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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4163/2009

ATA/205/2010 du 23.03.2010 ( FORMA ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4163/2009-FORMA ATA/205/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 23 mars 2010

1ère section

dans la cause

 

Madame K______

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

et

INSTITUT EUROPÉEN DE L’UNIVERSITÉ DE GENÈVE

 



EN FAIT

1. Madame K______ s’est inscrite à l’Institut européen de l’Université de Genève (ci-après : l’institut) afin d’y suivre les enseignements du programme de la maîtrise universitaire en études européennes, orientation « cultures et sociétés » depuis le semestre d’automne 2008-2009.

2. Le 7 septembre 2009, le directeur de l’institut a écrit à Mme K______ pour lui annoncer son élimination de l’institut. Elle n’avait pas obtenu la moyenne de 4 aux enseignements du tronc commun après deux tentatives et ne s’était pas présentée à des examens auxquels elle était inscrite.

3. Le 1er octobre 2009, Mme K______ a fait opposition auprès du directeur de l’institut, exposant un certain nombre de circonstances extérieures qui l’avaient pénalisée : éloignement par rapport à son lieu d’études et obligation d’exercer une activité lucrative parallèlement à ses études pour assurer le financement de celles-ci. Elle demandait que la décision d’élimination soit reconsidérée.

4. Le 19 octobre 2009, le directeur de l’institut a accusé réception de l’opposition. Il a indiqué que celle-ci avait été transmise à la commission constituée conformément à l’art. 28 al. 1 règlement relatif à la procédure d'opposition au sein de l'Université de Genève du 16 mars 2009 (RIO-UNIGE). Cette dernière avait instruit le dossier et s’était réunie le 15 octobre 2009, pour statuer. Elle avait rejeté l’opposition. Sur la base de ce préavis, il confirmait la décision d’élimination.

5. Le 19 novembre 2009, Mme K______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision susmentionnée. Elle a conclu à l’annulation de celle-ci et à ce qu’elle soit autorisée à repasser ses examens. Il lui manquait 0,1 point pour arriver à la moyenne de 4 au tronc commun. La commission avait appliqué le règlement de manière excessivement sévère.

6. Le 25 janvier 2010, le directeur de l’institut a répondu au recours, concluant à son rejet. Les conditions d’élimination étaient réalisées. Les difficultés matérielles ne constituaient pas un motif pour revenir sur cette décision, pas plus que le faible déficit de points, l’assiduité de l’intéressée aux cours n’étant pas avérée.

7. Le 1er février 2010, les parties ont été avisées que l’instruction était terminée, sous réserve de requête complémentaire à formuler au plus tard le 19 février 2010. Passé cette date, la cause serait gardée à juger en l’état. Aucune partie n’a réagi.

 

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2009, le Tribunal administratif est seul compétent pour connaître des décisions sur opposition rendues par une faculté de l’université ou par un institut universitaire (art. 56A al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 43 al. 2 de la loi sur l'Université - LU - C 1 30 ; art. 36 al. 1 du règlement relatif à la procédure d'opposition au sein de l'Université de Genève du 16 mars 2009 - RIO-UNIGE ; ATA/499/2009 du 6 octobre 2009 ; ATA/106/2009 du 3 mars 2009).

Dirigé contre la décision sur opposition du 19 octobre 2009 et interjeté dans le délai légal de trente jours (art. 36 RIO-UNIGE et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) auprès de l’autorité compétente, le recours est recevable.

2. Le 17 mars 2009, est entrée en vigueur la LU, qui a abrogé la loi sur l'Université du 26 mai 1973 (aLU) ainsi que le règlement sur l'Université du 7 septembre 1988 (aRaLU - C 1 30.06). Conformément à l'art. 46 LU, jusqu'à l'entrée en vigueur du statut de l'université, toutes les dispositions d'exécution nécessaires ont été édictées par le rectorat dans un règlement transitoire provisoire (ci-après: RT) subordonné à l'approbation du Conseil d'Etat. Ce règlement transitoire est entré en vigueur en même temps que la LU.

Les faits à l'origine de la décision sur opposition de l'université du 19 octobre 2009 s'étant produits après le 17 mars 2009, la LU et le RT sont applicables en l'espèce, de même que le RE (art. 96 al. 1 RT). Quant à la procédure d'opposition au sein de l'université, elle est soumise au RIO-UNIGE.

3. Selon l'art. 69 al. 1 LPA, la juridiction administrative chargée de statuer est liée par les conclusions des parties. En revanche, elle ne l'est pas par les motifs qu'elles invoquent.

4. Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 133 III 235 consid. 5.3 p. 250 ; Arrêts du Tribunal fédéral 5A.12/2006 du 23 août 2006 consid. 3.1 et les arrêts cités ; 1P.179/2002 du 2 septembre 2002 consid. 2.2 ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004 consid. 5b). Sa portée est déterminée en premier lieu par le droit cantonal (art. 41 ss LPA) et le droit administratif spécial (ATF 124 I 49 consid. 3a p. 51 et les arrêts cités ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.39/2006 du 3 juillet 2006 consid. 3.2). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Cst. qui s’appliquent (art. 29 al. 2 Cst. ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.39/2006 du 3 juillet 2006 consid. 3.2 et les arrêts cités ; A. AUER/ G. MALINVERNI/ M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2006, Vol. 2, 2e éd., p. 603, n. 1315 ss ; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 198). Quant à l'art. 6 § 1 CEDH, il n'accorde pas au justiciable de garanties plus étendues que celles découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. (Arrêt du Tribunal fédéral 4P.206/2005 du 11 novembre 2005 consid. 2.1 et arrêts cités).

Tel qu’il est garanti par cette dernière disposition, le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C.573/2007 du 23 janvier 2008 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/415/2008 du 26 août 2008 consid. 6a et les arrêts cités). La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de droits constitutionnels a également déduit du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée. L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 ; 133 II 235 consid. 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.571/2008 consid. 3.1 ; cf. aussi ACEDH Kraska c/Suisse du 19 avril 1993 ; ATA/ 429/2008 du 27 août 2008).

Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (Arrêts du Tribunal fédéral 1C.33/2008 du 20 mai 2008 consid. 2.1 ; 1B.255/2007 du 24 janvier 2008 consid. 2.1 et arrêts cités ; ATA/489 2008 du 23 septembre 2008 consid. 7).

En l’espèce, force est de constater que la décision ne contient aucune motivation. Le renvoi à une instruction et un préavis négatif de la commission ne peuvent en tenir lieu, puisqu’il n’est rien dit des modalités de l’une et du contenu de l’autre. Il faut relever que la Cour européenne des droits de l’Homme a récemment statué qu’il était contraire à l’art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) de ne pas soumettre à un justiciable un préavis dont le contenu est susceptible d’avoir une incidence sur le litige (ACEDH du 18 février 2010 dans la cause B______). La violation du droit d’être entendu est ainsi avérée.

5. Le droit d’être entendu, garanti expressément par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) est une garantie à caractère formel dont la violation doit en principe entraîner l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond (ATF 119 Ia 136 consid. 2b). Cette violation est toutefois réparable devant l’instance de recours si celle-ci jouit du même pouvoir d’examen des questions litigieuses que l’autorité intimée et si l’examen de ces questions ne relève pas de l’opportunité, car l’autorité de recours ne peut alors substituer son pouvoir d’examen à celui de l’autorité de première instance (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.30/2003 du 2 juin 2003 consid. 2.4 et les arrêts cités ; ATA /703/2002 du 19 novembre 2002).

En l’espèce, les explications fournies dans les écritures respectives ne peuvent permettre de réparer une violation aussi élémentaire et grave du droit d’être entendu de la recourante, ce d’autant moins que le tribunal de céans ne revoit pas l’opportunité des décisions, qui lui sont soumises, sauf exception non réalisée en l’espèce (art. 61 al. 2 LPA). En conséquence, la seule sanction possible est la nullité de la décision querellée.

6. Le recours sera admis. Le dossier sera renvoyé à l’institut pour nouvelle décision.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de l’institut. Aucune indemnité ne sera allouée à la recourante qui n’a pas pris de conclusions en ce sens et agit en personne (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 mars 2010 par Madame K______ contre la décision de l'Institut européen de l’Université de Genève du 19 octobre 2009 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision attaquée ;

renvoie la cause à l’Institut européen de l’Université de Genève pour nouvelle décision ;

met à la charge de l’Institut européen de l’Université de Genève un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame K______ ainsi qu'à l’Institut européen de l’Université de Genève et à l'Université de Genève.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste  adj. :

 

 

M. Tonossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :