Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2239/2010

ATA/69/2012 du 31.01.2012 sur JTAPI/746/2011 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2239/2010-PE ATA/69/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 janvier 2012

1ère section

 

dans la cause

 

T______ SA et Monsieur A______
représentés par Me Robert Fox, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 juin 2011 (JTAPI/746/2011)


EN FAIT

1. Monsieur A______, né le ______ 1958 et ressortissant de Côte d'Ivoire, a travaillé en tant que cuisinier auprès de la Mission permanente de la Côte d'Ivoire à Genève du 1er juillet 1999 au 30 novembre 2006. Il était alors titulaire de cartes de légitimation délivrées par le département fédéral des affaires étrangères.

Auparavant, M. A______ a effectué un apprentissage de cuisinier à Abidjan de 1977 à 1980, une formation professionnelle de deux ans en France et en Côte d’Ivoire, et a exercé entre 1983 et 1995 des fonctions de sous-chef de cuisine, et, entre 1995 et 1999 des fonctions de chef de cuisine dans des restaurants d’Abidjan.

2. A partir du 1er avril 2007, M. A______ a travaillé en tant que chef de cuisine dans le restaurant africain Le L______ à Renens, dans le canton de Vaud. Le 24 octobre 2007, il a obtenu des autorités vaudoises, à titre provisoire, l’autorisation d’exercer une activité lucrative dans ce restaurant ; cet octroi a été approuvé le 7 octobre 2008 par l’office fédéral des migrations (ci-après : ODM). L’office cantonal de la population (ci-après : OCP) de Genève, a alors délivré à l’intéressé une autorisation de séjour de courte durée (permis L), valable jusqu’au 5 octobre 2009. M. A______ a perdu son emploi suite à la faillite déclarée le 26 mars 2009 de la société B______ S.A., propriétaire du L______.

3. T______ S.A., (ci-après : T______) dont le siège est à Carouge, a pour but l’exploitation d’un commerce de charcuterie-boucherie-traiteur, l’importation et le commerce de vins en bouteilles, de boissons et produits alimentaires. Elle s’occupe aussi de services de restauration, organisation de manifestations et exploitation de salles de banquets.

4. Le 27 août 2009, T______ a sollicité une autorisation en vue d'embaucher M. A______ pour une durée indéterminée, soit une autorisation de séjour à l'année (permis B). Un formulaire en ce sens a été déposé le 16 septembre 2009.

5. Par décision du 7 octobre 2009, l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), après examen du dossier par la commission tripartite, a refusé l'octroi de l'autorisation sollicitée, au motif que l’ordre de priorité de l’art. 21 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) n’avait pas été respecté.

6. Par acte du 13 novembre 2009, T______ et M. A______ ont, par l'intermédiaire de leur conseil, recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission) devenue dès le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant préalablement à l'octroi de mesures provisionnelles ou de l’effet suspensif.

7. Par décision sur mesures provisionnelles du 30 novembre 2009, la commission a autorisé M. A______ à poursuivre une activité professionnelle au sein de T______ et donc à résider sur territoire suisse jusqu’à droit jugé sur le fond du litige. Cette décision a été portée par-devant le Tribunal administratif - devenu dès le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) - par l’OCIRT, qui a ensuite retiré son recours le 26 mars 2010.

8. Le 29 décembre 2009, M. A______ et T______ ont conclu un contrat de travail de durée indéterminée. M. A______, qui pouvait se prévaloir de trente-deux ans de pratique professionnelle, apprentissage inclus, était engagé en tant qu'employé de cuisine, pour un salaire mensuel brut de CHF 4'186.-.

9. Après avoir entendu les parties le 2 mars 2010 lors d’une audience de comparution personnelle, la commission a admis le recours et annulé la décision de l’OCIRT du 7 octobre 2009. M. A______ ne pouvait être considéré comme un travailleur en Suisse au sens de l’art. 21 al. 2 let. c LEtr ; mais en vertu du droit à la protection de la bonne foi, l’OCIRT ne pouvait reprocher aux intéressés de ne pas avoir respecté la procédure ordinaire pour repourvoir le poste de travail.

10. Le 31 mars 2010, l’OCIRT a saisi la commission d’une demande d’interprétation. Elle devait indiquer aux parties si une autorisation de séjour à l’année avec activité lucrative était octroyée en faveur de M. A______ ou si la cause était renvoyée pour nouvelle décision avec les réserves mentionnées dans les considérants en droit de la décision.

11. Par décision du 20 avril 2010, la commission a précisé avoir annulé la décision de l’OCIRT du 7 octobre 2009 du seul fait que le principe de la protection de la bonne foi interdisait à celui-ci de refuser la demande d’autorisation de séjour à l’année avec activité lucrative (permis B) déposée le 27 août 2009 en faveur de M. A______ par T______ au motif que les intéressés n’avaient pas respecté la procédure ordinaire pour repourvoir le poste de travail. Elle ne s’était pas prononcée sur les autres conditions légales pour la délivrance d’une autorisation de séjour à l’année avec activité lucrative (permis B).

12. Par décision du 26 mai 2010, l’OCIRT a refusé l'octroi de l'autorisation sollicitée au motif que les conditions légales n’étaient pas respectées : d’une part, la demande ne présentait pas un intérêt économique suffisant, d’autre part, seuls les cadres, spécialistes ou autres travailleurs qualifiés pouvaient obtenir une autorisation, et le poste en question ne nécessitait pas d’être pourvu par une personne qualifiée.

13. Le 28 juin 2010, T______ et M. A______ ont recouru contre cette décision auprès de la commission, concluant implicitement à l'octroi de l’effet suspensif ou de mesures provisionnelles.

14. Le 2 juillet 2010, l’OCIRT s'est opposé à la restitution de l'effet suspensif.

Par décision sur effet suspensif et mesures provisionnelles du 6 juillet 2010, la commission a admis la demande et réservé la suite de la procédure, considérant que, vu les éléments figurant au dossier, les circonstances particulières du cas justifiaient de permettre à M. A______ de poursuivre une activité professionnelle au sein de T______ et donc de résider à Genève pendant la durée de la procédure.

15. Le 21 juin 2011, le TAPI a rejeté le recours.

La société recourante n'était pas spécialisée dans la cuisine africaine, qu'elle ne proposait à ses clients que depuis l'engagement de M. A______. Les buffets africains ne représentaient que 10 % de ceux commandés. M. A______ s'occupait aussi de préparer des buffets d'un autre genre et tous les mets figurant à la carte, qu'ils soient africains ou pas. La société n'avait donc pas besoin d’un cuisinier spécialisé dans la cuisine africaine et pouvait engager n'importe quel professionnel sur le marché suisse ou européen, ce d'autant plus que M. A______ avait été engagé comme simple aide de cuisine et non comme cuisinier spécialisé.

16. Le 5 septembre 2011, T______ et M. A______ ont recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement précité du TAPI, concluant à son annulation et au renvoi de la cause au TAPI pour nouvelle décision dans le sens des considérants, subsidiairement à l'octroi d'une unité de contingent permettant à M. A______ de solliciter une autorisation de séjour ou, très subsidiairement, une autorisation de séjour à l'année avec activité lucrative.

A titre préalable, sous un chef hors conclusions intitulé « mesures provisionnelles/effet suspensif », les recourants ont sollicité l'autorisation pour M. A______, jusqu'à droit connu sur le recours, de poursuivre une activité professionnelle au sein de T______, et d’être autorisé à résider sur territoire suisse jusqu'à droit connu.

Leur droit d'être entendu avait été violé, l'OCIRT ayant pris sa décision sans demander aucune information ou détermination complémentaire. Sur le fond, M. A______ s'étant trouvé sans emploi suite à un événement inattendu, soit la faillite soudaine de son précédent employeur, il pouvait être considéré comme un travailleur au bénéfice d'une autorisation de séjour, au sens de l'art. 21 LEtr. Dans des circonstances exceptionnelles comme celles-là, les mêmes possibilités de retrouver du travail devaient être accordées aux titulaires de permis de courte durée qu'à ceux au bénéfice d'une autorisation de séjour à l'année. Les art. 32 al. 3 LEtr et 55 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) devaient s'appliquer au cas d'espèce.

17. Dans sa réponse du 15 septembre 2011 sur effet suspensif et mesures provisionnelles, l’autorité intimée a conclu à ce que la chambre administrative constate que le recours contre la décision négative prise le 26 mai 2010 n'avait pas d'effet suspensif.

