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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3243/2010

ATA/594/2011 du 20.09.2011 ( LOGMT ) , REJETE

Recours TF déposé le 28.10.2011, rendu le 20.06.2012, REJETE, 8C_799/2011
Descripteurs : ; DÉCISION ; AUTORITÉ COMMUNALE ; LOGEMENT SOCIAL ; INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL) ; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ; INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE
Normes : LPA.4.al1.letc ; LPA.5.letf ; LAC.48.letv ; LPA.65 ; Cst.29.al2 ; LPA.61 ; Cst.12 ; Pacte ONU I.11 ; Cst-GE.10A ; Cst-GE.10B ; Cst.8 ; Cst.9
Résumé : Rejet du recours. Des normes de rang constitutionnel ne permettent pas à un administré d'exiger une prestation positive de l'Etat, comme le maintien dans un logement social. La chambre de céans n'a pas à revoir l'ensemble de la politique du logement d'une autorité communale. Un étudiant pouvant vivre dans le logement familial ne remplit pas les conditions d'octroi d'un logement à caractère social de la ville.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3243/2010-LOGMT ATA/594/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 septembre 2011

2e section

 

dans la cause

 

Monsieur M______
représenté par Me Thierry Ulmann, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

 



EN FAIT

1. Dès le 1er janvier 2002, Monsieur M______, né le ______ 1990 a été domicilié au ______, rue Y______ à Genève dans un immeuble appartenant à la Ville de Genève (ci-après : la ville), avec son père, Monsieur O______.

2. Selon le contrat de bail conclu le 10 janvier 2005 avec la ville, soit pour elle la Gérance immobilière municipale (ci-après : la GIM), le père de M. M______ était locataire d’un logement de trois pièces au 4ème étage pour un loyer mensuel de CHF 435.-.

Il était conclu pour une durée déterminée qui commençait le 1er janvier 2005 pour se terminer trois mois après que les crédits nécessaires à la réhabilitation de l’immeuble sis ______ rue Y______ (ci-après : immeuble Y______) avaient été acceptés par le Conseil municipal de la Ville de Genève. L’attention du locataire était attirée sur le fait qu’à l’échéance dudit contrat, aucun engagement ne saurait être pris par le bailleur s’agissant de l’éventuel relogement des habitants.

3. Lors de l’audience de conciliation du 15 février 2005 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, M. O______ s’est engagé à quitter l’appartement susmentionné dans le délai indiqué. Il prenait acte qu’il ne serait pas relogé au terme du contrat de bail. Il mettrait tout en œuvre pour trouver lui-même un logement. Le procès-verbal de conciliation valait jugement d’évacuation.

4. Dès le 1er septembre 2009, seul M. M______ a demeuré dans l’appartement.

5. Le 17 septembre 2008, le Conseil municipal de la Ville de Genève a déposé une proposition en vue de l’ouverture d’un crédit de CHF 2’642’370.- destiné à la rénovation de l’immeuble Y______, parcelle N° ______, commune de Genève, section Cité (PR-653).

6. Par courrier du 13 février 2009, adressé sous les réserves d’usage à l’Association genevoise de défense des locataires ASLOCA (ci-après : l’ASLOCA), la ville a notamment confirmé qu’elle était disposée à garantir aux locataires actuels de l’immeuble Y______ leur retour dans le bâtiment après les travaux, moyennant la conclusion de baux de durée indéterminée, pour autant que chacun d’eux respecte les conditions posées par le nouveau règlement fixant les conditions de location des logements à caractère social de la ville du 18 février 2009 (ci-après : le règlement - LC 21 531), principalement les taux d’occupation et d’effort. En outre, elle invitait l’association "X______" à lui confirmer d’ici le 27 février 2009 la volonté des locataires de retirer promptement le recours interjeté contre l’autorisation de construire.

7. En date du 3 mars 2009, l’ASLOCA a informé la ville que les locataires, membres de l’association "X______" étaient disposés à retirer leur recours aux conditions proposées.

Le 5 mars 2009, sous les réserves d’usage, la ville a confirmé son accord, à condition que le recours des locataires soit préalablement retiré. Au titre des conditions acceptées, elle a en particulier précisé que la garantie du retour des locataires dans le bâtiment après les travaux se ferait selon des baux de durée indéterminée, "pour autant que chacun d’eux respecte les conditions posées par le nouveau règlement (principalement taux d’occupation et d’effort)".

8. Par décision du 6 mars 2009, la Commission cantonale de recours en matière de constructions a modifié l’autorisation de construire délivrée le 26 septembre 2000, en incluant une limitation des loyers des logements résultant de la rénovation.

9. Selon le rapport de la commission des travaux du 25 mars 2009 (PR-653 A), la proposition de crédit pour la rénovation de l’immeuble Y______ a alors été adoptée.

10. Par pli du 15 octobre 2009, M. O______ a sollicité un entretien avec la GIM afin de discuter du logement de son fils au ______ rue Y______.

11. Il ressortait de l’état locatif de l’immeuble Y______ établi au 16 octobre 2009, que quinze personnes, dont M. O______ et Monsieur L______, étaient titulaires d’un bail.

12. Le 29 octobre 2009, M. M______ a écrit à la GIM. Dans la mesure où il habitait déjà l’immeuble Y______, l’appartement qu’il occupait devait lui être attribué. Ainsi, il priait la ville de le reloger pendant les travaux ou de l’inclure dans les rocades auxquelles participaient les autres habitants de l’immeuble. Il était aussi prêt à accepter l’attribution d’un autre logement adapté à ses besoins, tout en continuant d’habiter cet appartement, sous les mêmes conditions de relocation ou rocades pendant les travaux que les autres locataires.

13. En complément de ce courrier, il a envoyé un récapitulatif de ses salaires à fin octobre 2009, le 4 novembre 2009.

14. Faisant suite à un entretien du 6 novembre 2009 avec la GIM, M. M______ a priée celle-ci, par courrier du 11 novembre 2009, de lui notifier personnellement une réponse écrite avant le 1er décembre 2009 pour lui permettre de recourir et demander des mesures provisionnelles en temps utile.

15. Par réponse du 18 novembre 2009, la GIM a indiqué qu’elle ne pouvait accéder à cette demande tendant à obtenir une décision au sens formel sujette à recours pour le motif que M. M______ n’avait pas qualité pour agir et qu’il n’était pas titulaire d’un droit. En outre, son père n’avait pas souhaité le soutien de la ville dans ses recherches de logement durant les travaux et avait trouvé, au 1er septembre 2009, un appartement de 3 pièces pour lui-même, sa compagne et le frère de M. M______. Comme ce dernier était célibataire et cherchait un appartement pour lui seul, elle ne pouvait entrer en matière sur sa demande de relogement après travaux dans l’immeuble Y______. Enfin, elle l’invitait à lui renvoyer un formulaire de demande de logement.

16. Le lendemain, M. O______ a fait part à la GIM de son souhait de retourner habiter dans l’immeuble Y______ dès la fin des travaux de rénovation.

17. Par pli du 2 décembre 2009, la GIM a constaté que M. M______ n’avait pas renvoyé le formulaire de demande de logement. Elle prenait donc acte qu’il avait renoncé à tenter de trouver à se reloger dans un logement propriété de la ville. Elle lui communiquait d’autres solutions de logement envisageables, telle que la coopérative de logements pour personnes en formation (ci-après : CIGUË).

18. Dans le prolongement de cette correspondance, le 7 décembre 2009, elle a fait savoir à M. M______ que la CIGUË avait à disposition un studio dans le quartier des Libellules pour un loyer mensuel de CHF 350.- environ. Elle indiquait les critères nécessaires pour faire acte de candidature et rappelait qu’il devait quitter l’appartement le 15 janvier 2009 (recte : 2010) au plus tard.

19. Le même jour, l’ASLOCA a informé la GIM qu’elle était chargée de la défense des intérêts de M. M______. D’après elle, le procès-verbal de conciliation du 15 février 2005 ne devait pas être pris en considération, dès lors qu’il avait été signé avant l’élaboration de la nouvelle politique de la ville en matière de logements et de rénovation d’immeubles. Le fait que M. M______ n’eût pas été personnellement locataire d’un appartement n’avait pas d’importance, comme il vivait dans l’immeuble Y______ avec sa famille depuis plus de 6 ans et ne pouvait pas être locataire en tant que mineur. Ainsi, elle la priait d’accepter qu’il reste dans le bâtiment pendant la durée des travaux moyennant des rocades et qu’il puisse ensuite rester dans un appartement, moyennant respect des conditions du nouveau règlement de la ville.

20. Par courrier du 9 décembre 2009, la GIM a considéré que le procès-verbal de conciliation du 15 février 2005 avait été signé dans la perspective de la rénovation de l’immeuble Y______. Le bail de M. O______ comprenait par ailleurs deux clauses spécifiques en ce sens. Il n’existait plus aucun appartement disponible pour M. M______ seul, après travaux, ni pour l’intégrer dans le système de rocades, durant les travaux. Elle demeurait dans l’attente de la réception du formulaire de demande de logement.

21. En date du 22 décembre 2009, M. O______ a indiqué qu’il était tout disposé, "si et seulement si un logement était attribué à [son] fils par la [ville], de renoncer à retrouver [son] appartement dans l’immeuble sis ______ rue Y______", appartement auquel il aurait droit conformément au courrier du 5 mars 2009.

22. L’ASLOCA a remis le formulaire requis à la GIM, le 14 janvier 2010. Elle a alors rappelé que son mandant ne disposait d’aucun logement et ne pouvait donc quitter l’appartement sis ______ rue Y______. Elle la priait d’examiner la possibilité de l’inclure dans le système de rocades ou de proposer à M. M______ une solution de relogement provisoire à l’extérieur de l’immeuble.

23. La GIM a confirmé à M. M______ que sa demande d’appartement avait bien été enregistrée dans son service, le 20 janvier 2010.

24. Sous la forme d’une note adressée à la GIM le 28 janvier 2010, le service des bâtiments du département des constructions de la ville a fait savoir qu’il n’avait pas pu accéder au logement de M. M______ le 18 janvier 2010, lors de l’ouverture du chantier de rénovation.

25. Par courriel du 3 février 2010, la ville a rappelé à M. M______ que le fait de rester dans les locaux de l’immeuble Y______ empêchait le bon déroulement des travaux de rénovation. Un logement de remplacement d’urgence avait été conservé pour lui depuis mi-janvier 2010.

26. Sous la plume de l’ASLOCA, M. M______ a donné son accord, le 8 février 2010, pour une proposition de relogement provisoire dans un appartement de 2 pièces sis ______ rue des E______. Il demeurait nécessaire de trouver un accord sur les modalités de son relogement définitif, puisqu’il ne pourrait pas rester dans ce nouvel immeuble, compte tenu du chantier de rénovation prévu.

Ce courrier et le courriel qui l’a suivi étant demeurés sans réponse, l’ASLOCA a prié la GIM le 25 février 2010, de bien vouloir lui indiquer quelles étaient ses intentions.

27. En date du 1er mars 2010, la GIM a répondu aux correspondances précitées. M. M______ occupait illicitement l’appartement sis ______ rue Y______. Il aurait dû le quitter le 15 janvier 2010 au plus tard, échéance correspondant au début des travaux, qui lui avait été communiquée à plusieurs reprises. Elle refusait d’entrer en matière sur la candidature de celui-ci pour la location d’un appartement dans l’immeuble Y______ après les travaux pour le motif qu’il était étudiant. Elle l’invitait en conséquence à contacter la CIGUË. Enfin, le contrat de bail pour l’appartement sis ______ rue E______ lui était remis, avec la précision qu’il était de durée déterminée jusqu’au 30 novembre 2010. L’état des lieux d’entrée était prévu pour le 9 mars 2010 et le loyer, fixé à CHF 175.- par mois dès cette date.

28. Par courrier du 9 mars 2010, la GIM a constaté que M. M______ ne lui avait pas retourné le contrat de bail signé, ni ne s’était présenté à l’état des lieux d’entrée. Sans nouvelles de sa part d’ici au 15 mars 2010, elle prendrait acte de sa renonciation et saisirait les autorités judiciaires compétentes d’une requête urgente en évacuation.

29. En réponse, le 11 mars 2010, M. M______ a contesté occuper illicitement l’appartement au ______ rue Y______. Dans le règlement de la ville, rien n’interdisait la location d’un appartement à un étudiant. Il ne louerait l’appartement au ______ rue E______ qu’à la condition que la GIM lui garantisse son retour dans l’immeuble Y______ après les travaux ou son relogement dans un appartement convenable, et que la solution de logement couvre sans interruption la durée des travaux.

30. En date du 16 mars 2010, la Conseillère administrative du département des finances et du logement de la ville a répondu qu’à défaut d’acceptation, elle mettrait définitivement fin à la phase de négociation. Elle confirmait la teneur des précédents courriers de la GIM. Le 12 mars 2010, elle avait reçu un courriel des membres de l’association "La Sauce Rousseau 14" et des habitants de l’immeuble Y______, se plaignant du retard pris dans les travaux en raison de la résistance de M. M______. Un dernier délai au 23 mars 2010 lui était accordé pour libérer l’appartement, et un autre au 19 mars 2010 pour faire parvenir le contrat de bail du ______ rue Y______ (recte : ______ rue E______) signé.

31. L’état des lieux d’entrée de l’appartement sis ______ rue E______ a été effectué le 25 mars 2010.

32. L’état des lieux de sortie de l’appartement sis ______ rue Y______ a été fait le 31 mars 2010.

33. Par courriel du 30 mars 2010, M. O______ a confirmé son retour après les travaux de rénovation dans son logement au ______ rue Y______.

34. Le 3 juin 2010, l’ASLOCA a constaté que les travaux n’avaient pas commencé, alors que l’ouverture du chantier était prévue pour le 15 janvier 2010. Elle demandait des explications au sujet de ce retard.

35. Par pli du 6 juillet 2010, M. M______ a requis de la ville qu’elle reconsidère sa décision du 16 mars 2010 portant refus d’entrer en matière sur son relogement au ______ rue Y______. Il avait le droit d’être relogé dans cet immeuble dès la fin des travaux puisqu’il était notamment à la fois étudiant et au bénéfice d’un contrat de travail à temps partiel régulier à durée indéterminée.

Les 27 juillet 2010, 10 et 30 août 2010, et 7 septembre 2010, il a rappelé la teneur de ce courrier demeuré sans réponse.

36. Selon courrier du 1er septembre 2010 adressé à la GIM, M. L______ a formulé une demande pour un appartement de 3 pièces au 4ème étage de l’immeuble Y______, après rénovation. Il précisait qu’il reprenait des études de Master en travail social pour une durée de 3 ans, depuis mi-septembre 2010.

37. En date du 14 septembre 2010, la GIM a fait suite à la demande de reconsidération du courrier du 16 mars 2010 de M. M______, au nom de Madame la Maire Sandrine Salerno. Elle maintenait la position du département le concernant, sur la base du courriel du 30 mars 2010 de son père et du courrier du 1er septembre 2010 de M. L______. C’était à bien plaire qu’elle avait accepté de le reloger dans un logement appartenant à son patrimoine immobilier et qu’elle avait entrepris des démarches en sa faveur auprès de la CIGUË. Finalement, le loyer de CHF 435.- pour l’appartement sis ______ rue Y______ correspondait à celui payé par M. O______. Ce montant avait été exigé de la part de ce dernier au titre d’indemnité pour occupation illicite. Son bail pour l’appartement sis ______ rue E______ ne pouvait être prolongé au-delà de la date d’ouverture du chantier de rénovation, laquelle était alors estimée au 1er décembre 2011.

38. Par acte du 28 septembre 2010, M.  M______ a recouru contre l’acte précité auprès du Tribunal administratif, devenu le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu préalablement à ce qu’il soit ordonné à la ville de déposer le courriel du 12 mars 2010 de l’association "X______" et des habitants de l’immeuble Y______ mentionné dans son courrier du 16 mars 2010 à l’ASLOCA, ainsi que le courrier reçu le 1er septembre 2010 de M. L______, et à ce qu’un délai pour compléter son mémoire de recours lui soit accordé. Principalement, il a conclu à la recevabilité de son recours, à l’annulation de la décision de la ville du 14 septembre 2010, à ce qu’il soit ordonné à la ville de lui attribuer un appartement de 2 pièces dans l’immeuble Y______ à la fin des travaux et d’émettre un avenant au bail daté du 1er mars 2010 concernant l’appartement sis ______ rue E______, en modifiant la clause 1 dudit bail pour qu’il ait une date d’échéance à la fin des travaux de l’immeuble Y______, et en annulant la clause particulière 2 et la remplaçant par l’obligation de la ville de le reloger dans un appartement de 2 pièces dans l’immeuble Y______, à la fin des travaux. Subsidiairement, il a conclu à l’annulation de la décision de la ville du 14 septembre 2010, à ce qu’il soit ordonné à la ville de lui attribuer un appartement à caractère social convenable dans un des immeubles de celle-ci, et d’émettre un avenant au bail daté du 1er mars 2010 portant sur l’appartement sis ______ rue des E______, en rectifiant la date d’échéance de la clause particulière en marquant qu’elle peut être estimée à ce jour au 1er décembre 2011, et en annulant la clause particulière 2 et la remplaçant par l’obligation de la ville de le reloger dans un appartement de 2 pièces dans l’immeuble Y______, à la fin des travaux.

S’agissant de la recevabilité, aussi bien l’acte du 16 mars 2010, que celui du 14 septembre 2010 de la ville étaient effectivement des décisions, compte tenu de son droit à un logement suffisant selon l’art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), 10A de la Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 (Cst-GE ; A 2 00) et 11 par. 1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 (Pacte ONU I – RS 0.103.1), justiciable par-devant les autorités compétentes. Quant au fond, il reprochait à la ville d’avoir violé son droit d’être entendu. La décision querellée avait été prise sur la base de motifs nouveaux sans qu’il ait eu accès au dossier, ni puisse se prononcer sur les éléments retenus. En outre, interpellée le 6 juillet 2010, la ville n’avait répondu que le 14 septembre 2010 afin de rendre impossible une défense raisonnable de ses intérêts. Cette décision sur reconsidération était matériellement viciée. Les arguments invoqués par la ville à l’appui de ces décisions étaient faux, certains de ceux-ci relevaient de l’arbitraire et violaient gravement les principes de la bonne foi et de l’égalité de traitement. Finalement, la ville n’avait aucunement exigé le versement d’une indemnité pour occupation illicite de sa part. Elle avait encaissé le loyer ordinaire au nom de son père pour le bail en cours jusqu’au 31 mars 2010, tout en sachant qu’il supportait ce loyer, en tous cas depuis le 29 octobre 2009. A cela s’ajoutait le fait que l’état des lieux de sortie de l’appartement sis ______ rue Y______, le mentionnait au même titre que son père en tant que locataires. A aucun moment il n’avait été question d’occupation illicite.

39. Le jour même, le recourant a également déposé une requête auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers en demandant principalement la modification du contrat de bail du 1er mars 2010 pour l’appartement sis ______ rue E______.

40. Par courrier du 27 octobre 2010, les membres de l’association "X______" ont fait savoir à la GIM qu’ils ne désiraient pas que la famille M______ réintègre l’immeuble Y______ après les travaux vu les problèmes de voisinage dont avaient souffert certains de ses voisins.

41. La ville a déposé ses observations le 29 octobre 2010. Elle s’est opposée au recours, concluant, principalement, à son irrecevabilité et à la condamnation du recourant à une amende pour témérité, et subsidiairement, à son rejet avec suite de frais et dépens.

En substance, la ville, en sa qualité de collectivité publique, n’avait aucunement l’obligation de mettre à disposition du recourant un logement issu de son patrimoine immobilier. Lorsqu’elle remettait à bail un de ses logements faisant partie de son patrimoine immobilier, en contrepartie d’un loyer, elle n’agissait pas dans l’optique d’effectuer une tâche de droit public mais bien en tant que particulier. Ainsi, les baux de ses locaux d’habitation relevaient de la compétence des juridictions civiles. La nature du litige était en conséquence du droit privé. En outre, l’art. 7 du règlement prévoyait que "les décisions d’attribution ou de refus d’attribution d’un logement à caractère social ne sont pas des décisions administratives susceptibles de recours". Enfin, le recourant, représenté par un avocat inscrit au barreau, avait agi de façon téméraire, en saisissant une autorité incompétente rationae materiae et devait être sanctionné par sa condamnation à une amende en application de l’art. 88 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

42. Par pli du 4 novembre 2010, la GIM a fait suite aux courriers du 18 octobre 2010 de M. O______. Du 12 août 2009, date de fin du contrat de bail, au 31 mars 2010, l’appartement sis ______ rue Y______ avait été formellement occupé sans droit. La présence de M. M______ dans l’immeuble au-delà du 15 janvier 2010 avait eu pour effet de nuire au bon déroulement du chantier. S’agissant de la reprise du logement en question après les travaux, elle rappelait la teneur des art. 4 al. 3 et 8 du règlement. M. M______ n’ayant jamais été titulaire d’un contrat de bail avec la ville, celle-ci n’avait jamais pris d’engagement de relogement à son égard. Les appartements faisant partie du patrimoine de logements sociaux de la ville n’étaient pas destinés à loger des étudiants puisque cette dernière y contribuait par le soutien qu’elle apportait à la CIGUË. En conclusion, elle priait le père du recourant de lui faire définitivement savoir s’il souhaitait à nouveau vivre dans l’immeuble concerné après les travaux. Dans l’affirmative, elle proposerait une réunion avec les membres de l’association "X______".

43. Le 8 novembre 2010, la ville a informé M. M______ que le chantier prévu au ______ rue E______ débuterait au début mai 2011, de sorte que celui-ci était autorisé à demeurer dans l’appartement loué jusqu’au 30 avril 2011.

44. Dans le délai imparti au 30 novembre 2010, le recourant a adressé son mémoire de réplique.

Il a alors précisé ses conclusions. Préalablement, il a demandé qu’il soit ordonné à la ville de déposer copie de tous les contrats de bail résidentiels et de tous les procès-verbaux de conciliation valant jugement d’évacuation signés par les habitants indiqués dans l’état locatif de l’immeuble Y______ du 16 octobre 2009 ; de déposer tous les documents relatifs à la planification de la date de l’ouverture du chantier de l’immeuble sis ______ rue des E______, telle que connue par celle-ci les 3 février 2010, 16 mars 2010, 1er septembre 2010, 29 septembre 2010 et 29 octobre 2010 ; et de déposer tous les accords intervenus entre celle-ci et les habitants portant sur leur logement pendant les travaux et l’attribution de logements de l’immeuble sis ______ rue E______ à la fin des travaux. Sur le fond, il a conclu subsidiairement, à l’annulation de la décision de la ville du 14 septembre 2010, à ce qu’il soit ordonné à la ville de lui attribuer un appartement de 2 pièces dans l’immeuble sis ______ rue E______ à la fin des travaux, et d’émettre un avenant au bail daté du 1er mars 2010 concernant l’appartement sis ______ rue E______, en rectifiant la date d’échéance de la clause particulière en marquant qu’elle peut être estimée à ce jour au 1er décembre 2011, et en annulant la clause particulière 2 et la remplaçant par l’obligation de la ville de le reloger pendant les travaux dans un appartement de 2 pièces dans l’immeuble Y______ et, à la fin des travaux, en lui attribuant un appartement de 2 pièces dans l’immeuble sis ______ rue E______. Plus subsidiairement, il a demandé l’annulation de la décision de la ville du 14 septembre 2010, qu’il soit ordonné à la ville de lui attribuer un appartement à caractère social convenable dans un des immeubles de la ville, et d’émettre un avenant au bail daté du 1er mars 2010 concernant l’appartement sis ______ rue E______, en rectifiant la date d’échéance de la clause particulière en marquant qu’elle peut être estimée à ce jour au 1er décembre 2011, et en annulant la clause particulière 2 et la remplaçant par l’obligation pour la ville de le reloger dans un appartement à caractère social convenable dans un des immeubles de la commune.

Pour le surplus, il a développé les arguments déjà soulevé dans son recours. Il a notamment précisé que la ville soutenait à tort que le présent litige relève du pur droit privé, les logements concernés in casu étant des logements sociaux régis par le droit public. Ainsi, "l’accord global du 5 mars 2009" garantissait bien aux habitants, dont le recourant, le droit de retourner dans l’immeuble Y______ après travaux et d’être relogé pendant les travaux. Le règlement fixant les conditions de location des logements à caractère social de la ville était incorporé dans cet accord puisque le droit d’être logé et relogé était garanti pour autant que chaque habitant en remplisse les conditions. En outre, l’exclusion des étudiants des immeubles à caractère social de la ville était dépourvue de toute base légale, a fortiori l’exclusion des étudiants dont le statut était mixte, à savoir qui disposaient des revenus de leur propre travail, d’allocations d’études et d’allocations familiales.

45. Le 11 février 2011, la ville a déposé sa duplique en persistant dans ses conclusions.

Elle a notamment rappelé que le droit privé étant applicable, ses courriers des 16 mars 2010 et 14 septembre 2010 ne constituaient pas des décisions au sens de l’art. 4 al. 1 LPA. Les art. 12 et 41 al. 1 let. e Cst., et 10B Cst-GE ne conféraient pas un droit au logement ni un droit au relogement. Quant à l’art. 11 Pacte ONU I, le Tribunal fédéral ne lui reconnaissait pas une valeur de droit justiciable. Concernant "l’accord global du 5 mars 2009", il s’agissait d’un engagement sous seing privé, et non pas d’une transaction judiciaire, d’un jugement opposable à tout tiers, ou encore moins d’une décision. Ce courrier n’était pas une novation de la transaction judiciaire du 15 février 2005, valant jugement d’évacuation. Finalement, les décisions de la commission d’attribution des logements à caractère social n’étaient pas sujettes à recours vu que le respect de la liberté contractuelle lui était également donné.

46. Par la suite, soit le 22 mars 2011, le recourant a déposé une requête d’instruction complémentaire. Il sollicitait en particulier la comparution personnelle des parties et l’ouverture des enquêtes, afin de faire entendre huit témoins.

47. La cause a été gardée à juger le 12 juin 2011, ce dont les parties ont été informées.

48. Par courrier du 31 mai 2011, M. M______ a adressé un chargé de pièces complémentaire, comprenant des documents qui avaient été portés à sa connaissance le 30 mai 2011.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l’ensemble des compétences jusqu’alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ).

2. Selon l’art. 56A al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (aLOJ) dans sa teneur au 31 décembre 2010, le recours au Tribunal administratif est ouvert contre les décisions des autorités administratives, au sens des art. 4, 5, 6 al. 1er let. d et 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - dans sa teneur au 31 décembre 2010), sauf exception prévue par la loi.

La voie de recours fondée sur cette disposition présuppose l’existence d’une décision.

3. a. Au terme de l’art. 4 al. 1 let. c LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal, ayant pour objet, notamment de rejeter des demandes tendant à créer des droits ou des obligations.

b. A teneur de l’art. 1 al. 1 du règlement fixant les conditions de location des logements à caractère social de la ville, le parc immobilier de celle-ci comprend des logements à caractère social et, en raison de leurs particularités, des logements à loyer libre. Par la mise à disposition de ces logements, la commune réalise la mission d’intérêt public que la loi lui confie, d’encourager par des mesures appropriées la réalisation de logements – en location ou en propriété – répondant aux besoins reconnus de la population. Le règlement précité constitue ainsi une règle de droit public. La décision d’attribution d’un logement à caractère social relève donc exclusivement du droit public, même si le contrat signé consécutivement entre la ville et le locataire obéit aux règles du droit privé, ainsi qu’il ressort des art. 15 et 18 du règlement. On trouve cette construction à deux niveaux dans d’autres domaines du droit, comme par exemple dans les marchés publics, où la décision d’attribution du marché, qui relève du droit public, est clairement séparée du contrat signé entre l’adjudicateur et l’adjudicataire qui ressortit au droit privé (P. MOOR, Droit administratif, vol. 2, Berne 2002, p. 430, n. 3.3.3).

En l’espèce, le refus de la Conseillère administrative en charge du département des finances et du logement de la ville du 16 mars 2010 de louer un appartement dans l’immeuble Y______ au recourant constitue une mesure individuelle et concrète prise par une autorité administrative (une autorité communale au sens de l’art. 5 let. f LPA), qui rejette une demande tendant à créer des droits et des obligations (demande d’attribution d’un logement à caractère social). Ce refus se fonde sur le règlement précité adopté par le Conseil administratif de la ville sur le fondement de l’art. 48 let. v de la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 (LAC - B 6 05) qui constituent du droit public communal, comme exposé ci-dessus. Il se base en particulier sur une lecture a contrario des art. 13 et ss du règlement fixant les conditions de location des logements ayant trait au revenu familial et la détermination de celui-ci (art. 14 du règlement, sur les conditions de location des logements). Le courrier du 14 septembre 2010 de la GIM, adressé à la suite de la demande de reconsidération du recourant et sur demande de la Maire de la ville, confirme le refus précité du département des finances et du logement de la ville. Il est donc également une décision.

Le refus opposé au recourant le 14 septembre 2010 à la suite de sa demande de reconsidération est ainsi incontestablement une décision au sens de l’art. 4 LPA.

Seuls les aspects ressortissant au droit public seront toutefois examinés en l’espèce. La chambre de céans examinera seulement sur la question de l’attribution d’un logement à caractère social, le recourant ayant par ailleurs déposé une requête auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers en date du 28 septembre 2010.

4. Aucun des courriers des 16 mars 2010 et 14 septembre 2010 de l’intimée n’indiquant une voie de droit, il faut admettre que le recours du 28 septembre 2010 qui porte sur la confirmation du refus d’attribution d’un logement à caractère social du 14 septembre 2010 est recevable.

5. En outre, en tant que destinataire de la décision, le recourant dispose de la qualité pour recourir (art. 60 let. b LPA).

6. Selon l’art. 65 al. 1 LPA, l’acte de recours contient sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant.

L’absence de conclusions au sens de ce qui précède ne peut être réparée que dans le délai de recours. Hors ce délai, le fait d’être autorisé à compléter une écriture de recours (art. 65 al. 3 LPA) ne permet pas de suppléer au défaut de conclusions (ATA/153/2010 du 9 mars 2010 et les références citées).

Dans son mémoire de réplique du 30 novembre 2010, le recourant, représenté par un mandataire professionnellement qualifié, a pris de nouvelles conclusions et en partie modifié celles indiquées dans ses premières écritures. Au vu des principes précités, il ne sera tenu compte que des conclusions initiales du recourant, soit celles prises dans l’acte de recours.

Par ailleurs, le recourant conclut notamment à ce que la chambre de céans ordonne à la ville d’émettre un avenant au bail du 1er mars 2010 portant sur l’appartement sis ______ rue E______. Ces éléments ayant trait au droit du bail à loyer, il n’appartient pas à la chambre de céans de statuer en la matière, en ordonnant la modification d’un contrat soumis au droit privé.

Il résulte de ce qui précède que la chambre de céans se prononcera uniquement sur les conclusions du recourant visant les aspects procéduraux de la présente cause, l’annulation de la décision de la ville du 14 septembre 2010 et l’attribution d’un appartement de 2 pièces dans l’immeuble Y______ à la fin des travaux de rénovation ou d’un logement à caractère social convenable dans un des immeubles de la ville.

7. Le recourant considère que son droit d’être entendu a été violé, la décision attaquée ayant été prise sur la base de motifs nouveaux sans qu’il ait eu accès au dossier et puisse se prononcer sur les éléments retenus. Il requiert également la production de divers documents.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; 127 III 576 consid. 2c p. 578 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_573/2007 du 23 janvier 2008 consid. 2.3). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; 130 I 425 consid. 2.1 p. 428 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_402/2008 du 27 juin 2008 consid. 3.2 ; 2P.205/2006 du 19 décembre 2006 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008).

En l’occurrence, le recourant a bénéficié d’un délai supplémentaire d’un mois pour répliquer et produire des pièces complémentaires, conformément à sa demande lors du dépôt de son recours. Les parties ont pu développer amplement leurs arguments et se déterminer sur tous les éléments pertinents du dossier, un double échange d’écritures ayant été ordonné. Le droit d’être entendu du recourant a ainsi été réparé. En outre, la chambre de céans renoncera à procéder aux actes d’instruction requis par le recourant. Elle estime le dossier en l’état d’être jugé vu l’instruction opérée et les considérations qui vont suivre.

Par ailleurs, la cause ayant été gardée à juger le 12 mai 2011, les pièces produites par le recourant le 31 mai 2011 l’ont été tardivement. Elles seront donc écartées du dossier.

8. Selon l’art. 61 LPA, le pouvoir d’examen de la chambre administrative se limite à la violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA). La chambre de céans ne peut ainsi pas revoir l’opportunité de la décision litigieuse (art. 61 al. 2 LPA).

9. a. Faisant valoir son droit à un logement suffisant, le recourant se prévaut tout d’abord de l’art. 11 par. 1 Pacte ONU I, ainsi que l’art. 10A Cst-GE concernant le droit au logement, adopté le 11 mai 1989 et devenu l’art. 10B Cst-GE le 21 décembre 2010, à teneur duquel le droit au logement est garanti (al. 1er), et qui contraint l’Etat et les communes a mené une politique sociale du logement, notamment par la construction et le subventionnement de logements avec priorité aux habitations à bas loyers (al. 3 let. b), ainsi que par des mesures propres à éviter que des personnes soient sans logement, notamment en cas d’évacuation forcée (al. 3 let. g).

Par ailleurs, il invoque l’art. 12 Cst. à teneur duquel quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

b. Selon la jurisprudence et la doctrine, les normes de rang constitutionnel peuvent consister en des dispositions-programmes, soit en l’affirmation de principes (ATF 112 Ia 282 consid. 6b p. 289) ; de telles normes servent à définir quelle devra être l’action des pouvoirs publics dans le domaine considéré (eodem loco). Il s’agit ainsi de buts sociaux, qui ne peuvent pas être invoqués directement devant les tribunaux, mais s’adressent en premier lieu aux autorités législatives, qui doivent s’efforcer de les réaliser (A. AUER, G. MALINVERNI et M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2000, volume II, p. 677-683).

Ainsi, aucune de ces dispositions ne permet à un administré d’exiger de l’Etat une prestation positive, comme le maintien dans un logement donné (ATA W. du 10 juin 2003).

c. S’agissant en particulier de l’art. 12 Cst., le droit constitutionnel fédéral ne garantit que le principe du droit à des conditions minimales d’existence ; il appartient ainsi au législateur fédéral, cantonal et communal d’adopter des règles en matière de sécurité sociale qui ne descendent pas en dessous du seuil minimum découlant de l’art. 12 Cst. mais qui peuvent aller au-delà (Arrêts du Tribunal fédéral 2P_318/2004 du 18 mars 2005 consid. 3 ; 2P_115/2001 du 11 septembre 2001, consid. 2a ; ATA/419/2009 du 25 août 2009).

En droit genevois, depuis le 19 juin 2007, c’est la de loi sur l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LASI – J 4 04) qui concrétise l’art. 12 Cst. (ATA/368/2010 du 1er juin 2010 et les réf. citées).

En l’espèce, le recourant ne peut donc tirer aucun argument de l’art. 12 de la constitution fédérale, pas plus que de l’art. 10B de la constitution cantonale, dès lors qu’il ne s’agit pas de normes au contenu suffisamment précis pour qu’elles puissent être invoquées directement devant les tribunaux, mais de dispositions programmatiques, qui visent à conduire l’action des pouvoirs publics.

Il méconnaît que le Pacte ONU I contient une série de droits qui ont un contenu programmatique et qui ne confèrent pas de droits directement aux particuliers, lesquels ne peuvent s’en prévaloir directement devant le juge (ATF 121 V 246, 250 ; 121 V 229, 233 ; 120 Ia 1, 10 = JT 1996 I 627). Cela étant, une éventuelle violation dudit pacte ne saurait être constatée, dès lors qu’un logement dans le quartier des Libellules à Genève a été proposé au recourant, par l’intermédiaire de la CIGÜE.

10. Il n’appartient pas non plus à la chambre administrative de revoir l’ensemble de la politique du logement de l’autorité intimée, de sorte que le débat judiciaire est circonscrit à l’examen de la conformité au droit de la décision rendue le 14 septembre 2010 par la GIM.

11. Dans ce contexte, la validité formelle de la décision attaquée mérite d’être examinée.

12. Selon l’art. 2 du règlement, la GIM sur délégation du Conseil administratif gère l’ensemble des logements à caractère social de la ville.

La directive relative à l’attribution des logements à caractère social de la ville du 18 février 2009 (ci-après : la directive) précise notamment que la GIM ne retient que les candidat-e-s remplissant les conditions d’octroi des logements prévues par l’art. 4 al. 1 et 2 du règlement. En application de l’art. 4 al. 4 du règlement, des dérogations peuvent être octroyées par la GIM lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient.

En l’espèce, la décision du 16 mars 2010 a été rendue par la Conseillère administrative en charge du département des finances et du logement de la ville. Celle du 14 septembre 2010 a été prise sur demande de reconsidération du recourant par la GIM. Cette dernière a alors informé le recourant que le département des finances et du logement maintenait son refus tel qu’exprimé dans le courrier du 16 mars 2010 de la Conseillère administrative en charge de celui-ci.

Par conséquent, il y a lieu de constater que la GIM était compétente pour rendre la décision attaquée.

13. S’agissant de la validité matérielle de la décision, il s’agit de savoir si le recourant peut prétendre à l’attribution d’un logement à caractère social, dans l’immeuble Y______ à la fin des travaux de rénovation ou dans un des bâtiments de la ville.

Le recourant expose que la décision attaquée est matériellement viciée. Les arguments invoqués par la ville à l’appui de ses décisions seraient faux, certains de ceux-ci relèveraient de l’arbitraire et violeraient gravement les principes de la bonne foi et de l’égalité de traitement. L’exclusion des étudiants des immeubles à caractère social est dépourvue de toute base légale, a fortiori l’exclusion des étudiants dont le statut est mixte, à savoir ceux disposant d’un revenu, d’allocations d’études et d’allocations familiales.

Au contraire, la ville considère que même celles et ceux qui satisfont à toutes les conditions du règlement d’attribution d’un logement à caractère social n’ont aucun droit au logement ou au relogement. Dans le cadre des échanges de correspondance avec le recourant, en particulier dans son courrier du 1er mars 2010, elle a précisé qu’elle refusait d’entrer en matière sur la candidature du recourant pour le motif qu’il était étudiant et l’avait ainsi invité à contacter la CIGUË.

14. a. Le règlement prévoit que toute personne qui désire louer un logement à caractère social doit s’inscrire au préalable auprès de la GIM, en remplissant un formulaire d’inscription (art. 3 al. 1 du règlement). L’inscription du demandeur n’est effective que lorsqu’il a fourni les documents requis par la GIM et mentionnés sur le formulaire en question. Dans les cas de rigueur, il peut exceptionnellement y être dérogé (art. 3 al. 2 du règlement).

Pour obtenir en location un logement à caractère social, le candidat doit remplir les conditions cumulatives suivantes : avoir résidé à Genève pendant au minimum 2 ans au cours des 5 années précédant son inscription, avoir son domicile fiscal dans le canton de Genève, ne pas bénéficier d’exonérations fiscales pour plus de la moitié du revenu familial, et le logement sollicité doit être son domicile principal, ainsi que celui de toutes les personnes faisant ménage commun avec lui (art. 4 al. 1 du règlement). Il ne peut être attribué de logement à caractère social lorsque le candidat ou l’une des personnes faisant ménage commun avec lui est propriétaire d’un bien immobilier répondant à ses besoins dans le canton de Genève ou sa région, lorsque la proximité de celui-ci permettrait d’y résider (art. 4 al. 2 du règlement).

L’art. 5 al. 1 du règlement ajoute qu’en règle générale, il est attribué un logement à caractère social d’au maximum une pièce de plus que le nombre d’occupants lorsque l’appartement est occupé par un couple, et de deux pièces de plus, lorsque l’appartement n’est pas occupé par un couple.

S’agissant du loyer des logements sociaux de la ville, l’art. 9 al. 1 du règlement dispose que celui-ci ne peut en règle générale pas excéder le pourcentage du revenu familial (taux d’effort) fixé par l’art. 10 du règlement. Le revenu familial déterminant pour la fixation du loyer des logements à caractère social est le revenu déterminant unifié au sens de la loi sur le revenu déterminant le droit aux prestations sociales cantonales (LRD - J 4 06) du locataire, et de toutes les personnes faisant ménage commun avec lui, y compris les enfants majeurs réalisant des revenus.

b. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre. Si le texte légal n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles il faut alors rechercher la véritable portée de la norme, en la dégageant de sa relation avec d’autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique - ATF 121 III 413 consid. 4b ; 121 V 60 consid. 3b). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 119 Ia 248 ; 177 Ia 331 et les arrêts cités).

En l’espèce, le règlement de la ville applicable à l’attribution de logements à caractère social n’indique pas expressément comme condition d’octroi, la nécessité de ne pas être étudiant.

Il ressort néanmoins des dispositions du règlement applicable que le loyer est déterminé en fonction du revenu familial. Ces considérations sous-tendent l’existence d’un groupe familial ou, à tout le moins, une certaine indépendance financière du locataire, disposant d’une situation professionnelle. Elles se justifient d’autant plus en période de pénurie du logement. La famille du recourant a d’ailleurs été logée dans l’immeuble Y______ d’après ces critères et a choisi de trouver une solution de relogement par elle-même. Le père du recourant et sa famille bénéficiait de la possibilité de retourner vivre dans l’appartement qu’ils occupaient en famille, à la condition de remplir les critères précités et qu’une réunion avec l’association "X______" soit organisée, étant donné les reproches formulés par les autres locataires à leur encontre.

Dans ce contexte, la situation du recourant, qui confirme être immatriculé à la faculté des sciences économiques et sociales de l’université de Genève pour l’année universitaire 2010-2011 et pourrait vivre dans le logement familial durant la poursuite de ses études, ne correspond manifestement pas à celles justifiant l’octroi d’un logement à caractère social de la ville.

A cela s’ajoute que d’autres solutions de relogement adaptées à son statut d’étudiant ont été suggérées au recourant, notamment par l’intermédiaire de la CIGUË. Celui-ci n’a toutefois pas daigné effectuer les démarches nécessaires, alors qu’un appartement lui était proposé.

15. Il reste à examiner si le refus de la ville d’attribuer au recourant un logement à caractère social constitue une inégalité de traitement proscrite par l’art. 8 Cst., en comparaison de la situation des locataires résidant dans l’immeuble Y______, en particulier de celle de M. L______.

Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 131 I 1 consid. 4.2 p. 6/7 ; 129 I 346 consid. 6 p. 357 ss ; 129 I 113 consid. 5.1 p. 125 ; V. MARTENET, Géométrie de l’égalité, Zürich-Bâle-Genève 2003, p. 260 ss).

Dans le cas particulier, force est de constater que, contrairement aux autres habitants de l’immeuble Y______, le recourant n’est pas titulaire d’un contrat de bail portant sur un appartement dans ce bâtiment. Il ressort d’ailleurs de l’état locatif de l’immeuble Y______ établi au 16 octobre 2009 que seul le père du recourant était titulaire d’un contrat de bail, et non pas l’intéressé lui-même. Dans ce contexte, et sous réserve de remplir les conditions de l’accord du 5 mars 2009, le recourant ne saurait prétendre à un quelconque droit au relogement dans les locaux en question. Il ne peut dès lors y avoir inégalité de traitement par rapport aux autres locataires.

A toutes fins utiles, on relèvera, concernant particulièrement M. L______, que le recourant ne produit que la demande de logement effectué par celui-ci sans toutefois indiquer la suite que la ville y aurait donné. De plus, aucun détail concernant la situation financière et personnelle dudit locataire n’est apporté. En l’état, ce seul grief n’est donc pas pertinent, d’autant plus que l’intimée explique que M. L______ a entamé une formation en cours d’emploi et qu’en tout état de cause, les personnes qui devraient être relogées après les travaux de rénovation devraient satisfaire aux conditions du règlement.

Le grief en violation du principe de l’égalité de traitement sera, partant, écarté.

16. Le recourant considère enfin la décision du 14 septembre 2010 comme arbitraire

a. Une décision est arbitraire lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 128 I 177 consid. 2.1 p. 182 ; Arrêt du Tribunal fédéral 4P_149/2000 du 2 avril 2001 consid. 2 et les arrêts cités ; ATA/771/2010 déjà cité et les références citées).

b. Appelée à examiner le caractère arbitraire d’une décision, la chambre de céans suit le raisonnement du Tribunal fédéral en la matière (ATA/344/2008 du 24 juin 2008 consid. 6a).

En l’occurrence, une mise en œuvre arbitraire du règlement applicable ne peut être reprochée à la ville. D’une part, le recourant ne remplissait pas personnellement les conditions d’octroi d’un logement à caractère social appartenant à l’intimée, que ce soit dans l’immeuble Y______ ou dans un autre bâtiment. En tant qu’étudiant disposant de ressources financières provenant uniquement d’un emploi à temps partiel irrégulier en tant qu’agent d’accueil, d’allocations familiales, ainsi que d’allocations aux études, le recourant ne pouvait bénéficier d’un logement à caractère social, à moins d’y vivre au sein de sa famille. D’autre part, diverses solutions appropriées aux caractéristiques de l’intéressé lui ont été soumises, sans toutefois que celui-ci n’y donne suite.

Finalement, l’attribution des logements à caractère social de la ville incombe à une commission d’attribution interne à l’administration municipale (art. 6 al. 3 du règlement). Pour chaque appartement à attribuer, la GIM dresse la liste des personnes susceptibles de se voir attribuer un logement et propose à la commission précitée au moins cinq candidat-e-s en tenant compte des critères des art. 6 al. 1 et 6 al. 2 du règlement, ainsi que de l’ordre de ces critères (chiffre 7 de la directive). Ainsi, dans l’hypothèse où le recourant aurait rempli les conditions d’octroi d’un logement au sens de l’art. 4 du règlement, la GIM n’aurait encore pas eu l’obligation de soumettre son dossier à la commission d’attribution, seule compétente pour attribuer les logements vacants à de nouveaux locataires.

Dans ces circonstances, le refus de la ville d’attribuer un logement à caractère social au recourant n’emporte pas violation du principe de l’interdiction de l’arbitraire garanti par l’art. 9 Cst.

17. Au vu de ce qui précède, la décision du 14 septembre 2010 de la ville sera confirmée.

18. Il n’appartient pas aux parties de prendre des conclusions visant à la condamnation de son adverse partie pour emploi abusif des procédures au sens de l’art. 88 LPA (ATA/396/2006 du 26 juillet 2006). Les conclusions de la ville sur ce point seront donc déclarées irrecevables.

19. En tous points mal fondé, le recours sera rejeté. Vu l’issue du litige un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette en tant qu’il est recevable le recours interjeté le 28 septembre 2010 par Monsieur  M______ contre la décision de la Ville de Genève du 14 septembre 2010 ;

déclare irrecevables les conclusions de la Ville de Genève fondées sur l’art. 88 LPA ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Thierry Ulmann, avocat du recourant ainsi qu’à la Ville de Genève.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod et M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :