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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/485/2010

ATA/53/2011 du 01.02.2011 ( AMENAG ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ; POUVOIR D'APPRÉCIATION ; MONUMENT ; INVENTAIRE ; CLASSEMENT(ZONE) ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPMNS.4.leta; LPMNS.7.al1
Parties : HOSPICE GENERAL / DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION
Résumé : Confirmation de la mise à l'inventaire de plusieurs éléments bâtis et de la parcelle n° 1754 faisant partie du domaine de Pierre-Grise à Versoix. Dans la mesure où ces différents éléments participent à la cohérence de l'ensemble du domaine, la qualité d'objets dignes de protection doit leur être reconnue. La mise à l'inventaire ne devra toutefois porter que sur les éléments digne de conservation étant rappelé qu'il est incontestable que la mise à l'inventaire des bâtiments du domaine n'a de sens que si le terrain qui les entoure, à savoir le périmètre de protection préconisé par le département, permet leur mise en valeur. Une inscription à l'inventaire limitée respecte en l'espèce le principe de la proportionnalité au sens étroit.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/485/2010-AMENAG ATA/53/2011

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

du 1er février 2011

dans la cause

 

HOSPICE GÉNÉRAL
représenté par Me François Bellanger, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION

 



EN FAIT

1) L’Hospice général (ci-après : l’hospice) est propriétaire du domaine de Pierre-Grise (ci-après : le domaine), constitué par la parcelle n° 1754, feuille 16 de la commune de Genthod à l’adresse 13-17 chemin des Chênes.

Le domaine a été formé par le banquier Edouard-François Pictet et aménagé en 1856-1858 par les soins de l’architecte Alexandre-Adrien Krieg, avec maison de maître, dépendances, jardins et nombreuses plantations d’une surface de 159'587 m2. Il est situé pour partie en zone 5 de construction et pour partie en zone agricole.

Il est actuellement affecté à un foyer accueillant des enfants en âge d’école primaire.

2) Ce domaine abrite plusieurs bâtiments dont :

-               la maison de maître, cadastrée sous n° 75, qui a subi plusieurs transformations dont une surélévation de l’aile basse au sud en 1910 et d’importants travaux intérieurs en 1965. Par arrêté du département des travaux publics, devenu depuis lors le département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : le département) du 25 juillet 1980, elle a été inscrite à l’inventaire des bâtiments dignes d’être protégés ;

-               une ferme, cadastrée sous n° 77, contemporaine de la maison de maître, s’élève à l’ouest. Elle s’appuie à l’arrière contre une terrasse haute bordée par des murs sur trois côtés. Une serre prolongeait la ferme dans sa partie sud. L’ensemble de la ferme a subi des transformations : une première extension au nord pour un important couvert en bois dans la deuxième moitié du 19ème siècle, puis un deuxième couvert, perpendiculaire au premier, et adossé au mur de soutènement de la terrasse, au 20ème siècle. A l’arrière du bâtiment se trouve la terrasse haute dont le mur côté ferme a été remonté en plots au 20ème siècle. Un château d’eau occupe l’angle nord-est de la terrasse ;

-               un chalet, cadastré sous n° 76, situé perpendiculairement devant la ferme, un peu sur le côté, ménageant ainsi une arrière-cour. Ce bâtiment a subi d’importantes transformations intérieures en 1965 ;

-               Trois autres petits bâtiments dont un dépôt ;

3) En vue d’effectuer des travaux de transformations et de réaménagement de l’internat, l’hospice a déposé trois requêtes en autorisation de construire, l’une portant sur les transformations et réaménagements de la maison de maître (DD 100979), la seconde sur la transformation du chalet (DD 102509) et la troisième sur la transformation de la ferme en un bâtiment scolaire spécialisé (DD 101529).

4) Dans le cadre de l’instruction des requêtes en autorisation de construire précitées, des représentants de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) et du service des monuments et sites (ci-après : SMS) ont procédé à une visite des lieux.

Ils ont consigné leurs observations dans un rapport du 15 janvier 2007 contenant une étude historique du site, une étude détaillée de la maison de maître, de la ferme et du chalet, une analyse des travaux projetés ainsi qu’un dossier photographique. Vu la valeur patrimoniale des dépendances du domaine, les auteurs du rapport demandaient que la ferme et le chalet soient inscrits à l’inventaire avec leurs abords immédiats (terrasse, château d’eau, etc.).

Ayant pris connaissance du rapport précité, la sous-commission monuments et antiquités (ci-après : SCMA) de la CMNS a préavisé favorablement la demande d’ouverture d’une procédure d’inscription à l’inventaire pour les deux bâtiments susmentionnés ainsi que pour les dégagements proches de ceux-ci (cour, arrière-cour, mur, ancienne serre et château d’eau) (préavis du 24 janvier 2007).

5) Par courrier du 23 mars 2007, le département a informé l’hospice que, conformément aux dispositions prévues par les art. 7 et ss de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) et des art. 16 et ss du règlement général d’exécution de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 novembre 1976 (RPMNS - L 4 05.01), il ouvrait une procédure en vue de l’inscription à l’inventaire des immeubles nos 76 (ci-après : le chalet) et 77 (ci-après : la ferme), de la cour, de l’arrière-cour, du mur, de l’ancienne serre, du château d’eau et de la parcelle n° 1754. Ces deux édifices étaient des exemples remarquables de dépendances agricoles, dont les façades étaient rigoureusement composées et la construction très soignée. Ils faisaient partie intégrante du projet de création du domaine de M. Pictet à Genthod de même que, notamment, les aménagements hydrauliques qui avaient partiellement subsisté.

Un délai de trente jours était imparti à l’hospice pour ses remarques éventuelles.

6) L’hospice s’est déterminé le 29 juin 2007.