18. Le 21 septembre 2011, l'OCIRT a présenté ses observations sur le fond, concluant au rejet du recours. Il n’avait pas violé le droit d'être entendu, dans la mesure où les recourants avaient pu s'exprimer lors de l'audience devant la commission et où leurs arguments avaient été présentés à diverses reprises par écrit dans les lettres de motivation envoyées à l'appui des demandes d'autorisation.

L'engagement de M. A______ n'avait pas respecté les directives de l'ODM ; le poste proposé à M. A______ ne répondant pas aux conditions très précises posées par ces dernières. Il en aurait été sans doute autrement si M. A______ avait trouvé un poste de chef de cuisine dans un restaurant de spécialités africaines, mais il avait été engagé comme aide de cuisine chez un traiteur généraliste, avec un salaire correspondant. La durée de la présence de M. A______ en Suisse concernait uniquement la procédure en cours auprès de l’OCP. Même en cas d'admission du recours, M. A______ ne serait pas directement autorisé à travailler, puisqu'il lui faudrait encore obtenir l'approbation de l'ODM et attendre la délivrance du livret, qui demeurait réservée.

19. Par décision du 23 septembre 2011 sur effet suspensif (ATA/603/2011), la présidente de la chambre administrative a octroyé l'effet suspensif au recours.

20. Le 20 octobre 2011, le juge délégué a fait savoir aux parties que sans réaction de leur part le 28 octobre 2011, la cause serait gardée à juger. Aucune des parties ne s’est manifestée depuis lors.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Dans un premier grief qu'il convient d'aborder en premier lieu, les recourants se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendu ; l'OCIRT ayant pris sa décision sans demander aucune information ou détermination complémentaire.

3. Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l’autorité de recours n’est pas possible, l’annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 135 II 279 consid. 2.6.1 ; 133 III 235 consid. 5.3 p. 250 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_382/2011 du 16 novembre 2011 consid. 3.1 ; 5A.12/2006 du 23 août 2006 consid. 3.1 et les arrêts cités). Cette violation est toutefois réparable devant l’instance du recours si celle-ci jouit du même pouvoir d’examen des questions litigieuses que l’autorité intimée et si l’examen de ces questions ne relève pas de l’opportunité, car l’autorité de recours ne peut alors substituer son pouvoir d’examen à celui de l’autorité de première instance (Arrêts du Tribunal fédéral 1C.161/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 8C_104/2010 consid. 3.2 ; 5A.150/2010 du 20 mai 2010 consid. 4.3 ; 1C.104/2010 du 29 avril 2010 consid. 2 ; ATA/435/2010 du 22 juin 2010 consid. 2 ; ATA/205/2010 du 23 mars 2010 consid. 5).

La portée du droit d'être entendu est déterminée en premier lieu par le droit cantonal (art. 41ss LPA) et le droit administratif spécial (ATF 124 I 49 consid. 3a p. 51 et les arrêts cités ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.39/2006 du 3 juillet 2006 consid. 3.2). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Cst. qui s’appliquent (art. 29 al. 2 Cst. ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.39/2006 du 3 juillet 2006 consid. 3.2 et les arrêts cités ; A. AUER/G. MALINVERNI/M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2006, Vol. 2, 2ème éd., p. 603, n. 1315ss ; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 198). Quant à l’art. 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - 0.101), il n’accorde pas au justiciable, selon la jurisprudence fédérale, de garanties plus étendues que celles découlant de l’art. 29 al. 2 Cst. (Arrêt du Tribunal fédéral 4P.206/2005 du 11 novembre 2005 consid. 2.1 et arrêts cités).

Tel qu’il est garanti par cette dernière disposition, le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_573/2007 du 23 janvier 2008 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/415/2008 du 26 août 2008 consid. 6a et les arrêts cités).

4. En l'espèce, même s'il eût sans doute été de bon aloi de la part de l'OCIRT de permettre aux recourants de s'exprimer spécifiquement sur les autres conditions légales auxquelles la décision de la commission faisait référence, on doit admettre qu'à l'origine, la procédure administrative en cause découle d'une demande des intéressés du 27 août 2009. Dans ce cadre, ils pouvaient faire valoir par écrit tous les arguments qu'ils estimaient pertinents en vue de l'admission de leur demande. La garantie du droit d'être entendu n'exige pas que l'autorité donne systématiquement et à l'avance à l'administré les motifs qu'elle entend retenir avant de rendre une décision à son détriment ; lorsqu'il dépose sa demande, l'administré doit ainsi, selon les règles de la bonne foi découlant de l'art. 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), donner d'emblée tous les éléments nécessaires, ce que les recourants ont du reste fait en l'espèce, dès lors qu'ils ont fait parvenir à l'autorité divers courriers de motivation à l'appui de leurs demandes d'autorisation. De plus, les recourants, dûment informés du renvoi par la commission de la cause à l'autorité administrative, avait la possibilité de faire parvenir à celle-ci toutes observations utiles, sans nécessairement y être formellement invité.

Le grief de violation du droit d'être entendu doit ainsi être rejeté.

5. Selon l'art. 11 al. 1 LEtr, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour ; il doit la solliciter auprès de l’autorité compétente du lieu de travail envisagé.

En l'espèce, par l'entremise de son employeur, M. A______, qui disposait d'une autorisation de séjour de courte durée (permis L), a sollicité la délivrance d'une autorisation de séjour à l'année (permis B).

6. Un étranger peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : a. son admission sert les intérêts économiques du pays ; b. son employeur a déposé une demande ; c. les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEtr sont remplies (art. 18 LEtr).

Comme cela ressort du texte précité, les conditions sont cumulatives.

7. Un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative que s’il est démontré qu’aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d’un Etat avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n’a pu être trouvé (art. 21 al. 1 LEtr). Il ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative qu’aux conditions de rémunération et de travail usuelles du lieu, de la profession et de la branche (art. 22 LEtr). Seuls les cadres, les spécialistes ou autres travailleurs qualifiés peuvent obtenir une autorisation de courte durée ou de séjour (art. 23 al. 1 LEtr) ; des dérogations sont prévues par l'art. 23 al. 3 LEtr pour certaines catégories de travailleurs. Enfin, l'étranger doit disposer d’un logement approprié (art. 24 LEtr).

8. L'OASA ne précise pas directement les dispositions légales précitées, à l'exception de la question des contingents, réglée aux art. 18a ss OASA, en particulier l'art. 22 OASA concernant les ressortissants de pays non européens. Quant aux dérogations aux conditions d'admission, prévues aux art. 26 à 53 OASA, aucune ne trouve application en l'espèce.

En revanche, l'ODM a édicté des directives d'application de la LEtr et de l'OASA. Selon celles-ci, et en lien avec l'art. 18 let. a LEtr, lors de l’appréciation du cas, il convient de tenir compte en particulier de la situation sur le marché du travail, de l’évolution économique durable et de la capacité de l’étranger concerné de s’intégrer ; il ne s’agit pas de maintenir une infrastructure avec une main-d’œuvre peu qualifiée disposée à travailler pour de bas salaires, ni de soutenir des intérêts particuliers (ch. I.4.3.1).

Les ressortissants d'Etats tiers ne peuvent être admis que si aucun travailleur indigène (au sens de l'art. 21 al. 2 LEtr) ou ressortissant de l'espace UE/AELE ne peut être recruté pour occuper l'emploi en question (ch. I.4.3.2.1).

S'agissant des qualifications professionnelles, les directives de l'ODM sont très détaillées. Le ch. I.4.7.9.1 concerne spécifiquement les cuisiniers de spécialités exotiques, et les établissements qui demandent à en employer. Ceux-ci doivent être uniquement les restaurants de spécialités qui suivent une ligne cohérente et se distinguent par la haute qualité de l’offre et des services et proposent, pour l’essentiel, des mets exotiques dont la préparation et la présentation nécessitent des connaissances particulières qui ne peuvent être acquises dans notre pays (ch. I.4.7.9.1.1 let. a).

S'agissant du cuisinier lui-même, une formation complète (diplôme) de plusieurs années (ou formation reconnue équivalente) et expérience professionnelle de plusieurs années dans le domaine de spécialité (au moins sept années, formation incluse) doivent être prouvées. Faute de diplôme, une attestation du ministère du travail de l'Etat étranger concerné indiquant que les qualifications professionnelles sont suffisantes doit être transmise (ch. I.4.7.9.1.2).

9. En règle générale, les instructions, les circulaires et les directives administratives - ou, en d'autres termes, les ordonnances administratives - n'ont, selon la jurisprudence et la doctrine, pas force de loi et ne constituent pas du droit fédéral au sens de l'art. 49 let. a de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021 - ATF 121 II 478 consid. 2b, ATA/439/2009 du 8 septembre 2009 et les références citées).

Si les directives, circulaires ou instructions émises par l'administration ne peuvent contenir de règles de droit, elles peuvent cependant apporter des précisions quant à certaines notions contenues dans la loi ou quant à la mise en pratique de celle-ci. Sans être lié par elles, le juge peut néanmoins les prendre en considération en vue d'assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré. Il ne doit cependant en tenir compte que si elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATF 121 II 478 consid. 2b ; ATA/12/2012 du 10 janvier 2012 consid. 3 ; ATA/839/2003 du 18 novembre 2003 consid. 3c). En d'autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 133 II 305 consid. 8.1 ; ATF 121 II 473 consid. 2b ; ATF 117 Ib 226 consid. 4b ; ATF 104 Ib 49). C'est donc à la lumière de ces principes que doivent être appréciées les règles contenues dans les directives précitées.

10. En l'espèce, les recourants demandent qu'il soit fait application, à titre exceptionnel, des art. 32 al. 3 LEtr et 55 OASA. Mais ceux-ci concernent la prolongation et le changement d'employeur dans le cadre d'une autorisation de courte durée ; or c'est une autorisation de séjour à l'année qui a été sollicitée en l'espèce et qui fait l'objet du refus ici querellé. Le grief ne peut donc qu'être rejeté, en tant qu'il n'est pas déjà sans objet, puis que la prolongation de l'autorisation de courte durée de M. A______ lui aurait permis de travailler jusqu'au 5 octobre 2009, voire tout au plus jusqu'au 5 octobre 2010 en cas de prolongation selon l'art. 32 al. 3 LEtr, ce qu'il a néanmoins pu faire jusqu'à ce jour.

11. Quant aux arguments des recourants au sujet des modalités d'application de l'art. 21 LEtr (priorité des travailleurs indigènes et européens), ils apparaissent de prime abord irrecevables, ces questions ayant déjà été tranchées par une autorité judiciaire, à savoir par la commission dans sa décision du 2 mars 2010, laquelle est entrée en force.

Cette question peut toutefois souffrir de demeurer ouverte, dès lors que le recours doit être rejeté pour un autre motif.

12. En effet, l'OCIRT a appliqué dans sa décision les directives édictées par l'ODM dans le prolongement de l'art. 23 LEtr, en ne reconnaissant pas la qualité de spécialiste ou de travailleur qualifié de M. A______.

A cet égard, il est exact que M. A______ a été engagé non pas en tant que chef de cuisine dans un restaurant spécialisé dans la cuisine africaine, comme son expérience professionnelle le lui permettrait, mais en tant qu'employé de cuisine - avec un salaire correspondant - dans un service de traiteur certes soucieux de se diversifier mais généraliste, et confiant à l'intéressé des tâches se situant pour une part importante en dehors de sa spécialité.

Sur ce point, l'application stricte des directives de l'ODM correspond à la ratio legis de l'art. 23 LEtr, et ne saurait dès lors prêter le flanc à la critique. L'OCIRT indique du reste que si M. A______ avait été engagé comme chef de cuisine dans un restaurant africain, il aurait sans doute pu bénéficier d'une autorisation d'exercer une activité lucrative.

13. Les conditions posées par les art. 18 à 25 LEtr étant, comme déjà exposé, cumulatives, le refus d'autorisation était dès lors fondé.

Partant, le recours doit être rejeté en tant qu'il est recevable.

14. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.-, correspondant à l'avance de frais effectuée, sera mis à la charge conjointe et solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu'il est recevable, le recours interjeté le 5 septembre 2011 par T______ S.A. et Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 juin 2011 ;

met à la charge de T______ S.A. et de Monsieur A______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Fox, avocat des recourants, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail ainsi qu’à l'office fédéral des migrations.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

 

 

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Goette

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 


Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.