Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3912/2012

ATA/635/2015 du 16.06.2015 sur JTAPI/320/2014 ( PE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3912/2012-PE ATA/635/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 juin 2015

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 mars 2014 (JTAPI/320/2014)


EN FAIT

1) Madame A______, née ______, de nationalité chinoise, est arrivée le 15 septembre 2011 à Genève, pour rendre visite à sa fille, Madame B______, née le ______, vivant à Genève avec son époux, Monsieur B______, né le ______, de nationalité suisse, et leur fillette, C______, née le ______.

Elle était au bénéfice d’un visa arrivant à échéance le 13 décembre 2011.

2) Par courrier du 17 novembre 2011, Mme et M. B______ ont sollicité pour, respectivement, leur mère et belle-mère, un permis de séjour, de courte durée conformément aux conseils de la personne qui les avait reçus le jour même à l’office cantonal de la population, devenu depuis l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM). Le visa arrivait à échéance le 13 décembre 2011.

Le 3 février 2011, Mme A______ avait perdu son mari, Monsieur D______, né le ______, victime d’une crise cardiaque. Elle se retrouvait seule à Pékin. Les premiers temps, après ce décès, avaient été extrêmement pénibles pour elle, surtout la période de Noël et le Nouvel-an chinois. Ce permis de séjour en faveur de Mme A______ devait permettre qu’elle puisse être mieux entourée pendant cette période difficile. Ils assureraient l’entier des frais de séjour.

Mme B______ produisait des fiches de salaire attestant, pour octobre 2011, d’un montant mensuel brut de CHF 5'100.-, augmenté d’une commission sur les ventes de CHF 290.-. Le salaire net s’élevait à CHF 4'336.85. Son époux était employé par E______. Son salaire mensuel brut était de CHF 9'100.-, représentant CHF 7'808.- net. Le couple produisait copie de l’acte d’achat de son appartement de 120 m2 au premier étage du _____ à Vernier, auxquels s’ajoutaient 13 m2 de loggia et une coursive de 10 m2.

3) Le 4 avril 2012, l’OCPM a sollicité des renseignements complémentaires que Mme et M. B______ ont fournis le 16 avril 2012.

Mme A______ était née le ______. Elle était arrivée à Pékin le 1er septembre 1967 et avait fait du travail administratif dans la forge industrielle de Liudaoko Zhujian à Beijing. Elle s’était mariée le 12 octobre 1969 et avait deux filles, nées respectivement ______ pour F_____ et le ______ pour Mme B______. Elle avait repris le 1er juin 1991 le travail administratif dans la verrerie de Boliyiqi à Beijing. Elle avait pris sa retraite le 1er octobre 1998. Son époux était décédé le 3 février 2011. Seule restait en Chine sa fille F______, journaliste de métier qui voyageait beaucoup entre Hong-Kong et Beijing. Sur le plan médical, Mme A______ avait une bonne santé générale. Depuis le décès de son mari, elle était déprimée et sujette à de l’hypertension. Il était initialement prévu qu’elle fasse un séjour de trois mois en Suisse. Pourtant, après les décès successifs de son frère, de son mari et de sa belle-sœur dans un laps de temps de deux ans et demi, elle ressentait une profonde déprime. Sa belle-sœur était décédée en novembre 2011, soit durant le séjour de Mme A______ à Genève. Désormais, elle vivrait seule en Chine et son état de santé psychologique était préoccupant pour sa fille et son beau-fils.

4) À compter du 16 septembre 2012, a eu lieu un échange de courriels entre Mme B______ et l’OCPM, celle-là s’étonnant des lenteurs du dossier, faisant référence à un cas similaire à celui de sa mère dans le cadre duquel un permis de séjour avait été octroyé et précisant que son appartement comprenait cinq pièces, qu’elle était propriétaire de son logement et qu’elle bénéficiait d’une situation stable et aisée. L’autre fille de Mme A______ était fréquemment en voyage, compte tenu de son activité professionnelle et n’avait pas d’enfant. Renvoyer Mme A______ revenait à la laisser vivre seule à Pékin, à 65 ans, sans mari, sans frère et sans enfants, ni petits-enfants.

5) Par décision du 11 décembre 2012, l’OCPM a refusé la demande d’autorisation de séjour.

Mme A______ ne pouvait pas prétendre aux dispositions en matière de regroupement familial, réservées au conjoint lié par un mariage ou par un partenariat fédéral enregistré et aux enfants mineurs.

L’intéressée était âgée de 64 ans, avait travaillé en Chine et avait une fille qui travaillait à Hong-Kong (Chine) en tant que journaliste. Elle était venue en Suisse au bénéfice d’un visa type C, au motif de visite familiale, ce qui supposait un engagement et une garantie de sortie de l’espace Schengen au terme de sa validité. Elle avait sollicité, une fois sur territoire helvétique, une autorisation de séjour durable aux fins de demeurer auprès de la famille de sa fille, domiciliée à Genève et détentrice d’une autorisation de séjour de type B, en vertu des dispositions en matière de regroupement familial.

La situation personnelle de Mme A______ n’était pas constitutive d’un cas d’extrême rigueur qui justifierait une dérogation aux conditions d’admission. Il était patent qu’elle avait des liens importants avec son pays d’origine où elle avait encore de la famille. Sa fille et le mari de celle-ci pouvaient, en cas de besoin, participer financièrement à sa prise en charge depuis la Suisse.

Un délai au 30 janvier 2013 lui était imparti pour quitter le territoire. La décision était exécutoire nonobstant recours.

6) Par courrier du 27 décembre 2012, Mme A______ a interjeté recours contre ledit refus d’autorisation auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Elle a conclu à ce que sa demande soit réexaminée et qu’une réponse positive y soit donnée. Elle a également conclu à la restitution de l’effet suspensif.

Le lieu de travail de sa fille aînée n’était pas fixe. Elle vivait actuellement à Hong-Kong et habitait dans le dortoir mis à disposition par son employeur. L’adresse était mentionnée. Son mari était décédé la nuit du Nouvel-an chinois, le 3 février 2011, victime d’une crise cardiaque. Aucune de ses filles n’était présente à ses côtés, l’une était à Hong-Kong et l’autre à Genève. Elle souhaitait vivre entourée de sa famille. Aucune aide financière ne pouvait remplacer cela. Ses deux filles et son beau-fils travaillaient tous à plein-temps, leur employeur ne leur offrant pas la possibilité de travailler à temps partiel. Ils n’avaient pas l’occasion d’aller à Pékin comme ils le souhaitaient. Sa fille et son beau-fils voulaient et avaient les moyens de la loger, la nourrir et assumer formellement toutes les dépenses que son séjour à Genève pouvait occasionner. Elle souffrait de néphrite chronique et de glomérulite, et avait été hospitalisée treize jours à l’hôpital Tongren dans le Dongcheng District. Elle joignait l’attestation de son hospitalisation. Elle prenait tous les jours des médicaments rénaux (Piperazine Ferulate Tablets). Elle se trouvait dans une très grande détresse psychologique, dont elle souffrait depuis le décès de son époux. Elle souffrait par ailleurs d’hypertension et son taux de cholestérol était élevé à la suite de la perte de son mari. Elle prenait des antihypertenseurs (Astra Zeneca, Aspirin Enteric Coated Tablets) tous les jours. Contrairement à ce que pensait l’OCPM, il ne lui était pas possible, à son âge et en raison de son état de santé, d’effectuer tous les trois mois la navette entre Pékin et Genève.

7) Par détermination du 10 janvier 2013, l’OCPM s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif.

8) Par décision du 15 janvier 2013, le TAPI a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif au recours et de mesures provisionnelles.

9) Par courrier du 16 janvier 2013, Mme B______ et son époux ont sollicité un permis de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité pour Mme A______.

La position de l’OCPM était inhumaine. Leur courrier avait été envoyé le 11 décembre 2012, juste avant Noël, ce qui les avait profondément affectés pendant les fêtes.

Pendant les dix ans que Mme B______ avait vécus à Genève, elle n’avait jamais demandé à sa mère de venir habiter à Genève avec sa famille, car Mme A______ vivait avec son mari. Au subit décès de celui-ci, aucune de ses filles n’était présente à ses côtés. Si Mme A______ devait être renvoyée à Pékin, il était évident qu’elle ne survivrait pas longtemps. En qualité de fille de la recourante, elle s’y opposerait par tous les moyens, refusant que sa mère décède seule à Pékin. Elle tiendrait l’OCPM pour responsable de la mort de celle-ci, qualifiant même la situation d’assassinat.

Il était erroné de dire qu’aucun certificat médical n’avait été produit. Le médecin traitant avait précisément attesté du fait que l’intéressée s’évanouissait parfois pour des raisons d’hypertension. Elle avait par ailleurs des malaises cardiaques et était incapable de prendre l’avion pour de longs trajets tout seule. L’année précédente, elle s’était évanouie le 12 août 2012. Le médecin avait aussi indiqué que la raison de l’hématurie était inconnue. Elle ne pouvait en conséquence pas être soignée de manière définitive en Chine. Malgré la médication quotidienne, sa santé s’était détériorée ces seize derniers mois à Genève.

10) Par courrier du 13 février 2013, Mme A______ a produit une attestation du département des ressources humaines d’Air China certifiant que le 15 septembre 2011, durant le vol CA 931 de Beijing à Francfort, elle ne s’était pas sentie bien et s’était évanouie. Ladite compagnie ne l’autorisait plus à effectuer un vol long courrier sans qu’elle ne soit au bénéfice d’un certificat médical l’y autorisant.

11) Par courrier du 25 mars 2013, l’OCPM, faisant suite à la décision du 15 janvier 2013 du TAPI, a imparti à l’intéressée un nouveau délai au 25 mai 2013 pour quitter le territoire helvétique.

12) Par certificat médical du 29 avril 2013, le Docteur G______, médecin traitant de l’intéressée, spécialiste FMH en médecine interne et médecin consultant aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), a attesté que Mme A______ ne « pouvait absolument pas voyager pour l’instant ».

13) Lors de l’audience du 30 avril 2013 devant le TAPI, Mme A______ a indiqué qu’elle était en bonne santé générale, sous réserve d’hypertension et de dépression. Elle était suivie depuis 1997 pour l’hypertension et prenait des médicaments depuis cette date. Elle ne suivait pas de traitement spécifique pour sa dépression, mais était affectée dans sa santé. Sa fille, entendue à titre de renseignements, a précisé qu’un médecin avait constaté le 29 avril 2013 que Mme A______ avait de l’eau dans les poumons. Une hospitalisation devrait avoir lieu rapidement en raison de son état de santé général, tel que décrit sur le certificat médical versé à la procédure le jour même.

La représentante de l’OCPM a indiqué être prête à entrer en matière sur une admission provisoire de Mme A______ si le renvoi de cette dernière ne s’avérerait pas raisonnablement exigible. Elle ne remplissait toutefois pas les conditions pour obtenir un permis en vue de suivre un traitement médical en Suisse. Les conditions pour un permis en vue de regroupement familial ou de rentier n’étaient pas remplies. Elle n’était pas opposée à la suspension de la procédure afin que Mme A______ et l’OCPM puissent faire les démarches nécessaires en vue d’une admission provisoire.

14) Par décision du TAPI du 2 mai 2013, l’instruction a été suspendue jusqu’à ce qu’il soit statué sur la question de l’admission provisoire de Mme A______.

15) Le 13 mai 2013, l’OCPM a souhaité interpeller le Dr. G______.

16) Le médecin a fait un rapport le 12 juin 2013, complété le 19 juillet 2013 et le 4 décembre 2013.

La patiente souffrait d’une hypertrophie secondaire gauche, secondaire à de l’hypertension. Elle reflétait une insuffisance cardiaque. Mme A______ présentait de l’anémie, une hypertension artérielle maligne, une insuffisance rénale, réversible mais qui pouvait récidiver, une hypertrophie d’une surcharge ventriculaire gauche avec une inversion des zones T de V1 à V5, ce qui impliquait notamment une menace d’infarctus. Les problèmes cardiaques étaient importants. La patiente présentait des syncopes probablement en raison d’arythmie cardiaque. Son insuffisance cardiaque pouvait se décompenser à tout moment, vol prolongé en avion, effort, péjoration de sa tension ou angine de poitrine. Dans son dernier rapport le médecin insistait sur un soutien moral à organiser pour la patiente. Un bilan devait être fait en Suisse au plus vite.

17) Par courrier du 29 janvier 2014, l’office fédéral des migrations, devenu depuis lors le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) a précisé quelles étaient les structures médicales à disposition en Chine dans le cas d’hypertension maligne, de cardiopathie ischémique, d’insuffisance aortique et de coronaropathie.

18) Par courrier du 3 février 2014 au TAPI, l’OCPM a conclu qu’il avait pu constater que les traitements médicaux suivis par l’intéressée pouvaient parfaitement se poursuivre dans son pays d’origine. Dans ces conditions, l’exécution du renvoi de la recourante en Chine pouvait être raisonnablement exigée. Il sollicitait la reprise de la procédure.

19) Par courrier du 24 février 2014, Mme B______ et son époux ont fait part de leur étonnement au vu de la position de l’OCPM. L’impossibilité de prendre l’avion était médicalement certifiée, selon les documents du 29 avril 2013 et du 19 juillet 2013.

Durant l’audience du 30 avril 2013, il avait été mentionné que Mme A______ pourrait prétendre obtenir un permis de type F, suggéré par le représentant de l’OCPM et repris par le juge en charge du dossier. Mme A______ était âgée de 65 ans, sa santé se détériorait toujours un peu plus. La détresse psychologique, due au fait qu’elle se savait seule en Chine en cas de retour, accentuait encore son état de faiblesse.

20) Par certificat médical du 7 mars 2014, le Dr G______ a diagnostiqué un trouble anxieux généralisé avec attaques de panique et une cardiopathie hypertensive. La patiente avait développé une attaque de panique dans l’avion en venant en Suisse en septembre 2011 avec une hypertension réactionnelle massive. Le test effort effectué le jour de l’auscultation était normal. Les angoisses et phobies s’étaient péjorées depuis son arrivée en Suisse. Elle restait cloîtrée dans son appartement, paniquait dans les ascenseurs, faisait des malaises dans les bus et avait développé une phobie massive de l’avion. Elle ne pouvait envisager psychologiquement un retour en Chine. Une prise en charge des phobies était indiquée en Suisse.

21) Par jugement du 25 mars 2014, le TAPI a rejeté le recours.

La recourante ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d’un cas de rigueur. Elle avait indéniablement conservé des attaches sociales, notamment des amis, des voisins ou des connaissances et des attaches familiales en Chine. Sa fille F______ s’y trouvait et pourrait tout à fait lui apporter de l’aide et la soutenir, quand bien même celle-ci devait effectuer des déplacements professionnels entre Hong-Kong et Pékin. En revanche, la recourante ne séjournait en Suisse que depuis deux ans et demi et ne parlait pas le français. Son comportement ne pouvait pas non plus être qualifié d’irréprochable. En effet, arrivée en Suisse le 15 septembre 2011 au bénéfice d’un visa de trois mois afin de rendre visite à sa famille, elle avait déposé une demande d’autorisation de séjour de courte durée, puis une demande d’autorisation de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité. Malgré le rejet de sa demande d’effet suspensif et la fixation d’un nouveau délai de départ, elle était demeurée en Suisse où elle séjournait sans autorisation depuis plus de deux ans. En vertu d’un certificat médical réactualisé et établi le 7 mars 2014, aucun problème de santé physique ne s’opposait au renvoi de la recourante en Chine. S’agissant de ses problèmes psychiques et des phobies, il s’agissait d’une affection dont souffraient d’innombrables personnes et qui n’était pas de nature à la mettre concrètement en danger. Cela ne justifiait en aucun cas de lui accorder une admission provisoire. La mise en place de mesures adéquates (stage de gestion de la peur en vol organisé par les compagnies d’aviation, vol avec escales, traitement médicamenteux, vol accompagné, etc. ) permettrait de pallier une éventuelle aggravation temporaire des troubles de la recourante qui pourrait prendre un vol, cas échéant, accompagnée de sa fille, pour retourner dans son pays.

22) Le 25 avril 2014, Mme A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, elle a repris les arguments précédemment développés. Elle était déterminée, avec l’aide de sa famille à Genève, à se battre pour obtenir une autorisation de séjour, seule solution possible pour qu’elle puisse continuer à vivre dignement.

23) Par réponse du 26 mai 2014, l’OCPM a conclu au rejet du recours. La recourante ne remplissait manifestement pas les strictes conditions pour l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas personnel d’une extrême gravité. Elle était arrivée en Suisse munie d’un visa de visite et ne résidait dans notre pays que depuis moins de trois ans. La durée du séjour, qui résultait d’une simple tolérance cantonale, n’était que provisoire et aléatoire. La recourante ne maîtrisait pas le français et n’établissait pas qu’elle aurait tissé des liens particulièrement étroits avec la communauté genevoise. Elle avait passé dans son pays d’origine la majeure partie de son existence et, en particulier, toute son adolescence. Une de ses filles demeurait encore en Chine. Certes, la recourante soutenait ne plus disposer d’aucune attache familiale dans son pays, ce qui était au demeurant contesté et qu’elle serait dépourvue de ressources en cas de renvoi dans sa patrie. Elle pourrait toutefois compter sur le soutien financier de sa famille résidant à l’étranger, ainsi que sur le soutien moral de la famille restée sur place, notamment sa deuxième fille, pour l’aider à se réinstaller en Chine. L’art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) n’avait pas pour but d’étendre la notion de regroupement familial à des cas non couverts par les art. 42 et ss. LEtr. Les problèmes de santé existaient bien avant l’arrivée en Suisse de la recourante. L’ensemble des traitements nécessaires était disponible en Chine. Même si les problèmes de santé étaient susceptibles d’être retenus, ils ne sauraient justifier la délivrance d’un permis humanitaire en l’absence totale d’autres facteurs déterminants pour l’admission de raisons importantes.

La recourante était en possession de documents suffisants pour rentrer dans son pays ou à tout le moins était en mesure d’entreprendre toutes les démarches nécessaires auprès de la représentation chinoise en vue de l’obtention des documents de voyage lui permettant de quitter la Suisse. Le renvoi était possible, licite et exigible.

24) Par réplique du 6 juin 2014, Mme A______ a persisté dans ses conclusions.

25) Une audience de comparution personnelle des parties s’est tenue le 15 janvier 2015.

Mme A______ a déclaré : « Mon état de santé ne s’est pas modifié depuis avril 2014. J’ai toujours des problèmes cardiaques et d’hypertension notamment. J’ai surtout des problèmes de mal de transport. Je ne peux pas supporter de longs voyages, notamment en avion et en bateau. J’ai souvent des nausées. Depuis l’an dernier, je me sens mal même pour des voyages en Suisse. A titre d’exemple, en venant aujourd’hui en bus, j’ai eu des maux de tête. Mon médecin traitant est toujours le Dr G______. Je ne le vois pas très souvent, les maux dont je souffre étant chroniques et je n’aime pas me déplacer. En 2014, je l’ai vu environ six fois. Concernant mon traitement médicamenteux, il a été légèrement modifié sans que cela ne donne de résultats concrets. J’habite toujours dans le même appartement que ma fille et mon beau-fils et que ma petite-fille. «Ma fille » qui est à Hong Kong est en fait la fille de feu mon époux. Je n’ai gardé que très peu de contacts avec elle. Nous n’avons pas de très bonnes relations. J’ai vendu le bien immobilier que j’avais en commun avec mon mari en Chine. »

Mme B______, qui assistait sa mère, a précisé que le bien immobilier en Chine avait été vendu en 2013. Sa mère avait acquis, en son propre nom, conjointement avec elle-même et M. B______, un appartement en France voisine, en juillet 2014, pour un prix de EUR 200'000.-. La totalité du produit de la vente du bien immobilier en Chine avait été investi par Mme A______ dans cet appartement. Il s’agissait d’un trois pièces, neuf, comprenant une chambre. Ils avaient décidé de le mettre en location. Cela rapportait un loyer mensuel de EUR 820.-, dont EUR 410.- en faveur de Mme A______.

Mme A______ avait participé à hauteur de CHF 50'000.- à l’acquisition, par sa fille et son beau-fils, de leur appartement à Châtelaine en 2009. Mme A______ n’était pas formellement inscrite comme propriétaire au registre foncier.

Mme B______ a précisé que sa mère n’habitait pas en France, notamment parce qu’elle avait besoin d’être assistée tant médicalement que pour les actes de la vie quotidienne. Par exemple, Mme A______ oubliait d’éteindre la cuisinière ou se trouvait dans des états de tremblements. Dans ce cas, il fallait simplement être à côté d’elle et la calmer. Les deuils qui l’avaient touchée, subitement et de façon rapprochée, l’affectaient énormément. Ça la prenait subitement. Elle s’occupait parfois de sa petite-fille. La recourante étudiait le français à la maison, bien que cela soit difficile. Elle n’allait plus aux cours depuis plusieurs mois. Elle les avait suivis pendant un mois environ, en 2013.

Mme B______ a précisé qu’elle travaillait à plein temps, tout comme son époux. Elle avait changé d’employeur depuis plus d’un an et était employée par H______ pour un salaire annuel brut de CHF 100'000.-. Les parents de M. B______ venaient régulièrement au domicile familial, tant pour s’occuper de C______, que pour partager un moment avec Mme A______ ou l’aider, notamment en cuisinant. Monsieur et Madame I______, parrain et marraine de Mme B______, faisaient de même. Plusieurs amies chinoises passaient à la maison pour la voir. Il arrivait que Mme A______ soit seule, mais ils essayaient de l’éviter.

Mme A______ a précisé qu’elle sortait très peu vu son état de santé.

L’appartement de Châtelaine était un cinq pièces, cuisine comprise. Il comprenait trois chambres, pour un total de 120 m2. Il avait été acquis neuf.

Mme A______ s’est dite d’accord que la chambre administrative interpelle le Dr G______ sur son état de santé et sa situation médicale.

Mme B______ a précisé : « qu’une nouvelle évaluation ne m’apparaît pas indispensable, l’état de santé de ma mère ne s’étant pas modifié de façon importante. Il est exact que les traitements nécessaires (à la fois médicamenteux et hospitaliers) sont disponibles en Chine. Ce qui pose problème, c’est le transport en avion, en parallèle bien évidemment de tout le volet psychologique et familial. »

Mme A______ a confirmé l’exactitude de ces derniers propos.

26) Par courrier du 16 février 2015, la chambre administrative a interpellé le Dr G______ sur l’état de santé de la recourante.

27) Par réponse du 17 mars 2015, celui-ci a rappelé son diagnostic de troubles anxieux généralisés avec attaques de panique et cardiopathie hypertensive.

Il a repris les termes de son courrier du 7 mars 2014 et n’a pas répondu aux différentes questions de la chambre administrative.

28) Par courrier du 25 mars 2015, l’OCPM a relevé que les problèmes cardiaques et d’hypertension semblaient aujourd’hui normalisés. Les phobies et angoisses, déjà existantes alors que la recourante vivait encore en Chine, ne faisaient l’objet d’aucun traitement particulier. L’intégration sociale de la recourante était inexistante. Le Dr G______ n’avait pas estimé opportun de se prononcer sur la question de savoir si la péjoration des angoisses et phobies pouvait être liée au déracinement de la patiente. La question se posait de savoir si les angoisses ou phobies de la recourante se stabiliseraient si celle-ci se retrouverait en Chine ou si elles pouvaient être stabilisées par un traitement médicamenteux, qui pourrait être éventuellement, cas échéant, suivi en Chine. Le Dr G______ ne se prononçait pas sur un éventuel retour en Chine par un autre moyen de transport que l’avion, ce qui laissait à penser que cette hypothèse était possible.

29) Par courrier du 14 avril 2015, Mme A______ a relevé que les réponses du Dr G______ étaient laconiques, les questions étant inappropriées et partisanes. Elles mettaient l’accent sur le déracinement, mais n’abordaient pas le fond du problème. Mme A______ était de santé fragile et seul un entourage aimant pouvait amoindrir ses souffrances. Ceci n’était plus possible en Chine dès lors qu’elle n’avait plus personne vers qui se tourner.

30) Par courrier du 15 avril 2015, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

31) Le 3 juin 2015, Mme B______ a transmis à la chambre administrative copie d’une correspondance du SEM, confirmant son accord avec sa naturalisation facilitée. Sans recours de l’autorité cantonale ou communale, l’intéressée serait prochainement suissesse.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l’opportunité d’une décision prise en matière de police des étrangers, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

3) La recourante reproche au TAPI d’avoir violé les dispositions applicables à l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité et conteste l’exigibilité de l’exécution de son renvoi.

4) a. Aux termes de l’art. 30 al. 1 let. b LEtr, il est possible de déroger aux conditions d’admission d’un étranger en Suisse pour tenir compte d’un cas individuel d’extrême gravité.

b. À teneur de l’art. 31 al. 1 de l’ordonnance fédérale relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA -RS 142.201), afin d’apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse par le requérant (let. b), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l'état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

Cette disposition comprend une liste exemplative de critères à prendre en considération pour la reconnaissance de cas individuels d'une extrême gravité.

c. La jurisprudence développée au sujet des cas de rigueur selon le droit en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007 (art. 13f de l’ancienne ordonnance sur les étrangers [aOLE]) est toujours d’actualité pour les cas d’extrême gravité qui leur ont succédé (ATF 136 I 254 consid. 5.3.1 p. 262). Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEtr et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 p. 207 ; ATA/770/2014 du 30 septembre 2014 ; ATA/703/2014 du 2 septembre 2014 ; ATA/531/2010 du 4 avril 2010). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 137 II 345 consid. 3.2.1 p. 348).

d. Pour admettre l’existence d’un cas d’extrême gravité, il est nécessaire que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d’existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, c’est-à-dire que le refus de soustraire l’intéressé à la règlementation ordinaire d’admission comporte pour lui de graves conséquences. Le fait que l’étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’il y soit bien intégré socialement et professionnellement et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité ; il faut encore que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger qu’il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d’origine. À cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage que l’intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 124 II 110 consid. 3 p. 113 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6628/2007 du 23 juillet 2009 consid. 5.2 ; ATA/648/2009 du 8 décembre 2009 ; Alain WURZBURGER, La jurisprudence récente du Tribunal fédéral en matière de police des étrangers, RDAF 1997 I 267 ss). Son intégration professionnelle doit en outre être exceptionnelle ; le requérant possède des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays d’origine ; ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu’elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/770/2014 précité ; ATA/703/2014 précité ; ATA/36/2013 du 22 janvier 2013 ; ATA/720/2011 du 22 novembre 2011 ; ATA/639/2011 du 11 octobre 2011 ; ATA/774/2010 du 9 novembre 2010).

5) Selon la jurisprudence, le fait de renvoyer une femme seule dans son pays d'origine où elle n'a pas de famille n'est généralement pas propre à constituer un cas de rigueur au sens de l'art. 13 let. f aOLE, à moins que ne s'y ajoutent d'autres circonstances qui rendent le retour extrêmement difficile (arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.2, et la jurisprudence citée). Un cas de rigueur peut notamment être réalisé lorsque, aux difficultés de réintégration dues à l'absence de famille dans le pays d'origine, s'ajoute le fait que l'intéressée est affectée d'importants problèmes de santé qui ne pourraient pas être soignés dans sa patrie (ATF 128 II 200 consid. 5.2 p. 209), le fait qu'elle serait contrainte de regagner un pays (sa patrie) qu'elle avait quitté dans des circonstances traumatisantes (arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 précité consid. 4.2.2, 2A.582/2003 du 14 avril 2004 consid. 3.1 et 2A.394/2003 du 16 janvier 2004 consid. 3.1), ou encore le fait qu'elle laisserait derrière elle une partie importante de sa proche parenté (parents, frères et soeurs) appelée à demeurer durablement en Suisse, avec qui elle a partagé pendant longtemps les mêmes vicissitudes de l'existence (arrêts du Tribunal fédéral 2A.92/2007 du 21 juin 2007 consid. 4.3, 2A.245/2004 précité consid. 4.2.2 et 2A.340/2001 du 13 novembre 2001 consid. 4c). Inversement, une telle séparation pourra d'autant mieux être exigée que les perspectives de réintégration dans le pays d'origine apparaîtront plus favorables (arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 précité consid. 4.2.2 et 2A.183/2002 du 4 juin 2002 consid. 3.2, et la jurisprudence citée).

6) a. Les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé (art. 64 al. 1 let. c LEtr).

b. Selon l’art. 83 LEtr, le SEM décide d'admettre provisoirement l'étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (al. 1). L'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (al. 2). L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (al. 3). L'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4).

L'art. 83 al. 4 LEtr s'applique en premier lieu aux "réfugiés de la violence", soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin. L'autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son éloignement de Suisse (ATAF 2009/52 consid. 10.1, ATAF 2008/34 consid. 11.2.2 et ATAF 2007/10 consid. 5.1).

L'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (ATAF E-6672/2013 du 22 mai 2015).

Les motifs résultant de difficultés consécutives à une crise socio-économique (pauvreté, conditions d'existence précaires, difficultés à trouver un travail et un logement, revenus insuffisants, absence de toute perspective d'avenir), ou encore, la désorganisation, la destruction des infrastructures ou des problèmes analogues auxquels chacun peut être confronté, dans le pays concerné, ne suffisent pas en soi à réaliser une mise en danger concrète selon l'art. 83 al. 4 LEtr (ATAF D-3039/2014 du 13 mai 2015). Si, dans un cas d'espèce, le mauvais état de santé ne constitue pas en soi un motif d'inexigibilité sur la base des critères qui précèdent, il peut demeurer un élément d'appréciation dont il convient alors de tenir compte dans le cadre de la pondération de l'ensemble des éléments ayant trait à l'examen de l'exécution du renvoi (JICRA 2003 n° 24 consid. 5b p. 157).

c. Selon l’art. 84 LEtr, l'admission provisoire prend fin lorsque l'intéressé quitte définitivement la Suisse, séjourne plus de deux mois à l'étranger sans autorisation ou obtient une autorisation de séjour (al. 4). Les demandes d'autorisation de séjour déposées par un étranger admis provisoirement et résidant en Suisse depuis plus de cinq ans sont examinées de manière approfondie en fonction de son niveau d'intégration, de sa situation familiale et de l'exigibilité d'un retour dans son pays de provenance (al. 5).

7) a. En l’espèce, il est question de renvoyer une femme, seule, aujourd’hui âgée de 66 ans, à la retraite depuis dix-sept ans, en Chine, où la seule famille qu’elle possède consiste dans la fille de son défunt mari, célibataire, sans enfant, journaliste, très fréquemment absente pour raisons professionnelles, domiciliée à Hong-Kong alors que la recourante vient de Pékin. La recourante a perdu subitement son époux d’une crise cardiaque le 3 février 2011, pendant une période de fêtes en Chine. Aucune de ses filles n’était à ses côtés. Pour la première fois, la recourante a sollicité de pouvoir venir en Suisse où vivaient sa fille, son beau-fils et leur fillette née en 2008. La recourante n’avait jamais au préalable sollicité une telle autorisation. À ce titre, elle ne bénéfice d’aucune intégration en Suisse et ne parle pas le français, bien qu’elle ait commencé, puis interrompu, des cours de cette langue. Sa situation diffère de récents arrêts du Tribunal administratif fédéral dans lesquels des cas de rigueur ont été admis en faveur de personnes dans des situations proches de celle de la recourante, mais où celles-là vivaient depuis plusieurs années en Suisse (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-1502/2012 du 24 mai 2013 ; C-5048/2010 du 7 mai 2012 ; C-311/2006 du 17 octobre 2008). De surcroît, la recourante ne peut se prévaloir du fait que les traitements médicaux ne seraient pas disponibles en Chine.

L’OCPM n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant de délivrer un permis de séjour pour cas d’extrême gravité, compte tenu des exigences restrictives de la jurisprudence.

b. Autre est la question de l’exigibilité du renvoi.

La détresse invoquée par la recourante depuis le décès de son époux, confirmée à de multiples reprises par sa fille et son beau-fils, est attestée médicalement puisque le médecin traitant parle de totale réclusion sur elle-même. Sa dépression a encore été aggravée par la perte subite, en novembre 2011, de sa belle-sœur, survivante du frère de la recourante, décédé en février 2009. Ainsi, en l’espace de trois ans, l’intéressée a perdu son frère, son mari et sa belle-sœur de façon subite. Ce dernier décès est intervenu précisément lorsqu’elle se trouvait en Suisse depuis deux mois seulement. La situation de la recourante s’est donc péjorée, de façon inattendue, alors qu’elle se trouvait en Suisse, au bénéfice de son visa de trois mois.

À ce titre, il est exact qu’il peut être reproché à l’intéressée de ne pas avoir respecté l’ordre juridique suisse en restant en Suisse au-delà de la durée prévue dans son visa. Cet élément doit toutefois être nuancé par le fait que le dépôt de la demande d’autorisation de séjour semble avoir été suggéré par l’OCPM lors d’un passage de sa fille en ses bureaux pour avoir des informations sur la façon dont elle pourrait soutenir sa mère et l’entourer à Genève. Il semble aussi que la recourante ne paraissait pas être venue en Suisse pour y rester, mais que le décès de ses proches a grandement contribué à la fragiliser et à amplifier sa dépression. Le fait qu’elle ne soit au préalable jamais venue en Suisse tend à confirmer qu’elle n’avait pas de projet d’immigrer en sol helvétique. Le dernier décès, survenu en novembre 2011, doit être retenu dans l’appréciation globale de la situation comme étant un facteur ayant largement pu contribuer à expliquer que le départ de Suisse, initialement prévu à l’échéance du visa, ait été reporté et a manifestement impliqué le passage de sa fille et de son beau-fils auprès de l’OCPM pour demander des conseils sur la situation difficile de la recourante.

À cela s’ajoute que la recourante a un état de santé précaire qui, sans qu’elle n’invoque qu’il ne peut être traité en Chine, lui complique, au quotidien, la vie. Des traitements médicamenteux relativement lourds sont nécessaires. Il lui arrive de perdre connaissance et son état de santé a justifié, en l’état, une interdiction de la compagnie Air China de la transporter. À ce titre, si, comme l’a retenu le TAPI, des modalités pourraient effectivement être envisageables, à l’instar de cours pour prendre l’avion ou d’un accompagnement de sa fille, l’état médical global de la recourante doit être apprécié dans le contexte général. La proposition faite par l’OCPM de la renvoyer par bateau semble matériellement possible, mais impliquerait un voyage long, en l’absence de médecin et pour lequel il n’est pas garanti qu’elle puisse être accompagnée par un proche, compte tenu notamment de la durée du voyage. Si un retour en bateau n’est pas totalement exclu, les conditions en semblent difficiles. La situation serait identique en train, le voyage durant alors plusieurs jours, sans qu’aucune garantie ne puisse non plus être donnée tant pour un accompagnement familial qu’en matière de conditions médicales.

Il sera relevé que l’absence de réponse du médecin traitant et sa manifeste méfiance à l’égard des questions de la chambre administrative est regrettable puisqu’elle aurait permis à ladite juridiction de mieux appréhender, dans ses éventuelles composantes médicales, la situation de la recourante, notamment la condition de détresse personnelle. Il ressort toutefois du dossier que l’état de santé de la recourante entrave, en l’état en tout cas, toute intégration en Suisse, à l’instar de contacts noués avec des tierces personnes, d’implication dans la vie de la cité ou dans des associations. Les troubles anxieux généralisés avec attaques de panique impliquent qu’elle semble se reclure à son domicile. Il ne peut en conséquence lui être reproché de ne pas s’être intégrée davantage à la société helvétique. Un renvoi en Chine risque concrètement d’impliquer une péjoration de cette situation. On peine à imaginer que la recourante soit apte à entreprendre de sortir seule et de se prendre en mains en Chine alors qu’elle n’y parvient pas en Suisse, même en bénéficiant de l’aide de plusieurs proches.

En cas de renvoi, elle ne dispose pas d'un véritable réseau familial en Chine susceptible de l’épauler à son retour et de favoriser sa réinstallation. Âgée de 66 ans, sortie de la vie active depuis dix-sept ans, de santé fragile, veuve depuis son départ de Chine, il lui appartiendrait alors de retrouver un logement et de s’intégrer en un nouveau lieu. Ayant vendu le bien immobilier dans lequel elle avait partagé sa vie avec feu son époux, ce dont on ne peut lui tenir rigueur, la recourante n’aurait plus en Chine de repères familiers au niveau de son logement ou de son cadre habituel. Elle serait contrainte de se sociabiliser dans un nouvel endroit, ce qu’elle n’est manifestement pas apte à faire actuellement compte tenu de son trouble anxieux généralisé avec attaques de panique et de la cardiopathie hypertensive, ainsi que des comportements de réclusion qu’elle a adoptés. La situation de la recourante, sur le plan médical, notamment, cumulée avec la situation principalement affective de celle-ci à la suite des différents décès qui l’ont éprouvée indique que l’état de l’intéressée se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique et psychique, l'intéressée se trouvant privée de tout cadre familial, isolée des siens, à l’exception de la fille de feu son mari, peu présente et indisponible pour s’occuper de sa parente.

De ce point de vue, la recourante serait assurément confrontée, en tant que personne âgée, veuve, dépressive, fortement fragilisée par les trois décès survenus récemment, à des difficultés très nettement supérieures à celles que connaissent la majorité de ses compatriotes contraints de regagner leur patrie ou restés sur place et à une très nette et rapide péjoration de sa situation et de son état de santé, son intégrité physique et psychique étant alors menacées. À cela s'ajoute qu’en sa qualité de retraitée depuis dix-sept ans, elle n’aura pas d’activité pour employer son temps et que le risque que sa dépression s’aggrave en fonction de sa solitude et de l’absence d’entourage est concret.

Compte tenu de son âge, du fait qu’elle vivait depuis le 1er octobre 1998 à la retraite, soit depuis dix-sept ans, qu’elle partageait sa vie avec son mari, décédé subitement, des décès proches subis à la même période dans sa famille, de l’absence de famille en Chine à l’exception de la fille de feu son mari, très peu disponible, de la disponibilité et de la présence de sa famille en Suisse, de son état de santé, de l’absence de possibilité de réelle réintégration dans son pays de provenance et des circonstances particulières dans lesquelles elle est venue en Suisse et, ultérieurement, a sollicité un permis de séjour, il doit être considéré que l’exécution du renvoi de la recourante ne peut pas être raisonnablement exigée.

Le fait que la recourante bénéficie d’un appui constant de sa fille et de son beau-fils qui ont pris les engagements nécessaires pour lui assurer son entretien, son logement et un environnement soutenant au quotidien, tant moralement, physiquement que matériellement, facilite encore cette solution, à l’instar du fait que la recourante est copropriétaire de deux biens immobiliers et qu’elle s’assure quelques revenus grâce au produit de la location de l’un d’entre eux.

Ainsi, compte tenu des circonstances toutes particulières et des éléments d'appréciation ci-dessus, il appert que l'exécution du renvoi de la recourante dans son pays d'origine ne peut actuellement être raisonnablement exigée, au sens de l'art. 83 al. 4 LEtr.

En conséquence, le recours doit être partiellement admis et la décision attaquée annulée en tant qu'elle prononce l'exécution du renvoi de la recourante. Le dossier est renvoyé à l’OCPM pour nouvelle décision, au sens des considérants.

8) Vu l’issue du litige, il n’est pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure n’est allouée, la recourante n’ayant pas pris de conclusions dans ce sens (art. 87 al. 2 LPA).

9) Les frais d’interprète de CHF 140.- sont laissés à la charge de l’État.

 


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 avril 2014 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 mars 2014 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 11 décembre 2012 et le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 mars 2014 en tant qu’elle prononce l’exécution du renvoi ;

renvoie le dossier à l’Office cantonal de la population et des migrations pour nouvelle décision aux sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

laisse les frais d’interprète à hauteur de CHF 140.- à la charge de l’État ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

 

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.