Il ne s’opposait pas à la mise à l’inventaire de l’enveloppe extérieure du chalet, à l’exception de la moitié de la façade inférieure du rez-de-chaussée orientée vers la maison de maître. Dite mesure ne devrait en aucun cas porter sur l’intérieur du bâtiment.

De la même manière, il ne s’opposait à la mise à l’inventaire de l’enveloppe extérieure de la ferme, y compris sa toiture, à l’exclusion du bûcher, de la serre dont il ne restait que les fondations, et du mur situé au premier niveau à l’arrière du bâtiment. Dite mesure ne devrait en aucun cas porter sur l’intérieur du bâtiment.

7) Le 18 septembre 2007, la commune de Genthod a préavisé favorablement l’inscription à l’inventaire du chalet et de la ferme et de la parcelle n° 1754.

8) Le SMS a établi un rapport daté du 5 mars 2009 consacré aux dépendances du domaine.

Celles-ci avaient été construites simultanément à la maison de maître par le même architecte, contrairement aux informations dont il était fait état dans le rapport de visite, selon lesquelles le chalet proviendrait de l’Exposition nationale de 1896. Les plans d’origine attestaient de la conception d’ensemble de la maison de maître, des deux dépendances, de la serre surmontant un espace voûté, des murs de soutènement et des installations hydrauliques, en particulier d’une vaste citerne.

Ce rapport était accompagné de plans conservés au centre d’iconographie genevoise et des archives du département ainsi que d’un extrait tiré de l’ouvrage (« Bâtir la campagne », Genève 1800-1860) consacré au domaine.

9) Parallèlement à la procédure de mise à l’inventaire, le département a poursuivi l’instruction des requêtes en autorisation de construire mentionnées supra (cf. ch. 3).

- Le 24 janvier 2007, la SCMA a émis un préavis pour la DD 100979. Le programme envisagé était inadapté à une approche de réhabilitation des bâtiments et le projet développé sur la maison de maître portait une atteinte supplémentaire à sa substance historique. En particulier, l’impact de la mise aux normes de sécurité imposé par l’hébergement d’une population enfantine était incompatible avec le respect d’une maison portée à l’inventaire (inversion de l’ouverture des portes, escaliers antifeu et élargissement des passages notamment).

- Le 24 septembre 2007, le SMS a émis un préavis favorable sous réserve pour la DD 101529 retenant que le projet développé prenait en compte les qualités typologiques, architecturales et matérielles de ce bâtiment remarquable.

- Le 9 mars 2009, le SMS a émis un préavis favorable pour la DD 102509, considérant que le dossier permettait de conserver les caractéristiques architecturales et constructives générales de cette dépendance.

10) Le 3 décembre 2007, le département a délivré l’autorisation DD 101529, puis le 24 juillet 2009 les autorisations 100979 et 102509. Les travaux ont commencé le 1er juillet 2009.

11) Par arrêté du 8 janvier 2010, le département a approuvé l’inscription à l’inventaire du chalet et de la ferme, des murs anciens, de l’ancien château d’eau, de la fontaine et d’une partie située en 5ème zone de la parcelle n° 1754 feuille 16 du cadastre de la commune de Genthod. Après examen des documents conservés au centre d’iconographie genevoise, il apparaissait que les deux dépendances, le mur longeant la dépendance ouest, la serre - dont subsistaient le sous-sol et les bases en maçonnerie - ainsi que le système hydraulique, adapté avec un château d’eau plus récent, avaient été conçus simultanément à la maison d’habitation. Ces éléments conféraient aux bâtiments une valeur d’ensemble. Les différentes interventions réalisées sur les deux bâtiments n’en avaient pas altéré de manière significative la substance patrimoniale. L’intérêt de ces constructions tenait par ailleurs à leur relation étroite avec le bâtiment principal (maison de maître) et à la valeur d’ensemble qu’elles formaient avec celui-ci. Le département n’entendait dès lors pas donner suite à la demande du propriétaire de limiter la mesure de protection telle qu’il le souhaitait. Cette mesure s’étendrait à l’entier des bâtiments, à l’exclusion du bûcher, ainsi qu’à certains éléments dignes d’intérêt sis alentour. La parcelle n°1754 ferait l’objet d’une mention au registre foncier.

Dit arrêté indiquait la voie et le délai de recours au Tribunal administratif.

12) L’hospice a interjeté recours contre l’arrêté précité auprès du Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par acte du 10 février 2010. Il conclut à son annulation avec suite de frais et dépens et préalablement, à la tenue d’un transport sur place.

La mise à l’inventaire ne pouvait porter que sur des immeubles. Dans la mesure où elle avait pour objet des installations et surtout sur une partie de la parcelle située en zone 5, elle équivalait à un plan de site au sens l’art. 38 LPMNS, sans avoir été adopté selon la procédure prévue pour un tel plan. Illégale, la décision devait être annulée.

Lors du recensement architectural de 1976, le chalet et la ferme avaient reçu la valeur 4+. La petite construction cadastrée sous n° 948 avait été gratifiée d’une valeur de 6. Les autres éléments du domaine n’avaient pas été pris en considération.

Le chalet était une construction récupérée de l’Exposition nationale de 1896. L’intérieur du bâtiment ne comportait aucun élément intéressant ; il avait été complètement modifié au fil des années et ne présentait aucun intérêt architectural.

La ferme qui datait vraisemblablement de la fin du XIXème siècle était composée de quatre corps de bâtiment distincts. L’intérieur des deux éléments centraux ne contenait aucun élément digne de protection. La délégation de la CMNS n’en avait d’ailleurs relevé aucun. A l’arrière du bâtiment se trouvait un mur construit vraisemblablement au début du XXème siècle qui dissimulait le premier niveau du bâtiment. Celui-ci n’avait aucune qualité architecturale.

Ces deux bâtiments avaient fait l’objet de demandes définitives d’autorisation de construire dans le cadre desquelles le SMS et la CMNS avaient donné des préavis favorables. Les autorisations de construire y relatives avaient été délivrées respectivement le 3 décembre 2007 et le 24 juillet 2009. La décision querellée ne tenait absolument pas compte de ces éléments.

Cette dernière violait le principe de la proportionnalité en tant qu’elle mettait à l’inventaire l’intégralité des bâtiments alors que ni pour l’un ni pour l’autre, aucun élément intérieur n’était digne de protection.

De la même manière, elle protégeait des éléments dépourvus d’intérêt selon l’art. 4 LPMNS, notamment les murs anciens, l’ancien château d’eau, la fontaine et la partie sise en 5ème zone de la parcelle n° 1754. En premier lieu, les murs anciens n’étaient pas identifiés, en deuxième lieu - et comme le relevait la décision querellée - le château d’eau était récent, en troisième lieu, la décision visait une fontaine sans qu’elle ne donne la moindre indication sur la nature de celle-ci ni ses éventuelles qualités.

Enfin, la décision litigieuse mettait à l’inventaire « la partie sise en 5ème zone de la parcelle n° 1754 ». Or, la mesure était illégale sur ce point par son objet même, dès lors que l’inventaire ne concernait que des bâtiments et non des terrains. De plus, le dispositif de la décision était très imprécis et source d’une grande insécurité juridique. A la lecture de celui-ci, il était impossible de savoir exactement quelle était la partie de la parcelle n° 1754 mise à l’inventaire.

13) Dans sa réponse du 30 mars 2010, le département s’est opposé au recours.

L’art. 4 LPMNS visait non seulement la « protection des monuments », des « antiquités immobilières » ainsi que des terrains contenant « ces objets et leurs abords » (let. a), mais aussi la protection des « immeubles » (let. b), c’est-à-dire des objets réputés tels par l’art. 655 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CCS - RS 210). En d’autres termes, les objets susceptibles d’être mis à l’inventaire ne se limitaient pas aux seuls monuments ou à des éléments patrimoniaux pouvant leur être assimilés mais ils pouvaient aussi englober tout ou partie des terrains sur lesquels ces derniers reposaient. C’était donc à tort que l’hospice prétendait que la mesure de mise à l’inventaire serait illégale au motif que celle-ci aurait été adoptée en violation de la procédure applicable à l’adoption d’un plan de site au sens des art. 38 et ss LPMNS.

La CMNS avait préconisé une mesure de protection pour l’ensemble des éléments désignés dans le dispositif de la décision querellée. L’hospice n’avançait aucun argument qui pourrait infirmer ou sérieusement remettre en cause les appréciations de la CMNS lesquelles reposaient sur des considérations objectives, notamment sur le rapport de visite du 15 janvier 2007. Il était exact que le dispositif de l’arrêté querellé n’identifiait pas de manière précise les murs anciens mis sous protection. Ceux-ci, édifiés à l’époque de la construction des bâtiments et qui présentaient un charme particulier, longeaient la partie ouest et sud-ouest de la parcelle n° 1754. Ils encadraient un bassin (piscine) et protégeaient les lieux de toute vue de l’extérieur. Ils faisaient partie intégrante du domaine et participaient étroitement à son environnement, ce qu’un constat sur place permettrait à la chambre administrative d’identifier. Enfin, ces murs présentaient un intérêt historique car une fois encore, ils étaient contemporains avec les bâtiments. A les considérer sous cet aspect, ils méritaient d’être protégés.

Les mêmes observations devaient être faites au sujet du château d’eau et de la fontaine. Le fait que celle-ci ne soit pas citée dans le rapport de visite du 15 janvier 2007 ou dans le préavis du 24 janvier 2007 de la CMNS n’était pas déterminant.

Enfin, s’agissant de l’inscription à l’inventaire d’une partie de la parcelle n° 1754 (soit la partie délimitée par le mur d’angle et située au sud du bâtiment n° 77), cette mesure était conforme au préavis de la CMNS qui avait demandé de mettre sous protection les abords du chalet et de la ferme. S’il était exact qu’au vu du seul dispositif de l’arrêté querellé il n’était sans doute pas aisé de déterminer l’étendue exacte de la partie de la parcelle n° 1754 mise à l’inventaire, une inspection locale permettrait à la chambre administrative de se rendre compte de la portée exacte de cette mesure, manifestement indispensable à l’objectif de protection poursuivi.

La décision querellée n’était pas constitutive d’une violation du principe de la proportionnalité au motif qu’elle visait l’intégralité des bâtiments. S’agissant du chalet, l’accord du SMS pour les travaux objets de la DD 102509 avait été donné au motif que le projet y relatif permettait de conserver les caractéristiques architecturales et constructives générales du bâtiment. Il en allait de même pour la ferme. La mesure de mise à l’inventaire se conciliait elle aussi avec les transformations permises par l’autorisation de construire DD 101529.

14) Le 7 octobre 2010, le juge délégué a procédé à un transport sur place en présence des parties ainsi que d’un représentant du SMS.

I Il a fait les constatations suivantes :

1.         Le chalet :

L’intérieur du bâtiment a subi des transformations dans les années 1960. Tout le rez-de-chaussée a été réaménagé, notamment en salles de classe. Ces travaux ont généré les ouvertures vitrées sur la façade sud-ouest faisant face à la maison de maître.

Le premier étage a également subi des travaux de réaménagement bien que certaines pièces conservent des éléments d’origine comme par exemple les gonds des portes et les moulures des plafonds.

Les combles ont été aménagés plus tardivement, vraisemblablement dans les années 1980. La structure primaire de la charpente apparente est bien conservée. L’espace a été réaménagé dans le respect de la structure porteuse mais avec des velux en toiture et deux ouvertures sur la façade ouest.

Un escalier en béton reliant le premier étage au rez-de-chaussée a été créé lors des travaux de 1960.

Les sous-sols n’ont pas fait l’objet de travaux de réfection.

La façade nord du bâtiment n’a pas subi d’intervention majeure lors des travaux de 1960.

2.         La ferme :

Les travaux autorisés et avalisés par le SMS sont actuellement en cours.

Au premier étage, le juge délégué constate que la charpente d’origine est bien conservée.

3.         Les murs :

Le juge délégué a constaté que le mur côté nord est fait de deux parties : la partie inférieure est un mur de contention fait de gros blocs de pierre de Meillerie alors que la partie supérieure est un mur de délimitation constitué de petits éléments tels que boulets, briques ou éléments de récupération. Il en va de même du mur côté Jura qui est également pour partie un mur de contention et pour partie un mur séparatif. Celui-ci partiellement démoli est actuellement reconstruit en béton conformément à l’autorisation de construire délivrée.

4.         Le château d’eau :

Dans l’angle nord-ouest de la parcelle, le juge délégué a constaté la présence d’un château d’eau. La partie inférieure est en maçonnerie et s’inscrit dans le prolongement du mur d’enceinte de la propriété. La partie supérieure métallique est en mauvais état.

5.         La serre :

Cet objet n’existe plus. Toutes les parties s’accordent sur le point qu’il ne peut pas faire l’objet de la mise à l’inventaire.

6.         La fontaine :

Cet élément se trouve devant la façade sud-ouest du chalet. L’hospice déclare ne plus s’opposer à la mise à l’inventaire de cet élément.

7.         La terrasse haute et le retour côté nord :

Le département et le SMS précisent que la partie de la parcelle englobée dans la mise à l’inventaire est celle qui s’étend entre la ferme et le mur côté Jura sur laquelle se trouve actuellement une piscine ainsi que le retour côté nord.

Un croquis de la partie qui devrait faire l’objet de la mise à l’inventaire sera produit par le département.

II Les parties ont persisté dans leurs conclusions. L’hospice a confirmé son accord pour la mise à l’inventaire de l’extérieur du chalet, à l’exclusion de l’intérieur du bâtiment. Il s’est opposé à la mise à l’inventaire de la ferme ; cette mesure ne devant porter au mieux que sur la structure ainsi que sur la façade ainsi qu’à celle des murs, ceux-ci n’étant pas d’origine et à celle du château d’eau.

Pour le département, la mise à l’inventaire devait concerner l’ensemble du site (cohérence, harmonie des bâtiments). Il a relevé la valeur de l’ensemble des constructions.

Le SMS a demandé la mise à l’inventaire du tout étant précisé qu’une telle mesure n’empêchait pas des interventions sur les objets qu’elle vise.

15) Le 28 octobre 2010, le département a versé aux débats un plan récapitulatif n° 29811-520 établi le 25 octobre 2010, fixant les abords des bâtiments inscrits à l’inventaire selon la nouvelle proposition du 29 octobre 2010. Seuls les abords immédiats de la maison de maître et des dépendances devaient faire l’objet de la mise à l’inventaire.

Le département a également produit un jeu de plans concernant le chalet, la ferme, la serre et les installations hydrauliques démontrant que celui-là avait été réalisé simultanément à la maison de maître et qu’il ne provenait pas de l’Exposition nationale de 1896 comme cela ressortait à tort du rapport du 15 janvier 2007.

16) Le 11 novembre 2010, le département a présenté ses observations. Les constatations faites lors du transport sur place confortaient le caractère digne de protection de la ferme et du chalet ainsi que des autres éléments, également dignes de protection tels que les murs et le château d’eau.

Le chalet avait conservé son expression d’origine malgré les travaux d’aménagement effectués au cours des années 1960. Certains locaux au premier étage avaient conservé des caractéristiques d’origine. L’espace aménagé sous les combles l’avait été dans le respect de la structure d’origine.

De la même manière, et malgré les travaux de rénovation lourds entrepris sur la ferme, celle-ci avait conservé son expression d’origine.

Le caractère digne de protection de ces deux bâtiments s’exprimait indépendamment de leur expression et de leurs éléments dignes d’intérêt par la valeur d’ensemble qu’ils présentaient.

Les murs faisaient pratiquement corps avec les bâtiments précités et devaient être rattachés à l’histoire du domaine.

Le château d’eau constituait un élément édifié vraisemblablement lors de la construction du domaine et participait lui aussi au caractère des lieux. Sa protection était donc justifiée.

Le département prenait acte que l’hospice était favorable à l’inscription à l’inventaire de la fontaine localisée devant le chalet.

Concernant l’étendue de la mesure de protection, la proposition concrétisée par le plan du 25 octobre 2010 réduisait considérablement la surface protégée définie dans l’arrêté litigieux. Dans sa nouvelle mouture, ce périmètre, réduit de 20’592 m2 à 11'533 m2, comprenait l’espace situé entre la ferme et le mur côté Jura et celui constitué par le retour en direction du chalet côté nord ainsi qu’une partie de la parcelle n° 1754 abritant le bâtiment principal et cela dans la mesure strictement nécessaire à la protection de ce dernier. Il n’était pas possible de réduire davantage le périmètre sauf à compromettre l’objectif de protection recherché et à porter atteinte à la valeur d’ensemble du domaine.

La question de savoir si une mesure de protection desdits bâtiments et des autres éléments dignes d’intérêt par le biais d’un plan de site eût été préférable à une inscription à l’inventaire n’avait guère d’importance. En effet, les conséquences attachées à l’une ou l’autre de ces mesures ne différaient pas puisque chacune d’elle avait pour but d’assurer la pérennité d’éléments patrimoniaux dignes d’intérêt et comportait dans le cas particulier des effets identiques : la conservation de l’enveloppe des bâtiments, de leurs éléments, intégrés ou accessoires, jugés dignes d’intérêt.

17) L’hospice a présenté ses observations le 30 novembre 2010.

Concernant le chalet, le seul intérêt de ce bâtiment était son enveloppe extérieure à l’exception de la moitié inférieure de la façade orientée vers la maison de maître. L’hospice persistait à s’opposer à la mise à l’inventaire du bâtiment. Si celle-ci devait être maintenue, elle ne pourrait porter que sur l’enveloppe extérieure du bâtiment, y compris la structure primaire de la charpente, à l’exception de la moitié de la façade inférieure du rez-de-chaussée orientée vers la maison de maître. Le classement (sic) d’autres éléments du bâtiment serait illégal et en toute hypothèse disproportionné.

Contrairement à ce que soutenait le département, la ferme n’avait pas conservé son expression d’origine. Selon les plans produits par le département, le bâtiment d’origine était limité au corps de ferme. La partie adjacente du bâtiment avait été rajoutée ultérieurement et n’avait aucun rapport avec la première que l’autorité intimée prétendait être digne de protection. S’agissant de l’intérieur du bâtiment, il n’y avait aucun élément digne de protection. L’espace conçu à l’origine était vide, manifestement utilisé pour stocker des marchandises ou des biens liés à la ferme. Cet espace n’avait aucun intérêt particulier et avait été intégralement modifié comme le juge délégué avait pu le constater lors du transport sur place. Le seul élément qui conservait un caractère historique était lié à la structure du bâtiment, soit la charpente d’origine.

L’arrière de l’espace aménagé sous forme d’une grande zone vitrée n’existait plus. Seuls les murs subsistaient et faisaient partie de la structure du bâtiment.

Le département était conscient de cet état de fait puisqu’il insistait sur le fait que la protection était nécessaire car la maison de maître, le chalet et la ferme formaient un ensemble qu’il fallait protéger. C’était ainsi l’aspect extérieur des bâtiments que le département voulait réellement protéger et non les éléments intérieurs, dont il ne pouvait ne pas savoir qu’ils étaient sans intérêt.

L’hospice s’opposait à la mise à l’inventaire de la ferme. Si cette mesure devait intervenir, elle ne pourrait porter que sur l’enveloppe du bâtiment, y compris la charpente du toit, à l’exclusion de toute autre sous peine de violer le principe de la proportionnalité.

L’arrêté querellé devait être annulé concernant les murs, ceux-ci n’étant pas clairement désignés. Au surplus, le juge délégué avait pu constater que les murs en question avaient été construits au moins à deux époques différentes et n’avaient aucune qualité particulière, le seul fait qu’ils comprennent des pierres de Meillerie ne justifiant pas une mesure de protection.

Le juge délégué avait pu constater le caractère totalement dégradé du château d’eau. La partie inférieure était en pierre et la structure supérieure métallique entièrement corrodée. Elle pouvait s’effondrer à tout moment et présentait un danger certain à supposer qu’un tel édifice puisse faire l’objet d’une mise à l’inventaire, l’hospice contestait que cette mesure puisse être ordonnée en l’espèce vu l’absence d’intérêt historique du château d’eau, subsidiairement son caractère totalement dégradé.

L’hospice confirmait qu’il ne s’opposait pas à la mise à l’inventaire de la fontaine si tant est qu’un tel objet mobilier puisse être assimilé à un immeuble susceptible d’être mis à l’inventaire.

Enfin, il prenait acte de ce que le département reconnaissait que la serre n’existait plus. L’arrêté devait être annulé sur ce point.

La mise à l’inventaire de la parcelle était illégale et devait être annulée, même après la réduction de la surface concernée par la mise à l’inventaire. Le département cherchait à obtenir un résultat qui pourrait être obtenu par un plan de site. Or une mesure de planification ne pouvait pas être remplacée par une mesure individuelle, n’étant pas soumise à la même procédure et aux mêmes contraintes de publicité.

18) Sur quoi, comme annoncé lors du transport sur place, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 en vigueur jusqu’au 31 décembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 3 LPMNS ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985, dans sa teneur en vigueur au 31 décembre 2010 - LPA - E 5 10).

Depuis le 1er janvier 2011, suite à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l'ensemble des compétences jusqu'alors dévolues au Tribunal administratif ont échu à la chambre administrative, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2) L'assujettissement d'un immeuble à des mesures de conservation ou de protection du patrimoine bâti constitue une restriction du droit de propriété garanti par l'art. 26 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) ; pour être compatible avec cette disposition, l'assujettissement doit donc reposer sur une base légale, être justifié par un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst. ; ATF 126 I 219 consid. 2a p. 221 et les arrêts cités ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_386/2010 du 17 janvier 2011 et les réf. citées).

A l’occasion de l’arrêt précité, le Tribunal fédéral a confirmé sa jurisprudence à savoir que les restrictions de la propriété ordonnées pour protéger les monuments et les sites naturels ou bâtis sont en principe d’intérêt public (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_386/2010 déjà cité).

3) Selon l'art. 4 let. a LPMNS, sont protégés les monuments de l'histoire de l'art ou de l'architecture et les antiquités immobilières situés ou découverts dans le canton, qui représentent un intérêt archéologique, historique, artistique, scientifique ou éducatif ainsi que les terrains contenant ces objets ou leurs abords.

4) a. S'agissant de la notion de monument, un certain nombre de critères stables ont été établis par la législation, la doctrine et la jurisprudence. D'abord, un monument est toujours un bâtiment, fruit d'une activité humaine. Ensuite, tout monument doit être une œuvre digne de protection du fait de sa signification historique, artistique, scientifique ou culturelle. Il appartient aux historiens, historiens de l'art et autres spécialistes, de déterminer si les caractéristiques présentées par le monument le rendent digne de protection, d'après leur connaissance et leur spécialité. A ce titre, il suffit que le monument offre certaines caractéristiques au regard des critères énoncés ci-dessus pour justifier son classement, sans pour autant devoir être exceptionnel dans l'abstrait. Un édifice peut devenir significatif du fait de l'évolution de la situation et d'une rareté qu'il aurait gagnée avec le temps. Les particularités du bâtiment doivent au moins apparaître aux spécialistes et trouver le reflet dans la tradition populaire sans trop s'en écarter (ATA/80/2001 du 6 février 2001 ; ATA/280/2000 du 9 mai 2000 et les réf. citées ; P. VOGEL, La protection des monuments historiques, 1982, p. 24 et les réf. citées).

b. Selon la Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites, élaborée et adoptée à l'échelle internationale en 1964 à Venise à l'occasion du 2ème congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques (ci-après : Charte de Venise), la notion de monument historique comprend tant la création architecturale isolée que le site urbain ou rural qui porte témoignage d'une civilisation particulière, d'une évolution significative ou d'un événement historique. Elle s'étend non seulement aux grandes créations mais aussi aux œuvres modestes qui ont acquis avec le temps une signification culturelle (art. 1 Charte de Venise).

c. L'art. 4 let. a LPMNS, en tant qu'il prévoit la protection de monuments de l'architecture présentant un intérêt historique, scientifique ou éducatif, contient des concepts juridiques indéterminés qui laissent par essence à l'autorité comme au juge une latitude d'appréciation considérable. Il apparaît en outre que, depuis quelques décennies en Suisse, les mesures de protection ne s'appliquent plus uniquement à des monuments exceptionnels ou à des œuvres d'art mais qu'elles visent des objets très divers du patrimoine architectural du pays, parce qu'ils sont des témoins caractéristiques d'une époque ou d'un style (cf. notamment : P. VOGEL, op. cit., p. 25) ; la jurisprudence a pris acte de cette évolution (ATF 126 I 219 consid. 2e p. 223 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.842/2005 du 30 novembre 2006). Alors qu'à l'origine, les mesures de protection visaient essentiellement les monuments historiques, à savoir des édifices publics, civils ou religieux, ainsi que des sites et objets à valeur archéologique, elle s'est peu à peu étendue à des immeubles et objets plus modestes, que l'on a qualifié de patrimoine dit « mineur », caractéristique de la campagne genevoise, pour enfin s'ouvrir sur une prise de conscience de l'importance du patrimoine hérité du 19ème siècle et de la nécessité de sauvegarder un patrimoine plus récent, voire contemporain (ATA/105/2006 du 7 mars 2006 ; ATA/89/2000 du 8 février 2000). Dans la conception actuelle des mesures de conservation ou de protection, le fait qu’un bâtiment ne s’avère pas digne d’être protégé en soi peut être compensé par son caractère symbolique, par exemple sur le plan typologique. Dans certaines circonstances, ce n’est pas un style de construction notamment que le bâtiment représente, mais une certaine époque. De même, un bâtiment peut s’avérer digne de protection du fait de sa situation. Tel est notamment le cas lorsqu’un bâtiment contribue au caractère d’un groupe de constructions dignes d’être protégés, ou, en d’autres termes, lorsqu’il apparaît comme un élément essentiel de l’ensemble bâti auquel il appartient (Mesures de protection des sites construits et qualité du milieu bâti in Territoire et environnement VLP-ASPAN, décembre 2002 p. 51). Néanmoins, comme tout objet construit ne mérite pas une protection, il faut procéder à une appréciation d'ensemble, en fonction de critères objectifs ou scientifiques. La mesure ne doit pas être destinée à satisfaire uniquement un cercle restreint de spécialistes ; elle doit au contraire apparaître légitime aux yeux du public ou d'une grande partie de la population, pour avoir en quelque sorte une valeur générale (ATF 120 Ia 270 consid. 4a p. 275 ; 118 Ia 384 consid. 5a p. 389).

5) L'art. 7 al. 1 LPMNS prévoit qu'il est dressé un inventaire de tous les immeubles dignes d'être protégés au sens de l'art. 4.

Lorsqu'une procédure de mise à l'inventaire est ouverte, le propriétaire en est informé personnellement. Il est invité à formuler ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de l'avis (art. 7 al. 3 et 5, 1ère phr. LPMNS ; art. 17 al. 2 RPMNS).

La commune du lieu de situation est également consultée. L'autorité municipale doit communiquer son préavis dans un délai de trente jours à compter de la réception du dossier (art. 8 al. 1 et 2 LPMNS ; art. 17 al. 3 RPMNS).

Enfin, la CMNS formule ou examine les propositions d'inscription ou de radiation d'immeubles à l'inventaire (art. 5 al. 2 let. b RPMNS). Le département jouit toutefois, sous réserve d'excès ou d'abus de pouvoir, d'une certaine liberté d'appréciation dans les suites à donner dans un cas d'espèce, quel que soit le contenu du préavis (ATA/730/2005 du 1er novembre 2005 et les réf. citées), ceux-ci n'ayant qu'un caractère consultatif (ATA/151/2007 du 27 mars 2007 et les réf. citées).

6) Selon une jurisprudence bien établie, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/360/2010 du 1er juin 2010 et les réf. citées).

Lorsque la consultation de la CMNS est imposée par la loi, le préavis de cette commission a un poids certain dans l’appréciation qui est amenée à effectuer l’autorité de recours (ATA/151/2007 du 27 mars 2007).

7) a. L’inscription à l’inventaire a pour effet que les immeubles doivent être maintenus et leurs éléments dignes d’intérêt préservés. L’art. 90 al. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI – L 5 05) aux termes duquel les structures porteuses de même que les autres éléments particulièrement dignes de protection doivent, en règle générale, être sauvegardés en cas de rénovation ou de transformation, est applicable par analogie aux travaux exécutés dans ces immeubles (art. 9 al. 1 LPMNS). Aux fins de cette protection, tous travaux envisagés sur les immeubles inventoriés doivent être annoncés à l’autorité compétente avant leur réalisation (art. 9 al. 2 LPMNS).

b. L’inscription à l’inventaire a une portée de protection réelle, pour des bâtiments dont l’intérêt a été reconnu, mais dont le classement ne se justifie pas, de manière à garantir des immeubles qui méritent d’être maintenus et qui ne sont pas protégés par d’autres mesures (Mémorial des séances du Grand Conseil de la République et canton de Genève 2000/II, p. 1685ss, 1696 ; ATA/51/20067 du 27 mars 2007, c. 12.b).

c. Contrairement au classement qui, en principe, restreint les changements de destination des immeubles concernés (art. 15 al. 1 LPMNS), la mise à l’inventaire n’empêche pas qu’une affectation différente de celle d’origine soit conférée au bâtiment, ce qu’a d’ailleurs reconnu l’autorité intimée en accordant les autorisations de construire successives. De la même manière, un changement d’affectation eu égard à la fonction originelle d’un bâtiment ne saurait empêcher une mesure de mise à l’inventaire ultérieure.

8) La première question à résoudre est celle de la qualification de bâtiment digne de protection et des objets dont la mise à l’inventaire est préconisée dans l’arrêté litigieux.

La ferme et le chalet ont reçu la qualification de 4+ lors du recensement architectural du canton de Genève de 1978. L’étude historique des dépendances du domaine effectuée pas le SMS le 5 mars 2009 permet d’établir que, contrairement à ce qui avait été retenu par le SMS dans son rapport de visite du 15 janvier 2007, le chalet ne provient pas de l’Exposition nationale de 1896 mais qu’il a bien été construit simultanément à la maison de maître et à la ferme.

Cela étant, la valeur patrimoniale de ces deux objets n’est pas discutée en tant que telle par le recourant. Sur cette question, qui diffère de celle de la portée de la mesure de protection à prendre, la chambre administrative n’a aucun motif objectif de substituer son appréciation à celle de l’autorité inférieure, laquelle a suivi les préavis positifs recueillis dans le cadre de l’instruction de la procédure de mise à l’inventaire.

La qualité de bâtiment digne de protection du chalet et de la ferme doit donc être reconnue.

S’agissant des autres éléments que le département entend protéger et qui font l’objet d’une discussion de la part du recourant, à savoir les murs anciens et le château d’eau, il sied de rappeler que l’inscription à l’inventaire a pour but la mise en évidence d’un objet dont les caractéristiques architecturales et matérielles doivent être préservées. A cet égard, dans la mesure où ces différents éléments participent à la cohérence de l’ensemble du domaine, la qualité d’objets dignes de protection doit leur être reconnue.

Reste la question de la partie de la parcelle n° 1754 dont la mise à l’inventaire est également discutée. Il résulte de la jurisprudence de la chambre de céans que la parcelle en tant que telle peut parfaitement faire l’objet d’une mesure de protection (ATA/22/2011 du 18 janvier 2011). Le recourant estime que le département aurait dû procéder par la voie de plan de site. C’est oublier d’une part que l’art. 4 let. a LPMNS in fine vise expressément les terrains contenant les objets dignes de protection générale et leurs abords et d’autre part, la formulation potestative de l’art. 38 al. 1 LPMNS, aux termes duquel « le Conseil d’Etat peut édicter les dispositions nécessaires à l’aménagement ou à la conservation d’un site protégé par l’approbation d’un plan de site assorti, le cas échéant, d’un règlement. Dans le cadre de l’adoption d’un plan de site, les préavis de la commune et de la CMNS sont obligatoires (art. 40 al. 3 LPMNS et 5 al. 2 let. l RPMNS). En l’occurrence, vu le périmètre considéré, l’on ne saurait faire grief à l’autorité intimée d’avoir fait usage de la procédure de mise à l’inventaire plutôt qu’à celle - beaucoup plus lourde - du plan de site, ce d’autant moins que les préavis obligatoires dans l’une et l’autre desdites procédures sont les mêmes (commune + CMNS) et qui sont en l’espèce favorables à la mesure de protection.

Il s’ensuit que le grief y relatif soulevé par l’hospice est sans fondement.

9) Pour le recourant, les conditions relatives à l’inscription à l’inventaire de la ferme et du chalet ne seraient pas réalisées au vu des profondes transformations - passées ou en cours - subies par ces deux bâtiments.

Quant aux autres objets dont la mise à l’inventaire est préconisée, à l’exclusion de la fontaine, cette mesure ne se justifie tout simplement pas.

Ce faisant, le recourant invoque le principe de la proportionnalité que doit respecter, comme vu ci-dessus, toute mesure de conservation.

10) Le principe de la proportionnalité, consacré à l'art. 36 al. 3 Cst. veut qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 126 I 219 consid. 2c ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_386/2010 déjà cité ; ATA/360/2010 du 1er juin 2010).

En l’espèce, chaque objet discuté mérite un examen particulier.

Il ne fait aucun doute que l’inscription à l’inventaire du chalet est propre à en assurer la protection de sa substance architecturale reconnue et de sa qualité d’un des éléments essentiels de l’ensemble que forment les constructions du domaine. Le critère de l’aptitude est ainsi réalisé.

S’agissant de la condition de la nécessité, l’inscription à l’inventaire est parmi les instruments de protection du patrimoine prévue par la LPMNS une mesure de moindre intensité que le classement. Cela étant, l’inscription à l’inventaire peut revêtir une forme moins incisive encore lorsque ses effets sont limités aux éléments du bâtiment à conserver (ATA/360/2010 déjà cité). Compte tenu des constatations faites sur place par le juge délégué, il apparaît que seule l’enveloppe extérieure à l’exception de la moitié de la façade inférieure du rez-de-chaussée orientée vers la maison de maître mérite protection. Quant à l’intérieur, seule la structure primaire de la charpente apparaît d’origine et constitue un élément digne de protection.

Les mêmes considérations valent pour la ferme. Même si l’enveloppe extérieure de ce bâtiment tel qu’il est actuellement a été modifiée par rapport à la construction d’origine, le volume extérieur participe à la cohésion de l’ensemble et il convient de le protéger. L’intérieur a été intégralement modifié comme le juge délégué a pu le constater lors du transport sur place et le seul élément qui mérite protection est la charpente d’origine.

Ainsi, la mesure de protection de la ferme doit porter sur l’enveloppe extérieure ainsi que, pour l’intérieur, sur la charpente d’origine.

Le transport sur place a permis d’identifier les murs anciens que le département voudrait inscrire à l’inventaire. Ces murs d’enceinte qui entourent la ferme et le chalet, même s’ils peuvent être rattachés à l’« histoire du domaine », ne présentent aucun intérêt particulier et n’apportent pas un témoignage tangible qui mériterait protection.

Le château d’eau est certes en mauvais état comme a pu le constater le juge délégué mais il figure sur les plans d’origine. A ce titre, sa qualité de témoignage est indéniable et il y a donc lieu de le protéger.

Le recourant ne s’opposant plus à la mise à l’inventaire de la fontaine, la mesure y relative sera confirmée.

La serre n’existe plus - ce que toutes les parties et le juge délégué ont pu constater - de sorte que l’arrêté litigieux sera annulé sur cette question.

Pour ce qui concerne la partie de la parcelle n° 1754 constituant les abords immédiats de la maison de maître et des deux dépendances, il est incontestable que la mise à l’inventaire des bâtiments du domaine n’a de sens que si le terrain qui les entoure permet leur mise en valeur. A cet égard, le périmètre de protection préconisé par le département sur le plan du 25 octobre 2010 est aussi bien nécessaire que suffisant. La chambre administrative s’y ralliera.

Le recourant n’expose pas de quelle manière il subirait, à raison de l’inscription à l’inventaire des objets précités, une atteinte à son droit de propriété qui ne serait pas dans un rapport raisonnable avec le but de protection poursuivi. Il ressort des autorisations de construire successives délivrées concernant les trois bâtiments du domaine que l’hospice est autorisé à affecter les trois bâtiments à l’institution d’enfants qu’il gère et cela comme il le souhaitait. Dès lors, l’inscription à l’inventaire limitée comme vu ci-dessus respecte le principe de la proportionnalité au sens étroit.

11) Au vu de ce qui précède, la décision entreprise sera partiellement réformée comme suit :

-               Bâtiment n° 76 (chalet) : l’inscription à l’inventaire du bâtiment doit se limiter à l’enveloppe extérieure, à l’exception de la moitié de la façade inférieure du rez-de-chaussée orientée vers la maison de maître et pour l’intérieur à la structure primaire de la charpente.

-               Bâtiment n° 77 (ferme) : la mise à l’inventaire du bâtiment doit se limiter à l’enveloppe extérieure et pour l’intérieur, à la charpente.

-               Le château d’eau : l’inscription à l’inventaire de ce bâtiment est confirmée.

-               La fontaine : l’inscription à l’inventaire de cet objet est confirmée.

-               Les murs anciens : l’inscription à l’inventaire ne se justifie pas et doit être annulée.

-               La serre : l’inscription à l’inventaire ne se justifie pas et doit être annulée.

-               Parcelle n° 1754 : la mise à l’inventaire est limitée à la partie faisant l’objet du plan n° 29811 du 25 octobre 2010, dont un tirage est joint au présent arrêt et en fait partie intégrante.

12) Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 LPA) et un émolument de CHF 1'000.- à celle du département. Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée au recourant à charge de l’Etat de Genève.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 février 2010 par l'Hospice général contre la décision du 8 janvier 2010 du département des constructions et des technologies de l'information ;

au fond :

l’admet partiellement ;

 

 

dit que les effets de l’inscription à l’inventaire sont limités comme suit :

-     bâtiment n° 76 : l’inscription à l’inventaire du bâtiment doit se limiter à l’enveloppe extérieure, à l’exception de la moitié de la façade inférieure du rez-de-chaussée orientée vers la maison de maître et pour l’intérieur à la structure primaire de la charpente ;

-     bâtiment n° 77 : la mise à l’inventaire du bâtiment doit se limiter à l’enveloppe extérieure et pour l’intérieur, à la charpente ;

-     parcelle n° 1754 feuille 16 de la commune de Genthod : la mise à l’inventaire porte sur le périmètre défini dans le plan n° 29811 du 25 octobre 2010 ;

-     annule l’inscription à l’inventaire des murs anciens ;

-     annule l’inscription de la mise à l’inventaire de la serre ;

confirme l’arrêté du 8 janvier 2010 pour le surplus ;

met à la charge de l’Hospice général un émolument de CHF 1'000.- ;

met à la charge du département des constructions et des technologies de l’information un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’une indemnité CHF 1'500.- est allouée à l’Hospice général à charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat du recourant ainsi qu'au département des constructions et des technologies de l'information.

Siégeants : M. Thélin président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :