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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1889/2010

ATA/542/2010 du 04.08.2010 ( LOGMT ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1889/2010-LOGMT ATA/542/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 4 août 2010

1ère section

dans la cause

 

Madame S______

contre

OFFICE DU LOGEMENT

 



EN FAIT

1. Madame S______ habite avec son fils R______ né en 1998, depuis le 15 septembre 2004, un appartement de quatre pièces situé dans un immeuble de type HLM à l’adresse Y______ au Grand-Saconnex. Le loyer initial annuel s’élevait de CHF 14'520.- + CHF 1'440.- de charges, soit CHF 1'210 par mois et CHF 120.- de charges. Il a été porté successivement à CHF 1'472.-, puis à CHF 1'527.-, et enfin dès le 1er février 2010 à CHF 1'625.-, les charges étant augmentées à CHF 130.-.

2. Le 12 décembre 2008, Mme S______ a adressé à la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l’instruction publique et des fonctionnaires de l’administration du canton de Genève (ci-après : CIA) une demande de logement en précisant que son loyer était trop élevé pour elle. Elle a coché la rubrique « uniquement Pommier au Grand-Saconnex tout en rajoutant « aussi au Grand-Saconnex entier, Collex-Bossy - Chambésy - Bellevue ».

3. Le 8 janvier 2009, Mme S______ a confirmé à la CIA qu’elle était à la recherche d’un autre logement car son loyer était trop élevé. Elle consultait les assurances, le Genève Home Informations (ci-après : GHI), etc.

4. Au mois de janvier 2009, Mme S______ a également adressé une demande de logement à la Gérance immobilière municipale (ci-après : GIM) ainsi qu’à la direction du logement et au secrétariat des fondations immobilières de droit public. Elle désirait rester dans la commune du Grand-Saconnex, son enfant y étant scolarisé et participant à des activités parascolaires.

5. Par décision sur réclamation du 2 juin 2009, l’office du logement (ci-après : OLO) a accordé à Mme S______, à titre exceptionnel, une allocation de logement maximale, s’élevant mensuellement à CHF 333,35, valable du 1er avril 2009 au 31 mars 2010. Eu égard au montant du loyer, charges et garage non compris, soit CHF 18'324.-, représentant CHF 4'581.- par pièce et par année, il était précisé que la prestation ne se renouvellerait pas automatiquement à l’échéance susvisée.

Dite décision est entrée en force.

6. Le 4 février 2010, Mme S______ a déposé une demande d’allocation de logement auprès de l’OLO.

Elle était au bénéfice du revenu minimum cantonal d’aide sociale (ci-après : RMCAS) servi par l’Hospice général (ci-après : l’hospice).

Au nombre des annexes, figuraient notamment une attestation de la CIA du 20 février 2009 confirmant que la demande de logement déposée par Mme S______ avait été enregistrée, un courrier du 4 mars 2009 de l’OLO accusant réception de la demande de logement déposée par Mme S______ et du fait que le dossier serait traité dans les meilleurs délais, un courrier du 12 mars 2009 de la GIM confirmant que la demande d’appartement était enregistrée dans le service et enfin une attestation de l’OLO du 17 mars 2009, aux termes de laquelle la demande de logement avait été enregistrée, l’inscription étant également valable auprès du secrétariat des fondations immobilières de droit public.

Figurait également une demande de location remplie le 28 octobre 2009 par Mme S______ à l’attention de la fondation communale du Grand-Saconnex pour le logement, précisant qu’elle souhaitait rester dans la commune du Grand-Saconnex.

Enfin, Mme S______ ayant renouvelé sa demande de logement auprès de la GIM, celle-ci avait établi une attestation le 4 février 2010 confirmant que l’intéressée était inscrite au service depuis le 12 mars 2009.

7. Par décision du 27 avril 2010, l’OLO a informé Mme S______ que les conditions d’octroi de l’allocation de logement prévues par l’art. 39A de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05) n’étaient plus remplies de sorte que l’allocation de logement serait stoppée avec effet au 1er avril 2010.

L’analyse du dossier démontrait que Mme S______ n’avait pas élargi de manière notable le secteur géographique de ses recherches comme demandé dans la décision sur réclamation du 2 juin 2009.

Dite décision indiquait la voie et le délai de la réclamation.

8. Le 4 mai 2010, Mme S______ a élevé réclamation.

Elle était une famille monoparentale, ne recevait pas d’aide de nulle part ni de pension alimentaire pour son fils et vivait avec le minimum que le RMCAS lui accordait. L’allocation de logement était essentielle et si elle était supprimée elle risquait de se retrouver avec son fils à la rue. Ce dernier était en dernière année primaire et c’était la seule raison qui l’avait poussée à postuler pour des logements situés sur la commune du Grand-Saconnex ou dans les alentours afin qu’il puisse finir sa scolarité dans de bonnes conditions. Aucune régie n’acceptait son dossier car elle avait un acte de défaut de biens. Elle regardait souvent le GHI mais hélas quand elle voyait les prix, elle n’osait même pas appeler.

Dès la prochaine demande, elle s’engagerait à élargir ses recherches au niveau de tout le canton de Genève.

Elle priait l’OLO d’étudier son dossier au plus vite afin de régler ce problème dans les meilleurs délais.

9. Par décision du 11 mai 2010, l’OLO a rejeté la réclamation retenant que l’intéressée avait fait des recherches insuffisantes en vue de trouver un logement moins onéreux en limitant ses recherches au secteur du Grand-Saconnex. De plus, la simple consultation de petites annonces dans les journaux ou sur internet était insuffisante. Il en allait de même de l’envoi d’une lettre-type à quelques régies. Référence à la jurisprudence du Tribunal administratif était faite sur ces deux points.

Les motifs qui sous-tendaient l’insuffisance des recherches de Mme S______ ne pouvaient pas être qualifiés d’inconvénients majeurs. Cette notion avait été retenue de manière restrictive par le Tribunal administratif lequel avait jugé en particulier que le désir de vouloir épargner un déménagement et un changement d’école à un enfant de quatre ans suite au divorce de ses parents n’étaient pas déterminants.

Mme S______ ne pouvait se prévaloir d’aucun inconvénient majeur au sens des dispositions légales et de la jurisprudence du Tribunal administratif.

Dite décision indiquait la voie et le délai de recours au Tribunal administratif.

10. A réception de la décision précitée, Mme S______ a adressé un courriel à l’OLO. Aux arguments précédemment exposés, elle a ajouté qu’elle n’avait reçu aucune proposition de la part de la commune du Grand-Saconnex.

11. Dans la journée du 12 mai 2010, Mme S______ a eu un échange de mail avec l’OLO, transmettant à ce dernier une réponse négative de la régie Naef au sujet d’un appartement pour lequel elle avait postulé.

L’OLO a campé sur ses positions, retenant notamment que la réponse de la régie Naef datée du 12 mai 2010 intervenait tardivement.

12. Mme S______ a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée par acte du 25 mai 2010.

Elle n’avait reçu aucune réponse ni de la CIA, ni de la GIM, ni de l’OLO, ni de sa commune. Elle n’avait pas limité ses recherches au Grand-Saconnex.

Chaque jeudi, elle consultait le GHI ainsi que le journal « Immobilier » mais sans succès. Sans emploi et à la charge de l’hospice, aucune régie n’acceptait son dossier. En 2008, elle avait connu des ennuis de santé et avait dû être hospitalisée.

Enfin, l’état de pénurie de logements régnant dans le canton de Genève rendait sa situation très difficile.

13. Dans sa réponse du 5 juillet 2010, l’OLO s’est opposé au recours et a maintenu sa position.

Certes, dans sa réclamation du 4 mai 2010, Mme S______ s’était engagée à élargir son secteur géographique de recherche d’un logement à l’ensemble du canton de Genève. Malheureusement, ce changement de disposition s’avérait trop tardif pour la présente période d’application de l’allocation de logement et démontrait, à satisfaction de droit, que les motifs susvisés relevaient de la convenance personnelle.

14. Il résulte des pièces du dossier que le 15 février 2010, la CIA a pris position sur les demandes de logement qui lui étaient adressées. Dès le 1er mars 2010 et jusqu’au 31 décembre 2010, le secrétariat de la CIA ne prend plus de nouvelles inscriptions pour des logements. Mille six cent demandes sont en suspens et chaque mois cent vingt nouvelles demandes viennent s’ajouter alors que seulement cinquante appartements se libèrent en moyenne. Actuellement, la CIA a cent trente-deux logements en cours de construction. Toutes les informations concernant la location de ces nouveaux logements seront disponibles sur notre site internet du 1er au 31 mai 2010.

15. A la demande du Tribunal administratif, Mme S______ a complété son dossier de pièces. Il résulte de plusieurs certificats médicaux qu’elle a été hospitalisée à plusieurs reprises au cours des années 2008 et 2009, ponctuées également de périodes d’incapacité de travail. Selon relevé du 9 décembre 2009, Mme S______ faisait l’objet de dix poursuites, au nombre desquelles l’Etat de Genève et la caisse maladie Intras sont créancières.

16. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Un locataire peut être mis au bénéfice d'une allocation de logement si son loyer constitue une charge manifestement trop lourde, eu égard à son revenu et à sa fortune, et si un échange avec un logement moins onéreux ne peut se réaliser sans inconvénients majeurs (art. 39A al. 1 LGL). Le loyer pris en considération s'entend sans les charges.

Selon l'art. 39A al. 3 LGL, le Conseil d'Etat détermine les conditions auxquelles le locataire a droit à une allocation, ainsi que le calcul de celle-ci.

En application de l'art. 22 al. 1 let. a du règlement d’exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01), l'allocation de logement ne peut pas être accordée aux locataires qui, après en avoir été requis, ne justifient pas qu'un échange avec un logement moins onéreux ne peut se réaliser sans inconvénients majeurs pour eux.

3. Selon la jurisprudence du Tribunal administratif, les critères qui président à l'attribution d'un logement sont différents de ceux qui sont applicables à l'octroi d'une allocation de logement et le fait de bénéficier d'un logement subventionné n'ouvre pas automatiquement le droit à l'allocation de logement (ATA/449/1999 du 5 août 1999).

L’allocation peut être refusée d’une part, si le locataire n’est pas en mesure de démontrer qu’il a entrepris des démarches suffisantes afin de trouver un appartement mieux adapté à sa situation financière et d’autre part, s’il a refusé l’échange avec un appartement moins onéreux (ATA/489/2007 du 2 octobre 2007).

4. Les personnes qui demandent une allocation de logement doivent apporter la preuve de leurs recherches, notamment auprès d'organismes officiels, d'un appartement correspondant mieux à leur situation (ATA/236/2008 du 20 mai 2008 ; ATA/19/2008 du 15 janvier 2008 ; ATA/489/2007 du 2 octobre 2007 ; ATA/892/2004 du 16 novembre 2004).

Le tribunal de céans a déjà jugé que compte tenu de la très forte tension qui règne actuellement à Genève sur le marché du logement, il convenait de ne pas se montrer trop exigeant quant à la preuve des recherches effectuées. Ainsi, le fait de s'être inscrit auprès de l’OLO, de fondations immobilières de droit public et de procéder à des recherches via internet pouvait être suffisant (ATA/489/2007 du 2 octobre 2007), pour autant que lesdites recherches soient documentées.

5. a. Le locataire doit démontrer qu'un échange avec un logement moins onéreux ne peut se réaliser sans inconvénients majeurs (ATA/236/2008 du 20 mai 2008 ; ATA/19/2008 du 15 janvier 2008 ; ATA/525/2007 du 16 octobre 2007).

b. Constituent des inconvénients majeurs au sens de la jurisprudence du Tribunal administratif, notamment l’insalubrité du logement, la cohabitation avec un ex-conjoint avec qui les relations sont devenues mauvaises, la naissance de triplés alors que l’appartement est petit ou encore le fait de ne pas pouvoir installer dans un studio le lit spécial que requiert l’état de santé d’un locataire (ATA/437/2008 du 27 août 2008 ; ATA/55/2005 du 1er février 2005). Selon la directive administrative interprétative de l’OLO, référencée sous PA/DS/013.05, il y a inconvénient majeur lorsque :

l’ensemble des revenus provient du chômage ;

un enfant est à la crèche ou dans une école spécialisée ;

des soins médicaux sont dispensés à proximité ;

des parents âgés sont à la charge du locataire.

6. En l’espèce, la recourante a prouvé qu’elle avait fait des recherches de logements moins onéreux en s’inscrivant notamment auprès de la CIA, de la GIM, de l’OLO, des fondations immobilières de droit public et enfin de la fondation communale du Grand-Saconnex pour le logement. Les premières demandes remontent à la fin de l’année 2008 et à ce moment-là Mme S______ déclarait rechercher un logement au Grand-Saconnex principalement mais également à Collex-Bossy, à Chambésy et à Bellevue. Certes, par la suite, elle a eu de la peine à étendre ses recherches au-delà du Grand-Saconnex quand bien même dans la décision sur réclamation du 2 juin 2009, l’OLO avait attiré son attention sur le fait qu’elle devait étendre le territoire de celles-là. Cela étant, il est constant que la recourante n’a reçu aucune réponse des multiples organismes auxquels elle s’est adressée. Sa situation financière précaire, le fait qu’elle soit sans travail et aux prises à plusieurs poursuites sont autant d’éléments défavorables qui rendent ses démarches plus difficiles. A cela s’ajoute la crise du logement qui sévit à Genève, qui est notoire et que le Tribunal administratif ne peut pas ignorer.

Le seul reproche qui peut être adressé à la recourante est qu’elle n’ait pas, dans toutes ses demandes de logement, élargi de manière notable le secteur géographique de ses recherches. Ce nonobstant, elle a régulièrement relancé ses demandes auprès des organismes, desquels elle n’a pas obtenu la moindre réponse. Dans la situation obérée qui est la sienne, l’on ne s’aurait sérieusement lui faire grief de ne pas s’être adressée à des régies de la place.

Cela étant, la recourante a pris l’engagement dans sa réclamation du 4 mai 2010 d’étendre ses recherches au niveau de tout le canton de Genève. Pour tardif qu’il soit, cet engagement mérite d’être pris en considération, dès lors qu’en l’occurrence ce n’est pas tant l’absence de recherches qui peut lui être reprochée que le fait que celles-ci aient été limitées.

Au vu de cet élément, le Tribunal administratif estime que le cas particulier de la recourante justifie que soit reconduit, de manière exceptionnelle, l’octroi de l’allocation de logement pour la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2011.

7. Il s’ensuit que le recours sera admis et la décision sur réclamation annulée. Le dossier sera retourné à l’OLO pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Vu l’issue du litige aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante laquelle de surcroît plaide au bénéfice de l’assistance juridique.

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 mai 2010 par Madame S______ contre la décision du 11 mai 2010 de l'office du logement ;

au fond :

l’admet ;

retourne le dossier à l’office du logement pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame S______ ainsi qu'à l'office du logement.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

M. Tonossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :