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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3334/2010

ATA/574/2012 du 28.08.2012 sur JTAPI/1263/2011 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 04.10.2012, rendu le 04.04.2014, REJETE, 2C_985/2012, 2C_986/12
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3334/2010-ICCIFD ATA/574/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 août 2012

1ère section

 

dans la cause

 

T______ S.A.
représentée par Me Sandro Vecchio, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 novembre 2011 (JTAPI/1263/2011)


EN FAIT

1) T______ S.A. (ci-après : T______) est une société anonyme de droit suisse dont le siège se trouve à Genève. Son but social consiste en des opérations commerciales internationales, en particulier dans le domaine agro-industriel, notamment le commerce et le négoce de tous produits, principalement agricoles et toute prestation de service s'y rattachant ; le transport de marchandises et l'affrètement de navires ; les activités de conseil en faveur de tiers ; la prise et l'administration de participations dans toutes sociétés et entreprises à l'étranger. 

2) La société J______ (ci-après : J______) est actionnaire de T______.

3) Le 11 novembre 2008, T______ et J______ ont conclu un contrat aux termes duquel la première s'engageait à acheter à la seconde 20'000 tonnes métriques d'huile de tournesol non raffinée contre paiement d'une somme de USD 14'000'000.-. Il était convenu que la période d'expédition de la marchandise allait jusqu'au 31 décembre 2008. La convention était valable jusqu'au 1er mars 2009, « dernière date de paiement ». Elle prévoyait une clause de pénalités en cas d'inexécution, renvoyant à cet égard à la clause de défaut 53/54 de la Federation of oils, seeds and fats association (ci-après : FOSFA).

4) Le même jour, T______ a souscrit un contrat avec la société S______ pour assurer la marchandise précitée à hauteur de USD 14'000'000.-. Cet accord était valable pour la période du 11 novembre au 31 décembre 2008. Le bénéficiaire en était P______ (Suisse) S.A. à Genève (ci-après : la banque).

5) Dans une « lettre de cession » du 13 novembre 2008, J______ a reconnu céder irrévocablement à la banque tous ses droits de propriétaire sur la marchandise en question, achetée pour T______.

6) Par télécopie du 14 novembre 2008, T______ a demandé à la banque une ligne de crédit pour effectuer le paiement de USD 14'000'000.-.

7) Selon un rapport d'expertise du 14 novembre 2008 de l'entreprise Rosinspectorate, la marchandise, soit les 20'000 tonnes métriques d'huile de tournesol non raffinée, était bien stockée dans les réservoirs côtiers de J______.

8) Le 17 novembre 2008, T______ a payé la prime d'assurance de USD 15'680.- à S______.

9) Le lendemain, T______ a versé la somme de USD 14'000'000.- à J______.

A la même date, la banque lui a débité une commission de USD 14'000.-.

10) D'après un rapport d'inspection du 28 novembre 2008 de la société G______, la marchandise convenue se trouvait effectivement dans les silos et le propriétaire indiqué était T______.

11) De novembre à décembre 2008, T______ a fait plusieurs achats d'huile de tournesol non raffinée par l'intermédiaire de la société A______, à savoir :

-        le 6 novembre 2008, 1'336,384 tonnes métriques pour un montant total de USD 1'103'853,18, soit USD 826.- par tonne métrique ;

-        le 13 novembre 2008, 4'826,60 tonnes métriques pour un montant total de USD 3'402'753.-, soit USD 705.- par tonne métrique ;

-        le 14 novembre 2008, 3'405,804 tonnes métriques pour un montant total de USD 2'486'236,92, soit USD 730.- par tonne métrique ;

-        le 25 novembre 2008, 1'313,247 tonnes métriques pour un montant total de USD 923'212,64, soit USD 703.- par tonne métrique ;

-        le 3 décembre 2008, 4'972,967 tommes métriques pour un montant total de USD 3'635'238,88, soit USD 731.- par tonne métrique ;

-        le 15 décembre 2008, 3'400,404 tonnes métriques pour un montant total de USD 2'404'085,63, soit USD 707.- par tonne métrique ;

-        le 15 décembre 2008, 1'340,332 tonnes métriques pour un montant total de USD 922'148,42, soit USD 688.- par tonne métrique ;

-        le 22 décembre 2008, 4'864,712 tonnes métriques pour un montant total de USD 3'317'733,58, soit USD 682.- par tonne métrique ;

-        le 22 décembre 2008, 4'840,912 tonnes métriques pour un montant total de USD 3'296'661,07, soit USD 681.- par tonne métrique ;

-        le 30 décembre 2008, 15'768,724 tonnes métriques pour un montant total de USD 10'691'194,87, soit USD 678.- par tonne métrique ;

-        le 30 décembre 2008, 4'912,364 tonnes métriques pour un montant total de USD 2'898'294,76, soit USD 590.- par tonne métrique.

Le 21 novembre 2008, T______ a également acheté 3'800 tonnes métriques d'huile de tournesol non raffinée à l'entreprise W______ (Geneva) S.A. pour un prix de USD 691,53 par tonne métrique.

12) Le 29 décembre 2008, T______ et J______ ont résilié le contrat du 11 novembre 2008 d'un commun accord, avec un délai au 31 décembre 2008 pour solder leurs comptes.

13) Le 30 décembre 2008, J______ a remboursé la somme de USD 14'000'000.-, en deux versements, soit un de USD 7'999'994,00 et un de USD 6'000'000.-.

14) Par commandement de payer du 9 juillet 2009, un ancien employé de T______ a réclamé à cette dernière CHF 219'038.- à titre d'indemnité de départ et CHF 417'632,60 pour participation au bénéfice, conformément au contrat de travail.

15) Le 27 août 2009, la société Atlas Partners S.A. a envoyé à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) la déclaration fiscale 2008 de sa mandante, T______. En raison d'un litige avec un ancien employé de T______, un montant de CHF 417'632,60 avait été déduit en prévision des indemnités réclamées, relatives au bénéfice de l'exercice 2008.

Les comptes de la contribuable au 30 novembre 2008 étaient joints. Un montant de CHF 17'010'000.- était indiqué au titre de « trade prepayments » en 2008.

16) Les 15 septembre et 21 octobre 2009, l'AFC-GE a demandé à la contribuable un exemplaire en langue française de ses comptes bouclés au 30 novembre 2008.

17) Le 9 décembre 2009, l'AFC-GE a informé T______ d'un contrôle fiscal dans ses locaux les 17 et 18 février 2010.

En complément, elle a sollicité ultérieurement les justificatifs démontrant une différence avec le prix du marché de USD 121.- par tonne métrique.

18) Le 29 avril 2010, l'AFC-GE a adressé à la contribuable un bordereau de taxation pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2008 d'un montant de CHF 35'946,75, ainsi qu'un bordereau de taxation relatif à l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2008 d'un montant de CHF 42'449.-. Un montant de CHF 34'417.- était indiqué au titre d'intérêts sur avance à un proche. La somme de CHF 17'010'000.- était également prise en considération à titre de valeur pour l'impôt sur le bénéfice des actifs.

19) T______ a élevé réclamation le 27 mai 2010 contre les bordereaux précités.

La provision de CHF 417'633.- n'avait pas été retenue, bien qu'elle l'ait mentionnée dans sa déclaration d'impôts. Celle-ci était justifiée par l'action en justice menée par un ancien employé à l'encontre de la société. Le paiement de USD 14'000'000.- ne constituait pas une prestation en faveur de son actionnaire, les quatre conditions de la jurisprudence pour admettre « une avance à un proche » n'étant pas remplies. Ce montant avait été versé en prévision de l'achat de la marchandise. Il s'agissait des obligations découlant du contrat la liant à son actionnaire, au même titre qu'à tout autre cocontractant. Les bordereaux de taxation devaient donc être annulés et modifiés dans ce sens.

20) Par deux décisions sur réclamation du 25 août 2010, l'AFC-GE a décidé de prendre en considération la provision pour risque de CHF 417'633.-. Elle a en revanche maintenu la reprise des intérêts sur avance à un proche de CHF 34'417.-. En dépit de l'inexécution du contrat et du paiement d'une commission et d'une prime d'assurance par la contribuable, l'actionnaire n'avait versé aucun intérêt sur la somme de CHF 14'000'000.- qui lui avait été mise à disposition pendant quarante-deux jours, dont douze jours sur la période fiscale 2008. J______ n'avait supporté aucuns frais, ni versé d'indemnité pour se départir du contrat. C'était uniquement l'absence de rémunération des CHF 14'000'000.- qui était considérée comme une prestation appréciable en argent, et non pas la somme elle-même. Dans le cas contraire, elle aurait été reprise en totalité.

De nouveaux bordereaux rectificatifs ont alors été émis dans ce sens.

21) Par acte du 24 septembre 2010, T______ a recouru contre les décisions précitées auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), devenue le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le 1er janvier 2011. Elle a conclu à leur annulation en tant qu'elles maintenaient la reprise de CHF 34'417.- au titre d'intérêts sur avance à un proche. Elle demandait ainsi que de nouveaux bordereaux de taxation soient émis.

J______ était bien son actionnaire. Toutefois, les trois autres conditions nécessaires à la reconnaissance d'une prestation appréciable en argent faisaient défaut. Aucun avantage sans contre-prestation n'avait été accordé à l'actionnaire. Dans le cadre du contrat, J______ était intervenue en tant que centrale d'achat permettant aux entreprises d'acheter de la marchandise à un prix de marché plus bas. La marchandise en question était finalement à un prix plus élevé que celui convenu, en raison de la fluctuation des cours. Pour éviter que T______ ne subisse une perte commerciale, l'opération avait été annulée, et le prix d'achat remboursé. Celle-ci ne correspondait aucunement à un service rendu ou à un financement de T______ à son actionnaire. Cette opération était justifiée par un besoin et les usages commerciaux. Dans ce contexte, tout tiers indépendant l'aurait effectué dans la mesure où celle-ci permettait d'obtenir un bénéfice supérieur. Dans tous les cas, les frais de financement auraient été à sa charge, vu que le contrat n'avait pas été achevé. Quelque soit le client, elle ne facturait pas d'intérêts lorsque les contrats ne venaient pas à chef, faute de quoi elle perdrait sa clientèle. Au moment de la conclusion du contrat, il n'y avait pas de disproportion entre la prestation et la contre-prestation. Ses organes avaient donc agi dans son intérêt. Les conditions d'une prestation en faveur d'un actionnaire n'étaient pas remplies.

22) Dans ses observations du 14 avril 2011, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Elle se fondait sur les art. 12 al. 1 let. h de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15) et 58 al. 1 let. b de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11). Le fait que la somme de CHF 14'000'000.- n'ait pas porté intérêt durant sa mise à disposition à un actionnaire pendant quarante-deux jours constituait un avantage octroyé sans contre-prestation, fût-ce dans le cadre d'une opération commerciale. Aucune indemnité n'avait été versée par l'actionnaire cocontractante pour se départir du contrat, ni pour couvrir les frais supportés par cette dernière. Au vu de l'importance des montants concernés, les organes de T______ devaient se rendre compte qu'ils octroyaient un avantage sans contre-prestation. La recourante ne se prononçait pas sur le fait qu'aucun intérêt n'ait été réclamé ni versé. Cette prestation appréciable en argent n'aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers eu égard à l'importance de la somme concernée, à la durée du prêt et au fait que le débiteur se trouvait à l'étranger. La contribuable avait ainsi elle-même supporté les intérêts passifs pour avoir effectué ce préfinancement, alors même qu'elle recherchait un profit dans toute opération qu'elle effectuait. Le montant de CHF 34'417.- avait été calculé ainsi : USD 14'000'000.- au cours de CHF 1,215 = USD 1.-, soit CHF 17'010'000.- x 6,07 % (correspondant au taux d'emprunt pratiqué par la banque de 5,57 %, majoré de 0,5 %) x douze jours (soit la période allant du 18 au 30 novembre 2008).

23) Par jugement du 14 novembre 2011, notifié le 21 novembre 2011, le TAPI a rejeté le recours précité.

La somme de CHF 34'417.- devait être reprise au titre de prestation appréciable en argent, correspondant à des intérêts non perçus sur une somme de USD 14'000'000.- avancée par la société à son actionnaire. Il fallait considérer que cette opération n'était pas justifiée par l'usage commercial, et que la recourante n'avait reçu aucune contre-prestation. L'absence de contrepartie apparaissait d'autant plus « choquante » que la contribuable avait du prendre à sa charge une commission de financement de USD 14'000.- et une prime d'assurance de USD 15'680.- pour cette opération, sans alléguer que la clause de pénalité aurait été appliquée. Il était manifeste que la mise à disposition d'une somme aussi importante durant quarante-deux jours n'aurait pas été accordée à un tiers aux mêmes conditions. Vu le montant de USD 14'000'000.-, les organes de la société devaient se rendre compte qu'ils offraient un avantage non négligeable à l'actionnaire. La reprise de CHF 34'417.- était confirmée, compte tenu de la clôture annuel des comptes de la société au 30 novembre 2008 et des taux d'intérêt et de change alors applicables.

24) Par acte du 21 décembre 2011, T______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant à son annulation, à la constatation que la somme de CHF 34'417.- ne devait pas être ajoutée à titre d'intérêts sur avance à un proche dans son compte de pertes et profits de l'exercice 2008, et à l'émission d'un nouveau bordereau de taxation pour l'ICC 2008 et l'IFD 2008 ; le tout « sous suite de frais et dépens ».

Elle reprenait essentiellement les arguments précédemment invoqués. Pour le surplus, elle contestait le taux d'intérêt retenu par le TAPI. Il fallait prendre le montant des propres charges majoré uniquement de ¼ % au-delà de CHF 10'000'000.-. Le taux de change était de 1,082998, de sorte que le montant à retenir était de CHF 15'161'972.-.

25) Par courrier du 24 janvier 2012, le TAPI a indiqué ne pas avoir d'observations à formuler.

26) Dans sa réponse du 16 février 2012, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Elle renvoyait à ses précédentes écritures. Pour le surplus, la lettre circulaire du 3 avril 2008 de l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) sur les « Taux d'intérêt 2008 admis fiscalement sur les avances ou les prêts en monnaies étrangères » avait été correctement appliquée pour le calcul du taux d'intérêt. Le taux de change pris en compte pour le calcul de la reprise était celui indiqué dans les comptes de la contribuable.

27) Par courrier du 30 mars 2012, la recourante a persisté dans ses conclusions.

28) Le 3 avril 2012, le juge délégué a accordé aux parties un délai au 27 avril 2012 pour formuler toute requête ou observations complémentaires.

29) Aucune d'elles ne s'étant manifestée, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante conteste la reprise de CHF 34'417.- effectuée par l'autorité intimée, au motif que les conditions d'une prestation appréciable en argent en faveur d'un tiers ne sont pas remplies.

3) En matière fiscale, les règles générales relatives au fardeau de la preuve impliquent que l'autorité fiscale établisse les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment (ATF 92 I 253 consid. 2 p. 256/257 ; E. BLUMENSTEIN/P. LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 6e éd., 2002, p. 416 et les références citées). Par ailleurs, le contribuable doit prouver l'exactitude de sa déclaration d'impôts et de ses explications ultérieures ; on ne peut pas demander au contribuable de prouver un fait négatif, par exemple qu'il n'a pas d'autres revenus que ceux annoncés (J.-M. RIVIER, Droit fiscal suisse, L'imposition du revenu et de la fortune, 2e éd., 1998, p. 138). Il incombe en effet à l'autorité fiscale d'apporter la preuve de l'existence d'éléments imposables qui n'ont pas été annoncés. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'indices révélant l'existence d'éléments imposables, il appartient à nouveau au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations et de supporter le fardeau de la preuve du fait qui justifie son exonération, sauf s'il s'agit d'un fait qui, après instruction, demeure incertain (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_47/2009 du 26 mai 2009, consid. 5.4 et 2A.105/2007 du 3 septembre 2007, consid. 4.4, in RDAF 2007 II p. 299 ; voir également D. SCHÄR, Normentheorie und mitwirkungsorientierte Beweislastverteilung in gemischten Steuerverfahren, Archives 67 p. 433 ss, en particulier p. 448). En ce qui concerne les prestations appréciables en argent faites par la société, sans contre-prestation, à ses actionnaires, c'est en principe à l'autorité fiscale qu'il appartient de les prouver. Le contribuable n'a donc pas à supporter les conséquences d'un manque de preuves, à moins qu'on ne puisse lui reprocher une violation de ses devoirs de collaboration (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_76/2009 du 23 juillet 2009 et les références citées).

4) L'art. 57 LIFD prévoit que l'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Celui-ci comprend notamment tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat, qui ne servent pas à couvrir les dépenses justifiées par l'usage commercial, tels que les distributions ouvertes ou dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par ledit usage (art. 58 al. 1 let. b in fine LIFD).

5) a. Selon l'art. 24 al. 1 let. a de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), l'impôt sur le bénéfice a pour objet l'ensemble du bénéfice net, y compris les charges non justifiées par l'usage commercial portées au débit du compte de résultat.

b. L’imposition des personnes morales au titre de l’impôt cantonal est régie par la LIPM.

L’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net (art. 11 LIPM). Aux termes de l'art. 12 LIPM, sont notamment considérés comme bénéfice net imposable, le bénéfice net tel qu’il résulte du compte de profits et de pertes (art. 12 let. a LIPM) ainsi que les allocations volontaires à des tiers et les prestations de toute nature fournies gratuitement à des tiers ou à des actionnaires de la société (art. 12 let. h LIPM).

c. Le Tribunal fédéral a admis que, malgré une rédaction différente, l'art. 12 let. h LIPM est conforme à l'art. 24 al. 1 let. a LHID (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_188/2008 du 19 août 2008, consid. 5.1).

6) a. Les prestations appréciables en argent peuvent apparaître de diverses façons, et les distributions dissimulées de bénéfice consistent en une prestation affectant un compte de charge ou un compte produit, un transfert d’actif à la valeur comptable inférieure à la valeur vénale ou la comptabilisation d’une non-valeur (ATA/684/2010 du 5 octobre 2010). Un prêt sans intérêt constitue une prestation appréciable en argent (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.145/2005 du 30 janvier 2006 consid. 9.3).

Dans ses lettres circulaires des 1er février et 3 avril 2008, respectivement sur les « taux d'intérêt 2008 déterminants pour le calcul des prestations appréciables en argent » et les « taux d'intérêt 2008 admis fiscalement sur les avances ou les prêts en monnaies étrangères », l'AFC-CH a rappelé que « lorsqu'une société accorde des avances ou des prêts sans intérêt ou contre un intérêt insuffisant à ses actionnaires ou associés, ou à des personnes qui leur sont proches, elle leur concède une prestation appréciable en argent ».

b. Selon la jurisprudence, l’existence d’une prestation appréciable en argent suppose la réalisation de quatre conditions cumulatives : la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le touchant de près ; elle n’aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; et la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que les organes de la société auraient pu se rendre compte de l’avantage qu’ils accordaient (ATA/21/2005 du 18 janvier 2005 ; X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 3e éd., 2007, p. 197 n. 33 et les références citées).

c. Il appartient à la société de prouver que les prestations en question sont justifiées par l’usage commercial, afin que les autorités fiscales puissent s’assurer que seules des raisons commerciales, et non les étroites relations personnelles et économiques entre la société et le bénéficiaire de la prestation, ont conduit à la prestation insolite (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_275/2010 du 24 août 2010).

d. En présence d'une prestation appréciable en argent, les conséquences fiscales seront multiples. Le fisc réintégrera la prestation dans les bénéfices imposables de la société (X. OBERSON, op. cit., p. 196-197, nos 31 et 35).

7) En l'espèce, la question est de savoir si l'absence de rémunération du préfinancement de USD 14'000'000.-, qualifié d'avance à un proche, consiste en une prestation appréciable en argent au sens des dispositions légales et de la jurisprudence. L’autorité de taxation considère ce versement comme un avantage concédé à l'actionnaire tandis que la société allègue qu'elle découle de l'usage commercial, compte tenu de la résiliation du contrat du 11 novembre 2008.

Il n'est pas contesté que la cocontractante et actionnaire de la recourante n'a versé à cette dernière aucun intérêt sur la somme de CHF 14'000'000.-, laquelle lui a été mise à disposition du 18 novembre au 30 décembre 2008, soit pendant quarante-deux jours. De plus, la recourante a elle-même supporté tous les frais relatifs à la conclusion du contrat, à savoir la commission de USD 14'000.- prélevée par la banque et la prime d'assurance de USD 15'680.-.

A cela s'ajoute que le préfinancement de USD 14'000'000.- a été versé en totalité, quelques jours seulement après la conclusion du contrat, alors que ledit document prévoyait comme dernière date de paiement le 1er mars 2009. La recourante n'avait donc pas l'obligation de mettre à disposition aussi rapidement une telle somme. En outre, les différents achats d'huile de tournesol non raffinée effectués de novembre à décembre 2008 par la recourante démontrent que celle-ci n'a pas hésité à se fournir ailleurs à un prix plus élevé, alors qu'elle disposait de marchandise stockée et payée.

Au vu de ce qui précède, l'inexécution du contrat du 11 novembre 2008 a manifestement enrichi la société actionnaire, tandis qu'elle a appauvri la recourante sans contre-prestation.

Pour ces motifs, le grief doit être écarté, et la reprise des intérêts en tant qu'avance faite à un proche, confirmée.

8) Subsidiairement, la recourante conteste les taux d'intérêt et de change appliqués par la CCRA et le TAPI pour déterminer la reprise d'intérêts comme avance à un proche.

9) En règle générale, les instructions, les circulaires et les directives administratives - ou, en d'autres termes, les ordonnances administratives - n'ont, selon la jurisprudence et la doctrine, pas force de loi et ne constituent pas du droit fédéral au sens de l'art. 49 let. a de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021 - ATF 121 II 478 consid. 2b, ATA/439/2009 du 8 septembre 2009 et les références citées).

Si les directives, circulaires ou instructions émises par l'administration ne peuvent contenir de règles de droit, elles peuvent cependant apporter des précisions quant à certaines notions contenues dans la loi ou quant à la mise en pratique de celle-ci. Sans être lié par elles, le juge peut néanmoins les prendre en considération en vue d'assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré. Il ne doit cependant en tenir compte que si elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATF 121 II 478 consid. 2b ; ATA/12/2012 du 10 janvier 2012 consid. 3 ; ATA/839/2003 du 18 novembre 2003 consid. 3c). En d'autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 133 II 305 consid. 8.1 ; ATF 121 II 473 consid. 2b ; ATF 117 Ib 226 consid. 4b ; ATF 104 Ib 49). C'est donc à la lumière de ces principes que doivent être appréciées les règles contenues dans les directives précitées (ATA/69/2012 du 31 janvier 2012).

10) Selon la lettre circulaire du 3 avril 2008 de l'AFC-CH sur les « taux d'intérêt 2008 admis fiscalement sur les avances ou les prêts en monnaies étrangères », « si la société ou coopérative rémunère les engagements qu'elle a pris, les taux applicables aux avances et aux prêts aux actionnaires, associés ou à des tiers qui leur sont proches, doivent correspondre à ceux servis sur ces engagements augmentés d'une marge de ½ % ; les taux appliqués doivent cependant correspondre au minimum à ceux publiés dans les tableaux ».

En l'occurrence, la somme mise à disposition était effectivement libellée en monnaie étrangère, puisqu'il s'agissait d'un montant de USD 14'000'000.-. Le taux d'intérêt applicable devait donc être augmenté de ½ % tel qu'en dispose la lettre circulaire de l'AFC-CH précitée, dont il n'est pas allégué qu'elle ne respecterait pas le sens ou le but de la loi. En outre, dans ses comptes au 30 novembre 2008, la contribuable a elle-même converti le préfinancement en cause à hauteur de CHF 17'010'000.-.

Il s'ensuit que le montant de la reprise au titre d'intérêts sur avance à un proche a été correctement calculé à CHF 34'417.-, le taux d'intérêt appliqué par la banque n'étant pas contesté.

En conséquence, ce dernier grief sera écarté et le recours, rejeté.

11) Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 LPA). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 décembre 2011 par T______ S.A. contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 novembre 2011 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de T______ S.A. ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sandro Vecchio, avocat de la recourante, à l'administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction a.i. :

 

 

C. Sudre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :