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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/830/2011

ATA/604/2011 du 27.09.2011 ( ELEVOT ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.11.2011, rendu le 07.05.2012, REJETE, 1C_500/2011
Parties : OSMANI Faruk, IMHOF David / CONSEIL D'ETAT
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/830/2011-ELEVOT ATA/604/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 septembre 2011

 

 

dans la cause

 

Monsieur David IMHOF
représenté par Me Olivier Flattet, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1. Le dimanche 13 mars 2011 a eu lieu l’élection des conseillers municipaux dans la commune de Meyrin notamment. Celle-ci compte plus de 21'000 habitants et le nombre des conseillers municipaux à élire s’élevait à trente-trois.

Par arrêté du 16 mars 2011, publié dans la Feuille d’Avis Officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le vendredi 18 mars 2011, le Conseil d’Etat a constaté les résultats du dépouillement de la commune de Meyrin, qui étaient les suivants :

Nombre de sièges

33

Electeurs inscrits

13'619

Votes enregistrés

5'043

Votes rentrés

5'019

Votes blancs

24

Votes nuls

68

2. La répartition des suffrages et des sièges était la suivante :

Parti

Suffrages

Pourcentage

Verts

21'876

14,11 %

Démocrate-Chrétien

23'062

14,88 %

UDC

19'609

12,65 %

Socialiste

28'949

18,68 %

A Gauche Toute

10'870

7,01 %

MCG

25'506

16,45 %

Libéraux-Radicaux

15'718

10,14 %

Diaspora

9'423

6,08 %

Total des suffrages valables

155'013

 

3. Pour obtenir le quorum de 7 %, un parti ou une formation devait donc avoir réuni 7 % des suffrages valables exprimés, soit 10'850,91 (7 % de 155'013).

4. La liste « A Gauche Toute » a ainsi obtenu le quorum, à raison de 10'870 suffrages représentant 7,01 %. En revanche, la liste « Diaspora », ayant réuni 9'423 suffrages valables, a été éliminée.

5. Le 23 mars 2011, Monsieur David Imhof, ressortissant suisse, né le 27 décembre 1970, habitant la commune de Meyrin, et candidat à cette élection sur la liste nommée « Diaspora », a déposé un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il avait obtenu le meilleur score électoral de la liste « Diaspora » et serait élu si le quorum de 7 % était atteint par cette formation.

Il concluait à l’annulation du scrutin, dont la légitimité avait été gravement atteinte, et à la tenue de nouvelles élections. Il demandait en outre à être dispensé de tout frais en raison de son indigence. Les 22 « voix » manquantes, et qui n’avaient toujours pas été retrouvées, représentaient environ 0,50 % des voix électorales. La liste « A Gauche Toute » ayant finalement pu atteindre le quorum avec 0,01 % des voix, cela signifiait que ce résultat avait pu être réalisé sur la base d’une seule « voix ». En conséquence, les 22 « voix » manquantes avaient toutes leur importance, puisqu’elles étaient de nature à modifier le résultat électoral pour cette formation. Il n’existait aucune certitude que les 123 votes retrouvés dans une poubelle correspondent à ceux mis dans l’urne par les meyrinoises et meyrinois. 123 « voix » représentaient près de 3 % des votes rentrés, soit presque trois fois la part manquante de la liste « Diaspora » pour atteindre le quorum. Or, la liste « Diaspora » s’était attachée au principe de la multiculturalité pour tenter de mieux représenter certaines communautés meyrinoises qui n’étaient que relativement peu, voire pas du tout, présentes au niveau des autres listes et du conseil municipal. De l’extrême gauche à l’extrême droite, ainsi que dans divers articles de presse, la liste « Diaspora » avait été critiquée en raison des convictions religieuses du recourant et de la consonance « étrangère » de la plupart des noms figurant sur cette liste. M. Imhof poursuivait ainsi : « dans ce contexte d’animosité discriminatoire et de tensions politiques, il est plausible d’imaginer que l’irrégularité dénoncée n’est pas le fruit d’une erreur mais bien d’une manipulation délibérée des bulletins de vote. Pourtant la composante de la liste Diaspora est multiculturelle et surtout multiconfessionnelle. Le programme de base avancé pour les élections municipales était strictement conforme au droit suisse et aux mœurs politiques suisses ».

6. Le Conseil d’Etat a répondu au recours le 25 mars 2011.

Le 10 mars 2011, le SVE avait reçu 3'723 votes par correspondance.

Les collaborateurs du SVE ouvraient alors chaque enveloppe grise et vérifiaient qu’elles contenaient une enveloppe bleue et une carte de vote, remplie et signée.

L’enveloppe grise était jetée. La carte de vote et l’enveloppe bleue étaient jointes par un trombone. Elles étaient alors triées par local de vote. Le code-barres de la carte de vote était saisi dans le système informatique, pour vérifier la date de naissance de l’électeur et s’assurer que celui-ci ne votait qu’une fois. Si ces informations étaient correctes, la carte de vote et l’enveloppe bleue étaient séparées et les premières étaient regroupées par tas de 50, les secondes également. Quatre tas de 50 enveloppes bleues fermées étaient conditionnés sous vide dans un cellophane, contenant ainsi 200 enveloppes bleues.

En l’espèce, dix-huit paquets de 200 enveloppes bleues, toujours fermées, avaient ainsi été confectionnés (18 x 200 = 3'600), plus un paquet de 123 enveloppes bleues (3'723 - 3'600), emballées de la même manière.

Ces 3'723 enveloppes avaient été livrées vendredi 11 mars 2011 par la police au local de vote de Meyrin dans une boîte grise. Les 950 votes par correspondance reçus par le SVE les vendredi et samedi avaient été apportés le dimanche matin au local de vote de Meyrin, par les collaborateurs du SVE.

Le dimanche matin 13 mars 2011, 370 électeurs s’étaient rendus au local de vote de Meyrin. Le total des votes enregistrés était ainsi de 5'043 (3'723 + 950 + 370).

Le prédépouillement avait débuté à 12h. La boîte contenant les bulletins de Meyrin était arrivée à 15h30 à Uni Mail, scellée par le plomb n° 0001541.

Lors de la deuxième séance du dépouillement centralisé à 16h30, il avait été annoncé une différence d’environ 150 bulletins : 5'043 votes avaient été enregistrés et 4'898 retrouvés.

La directrice du département avait ordonné de retourner dans le local de vote de Meyrin.

Après avoir fait ouvrir le local, qui était fermé à clé, un ancien conseiller administratif, accompagné de la police municipale, du concierge et d’un conseiller administratif en fonction, avaient retrouvé à l’intérieur d’un container situé dans le local de vote un paquet, sous vide, contenant les 123 enveloppes bleues toujours fermées, provenant du vote par correspondance. L’emballage en cellophane était intact. Le dépouillement s’était alors poursuivi.

Il était apparu que 24 bulletins n’avaient pu être retrouvés.

D’une manière générale, lors d’une élection ou d’une votation, il y avait toujours une différence entre les votes enregistrés (cartes de vote) et les votes rentrés (bulletins remplis), le premier chiffre étant supérieur au second. Cela s’expliquait notamment par le fait que certaines enveloppes bleues de vote étaient vides, ou n’étaient pas déposées dans l’urne, ou contenaient autre chose qu’un bulletin. Dans un tel cas, un vote ne pouvait être considéré comme « enregistré », car la carte de vote était arrivée, mais il n’y avait pas de vote « retrouvé » vu l’absence de bulletin. Cette situation pouvait s’expliquer par l’inadvertance de l’électeur, une protestation, voire une tentative, erronée, de vouloir voter blanc. Le Conseil d’Etat donnait ensuite une statistique tendant à démontrer que ce nombre de bulletins qui n’avaient pas été retrouvés se situait dans la norme lors d’autres opérations électorales.

A supposer que les 24 bulletins en question aient tous été attribués à la liste « Diaspora », celle-ci aurait obtenu 792 suffrages de plus, soit 24 x 33. Additionnés aux 9'423 suffrages récoltés par « Diaspora », ils auraient permis à celle-ci d’avoir 10'215 suffrages, ce qui était insuffisant pour atteindre le quorum fixé à 10'850 suffrages.

Pour les raisons sus-indiquées, les 123 enveloppes bleues faisant partie des 3'723 votes enregistrés par correspondance avaient été comptabilisées normalement et aucun préjudice n’en était résulté pour les électeurs de la commune de Meyrin. En conséquence, le recours devait être rejeté.

7. Le 28 mars 2011, le juge délégué a prié le Conseil d’Etat de bien vouloir lui indiquer si le fait que 24 bulletins étaient « manquants » résultait d’un calcul mathématique (5'043 - 5'019) ou s’il était établi un décompte des enveloppes bleues qui seraient vides. Si tel n’était pas le cas, pourquoi ?

8. Le 30 mars 2011, le Conseil d’Etat a précisé que la différence de 24 bulletins résultait du calcul mathématique. Aucun décompte des enveloppes de vote bleues vides n’était effectué. Ces 24 bulletins n’avaient pas été comptabilisés du tout et les 24 votes blancs mentionnés dans le tableau ci-dessus correspondaient à des votes effectivement blancs.

Il s’opposait « donc catégoriquement à toute prise en compte d’une quelconque hypothèse qui se fonderait sur un nombre de votes enregistrés supérieur à 5'043. Le cadre factuel du litige était donc nécessairement circonscrit à un maximum possible de votes enregistrés de 5'043. Il n’y avait par ailleurs aucune contestation sur la répartition et la comptabilisation des suffrages valables en l’espèce, soit 155'013 suffrages, donc sur un quorum calculé sur cette base, soit 10'851. Toute autre spéculation sur l’existence ou la portée des 24 bulletins manquants était ainsi vaine ». Enfin, les 5'019 votes rentrés, c’est-à-dire le total des bulletins de vote retrouvés, s’établissaient comme suit : 24 bulletins blancs + 68 bulletins nuls + 333 bulletins sans nom de liste + 642 bulletins Verts + 687 bulletins PDC + 585 bulletins UDC + 858 bulletins Socialistes + 314 bulletins A Gauche Toute + 764 bulletins Mouvement Citoyen Genevois + 468 bulletins parti libéral-radical  + 276 bulletins Diaspora.

9. Par arrêt du 31 mai 2011 (ATA/213/2011), la chambre administrative a déclaré recevable et rejeté le recours de M. Imhof.

10. Ce dernier ayant recouru contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral, celui-ci a admis son recours et annulé l’arrêt rendu par la chambre de céans en renvoyant à celle-ci la cause pour nouvelle décision au sens des considérants, le droit à la réplique de M. Imhof ayant été violé (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_196/2011 du 11 juillet 2011).

11. A réception de cet arrêt, le juge délégué a fixé à M. Imhof un délai au 16 août 2011 et un délai au 31 août 2011 pour le Conseil d’Etat, afin de faire valoir leurs observations.

a. Assisté d’un avocat, M. Imhof a déposé des observations le 15 août 2011, en sa qualité de candidat au conseil municipal de Meyrin, mais principalement en tant qu’électeur de cette commune.

Il contestait la validité des 123 enveloppes bleues perdues et retrouvées, de même que le nombre « des bulletins manqués. Personne n’est sûr sur le nombre exact de ces bulletins. C’est 22 ou 24 votes qui sont absents ? ». Ces enveloppes bleues fermées avaient été retrouvées dans la poubelle du local de vote. M. Imhof a produit une attestation d’un juré, présent lors du dépouillement au bureau n° 30, Madame Gisèle Khemici, selon laquelle « seul un acte délibéré peut être à l’origine de ce problème des 123 enveloppes fermées retrouvées à la poubelle du local de vote ». Elle poursuivait en ces termes : « Moi, jurée au dépouillement des votes au bureau de vote de la commune de Meyrin ne peut pas croire à ce qu’un paquet sous cellophane de 123 enveloppes contenant des bulletins de vote ait eu pu être mis à la poubelle de manière accidentelle. A l’appui de cette conviction, un paquet de 123 enveloppes pleines pèse plus d’un kilo et demi en sorte qu’il ne peut être raisonnablement placé dans une poubelle par inadvertance. De plus, la couleur bleue des enveloppes ne pouvait passer inaperçue au milieu déchets des sachets et de la cellophane qui sont transparents ».

M. Imhof contestait encore que le local des poubelles ait été fermé à clé. La plupart du temps, les containers étaient mis à l’extérieur du local, selon les photos qu’il produisait. « L’affirmation du Conseil d’Etat sur le fait que les bulletins égarés se trouvaient dans une situation de sécurité acceptable ne reflète absolument pas la vérité ». De plus, il demandait que le Conseil d’Etat précise « le chiffre exact de vote perdue, c'est-à-dire 24 ou 22 ». Selon sa détermination du 25 mars 2011, le Conseil d’Etat avait fait la démonstration que 24 bulletins manquaient sur le résultat de 5'019 votes rentrés soustrait des 5'043 votes enregistrés selon le dernier récapitulatif. « Nous comprenons que les votes rentrés sont les 4'898 votes plus les 123 bulletins retrouvés, mais 4'898 plus 123 est égal à 5'021 et non à 5’019 ». Cette anomalie dans l’établissement des faits devait être constatée. Ce vice justifiait à lui seul l’annulation du scrutin.

M. Imhof, mais également Mme Khemici et nombre d’autres électeurs, redoutaient, malgré les affirmations du Conseil d’Etat, qu’une manipulation ait été possible. Leur confiance « pour un vote libre garantie par la Constitution fédérale a (avait) bien été lésée ».

M. Imhof réfutait de même la conclusion du Conseil d’Etat selon laquelle les 123 enveloppes ayant été retrouvées, aucun préjudice n’en était résulté pour les électeurs de la commune de Meyrin, puisque le résultat du dépouillement reflétait beaucoup plus fidèlement la volonté des électeurs que si la différence avait subsisté. Or, « A Gauche Toute » avait dépassé le quorum avec un seul vote enregistré sur les 123 « votes retrouvés ». Si ces 123 votes ne disposaient pas de validité légale, cette formation n’aurait pas atteint le quorum, ce qui était de nature à changer entièrement les résultats de cette élection. C’était la raison pour laquelle il concluait à l’invalidation de ces 123 votes perdus et retrouvés d’une manière peu ordinaire. En droit, il y avait eu déni de justice formel parce que même si le résultat ne changeait pas, la procédure n’avait pas été respectée. Une irrégularité revêtant une importance déterminante dans la formation de la volonté des électeurs pouvait conduire à l’annulation du scrutin, sans que le recourant n’ait à établir un lien de causalité entre le vice ayant affecté le scrutin et les résultats de celui-ci. Les droits politiques des citoyens étaient garantis par l’art. 34 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Il suffisait que l’irrégularité ait été possible. Le cheminement sécurisé des bulletins de vote avait été sévèrement violé par la perte de 123 votes pendant une certaine durée. Aussi, la validation de ces 123 votes constituait une violation de l’art. 34 Cst., ainsi que de l’art. 3 du protocole additionnel 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ci-après : le protocole additionnel no 1 à la CEDH), que la Suisse avait signé même si elle ne l’avait pas ratifié.

Il concluait principalement, à l’invalidation des 123 votes perdus et retrouvés, à l’annulation de l’élection du conseil municipal de la commune de Meyrin du 13 mars 2011, à la constatation d’un déni de justice formel, subsidiairement, à l’annulation de l’élection pour le motif que deux conseillers du parti « A Gauche Toute » avaient été élus sur la base d’une seule voix controversée, à la constatation du chiffre exact de votes perdus, soit 24 ou 22, et à l’octroi de l’assistance judiciaire, puisqu’il était au bénéfice de l’aide sociale.

Le juge délégué a prié le conseil de M. Imhof de lui confirmer qu’élection de domicile était faite en son étude, ce que celui-ci a fait le 24 août 2011 en renvoyant le formulaire de l’assistance juridique, que le juge délégué a transmis au service compétent.

b. Le 30 août 2011, le Conseil d’Etat a conclu derechef au rejet du recours, mais à l’irrecevabilité des nouvelles conclusions du recourant, à savoir celles portant sur l’invalidation des 123 votes perdus et retrouvés (conclusion n° 1), à la constatation d’un déni de justice formel (conclusion n° 3.1) et à la constatation du chiffre exact de votes perdus (conclusion n° 4).

Le Conseil d’Etat relevait par ailleurs que la réfutation globale de l’intégralité de son écriture précédente ne permettait pas de comprendre ce qui était contesté. Il se référait aux explications qu’il avait produites sur les circonstances dans lesquelles les 123 enveloppes bleues avaient été retrouvées. Quant aux 24 bulletins manquants, il renvoyait aux ch. 58 à 65 de sa détermination du 25 mars 2011 et à son courrier du 30 mars 2011.

L’attestation écrite de Mme Khemici datée du 5 avril 2011 était une pièce nouvelle, ne comportant aucune constatation objective et dès lors dépourvue de toute valeur. Quant aux photos produites d’un container se trouvant dans la cour de l’école, rien ne permettait de savoir à quelle date elles avaient été faites. Le soir de l’élection, il avait bien fallu la présence du concierge pour accéder au local fermé dans lequel se trouvait le container. Le chiffre de 4'898 bulletins avancé par le recourant concernait les résultats provisoires, le résultat définitif des élections découlant des pièces 18 et 19, établi le lundi 14 mars 2011 après le dépouillement centralisé. Les 123 enveloppes bleues retrouvées sous plastique n’avaient pas fait l’objet d’un dépouillement particulier. Leur contenu avait été ajouté aux autres bulletins de Meyrin et il n’était donc pas possible de savoir quels bulletins étaient contenus dans ces enveloppes.

Sur le fond, le recourant n’expliquait pas quelle procédure n’aurait pas été respectée, ni quel aspect du déni de justice formel serait concerné par le comportement des autorités.

Toute manipulation du contenu des 123 enveloppes devait être exclue. Le dépouillement centralisé à Uni Mail comprenait deux saisies informatiques successives des bulletins modifiés, chacune par une paire de jurés différents. En cas de divergence entre les deux saisies, le bulletin était examiné une troisième fois par le service des divergences. Le dépouillement avait donc eu lieu régulièrement et comportait plusieurs recomptages. Le recourant ne rendait nullement vraisemblable qu’il y ait eu des irrégularités lors du scrutin municipal du 13 mars 2011.

De plus, comme le recourant l’admettait lui-même, le protocole additionnel n° 1 à la CEDH n’avait pas encore été ratifié par la Suisse et n’était par conséquent pas en vigueur.

Le recourant n’apportait aucun élément pertinent nouveau, ni aucun fait, qui pourrait éventuellement permettre de remettre en cause le décompte régulier des 123 enveloppes de vote manquantes, puis retrouvées. Quant aux autres éléments du litige examinés par la chambre de céans dans son arrêt du 31 mars 2011, notamment la différence de 24 bulletins, le recourant n’y revenait pas.

12. Cette écriture a été transmise au recourant le 31 août 2011, avec la mention que, sauf avis contraire de sa part, la cause était gardée à juger.

13. Le 5 septembre 2011, le juge délégué a encore écrit au conseil du recourant en l’informant qu’une éventuelle réaction de la part de ce dernier devait lui parvenir avant le 21 septembre 2011, ce qui n’a pas été le cas.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 - ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. A teneur de l’art. 180 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05), le recours à la chambre administrative est ouvert contre les violations de la procédure des opérations électorales, indépendamment de l’existence d’une décision. Constitue une opération électorale tout acte destiné aux électeurs et de nature à influencer la libre formation de l’expression du droit de vote (ATA/180/2011 du 17 mars 2011 ; ATA/454/2009 du 15 septembre 2009).

3. Dans sa détermination du 15 août 2011, M. Imhof a pris de nouvelles conclusions tendant à l’invalidation des 123 votes perdus et retrouvés, à la constatation d’un déni de justice formel et à la constatation du chiffre exact de votes perdus. Selon une jurisprudence constante, ces conclusions, formées au-delà du délai de recours de six jours, sont tardives, et partant irrecevables (ATA/350/2011 du 31 mai 2011 ; ATA/136/2011 du 1er mars 2011 ; ATA/81/2011 du 8 février 2011).

Quant aux nouvelles pièces produites, à savoir l’attestation datée du 5 avril 2011 signée par Mme Khemici, juré lors du dépouillement des bulletins de vote de l’élection contestée du 13 mars 2011, elle comporte des appréciations personnelles non probantes. Néanmoins, dans la première partie de cette attestation, Mme Khemici certifie que « le responsable du bureau de vote a montré les deux urnes disposées sur un chariot à l’intérieur du périmètre sécurisé. Il a ouvert ces deux urnes, alors fermées à clé, et il a sorti un sachet sous vide de 200 enveloppes de vote. Il a demandé à ce qu’un juré s’occupe de déballer les sachets sous vide comprenant quatre paquets sous cellophane de cinquante enveloppes ». Il en résulte que les enveloppes étaient bien emballées dans des sachets sous vide comprenant 4 paquets sous cellophane contenant chacun 50 enveloppes, ce qui corrobore les explications de l’intimé. A aucun moment cette personne n’a fait état du fait que ces cellophanes auraient été déchirés avant leur ouverture au local de vote.

Quant aux photos d’un container prises dans le préau de l’école, il ne peut à l’évidence s’agir de celui dans lequel les enveloppes manquantes ont été retrouvées, puisque celles-ci l’ont été, selon tous les acteurs présents le jour du scrutin, dans un container qui se trouvait dans un local fermé à clef. Les photos produites, prises à une date inconnue, ne permettent dès lors pas de rapporter la preuve contraire et ne démontrent certainement pas non plus que le jour du scrutin, le container en question aurait été à l’extérieur du bâtiment, car il n’aurait pas fallu la présence du concierge de l’école et d’un conseiller administratif en place pour ouvrir le bâtiment.

Il résulte des explications détaillées fournies par le Conseil d’Etat le 25 mars 2011 déjà que les 123 enveloppes bleues fermées ont été retrouvées dans un container du local de vote, toutes placées sous vide dans un paquet de cellophane retrouvé intact. Ces enveloppes n’ont pu être ouvertes par quiconque avant le dépouillement.

Les bulletins ont donc été décomptés de manière régulière par l’autorité intimée.

a. En revanche, il est établi et non contesté qu’une différence de 24 bulletins a été constatée entre les « votes enregistrés » et les « votes rentrés ».

Ces 24 bulletins n'ont pas été comptabilisés du tout, les 24 bulletins blancs mentionnés dans la réponse initiale du Conseil d’Etat n'étant pas ces bulletins manquants, mais des « vrais » bulletins blancs.

b. L'autorité intimée a exposé de manière convaincante qu'il existait toujours, lors des élections en particulier, une différence entre le nombre de bulletins enregistrés et celui des bulletins rentrés pour les raisons sus-indiquées. En l'espèce, ce pourcentage, qui était à Meyrin de 0,48 %, est dans la moyenne des bulletins manquants par rapport à d'autres élections. De plus, il se trouvait dans la fourchette des bulletins manquants dans d'autres communes pour cette même élection (1,02 % à Lancy, 0,47 % à Plan-les Ouates).

c. Même si ces bulletins non retrouvés avaient existé, et qu’ils aient tous été en faveur de la liste « Diaspora », cette dernière n'aurait pas obtenu le quorum pour autant, selon les calculs figurant dans la partie en fait ci-dessus, de sorte que la question de l'intérêt actuel et direct des recourants (art. 60 al. 1 let. b LPA), nécessaire jusqu'au terme de la procédure (ATF 125 V 373, cons. 1 374 ; ATA/195/2007 du 24 avril 2007), souffrira de rester ouverte.

d. Toute autre spéculation au sujet de ces bulletins est vaine.

4. Au vu des pièces produites par le Conseil d’Etat et des explications fournies par celui-ci, que le recourant se borne à mettre en doute sans apporter d’éléments concrets, il apparaît qu’aucune irrégularité de l’opération électorale n’est avérée.

5. En tous points mal fondé, le recours sera rejeté dans la mesure où il est recevable. Il ne sera pas perçu d’émolument. Vu l’issue du litige, il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure au recourant (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette dans la mesure où il est recevable le recours interjeté le 23 mars 2011 par Monsieur David Imhof contre l’arrêté du Conseil d’Etat du 16 mars 2011 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Olivier Flattet, avocat du recourant, ainsi qu'au Conseil d'Etat.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :