribunal fédéral 1P.19/2003 du 8 avril 2003 consid. 2.1 ; ATA/593/2016 du 12 juillet 2016 consid. 13).

5) En l'espèce, les intérêts qui s'opposent sont, d'une part, les intérêts privés de l'aliénatrice à la vente de l'appartement et l'intérêt de l'acheteuse à acquérir celui-ci ainsi que, d'autre part, l'intérêt public à la protection du parc locatif genevois.

Or, l'appartement en cause a déjà fait l'objet d'une vente individualisée en 2010, Mme D'ALMEIDA ARAUJO ayant acquis cet unique appartement par vente à terme dans le cadre de la liquidation de la SA Clarté. Il a dès lors déjà été individualisé. Par ailleurs, occupé jusqu'en novembre 2014 par son ancien actionnaire-locataire, M. CAMOLETTI, l'appartement est désormais vacant depuis plus d'un an et demi, ceci après une procédure en évacuation, confirmant la volonté initiale de Mme D'ALMEIDA ARAUJO d'y habiter personnellement, conformément à l'affectation indiquée dans le contrat de vente à terme du 10 mars 2010. L'appartement est par conséquent déjà sorti du parc locatif.

À ce qui précède s'ajoute le fait que Mme D'ALMEIDA ARAUJO n'habite désormais plus dans le canton de Genève depuis 2012. Si, comme l'a constaté le TAPI, elle ne vend pas son appartement spécifiquement en raison de son changement de domicile, il n'en demeure pas moins qu'elle a définitivement quitté la Suisse, élément que le TAPI a, à juste titre, considéré comme important dans le cadre de la pesée des intérêts.

Au vu de ce qui précède, l'intérêt privé de Mme D'ALMEIDA ARAUJO à aliéner l'appartement doit être qualifié de prépondérant et le TAPI a, à bon droit, retenu qu'il serait disproportionné de contraindre Mme D'ALMEIDA ARAUJO à en rester propriétaire.

6) Dans ces circonstances, le jugement du TAPI confirmant par substitution de motifs l'autorisation délivrée par le DALE est conforme au droit et le recours à son encontre, entièrement mal fondé, sera rejeté.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de l'ASLOCA (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- chacune sera allouée à Mme D'ALMEIDA ARAUJO et à Mme LEPEU, à la charge de l'ASLOCA (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 janvier 2016 par l'ASLOCA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 décembre 2015 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de l'ASLOCA un émolument de CHF 1'000.- ;

alloue à Madame Anne Marie Claire D'ALMEIDA ARAUJO une indemnité de procédure de 1'000.-, à la charge de l'ASLOCA ;

alloue à Madame Pascale LEPEU une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'ASLOCA ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'ASLOCA, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, à Me Diane Schasca, avocate de Madame Anne Marie Claire D'ALMEIDA ARAUJO, à Me Olivier Wehrli, avocat de Madame Pascale LEPEU, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :