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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2242/2010

ATA/611/2010 du 01.09.2010 ( LOGMT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2242/2010-LOGMT ATA/611/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 1er septembre 2010

1ère section

dans la cause

 

 

 

Monsieur L______

contre

 

OFFICE DU LOGEMENT



EN FAIT

1. Monsieur L______ est locataire d’un appartement de deux pièces à l’adresse 67 rue I______ dont le loyer, de CHF 850.- par mois auquel il faut ajouter CHF 50.- de provision pour chauffage, est libre.

2. Le 17 août 2009, l'intéressé a remis à la direction du logement (ci-après : DL) une demande d’allocation de logement, dont il ressortait notamment qu’il était au chômage et qu’il avait quitté, deux ans auparavant, un autre appartement, plus cher.

3. Le 13 octobre 2009, la DL a refusé de lui accorder l'allocation sollicitée, car il n’avait pas entamé de démarches suffisantes en vue de l’obtention d’un appartement mieux adapté à sa situation financière.

4. Par courrier électronique du 20 octobre 2009, M. L______ a réclamé de la décision précitée. Afin de diminuer ses charges financières, il avait quitté un appartement de 80 m2 pour s’installer dans un logement de 30 m2 car, ayant perdu son travail, il désirait au moins conserver un logement.

5. Le 27 octobre 2009, la DL a décidé d’accorder à M. L______ une allocation de logement mensuelle de CHF 166,65.-.

Les conditions d’octroi d’une telle allocation n’étaient que partiellement réunies, car l’intéressé n’avait pas entamé de démarches en vue d’obtenir un logement moins cher.

L’allocation de logement ne serait renouvelée, après le 31 mars 2010, que si M. L______ s’inscrivait sans délai à l’office du logement et maintenait sans discontinuité sa demande par des contacts à intervalles réguliers, s’il effectuait des démarches actives en vue de trouver un logement moins onéreux auprès notamment de la gérance immobilière municipale et des régies de la place et s’il ne refusait pas de proposition concernant un appartement moins cher que celui dont il disposait actuellement.

6. Le 26 février 2010, M. L______ a sollicité le renouvellement de son allocation de logement.

A la question « avez-vous entamé des recherches actives en vue de votre relogement dans un appartement mieux adapté à votre situation financière ? », il a indiqué :

« je ne souhaite pas déménager, mon appartement me convient, je suis proche de mon travail et je devrais signer avec l’U______, devenant ainsi salarié (50%).

P.S. J’ai perdu mon frère jumeau au mois de décembre de l’année dernière, je viens de terminer les rangements de son appartement à Lausanne et ai donc beaucoup de travail dans mon logement à Genève, afin de garder certaines choses de lui, ici à la rue I______. [illisible] ».

7. Le 29 avril 2010, la DL a refusé de renouveler l’allocation de logement de M. L______, car ce dernier ne s’était pas enregistré auprès du service des demandes et d’attributions de logements, comme cela lui avait été demandé le 27 octobre 2009.

8. Le 25 mai 2010, M. L______ a saisi la DL d’une réclamation, par courrier électronique.

Il avait antérieurement, de lui-même, trouvé un appartement moins cher. Son frère était décédé à la fin de l’année précédente. Il n’avait absolument pas réalisé qu’il devait déménager et avait stocké dans son appartement les livres de feu son frère. Il était salarié de l’U______ (ci-après : U______) à 50%, depuis le début de l’année, et recevait des prestations du RMCAS car son revenu était insuffisant. Il allait s’inscrire sans délai pour trouver un autre logement.

9. Le 28 mai 2010, la DL a maintenu sa décision initiale et rejeté la réclamation.

M. L______ n’avait effectué aucune démarche en vue de trouver un appartement moins onéreux, malgré le pli du 27 octobre 2009. Il n’était toujours pas inscrit auprès du service des demandes de logements de la DL. Il ne faisait valoir aucun inconvénient majeur, au sens de la jurisprudence.

10. Le 28 juin 2010, M. L______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision sur réclamation précitée. Son salaire étant insuffisant pour répondre à ses besoins, il était toujours pris en charge par le RMCAS. Son emploi à l’U______ risquait d’être reconduit et il ne désirait pas déménager dans l’immédiat. Le décès de son frère jumeau, au mois de décembre 2009, lui avait pris beaucoup de temps et avait bouleversé sa vie. Il ne se sentait pas la force, tant physique que psychique, de déménager.

11. Le 7 juillet 2010, la DL a conclu au rejet du recours, reprenant et développant son argumentation antérieure.

12. Le 8 juillet 2010, le juge délégué à l’instruction de la procédure a accordé aux parties un délai pour formuler d’éventuelles requêtes d’actes d’instruction.

13. Le 14 juillet 2010, la DL a persisté dans ses déterminations antérieures.

14. Par courrier du 27 juillet 2010, M. L______ a persisté dans son recours. La liquidation de la succession de son frère, dont certains travaux étaient exposés au musée Rath, lui avait pris énormément de temps et d’énergie.

Son médecin lui avait recommandé d’accepter un soutien psychologique, ce qu’il avait refusé, préférant se consacrer à l’enseignement du français à l’U______ ainsi qu’à la conservation des travaux de son frère, dont il désirait préserver la mémoire.

S’il n’avait pas rempli les demandes de la DL, ce n’était pas par négligence, mais par surcharge.

15. Le 30 juillet 2010, les parties ont été informées que la procédure était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Un locataire peut être mis au bénéfice d'une allocation de logement si son loyer constitue une charge manifestement trop lourde, eu égard à son revenu et à sa fortune, et si un échange avec un logement moins onéreux ne peut se réaliser sans inconvénients majeurs (art. 39A al. 1 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 - LGL - I 4 05). Le loyer pris en considération s'entend sans les charges.

Selon l'art. 39A al. 3 LGL, le Conseil d'Etat détermine les conditions auxquelles le locataire a droit à une allocation, ainsi que le calcul de celle-ci.

En application de l'art. 22 al. 1 let. a du règlement d’exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RLGL – I 4 05.0), l'allocation de logement ne peut pas être accordée aux locataires qui, après en avoir été requis, ne justifient pas qu'un échange avec un logement moins onéreux ne peut se réaliser sans inconvénient majeur pour eux.

3. a. Les personnes qui demandent une allocation de logement doivent apporter la preuve de leurs recherches, notamment auprès d'organismes officiels, d'un appartement correspondant mieux à leur situation (ATA/236/2008 du 20 mai 2008 ).

Le tribunal de céans a déjà jugé que compte tenu de la très forte tension qui règne actuellement à Genève sur le marché du logement, il convenait de ne pas se montrer trop exigeant quant à la preuve des recherches effectuées. Ainsi, le fait de s'être inscrit auprès de l’office du logement (ci-après : OL), de fondations immobilières de droit public et de procéder à des recherches via internet pouvait être suffisant (ATA/489/2007 du 2 octobre 2007), pour autant que lesdites recherches soient documentées.

b. Le locataire doit démontrer qu'un échange avec un logement moins onéreux ne peut se réaliser sans inconvénients majeurs (ATA/542/2010 du 4 août 2010).

Constituent des inconvénients majeurs au sens de la jurisprudence du tribunal de céans, notamment l’insalubrité du logement, la cohabitation avec un ex-conjoint avec qui les relations sont devenues mauvaises, la naissance de triplés alors que l’appartement est petit ou encore le fait de ne pas pouvoir installer dans un studio le lit spécial que requiert l’état de santé d’un locataire (ATA/437/2008 du 27 août 2008 ; ATA/55/2005 du 1er février 2005).

Selon la directive administrative interprétative de l’OL, référencée sous PA/DS/013.05, il y a inconvénient majeur pour autant que les limites maximales de prix à la pièce l’an soient respectées, lorsque notamment l'ensemble du revenu provient du chômage, le locataire a des enfants à la crèche ou dans une école spécialisée, il nécessite des soins médicaux disponibles à proximité ou s'il à des parents âgés à charge.

4. En règle générale, les instructions, les circulaires et les directives administratives - ou, en d’autres termes, les ordonnances administratives - n’ont, selon la jurisprudence et la doctrine, pas force de loi et ne constituent pas du droit fédéral au sens de l’art. 49 let. a de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021 ; ATF 121 II 473 consid. 2b ; 121 IV 64 consid. 3 ; ATA/270/2006 du 16 mai 2006 ; ATA/763/2002 du 3 décembre 2002).

Si les directives, circulaires ou instructions émises par l’administration ne peuvent contenir de règles de droit, elles peuvent cependant apporter des précisions quant à certaines notions contenues dans la loi ou quant à la mise en pratique de celles-ci. Sans être lié par elles, le juge peut néanmoins les prendre en considération en vue d’assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré. Il ne doit cependant en tenir compte que si elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATF 121 II 473 consid. 2b).

Emise par l’autorité chargée de l’application concrète, l’ordonnance administrative est un mode de gestion : elle rend explicite une ligne de conduite, elle permet d’unifier et de rationaliser la pratique, elle assure ce faisant aussi l’égalité de traitement et la prévisibilité administrative et facilite le contrôle juridictionnel, puisqu’elle dote le juge de l’instrument nécessaire pour vérifier que l’administration agit selon des critères rationnels, cohérents et continus, et non pas selon une politique virevoltante du cas par cas (ATA/503/2007 du 9 octobre 2007 et les références citées).

Dans la mesure où la directive dont se prévaut en l’espèce l’autorité intimée a pour objectif de limiter l’octroi de l’aide aux seuls locataires dans l’impossibilité de déménager dans un logement moins onéreux, elle sert effectivement le but de la loi et elle peut donc être prise en considération dans l’application de celle-ci par le tribunal de céans (cf. dans ce sens ATA/236/2008 du 20 mai 2008 ; ATA7617/2008, du 9 décembre 2008 ; ATA/354/2007 du 31 juillet 2007).

5. En l'espèce, le recourant admet n'avoir effectué aucune démarche en vue de trouver un logement moins onéreux.

Il explique cette situation par le fait que, bien qu'ayant trouvé un travail à mi-temps, il est toujours pris en charge par le RMCAS ainsi que par un manque de temps, principalement lié aux démarches rendues nécessaires par le décès de son frère jumeau, le 9 décembre 2009.

Ces éléments, dont on ne peut contester qu'ils aient pu perturber le quotidien du recourant, ne peuvent toutefois expliquer que ce dernier n'ait donné aucune suite à la décision du 27 octobre 2009, qui lui accordait une allocation de logement à titre exceptionnel et précisait que son renouvellement ne pourrait avoir lieu que si M. L______ effectuait sans délai certaines démarches.

Dans ces circonstances, les conditions nécessaires au renouvellement de l'allocation accordée ne sont pas remplies, et le recours sera rejeté.

6. La procédure en matière d’allocation de logement n’est pas gratuite (art. 87 al. 1 LPA ; art. 10 a contrario du règlement sur les frais et émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - E 5 10.03). Aucun émolument ne sera toutefois mis à charge du recourant au vu de sa situation financière.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 juin 2010 par Monsieur L______ contre la décision de l'office du logement du 28 mai 2010 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur L______ ainsi qu'à l'office du logement.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

M. Tonossi

 

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :