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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3664/2005

ATA/396/2006 du 26.07.2006 ( TPE ) , REJETE

Descripteurs : ORDRE CONTIGU; DISTANCE MINIMALE; ABUS DE DROIT; PERMIS DE CONSTRUIRE; ZONE À PROTÉGER; CONSTRUCTION À LA LIMITE; EXCEPTION(DÉROGATION); VILLA
Normes : LCI.106 ; LCI.30 ; LCI.34 ; CSTF.9 ; CCS.2
Parties : FLAMMIA Giuseppe et Gabrielle, FLAMMIA Gabrielle / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, PASQUINI PERUZZI Camillo
Résumé : En 4ème zone, l'ordre contigu s'impose également entre parcelles adjacentes, sauf régime spécial fixé par dérogation ou par plan localisé de quartier. Les propriétaires d'une villa contiguë sise en limite de propriété commettent ainsi un abus de droit en acquérant, ultérieurement, une bande d'un mètre de large du fonds voisin, dans le seul but de rompre l'ordre contigu et de faire appliquer, dans le cadre d'une demande en autorisation de construire sur le fonds voisin, les distances ordinaires entre constructions.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3664/2005-TPE ATA/396/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 26 juillet 2006

dans la cause

Madame Gabrielle et Monsieur Giuseppe FLAMMIA
représentés par Me François Roullet, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

et

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION

et

Monsieur Camillo PASQUINI PERUZZI

représenté par Me Pascal Pétroz, avocat



1. Monsieur Camillo Pasquini Peruzzi, domicilié à Chambésy, est propriétaire de la parcelle n° 823, sise à la route de Bois-Chatton n° 5, sur la commune de Collex-Bossy. Cette parcelle, sur laquelle est actuellement implantée une villa individuelle avec garage, est comprise pour partie en zone 4B protégée, et en zone agricole pour le solde.

2. Madame Gabrielle et Monsieur Giuseppe Flammia (ci-après : les époux Flammia) sont quant à eux propriétaires de la parcelle voisine n° 824, ainsi que de la maison contiguë qui s'y dresse, sise à la route de Bois-Chatton n° 3A. La partie ouest de leur parcelle est adjacente, sur toute sa longueur, à la partie est de la parcelle n° 823. Leur villa est la dernière, côté ouest, d'un petit immeuble d'habitations contiguës, formant un ensemble rectiligne compact. Les accès sont situés au nord, et les terrasses et jardins sont orientés au sud, de sorte que chaque propriétaire dispose d'une "tranche". La façade est de leur bâtiment est borgne.

Lorsque les époux Flammia ont acheté leur villa, elle se trouvait en limite de parcelle. Par la suite, en date du 10 décembre 2002, l'ancien propriétaire du fonds n° 823 leur a vendu une bande d'un mètre de large s'étendant sur toute la longueur de leur propriété.

3. Le terrain des époux Flammia est situé légèrement en contrebas de la parcelle de M. Pasquini Peruzzi. La villa actuelle se trouvant sur le fonds n° 823 est implantée plus au sud que la maison des époux Flammia et offre un large dégagement sur le jardin et la terrasse de ces derniers.

4. Par décisions du 30 mai 2005, publiées le 3 juin dans la Feuille d'avis officielle, le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, devenu depuis lors le département des constructions et des technologies de l'information (ci-après : le département), a autorisé M. Pasquini Peruzzi à, d'une part, démolir la villa et le garage existants sur la parcelle n° 823 et, d'autre part, à y construire 6 villas contiguës, dans le prolongement ouest de l'immeuble dont fait partie la maison des époux Flammia.

Le projet comportait d'abord un bloc de quatre habitations dont la première était positionnée en limite de parcelle n° 823, soit à environ un mètre de celle des époux Flammia. Il figurait sur les plans avec un décrochement d'un peu moins de quatre mètres en direction du nord, soit du côté opposé au jardin des époux Flammia. Le second lot, dans le prolongement ouest du premier, comprenait deux habitations. Il était à son tour décalé vers l'avant de quelques mètres par rapport au premier, de sorte qu'il se trouvait dans l'alignement de l'immeuble dont faisait partie la maison des époux Flammia.

5. Par acte du 20 juin 2005, les époux Flammia ont recouru auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la CCRMC) contre l'autorisation de construire délivrée le 30 mai 2005. Ils ont conclu à son annulation.

La construction en limite de propriété, et non dans le respect de la distance minimale de six mètres imposée par l'article 29 alinéa 2 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), était injustifiée et contraire à la garantie de leur droit de propriété.

6. Dans ses observations du 13 juillet 2005, M. Pasquini Peruzzi a conclu à la confirmation de la décision attaquée ainsi qu'à la condamnation des recourants à une amende pour téméraires plaideurs.

7. Par décision du 12 septembre 2005, expédiée par pli recommandé aux parties le 20 du même mois, la CCRMC a rejeté le recours, mais n'en a pas admis le caractère téméraire.

Le projet, en tant qu'il prévoyait des constructions en ordre contigu en zone 4B protégée, était conforme à l'article 30 alinéa 1 LCI. Le département n'avait pas outrepassé son pouvoir d'appréciation en accordant la dérogation au sens de l'article 106 alinéa 1 LCI. Les constructions projetées étaient conformes au caractère de celles qui existaient d'ores et déjà sur les lieux. Elles ne faisaient qu'en poursuivre le style de manière manifestement harmonieuse.

8. Par acte expédié le 14 octobre 2005, les époux Flammia ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif. Ils concluent à son annulation sous suite de frais et dépens.

Le non-respect de la distance minimale de six mètres entre les constructions portait atteinte à leur garantie constitutionnelle de la propriété, car il dévaluait leur bien de manière importante.

La dérogation nécessaire pour permettre la construction à la limite de leur propriété avait été octroyée abusivement. L'article 106 LCI permettait certes d'octroyer des dérogations aux distances telles que prévues par l'article 34 LCI, mais cela ne valait que pour les constructions de peu d'importance au sens de l'article 240 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RALCI - L 5 05.01).

L'octroi de la dérogation était par conséquent basé sur des motifs esthétiques. Ce faisant, elle était contraire au principe de proportionnalité, car la construction en limite de parcelle, à quoi il fallait ajouter la perte d'ensoleillement ainsi que le bruit dû à la proximité des habitations, générait des inconvénients pour les époux Flammia bien supérieurs aux bénéfices généraux d'ordre esthétique.

Enfin, des ouvertures translucides étaient prévues sur la façade de la maison-pignon, ce qui provoquait une immixtion accrue dans leur intimité.

9. Dans ses observations, datées du 15 novembre 2005 et reçues le 16 par le Tribunal administratif, M. Pasquini Peruzzi, a conclu au rejet du recours, au maintien de la décision de la CCRMC du 12 septembre 2005 et au prononcé d'une amende de procédure pour téméraires plaideurs à l'égard des époux Flammia.

L'article 106 LCI s'appliquait en l'espèce à l'exclusion des articles 34 LCI et 240 RALCI et permettait au département de déroger aux règles relatives aux distances aux limites. Toutes les conditions exigées par cette disposition étaient respectées et les préavis obligatoires avaient été réunis.

Les époux Flammia ne pouvaient se plaindre ni d'une atteinte disproportionnée à leur bien ni d'une atteinte à la garantie de leur propriété, car, d'une part, leur habitation avait elle-même été construite en limite de propriété dans une logique d'ordre contigu et, d'autre part, ils ne subiraient aucun préjudice du fait de la nouvelle construction.

10. Le département a fait part de ses observations le 15 novembre 2005. Il a conclu à la confirmation de la décision de la CCRMC.

La construction en limite était imposée par la zone, de sorte qu'aucune dérogation concernant ce point au sens de l'article 106 LCI n'était nécessaire. Une telle dérogation n'avait du reste pas été octroyée.

En revanche, s'agissant du décrochement vers l'avant des deux blocs d'habitation qui ne répondait pas stricto sensu aux objectifs de contiguïté, le département avait bien accordé une dérogation au sens de l'article 106 LCI. Mais il s'était pour ce faire assuré des préavis positifs imposés par la loi et n'avait pas outrepassé son pouvoir d'appréciation.

Enfin, quant à la prétendue violation du principe de proportionnalité, ni la zone d'ombre supplémentaire, ni le bruit de voisinage générés par les nouvelles constructions, pas plus que les apports latéraux de lumière, n'étaient causes d'inconvénients graves pour le voisinage et ne pouvaient, par conséquent, motiver un refus d'autorisation.

11. Par courrier expédié le 15 décembre 2005, reçu le 16, les époux Flammia ont conclu au rejet des conclusions de M. Pasquini Peruzzi visant leur condamnation à une amende administrative pour téméraires plaideurs.

Le moyen avait déjà été soulevé devant la CCRMC, qui l'avait écarté. Leur recours ne paraissait pas d'emblée infondé, dans la mesure où ils démontraient, avec bases légales et jurisprudence à l'appui, que l'autorisation de construire violait la loi et le principe de proportionnalité.

12. Le Tribunal administratif a ordonné un transport sur place, qui s'est tenu le 10 mars 2006 en présence des parties. Il a constaté que la parcelle n° 824 était située, du fait de la pente naturelle du terrain, sensiblement plus basse que la parcelle n° 823. Un noyer de taille moyenne se dressait en bordure de la parcelle n° 823, à quelques mètres devant l'habitation des époux Flammia.

Des précisions ont été demandées au département concernant la mise à niveau éventuelle des parcelles, lequel a indiqué le 18 mai 2006 qu'à teneur des plans, la partie engazonnée, soit celle située à l'avant des bâtiments, garderait son niveau actuel. Le bâtiment projeté en limite de propriété serait édifié au niveau du terrain naturel côté sud, c'est-à-dire côté jardins, alors qu'il serait légèrement situé au-dessous de cette limite côté accès.

13. Par écriture complémentaire du 16 février 2006, les époux Flammia ont produit un document élaboré par un ingénieur, établissant une moins-value de CHF 32'400.- compte tenu du fait que la distance minimum de six mètres entre les constructions n'était pas respectée. Les autres parties ont été informées de la remise de ce document et la cause gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. En l'espèce, la parcelle sur laquelle sont projetées les constructions est située en quatrième zone B protégée.

a. Les zones des villages protégés sont manifestement distinctes de la 4ème zone ; les dispositions applicables dans cette zone, ainsi que les règles générales de la LCI ne leur sont applicables qu'à titre subsidiaire (J. REVACLIER, La protection des villages en droit genevois, in RDAF 1974 p. 388).

L'article 106 LCI stipule que, dans les villages protégés, le département, sur préavis de la commune et de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : la CMNS), fixe dans chaque cas particulier l'implantation, le gabarit, le volume et le style des constructions à édifier, de manière à sauvegarder le caractère architectural et l'échelle de ces agglomérations ainsi que le site environnant. Cet alinéa ajoute que le département peut en conséquence, à titre exceptionnel, déroger aux dispositions régissant les distances entre bâtiments, les distances aux limites de propriétés et les vues droites.

Cependant, une dérogation aux règles générales de la LCI n'est possible, selon l'article 106 LCI, que si l'application des règles spéciales est imposée par les buts de protection pour lesquels elles ont été édictées. En d'autres termes, l'article 106 LCI n'autorise une dérogation aux dispositions de la 4ème zone et aux dispositions générales de la LCI que si cette dérogation permet d'assurer la sauvegarde du "caractère architectural et l'échelle de ces agglomérations ainsi que le site environnant" (ATA/232/2006 du 2 mai 2006).

b. La 4ème zone rurale (4ème zone B) est destinée principalement aux maisons d'habitation, comportant en principe plusieurs logements, situées dans des villages et des hameaux (art. 19 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30). Lorsque la zone est en outre protégée, comme en l'espèce, l'aménagement et le caractère architectural du quartier ou de la localité considérée doivent être préservés (art. 12 al. 5 LaLAT ; ATA/232/2006 précité).

c. Selon l'article 30 LCI, les constructions en quatrième zone sont en règle générale édifiées en ordre contigu (al. 1). Les constructions non contiguës sont l'exception et sont soumises à autorisation spéciale du département (al. 2). Les dispositions de l'article 106 LCI sont réservées (al. 3).

d. Ni la LCI ni le RALCI ne précisent ce qu'il faut entendre par "ordre contigu".

Selon la définition courante du terme, contigu signifie "qui touche à autre chose", sa racine étymologique provenant du latin "contigere", qui se traduit par "toucher" (Le petit Robert, éd. 1990). Est ainsi réputée en ordre contigu l'édification de deux maisons au moins, réunies par un mur mitoyen ou par une construction de peu d'importance et disposant chacune de son propre accès de plain-pied, à savoir d’une entrée située au même niveau (ATA/314/2006 du 13 juin 2006).

e. En 4ème zone, l'ordre contigu ne s'impose pas seulement au sein d'une même parcelle, mais également entre parcelles adjacentes, de sorte que les nouvelles constructions doivent généralement être accolées aux anciennes et s'étendre ainsi dans le prolongement du tissu existant. En dehors d'un plan localisé de quartier, qui permettrait de déroger aux règles ordinaires, le propriétaire qui désire ne pas respecter l'ordre contigu doit obtenir une dérogation du département (art. 30 al. 2 LCI) et devra alors respecter une distance entre son bâtiment et la limite de parcelle égale à la hauteur du gabarit, dans tous les cas égale à au moins six mètres (art. 34 al. 1 et 2 LCI).

En l'espèce, le tribunal constate que l'ordre contigu s'impose aux constructions projetées en cause (art. 30 al. 1 LCI).

3. Le bâtiment projeté ne pourra toutefois pas être édifié directement contre la façade borgne de la maison des époux Flammia, ceux-ci ayant acquis une bande d'un mètre séparant les deux propriétés.

Il convient par conséquent d'examiner si, comme le prétendent les recourants, cette situation est propre à rompre l'ordre contigu et ce faisant à imposer le régime dérogatoire de l'article 106 LCI au détriment du régime général de l'article 30 LCI.

a. Le bâtiment abritant la maison des époux Flammia a été, lors de sa construction, édifié en limite de parcelle et sa façade ouest a été laissée borgne, ainsi que doivent l'être les murs en attente. Toutes les dispositions ont ainsi été prises, afin qu'un bâtiment puisse lui être accolé conformément au plan de zones, dans l'hypothèse où la villa existante serait détruite au profit d'un nouveau projet. Les époux Flammia ne pouvaient ignorer ces éléments.

b. Découlant directement de l’article 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités (ATF 126 II 377 consid. 3a p. 387 et les arrêts cités ; 124 II 265 consid 4a p. 269/270).

c. Le principe lie également les administrés (P. MOOR, Droit administratif, Vol. I, Berne 1994, ch. 5.3.3). La notion d'abus de droit (art. 2 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - RS 210), qui en est déduite, vise les cas dans lesquels l'exercice d'un droit subjectif apparaît manifestement contraire au droit ou lorsqu'une institution juridique est utilisée de toute évidence à l'encontre de la finalité pour laquelle elle a été créée (ibidem, ch. 5.3.4). Pour déterminer si tel comportement est constitutif d'un abus de droit, il est de jurisprudence constante que le juge apprécie librement toutes les circonstances particulières de chaque espèce, sans être lié par des principes rigides (ATF 127 III 310 ; ATA/192/2006 du 4 avril 2006).

En l'espèce, le fait que les époux Flammia aient acquis une bande d'un mètre séparant les deux propriétés leur offre de toute évidence un bénéfice pratique, car elle permet d'accéder au jardin sans passer par l'intérieur de la maison. Toutefois, ils commettent un abus de droit en se prévalant aujourd'hui de l'existence de cette bande pour empêcher l'application des normes publiques imposant l'ordre contigu. Leur propre habitation, qui a été érigée selon cet ordre, n'obéit du reste pas aux normes de distance dont ils réclament l'exécution. Selon leur logique, il suffirait à tout acquéreur d'une maison-pignon d'acheter une bande d'un mètre, voire de moindre largeur encore, pour empêcher toute future construction sur le fonds voisin distante de moins de six mètres. Ce résultat serait contraire tant à la loi qu'au plan directeur cantonal, qui ont pour objectif, au travers de l'ordre contigu imposé en zone village, d'y densifier les nouvelles constructions et d'y restreindre fortement l'édification de villas individuelles.

En définitive, force est de constater que lorsqu'une maison est située à l'extrémité d'un groupe d'habitations contiguës en quatrième zone et que sa limite extérieure ne se confond pas avec celle de la parcelle, tout nouveau bâtiment sur le fonds voisin peut, pour autant qu'il se trouve dans la même zone, être construit en limite de propriété. Dans de tels cas, l'ordre contigu est donc réputé observé.

C'est ainsi à juste titre que le département a considéré que le cas d'espèce n'était pas soumis au régime dérogatoire prévu par l'article 106 LCI, mais au régime de l'autorisation simple.

Les griefs des recourants portant sur le non-respect des distances minimales entre un bâtiment et une limite de propriété sont ainsi mal fondés.

4. Reste à examiner la question du décrochement au nord du premier bloc d'habitations du projet. Les recourants prétendent en effet que la dérogation au sens de l'article 106 LCI aurait été octroyée au mépris du principe de proportionnalité, les nuisances et dépréciations que ce projet leur causerait étant bien supérieures aux motifs esthétiques ayant fondé la dérogation.

a. La règle de l'article 106 alinéa 1 LCI contient une clause d'esthétique ; elle fait appel à des notions juridiques imprécises et indéterminées (RDAF 1992 p. 277). Le contenu de telles notions varie selon les conceptions de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce. C'est-à-dire que ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement (B. KNAPP, Précis de droit administratif, 1982, p. 25 ; ATA/179/2004 du 2 mars 2004).

b. Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des commissions consultatives, l'autorité de recours observe une certaine retenue, fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/232/2006 du 2 mai 2006 ; ATA/100/2005 du 1er mars 2005 et les références citées ; T. TANQUEREL, La pesée des intérêts vue par le juge administratif in C. A. MORAND, La pesée globale des intérêts, Droit de l’environnement et aménagement du territoire, Bâle et Francfort-sur-le-Main, 1996, p. 201). Lorsque la consultation de la CMNS et de la commune sont imposées par la loi, soit lorsque les lieux concernés se trouvent dans une zone protégée, cette circonstance confère un poids certain à leur préavis dans l'appréciation que fait l'autorité de recours (ATA S. du 17 mai 1994).

Dans la présente cause, ni le département, ni la commission de recours ne se sont écartés des préavis formulés par les services techniques compétents. La CCRMC a de surcroît qualifié le projet de cohérent au regard du style entamé précédemment le long du chemin considéré. Le tribunal de céans fera dès lors un usage modéré de sa liberté d'appréciation (ATA/179/2004 précité).

Le transport sur place effectué par le Tribunal administratif ne lui a pas permis de constater que cette dérogation à l'ordre contigu aurait été admise de façon arbitraire ou qu'elle provoquerait un résultat manifestement choquant au regard de l'unité construite de la zone.

Au surplus, dès lors que ce décrochement prend la forme d'un retrait des constructions au nord, il produit une entrave à l'ensoleillement plus faible que si les constructions devaient être réalisées dans l'alignement des façades est. Les ouvertures translucides prévues donnent sur la façade borgne des époux Flammia, de sorte qu'elles ne peuvent pas compromettre leur intimité. Les pertes de dégagement et de tranquillité sont des questions de rapports de voisinage relevant du seul droit privé, pour l'examen duquel le tribunal de céans n'est pas compétent (ATA/311/2006 du 13 juin 2006). De surcroît, la situation actuelle expose déjà les recourants tant aux regards issus de la villa à démolir qu'à l'ombre du noyer.

Les griefs des recourants formulés à l'encontre de l'octroi de la dérogation doivent ainsi également être écartés.

5. S'agissant du document désigné par les recourants sous le terme d'expertise et visant à établir leur préjudice, le tribunal de céans n'a pas à en examiner le contenu. En effet, une application régulière des dispositions sur les constructions élevées en limite de propriété n'a pas pu générer de préjudice à leur encontre.

6. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

7. Il n'appartient pas aux parties, en l'espèce à l'intimé, de prendre des conclusions visant à la condamnation des recourants pour emploi abusif des procédures au sens de l'article 88 LPA. Le Tribunal estime qu'il n'y a pas lieu de condamner les recourants à une amende pour téméraire plaideur.

8. Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à M. Pasquini Peruzzi à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement. Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à leur charge, conjointement et solidairement (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 octobre 2005 par Madame Gabrielle et Monsieur Giuseppe Flammia contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 12 septembre 2005 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame Gabrielle et Monsieur Giuseppe Flammia, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'500.- ;

alloue une indemnité de CHF 1'500.- à Monsieur Camillo Pasquini Peruzzi, à charge des recourants, pris conjointement et solidairement ;

communique le présent arrêt à Me François Roullet, avocat des recourants, ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière de constructions, au département des constructions et des technologies de l'information et à Me Pascal Pétroz, avocat de l'intimé.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :