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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2347/2013

ATA/440/2014 du 17.06.2014 ( PROF ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2347/2013-PROF ATA/440/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 juin 2014

 

dans la cause

 

Mme A______

contre

COMMISSION DU BARREAU



EN FAIT

1) Mme B______, née C______, originaire du canton de Neuchâtel et domiciliée à Chypre à la fin de sa vie, avait pour enfants M. D______, domicilié à Conches (GE), M. E______, domicilié à L'Abergement (VD), et Mme F______, qui était domiciliée à Limassol (Chypre). Tous étaient de nationalité suisse.

2) Mme B______ a rédigé un testament en anglais le 6 avril 1984 devant notaire, qui désignait M. D______ exécuteur testamentaire pour tous les biens de la succession, à l'exception des biens situés en Illinois.

Par testament olographe du 15 mai 1999, Mme B______ a révoqué et annulé toutes dispositions testamentaires antérieures (ch. 1) et, notamment, réduit la part de ses trois enfants à leur réserve légale, cette réduction devant avoir lieu dans tous les cas (ch. 2). La quotité disponible de 25% de sa succession totale après réduction à la réserve légale était à attribuer selon un certain pourcentage à différentes personnes, dont 1% à chaque petit-enfant et 5% à son fils D______, qui prenait soin d'elle, 1% à Mme G______ et ½% ou au moins CHF 10'000.- au Révérend H______ (ch. 3). Tous les montants attribués à tous ses petits-enfants – parmi lesquels M. I______, né en 1995, et Mme J______, née en 1999 – étaient à administrer soit par ses propres enfants, soit par l'exécuteur testamentaire jusqu'à l'âge de 25 ans de ses petits-enfants (ch. 4). Puis Mme B______ prévoyait des attributions précises de biens mobiliers et immobiliers (ch. 5 ss). Elle désignait enfin comme exécuteur testamentaire Mme A______, avocate à Genève et, à défaut, M. K______(ch. 11).

Par avenant olographe du 6 décembre 2006, Mme B______ a modifié son dernier testament en répartissant la réserve légale de ses trois enfants, de 35 parts au total, de la manière suivante : 11,22 parts à M. D______, 18,97 à Mme F______ et 4,81 à M. E______. Cette répartition devait équilibrer les avances reçues et reconnues par ses trois enfants. "Les autres clauses [étaient] applicables selon [son] dernier testament selon instructions à l'exécuteur testamentaire, Me A______ ou à son défaut Me L______, Genève."

3) Parallèlement et en rapport, à tout le moins en partie, avec ces aspect successoraux, Mme B______ a mandaté Mme A______ pour des ouvertures et gestions de comptes et de trust, comme cela ressort notamment de courriers de la première à la seconde des 3 août 2002, 22 novembre 2003 et 26 janvier 2007.

C'est ainsi qu'a été constituée la M______ (ci-après : la fondation), dont l'ayant droit économique était Mme B______ et la représentante Mme A______. Cette fondation, dont les héritiers avaient connaissance, disposait d'un compte bancaire à Monaco, concernant lequel Mme B______ s'adressait, à tout le moins parfois, directement à la banque dépositaire.

4) Mme B______ est décédée le ______ ______ 2009 à Chêne-Bougeries (GE), l'acte de décès suisse précisant toutefois qu'elle était domiciliée à Chypre.

5) Dans une lettre adressée le 12 août 2009 aux trois enfants de la défunte,
Mme A______, se prévalant de la qualité d'exécutrice testamentaire, a répondu à des griefs formulés par M. D______ relativement à un premier projet de liquidation et de partage de la succession, en faisant notamment valoir que l'interprétation de la situation légale par celui-ci ne correspondait ni aux faits, ni aux volontés de la défunte, ni au droit suisse.

Elle joignait à son courrier le "projet II de liquidation et de partage de la succession", demandant aux destinataires de le lui renvoyer avec leur accord, leur signature et leurs observations, et de lui accorder une décharge. A teneur de ce projet, les comptes à Monaco se montaient approximativement à EUR 1'207'000.-, soit CHF 1'822'570.-, valeur au 25 avril 2009.

6) Par lettre du 8 octobre 2009, Me N______, avocat à Genève, a fait part à Mme A______ de ce qu'il avait été constitué par MM. C______ et E______ et Mme F______, qui faisaient élection de domicile en son étude.

Ses mandants révoquaient toute procuration qu'ils avaient pu donner à
Mme A______ et ne considéraient pas que celle-ci avait été valablement investie des fonctions d'exécutrice testamentaire, l'enjoignant ainsi à ne pas agir en invoquant cette capacité. Ils relevaient à cet égard que l'original du testament olographe du 15 mai 1999 n'avait apparemment pas été retrouvé, et demandaient à Mme A______ de leur adresser l'original. Ils sollicitaient enfin la fourniture de l'ensemble des documents constitutifs de la fondation ainsi qu'une copie des documents d'ouverture du compte bancaire de celle-ci à Monaco.

7) En date du 16 novembre 2009, MM. C______ et E______ et Mme F______ ont signé une convention de partage, soumise au droit suisse, tout litige survenant à son sujet ou en rapport avec elle devant être tranché par les tribunaux genevois.

Il ressort du dossier que Mme A______ n'a pas été informée de l'existence et du contenu de cette convention avant le mois de mars 2011.

8) Par courrier du 27 novembre 2009, Me N______, se référant à des entretiens téléphoniques avec Mme A______, a reproché à celle-ci de ne pas lui avoir fait parvenir les renseignements et documents sollicités. Ses mandants en tiraient la conclusion, pour l'appréciation des droits des héritiers, que le testament du 15 mai 1999 et son codicille du 6 décembre 2006 n'étaient pas en la possession de Mme A______ et que cette dernière ignorait où ils se trouvaient.

Par lettre du 16 décembre 2009, Me N______, constatant que ses courriers des 27 novembre et 3 décembre 2009 étaient restés sans réponse, a confirmé la conclusion susmentionnée, informé Mme A______ de ce que l'hoirie prendrait en conséquence les dispositions nécessaires et ferait notamment établir le certificat d'héritiers en faisant abstraction du testament du 15 mai 1999 et du codicille du 6 décembre 2006.

Par courrier du 14 janvier 2010 se référant à une lettre de Mme A______ du 11 janvier 2010, Me N______ a pris note de ce que celle-ci lui ferait parvenir dans les meilleurs délais une copie certifiée conforme du testament et du codicille susmentionnés, et l'a priée de lui envoyer les documents relatifs à la fondation et au compte bancaire à Monaco. Ses mandants se détermineraient sur ce qui devrait être entrepris une fois reçues les pièces requises, et Me N______ "[soulignait] d'ores et déjà qu'il ne serait en aucun cas justifié de déposer les testaments à la Justice de paix de Genève, compte tenu du dernier domicile de la défunte à Chypre".

Par lettre du 1er février 2010, Me N______ s'est référé à son courrier du
14 janvier 2010, resté sans réponse, et a informé Mme A______ avoir requis des autorités chypriotes, au nom de l'hoirie, un certificat d'héritiers, se fondant sur le testament du 6 avril 1984, dernier testament dont l'original avait été retrouvé et dès lors valable. Les originaux du testament du 15 mai 1999 et de son avenant du 6 décembre 2006 n'ayant pas été retrouvés ni présentés malgré ses demandes réitérées depuis le 8 octobre 2009, ces actes ne pouvaient pas être considérés comme valables, étant en outre relevé que tout testament découvert lors du décès devait être remis sans délai à l'autorité compétente, soit en l'occurrence les autorités chypriotes du dernier domicile de la défunte.

9) Mme A______ a répondu à Me N______ par pli du 12 février 2010, dont le contenu, jugé surprenant, était contesté, "surtout dans la mesure où [celui-ci lui avait] demandé dans [sa] précédente lettre du 14 janvier 2010, sauf erreur et omission, de ne pas déposer de testaments à la Justice de paix (NDR : de Genève) et aux autorités de Chypre pour ne pas créer un dommage aux héritiers".

Se référant à son dernier courrier du 11 janvier 2010 et aux autres courriers qu'elle avait adressés à Me N______ concernant les originaux des différents testaments, elle "[re-confirmait] pour la énième fois que les originaux des testaments du 15 mai 1999 et le codicille du 6 décembre 2006 [existaient] bel et bien". Dans sa lettre du 14 janvier 2010, Me N______ lui avait précisément demandé de ne pas les déposer auprès des autorités genevoises et chypriotes, "ce que les trois enfants avaient toujours sollicité tout en ayant toujours dit qu'ils allaient respecter les dernières volontés de leur mère". Ceux-ci avaient par ailleurs des photocopies de tous les originaux des testaments.

Le testament de 1984 déposé à Chypre n'était pas valable. Mme A______ contestait par ailleurs avoir créé un quelconque dommage aux héritiers réservataires et ces derniers avaient l'obligation de communiquer à l'exécuteur testamentaire tous les autres testaments qu'ils auraient pu retrouver, y compris celui de 1984.

Mme A______ reprendrait contact avec Me N______ dès qu'elle aurait pu avoir un rendez-vous avec le notaire qui s'était déjà occupé de ce dossier, mais qu'elle n'avait malheureusement pas pu joindre à cause des absences de ce dernier et de ses propres absences de Genève.

Elle concluait : "(…) il va de soi que je serai bel et bien obligée de déposer tous les originaux des derniers testaments aux autorités et au Tribunal si, maintenant, les héritiers de feue Mme B______ née C______ prétendent, de mauvaise foi, pouvoir me rendre responsable de toutes les instructions que vous m'avez communiquées depuis votre première intervention. Instructions qui sont chaque fois en pleine contradiction avec vos précédentes instructions et vos précédents courriers".

10) Par courrier du 16 février 2010, Me N______ a maintenu intégralement les termes de sa lettre du 1er février 2010.

11) La Cour de district de Limassol (Chypre) a émis le 21 avril 2010 un certificat de décès et d'héritiers, certifiant que les héritiers légaux de feue Mme B______ étaient MM. C______ et E______ et Mme F______.

12) Par lettre du 23 juillet 2010, Me N______ a informé Mme A______ de ce que ses mandants étaient entrés en possession de la succession. L'autorité compétente n'ayant pas confirmé Mme A______ dans ses fonctions d'exécutrice testamentaire, celle-ci n'avait aucun pouvoir à ce titre. Me N______, qui joignait en copie le certificat de décès et d'héritiers du 21 avril 2010, réitérait en outre ses demandes de renseignements et de documents relatifs à la fondation et au compte bancaire à Monaco, un délai au 6 août 2010 lui étant imparti pour ce faire.

Par courrier du 25 août 2010, Me N______ a mis Mme A______ en demeure de transférer, sur son compte et en faveur de ses mandants, l'ensemble des fonds détenus au nom de la fondation, en particulier les actifs du compte bancaire à Monaco, d'ici au 3 septembre 2010.

13) Mme A______ a, le 10 septembre 2010, contesté le contenu de ce courrier. En tant qu'exécutrice testamentaire, elle avait demandé à Me N______ à maintes reprises auparavant de lui communiquer les accords directs conclus entre les trois enfants de la défunte ainsi qu'entre tous les héritiers indiqués dans les testaments de celle-ci. Ces testaments contenaient en effet des dispositions pour les petits-enfants et d'autres personnes.

La recourante sollicitait leur présentation, de même que celle des premiers rapports d'inventaire et les premiers projets de partage. Comme elle l'avait dit à de nombreuses reprises, elle devait en outre avoir dans son dossier une confirmation que les dernières volontés de feue Mme B______ avaient été exécutées en bonne et due forme, ainsi qu'"une décharge des héritiers en tant qu'exécuteur testamentaire".

14) Par lettre du 14 septembre 2010, Me N______, qui s'étonnait que
Mme A______ continue à prétendre agir en qualité d'exécutrice testamentaire, lui a réitéré ses demandes la "demande de reddition de compte et de remise des fonds" émise au nom de ses mandants le 25 août 2010.

15) Par courrier du 22 septembre 2010, Mme A______ a transmis à
Me N______ des copies certifiées conformes des originaux du testament de 1999 et de son codicille de 2006.

Il y avait manifestement un conflit d'intérêts entre, d'une part, les trois enfants de feue Mme B______ et les petits enfants de cette dernière, tous nommés dans le testament de 1999, et, d'autre part, les autres personnes nommées dans ce testament. Si ce dossier ne pouvait pas être réglé de manière convenable selon les dernières volontés de la défunte par voie de transaction, elle-même et
Me N______ pourraient déposer les originaux des testaments valables auprès de la Justice de paix selon les règles du droit international privé applicable et aviser la chambre des tutelles afin de nommer un administrateur pour les biens qui devaient revenir aux petits-enfants, si ceux-ci n'étaient pas encore majeurs. Pour ceux qui étaient déjà majeurs, leurs parts devraient leur être versées directement sur des comptes bancaires à leurs propres noms.

Mme A______ était disposée à revoir les calculs et les attributions, ainsi que les premiers inventaires et projets de partage, avec le second exécuteur testamentaire nommé dans les testaments de la défunte et avec le notaire.

Elle ne pouvait pas accepter un transfert global vu le fait que Me N______ voulait toujours ignorer que les trois enfants du de cujus avaient été réduits à leurs réserves légales, qu'ils avaient "déjà reçu des avances de succession énormes et totalement disproportionnées qui [devaient] être prises en compte", et que les testaments mentionnaient, pour la distribution de la quotité disponible, les petits-enfants et d'autres personnes.

16) Par lettres des 1er octobre et 30 novembre 2010 écrites "sous les réserves d'usage", Me N______ a indiqué à Mme A______ que, n'ayant pas reçu l'original ou une copie certifiée conforme du testament olographe du 15 mai 1999 et du codicille du 6 décembre 2010 (recte : 2006) malgré ses demandes répétées pendant un an, l'hoirie avait fait établir le certificat d'héritiers auprès des autorités compétentes de Chypre en faisant abstraction de ces documents. L'autorité chypriote n'avait pas confirmé Mme A______ dans une fonction d'exécuteur testamentaire, de sorte qu'elle n'était pas habilitée à agir au nom de l'hoirie ni à recevoir des informations de la succession. Cela étant, les trois héritiers entendaient respecter l'esprit du testament de 1999 et agissaient en bonne intelligence avec leurs enfants. Etaient jointes les procurations de quatre des six petits-enfants.

Tous les actifs de la succession étaient aujourd'hui partagés, d'entente entre les héritiers et conformément à une convention de partage qu'ils avaient signée et qui tenait compte du testament olographe du 15 mai 1999 et du codicille du
6 décembre 2006. Il n'était dès lors plus nécessaire de procéder à un quelconque nouveau calcul du partage à effectuer.

Ainsi, le seul point encore en suspens avait trait aux actifs détenus au nom de la fondation, en particulier au compte bancaire à Monaco.

Me N______ s'étonnait de ce qu'en ignorant la mise en demeure de ses mandants du 25 août 2010, Mme A______ choisisse de violer ses obligations légales et de porter ainsi atteinte aux intérêts pécuniaires de ses mandants, lesquels en tireraient les conséquences.

Les mandants de Me N______ renouvelaient leur proposition : fourniture préalable par Mme A______ de toutes les informations sur la fondation et le compte, puis transfert des fonds détenus par celle-ci sur un compte bancaire de son étude, sans souci quant à la répartition des fonds, les héritiers s'étant mis d'accord entre eux, enfin envoi d'une décharge à Mme A______ pour le transfert de ces fonds et l'ensemble de son activité liée à la succession de feue Mme B______ par les héritiers, y compris les petits-enfants et Mme G______.

17) Par courrier du 6 décembre 2010 "sans les réserves d'usage", Mme A______ a écrit que les parts dues seraient recalculées. Elle invitait à cette fin
Me N______ à lui communiquer, sans aucune réserve d'usage, une décharge pour l'ensemble de son activité liée à l'exécution du mandat confié par feue
Mme B______ de son vivant pour le règlement de sa succession, ce depuis 1998 au moins et jusqu'à la fin de l'exécution du présent mandat, de même que des copies certifiées conformes de toutes les procurations qu'il avait de chaque héritier et des petits-enfants de la défunte avec l'établissement du lien de parenté.

18) Par lettre du 22 décembre 2010 se référant à un courrier de Me N______ du 16 décembre 2010, Mme A______ a relevé avoir reçu pour la première fois les références exactes des comptes clients de l'étude. Les investissements portant sur les sommes se trouvant sur le compte bancaire à Monaco avaient été effectués avec l'approbation de M. D______ qui avait dit représenter les trois enfants réservataires.

Elle avait donné l'instruction à la banque de virer EUR 600'000.- en faveur de Mme F______, plus quatre fois EUR 20'000.- en faveur respectivement de M. O______ (fils de M. D______), Mme G______ ainsi que M. I______ et Mme P______ (tous deux enfants de de Mme F______).

Puis Mme A______, se fondant sur sa charge d'exécutrice testamentaire, a recalculé les avances déjà versées aux héritiers réservataires ainsi que les parts encore à partager. Elle relevait notamment que le révérend H______ n'avait pas reçu son legs.

En souligné dans le texte, elle supposait que les trois enfants réservataires pouvaient indiquer à Me N______ les raisons exactes pour lesquelles ils lui avaient donné des instructions de ne pas déposer le testament et le codicille auprès des autorités genevoises compétentes après le décès de leur mère. Pour le cas où Me N______ persisterait dans ses menaces, elle procéderait à ce dépôt.

19) Par courrier du 1er mars 2011, Me N______ a accepté une proposition de Mme A______ de demander au bâtonnier de l'ordre des avocats de tenter une conciliation de leurs points de vue. Il lui a en outre rappelé ce qu'il lui avait écrit le 22 décembre 2010, à savoir qu'il ne pouvait recevoir des montants que pour le compte des trois héritiers de la défunte et les distribuer selon leur convention de partage, sans tenir compte des autres attributions indiquées par
Mme A______.

20) Mme F______ est décédée le 20 mars 2011 à Chypre, laissant comme héritiers son mari M. Q______ et ses deux enfants.

21) Par lettre du 27 juin 2011, avec copie au bâtonnier Vincent SPIRA,
Mme A______, se référant à une réunion avec celui-ci, a indiqué avoir découvert à cette occasion les calculs d'actifs et passifs relatifs à la succession et annexé à la convention de partage du 16 novembre 2009, qu'elle a déclaré invalider pour lésions, erreurs essentielles et tromperie, feue Mme F______ ayant été lésée à cause de sa légèreté, de son inexpérience ou de son cancer. Elle demandait à Me N______ de lui retourner la présente invalidation avec un accusé réception des héritiers réservataires lésés par la convention, ainsi qu'avec une décharge complète et irrévocable pour l'exécuteur testamentaire.

Mme A______ a adressé le même jour aux héritiers réservataires, par l'intermédiaire de Me N______, une mise en garde reprenant ces griefs et demandes et détaillant le dommage qui aurait été subi par feue Mme F______.

22) Me N______ a, par courrier du 30 juin 2011, contesté que Mme A______ puisse invalider la convention du 16 novembre 2009, à supposer même qu'elle soit exécutrice testamentaire, dans la mesure où elle n'était pas partie à cette convention. Il avait transmis les deux courriers de celle-ci à ses mandants et sollicitait l'ensemble des informations financières et structurelles relatives à la fondation.

23) En date du 27 avril 2012, MM. C______ et E______ ainsi que M. Q______, représentant l'hoirie de feue Mme F______, ont formé plainte pénale auprès du Ministère public genevois contre Mme A______, pour abus de confiance au sens de l'art. 138 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), subsidiairement gestion déloyale au sens de l'art. 158 CP et contrainte au sens de l'art. 181 CP.

Cette plainte était accompagnée de plusieurs pièces, parmi lesquels les courriers de Me N______ rédigés les 1er octobre et 30 novembre 2010 "sous les réserves d'usage".

Mme A______ avait démontré par ses refus de transférer aux héritiers les biens de feue Mme B______ qui lui avaient été confiés, ou même de les renseigner à leur sujet, qu'elle les excluait de leurs prétentions sur ces biens. De même, elle avait fait une utilisation sans droit des biens qui lui étaient confiés dans le cadre de la fondation, en s'écartant des souhaits de la défunte, tels qu'émis dans l'acte de fondation.

En subordonnant sans droit le transfert des actifs de la fondation et la remise des documents y relatifs à l'obtention d'une décharge, elle empêchait les héritiers de recevoir les fonds auxquels ils avaient droit, en les laissant indéfiniment dans l'attente, commettant ainsi un acte de contrainte.

24) Par écriture du 3 mai 2012, Me R______, avocat auprès de la même étude que Me N______ et intervenant pour MM. C______ et E______ et l'hoirie de feue F______ avec élection de domicile en son étude, a dénoncé le comportement de Mme A______ auprès de la commission du barreau (ci-après : la commission), en joignant la plainte pénale susmentionnée. Ses mandants n'avaient d'autre choix que cette dénonciation, Mme A______ violant son obligation de restituer et aucune des conditions posées à un droit de rétention n'étant en l'espèce remplie.

En raison d'une erreur d'acheminement, cette dénonciation n'a été portée à la connaissance de la commission qu'au début du mois d'août 2012.

25) A teneur du procès-verbal de la police judiciaire concernant l'audition du
17 juillet 2012, Mme A______ a indiqué qu'elle ne pourrait pas répondre aux questions, craignant une violation de son secret professionnel d'avocat. D'entente avec Me S______, avec lequel elle avait pu s'entretenir au téléphone et qui défendrait ses intérêts, elle demanderait au Ministère public une copie de la plainte dirigée contre elle. Par la suite et sauf erreur, ce serait la commission qui statuerait quant à la suite qu'elle pourrait donner aux convocations de la police.

26) Par lettre du 9 août 2012, la commission a remis une copie de la dénonciation à Mme A______, qui était invitée à se déterminer dans un délai échéant au 7 septembre 2012, en indiquant notamment si une procédure pénale avait bien été ouverte contre elle et, dans l'affirmative, en se prononçant sur une éventuelle suspension de la procédure pendante devant la commission comme dépendant du pénal, en vertu de l'art. 14 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). En l'état, il n'avait pas été décidé de l'ouverture formelle d'une procédure disciplinaire à son encontre.

27) Le 10 septembre 2012, MM. C______ et E______ et M. Q______ ont été entendus par le procureur en charge de la procédure pénale, P/1______.

Concernant les avoirs gérés par Mme A______, ils n'avaient pas d'éléments concrets à disposition, même s'ils avaient demandés des informations. Ils n'avaient jamais eu d'inventaire à la date du décès, ni décompte intermédiaire, ni rien d'autre. Mme A______, qui ne leur avait adressé qu'un long questionnaire à la suite du décès de feue Mme B______, conditionnait la remise des renseignements à une décharge pour son activité d'exécuteur testamentaire, ce qu'ils ne pouvaient pas accepter au vu des risques et de l'absence des documents, étant précisé qu'il restait la question de leurs honoraires de leur conseil résultant du présent litige, qui étaient à leur charge et découlaient de l'attitude fermée de Mme A______.

Celle-ci avait en outre à plusieurs reprises tenté de semer la discorde entre les héritiers. Le jour même des obsèques de feue Mme B______, elle avait dit à feue Mme F______ qu'elle devait se méfier de ses deux frères, car les estimations ne lui paraissaient pas justes.

Si cela devait être nécessaire, les plaignants levaient le secret professionnel de Mme A______ dans le cadre de la présente affaire, secret qui a également été levé par M. I______ et Mme P______ dans une attestation signée le 15 septembre 2012.

28) Par courrier du 25 septembre 2012, la commission a informé le procureur qu'aucune détermination de Mme A______ ne lui était parvenue, malgré le délai imparti pour se déterminer, prolongé jusqu'au 21 septembre 2012 à la demande de son avocat.

29) Les 25 et 26 septembre 2012, le procureur a adressé à la commission copie des procès-verbaux des auditions des 17 juillet et 10 septembre 2012.

30) Par décision du 27 septembre 2012, communiquée à Me S______, le bureau de la commission a, sur la base des allégations des plaignants, notamment interdit temporairement à Mme A______ de pratiquer, avec effet immédiat, informé la commission de la mesure prise, invité l'intéressée à lui soumettre d'ici au 5 octobre 2012 ses éventuelles observations visant à rapporter cette mesure d'interdiction et à lui proposer le nom d'un suppléant pour la durée de la suspension.

31) Par écriture du 5 octobre 2012 de son conseil, en l'étude duquel elle élisait domicile, Mme A______ a conclu à la révocation de la décision de la commission du 27 septembre 2012, à la suspension de la procédure devant ladite autorité comme dépendant du pénal, ainsi qu'à la levée de son secret professionnel dans le cadre de la procédure pénale.

Ses retards de réponse aux courriers de Me N______ durant l'année 2010 notamment étaient dus à un accident extrêmement grave survenu le 21 février 2010, à la suite duquel elle avait dû être mise sous morphine synthétique tout au long de l'année 2010.

Était produite une lettre du 2 octobre 2012 de la banque sise à Monaco à teneur duquel Mme A______ avait la signature sur ce compte toujours ouvert au nom de la fondation, le solde actuel au 28 septembre 2012 s'élevait à EUR 1'327'363.- (selon un relevé annexé et également transmis à la commission) et aucun retrait n'avait été opéré par celle-ci, mis à part un transfert de
CHF 48'000.-, le 19 octobre 2009, en faveur de son propre compte bancaire à Genève pour "provision pour paiement de frais".

Etaient également joints les documents annexés à la lettre de la banque, soit le relevé du compte monégasque au 28 septembre 2012, les documents d'ouverture de compte (les 22 et 23 mars 2007), ainsi que les actes constitutifs de la fondation et la société offshore qui administrait cette dernière et sur laquelle
Mme A______ avait la signature, "T______ – Council of fondation of M______". À teneur d'un document signé le 4 février 2009 à Genève par feue Mme B______ et Mme A______ en tant que représentante de la fondation, le compte bancaire ouvert à Monaco au nom de cette entité avait pour ayant droit économique ("beneficial owner") Mme B______ ; il était mentionné que ce document avait été signé en présence de feue Mme F______, de M. D______ et d'une autre personne indiquée seulement par une signature illisible. Il est précisé que l'ensemble de ces pièces a également été transmis au procureur.

Les instructions de Mme A______, notamment à la banque à Monaco, étaient de gérer ces actifs en "bon père de famille". Son but, dans le cadre de son mandat d'exécutrice testamentaire, était d'équilibrer les parts de succession dévolues aux trois héritiers en tenant compte des avances d'hoirie en Suisse, ce rééquilibrage devant intervenir notamment pas la dévolution des liquidités se trouvant à Monaco. Comme Mme A______ souhaitait que ce rééquilibrage voulu par la défunte intervienne, cela l'avait amenée à solliciter, pour valoir bonne exécution de son mandat, une décharge des héritiers, requête légitime. Il n'y avait là aucun moyen de contrainte ; au contraire, cette demande de décharge avait pour vocation de se voir confirmer que les héritiers avaient bien touché ce qui leur était dû, en fonction d'un principe d'égalité de traitement entre les enfants.

Le reproche qui lui était fait d'avoir persisté dans son mandat d'exécutrice testamentaire alors même que le testament n'avait pas été déposé était une mauvaise querelle, car, en réalité, c'étaient les héritiers, respectivement leurs nouveaux conseils, qui, pour des raisons fiscales, lui avaient demandé de ne pas déposer le testament en main de la Justice de paix de Neuchâtel. Demeurait encore son rôle de trustee de la fondation, dont la vocation était de permettre le rééquilibrage sus-indiqué.

32) Par décision du 8 octobre 2012, la commission, rassurée quant à la représentation des fonds mais non sans avoir eu des hésitations, a rapporté l'interdiction temporaire de pratiquer de Mme A______ ordonnée le
27 septembre 2012, partant du principe que celle-ci mettrait tout en œuvre pour que le litige qui l'opposait aux hoirs soit résolu sans délai.

Néanmoins, par la même décision, la commission, demeurant particulièrement inquiète de l'obstination avec laquelle Mme A______ avait jusqu'ici refusé de répondre, de rendre compte et de restituer les avoirs qu'elle détenait – ce qui posait indiscutablement la question d'une éventuelle violation des règles professionnelles –, a ouvert une instruction disciplinaire contre celle-ci.

Il était par ailleurs relevé dans les considérants qu'avant l'échéance du délai qui avait été fixé par la commission au 7 septembre 2012, Me S______ avait contacté téléphoniquement le président de ladite autorité pour lui indiquer qu'il se constituait pour Mme A______ et sollicitait une prolongation du délai. La commission n'avait toutefois pas reçu d'observations dans le délai prolongé au
21 septembre 2012.

33) Par décision du 12 octobre 2012, le bureau de la commission a levé le secret professionnel de Mme A______ dans la stricte mesure nécessaire à la défense de ses intérêts dans le cadre de la procédure pénale P/2______ et mis à sa charge un émolument de CHF 300.-.

34) Mme A______ a été entendue par le procureur en date du 19 octobre 2012, déclarant notamment avoir connu feue Mme B______ à la fin des années 60, auprès du même employeur, et être restée en contact avec elle depuis lors.

A sa connaissance, il restait actuellement à régler la question du compte bancaire à Monaco. Pour cela, il faudrait recalculer les parts exactes des héritiers, en tenant aussi compte des éléments dont elle avait eu connaissance après son deuxième projet de 2009. Il faudrait en outre sauvegarder les droits de l'héritier mineur – M. I______ – par la saisie de la chambre des tutelles ou par tout autre moyen.

Elle avait probablement montré un déficit d'information et le regrettait. Il lui semblait avoir répondu à toutes les lettres, mais elle était liée par son secret professionnel. Elle contestait toute infraction. Si elle avait transféré tous les actifs des comptes sur celui auprès de Me N______ sans s'assurer que les petits-enfants touchaient bien leurs legs, on aurait pu lui reprocher une gestion déloyale. Il y avait surtout la part de feue Mme F______ de quelques CHF 2'000'000.- sous déduction de la première distribution (NDR : celle de CHF 680'000.- opérée en décembre 2010). Elle n'avait jamais reçu d'accusé de réception de cette dernière, ni aucune décharge.

35) Le 25 octobre 2012, Me S______ a adressé au procureur un relevé détaillé du compte bancaire à Monaco portant sur la période du 1er février 2009 au 24 octobre 2012.

36) Par écriture de son conseil du 5 novembre 2012 sur le fond, soit dans le délai imparti par la commission, Mme A______ a retiré sa requête de suspension et estimé avoir déjà fourni toutes les explications nécessaires. Sa mise en prévention paraissait aujourd'hui exclue. Était joint le procès-verbal de l'audience du 19 octobre 2012. Une audition de Mme A______ était sollicitée s'il demeurait une zone d'ombre.

37) Par courrier de Me R______ du 29 novembre 2012, les hoirs de feue Mme B______ ont conclu, à titre complémentaire, à ce que le procureur rende une ordonnance pénale à l'encontre de Mme A______, confisque par voie rogatoire les avoirs détenus sur le compte à Monaco et les leur restitue.

La mise en cause faisait fi du fait que les héritiers étaient d'accord sur la manière de partager la succession entre eux, de sorte qu'elle n'était pas fondée à retarder leur prise de possession des avoirs détenus sur le compte à Monaco, d'autant moins que la qualité d'exécuteur testamentaire, non confirmée par l'autorité compétente du dernier domicile de la défunte, devait lui être niée.

Mme A______ ne les avait jamais informés du transfert sur son propre compte de la somme de CHF 48'000.- et les informations fournies dans le cadre de la procédure pénale ne représentaient pas une reddition de compte complète.

38) A la suite d'une lettre du procureur du 4 décembre 2012 faisant part de son incompréhension quant au fait que le solde de la succession n'était pas soldé par Mme A______, cette dernière, par l'intermédiaire de son avocat, lui a répondu qu'elle n'était animée d'aucune volonté d'enrichissement illégitime et que les seules raisons pour lesquelles elle n'avait pas transféré les fonds se trouvant à Monaco sur le compte de l'étude de Mes N______ et R______ résultaient d'une différence d'interprétation entre elle-même et celui-ci sur deux sujets, soit sa qualité d'exécutrice testamentaire et la quotité des parts dues à chacun des héritiers et légataires.

Était jointe la copie d'une lettre de Mme A______ adressée le
10 janvier 2013 à la banque sise à Monaco. Au titre de deuxième distribution et en vertu du testament de 1999 et du codicille de 2006, elle l'invitait à verser des montants précis à des héritiers et légataires sur le compte de l'étude de Mes N______ et R______, pour une somme totale de EUR 853'400.-.

39) Le 16 janvier 2013, les hoirs de feue Mme B______ ont, par l'intermédiaire de Me R______, confirmé la réception de cette somme sur le compte de l'étude, la répartition opérée dans les instructions de Mme A______ à la banque ne revêtant toutefois aucune portée.

Il restait cependant encore EUR 473'963.- sur le compte à Monaco. Mme A______ avait donc restitué un montant inférieur aux 2/3 de la somme indûment conservée par elle. Il ne s'agissait que d'une grossière manœuvre visant à faire annuler l'audience de mise en prévention prévue le 21 janvier 2013.

Les conditions d'une mise en prévention étaient donc réunies pour ce motif, de même que pour l'absence de justificatif concernant la somme de CHF 48'000.- qu'elle avait unilatéralement transféré sur le compte de sa propre étude.

40) A la suite d'une télécopie du 17 janvier 2013 du procureur, qui relevait qu'aucune explication n'avait été fournie relativement à la rétention du troisième tiers, Mme A______ a, le 22 janvier 2013, "selon les instructions pressantes" de Me S______, et au titre de troisième distribution, prié la banque à Monaco de verser le solde du compte sur le compte de l'étude de Mes N______ et R______, avec des montants précis à attribuer à des héritiers et légataires.

41) Par lettre de son avocat du 24 janvier 2013, Mme A______, estimant subir des pressions de toutes parts, a fait part au procureur de ce qu'elle ne souhaitait pas mettre sa carrière en jeu, mais persistait à dire qu'actuellement, le testament de feue Mme B______ n'était pas respecté. Celle-ci avait toujours demandé que la gestion des fonds soit effectuée par l'exécuteur testamentaire ou le trustee de la fondation jusqu'à ce que ses petits-enfants aient atteint l'âge de
25 ans, ce qui n'était actuellement pas le cas.

Les calculs étant basés sur les faits qui lui étaient connus, elle se déchargeait de toute responsabilité et faisait toute réserve dans l'éventualité où les fonds n'auraient pas été versés aux bénéficiaires dûment individualisés selon le testament de la défunte.

La provision demandée en 2009 était justifiée au regard des 120 heures de travail d'avocat qui avaient été accumulées jusqu'à celle-ci, ainsi que pour les frais et débours de la fondation et de T______, qui gérait celle-ci selon les instructions de feue Mme B______.

Etaient jointes une note de frais et honoraires du 21 août 2009 à hauteur de CHF 56'370.- pour la période du 1er mai 2006 au 21 août 2009, une note de frais et honoraires du 2 février 2012 à concurrence de CHF 48'265.- pour la période du
3 septembre 2009 au 2 février 2012. Ces notes correspondaient à 121,2 heures, respectivement 105,3 heures, pour un tarif horaire de CHF 450.- "selon tarif OA, plus majoration réservée pour val. lit. de plus CHF 9'000'000.- premier inventaire". Etaient également annexées des factures annuelles pour son activité d'administratrice de T______ et de la fondation, de CHF 5'800.- chacune.

Les factures encore ouvertes demeuraient sujettes à paiement et étaient adressées à Me R______.

42) Mme A______, accompagnée d'un avocat-stagiaire de l'étude de
Me S______, et Me R______, représentant les trois plaignants, ont été entendus par le procureur en date du 28 janvier 2013.

Mme A______ avait convenu avec l'épouse de M. D______, avec laquelle elle était en contact, qu'elle émettrait périodiquement des notes d'honoraires et prélèverait des provisions. Le décompte interviendrait après le calcul et le paiement de toutes les parts d'héritage.

Elle n'avait découvert qu'en 2011 la convention entre les héritiers du
16 novembre 2009, laquelle devait être invalidée.

Elle a en outre déclaré : "Si j'avais simplement transféré le solde des actifs, je voulais au moins recevoir une décharge pour mes activités, ce que je n'ai jamais obtenu".

43) Le 28 janvier 2013, Mme A______ a produit devant le procureur l'intégralité de ses "time-sheets", rédigés à la main.

44) Par courrier du 12 février 2013, les hoirs en ont contesté le montant, de même que le principe d'une rémunération, et ont nié la déclaration de
Mme A______ selon laquelle l'épouse de M. D______ était d'accord avec la perception d'honoraires et de provisions. Pour le surplus, les fonds du compte bancaire à Monaco avaient bien été reçus, selon les instructions de Mme A______, sur le compte de l'étude de Mes N______ et R______.

Les hoirs ont adressé le même jour copie de cette lettre à la commission, comme valant prise de position sur les questions que cette dernière leur avait posées le 31 janvier 2013.

45) Dans une lettre de son conseil du 18 février 2013 au procureur,
Mme A______ a notamment indiqué avoir obtenu l'invalidation de la convention de partage du 16 novembre 2009.

Copie de ce courrier a été adressée à la commission, avec l'ajout que la procédure devait être considérée comme close, l'intégralité des fonds qui se trouvaient sur le compte de la fondation ayant été transférée et seule restant en suspens la question des honoraire de Mme A______.

46) Par ordonnance du 25 février 2013, transmise à la commission, le procureur a ordonné le classement de la procédure pénale, sans mise en prévention, vu l'absence de charge, et dit qu'il ne serait accordé aucune indemnité et que les frais seraient gardés à la charge de l'Etat.

Personne ne s'était approprié les avoirs se trouvant sur le compte bancaire à Monaco et Mme A______ n'avait jamais eu l'intention de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime provenant de ce compte, de sorte qu'il n'y avait pas d'abus de confiance.

Il n'y avait pas non plus de gestion déloyale de la part de Mme A______, la gestion effectuée sur ledit compte ayant été expliquée à satisfaction et ne soulevant aucune violation du devoir de gérer. Le litige sur les honoraires et notamment la provision de CHF 48'000.- pourrait être examiné par la commission de taxation du barreau.

S'agissant de l'accusation de contrainte, il n'y avait jamais eu de violence sur qui que ce soit, aucune menace d'un dommage sérieux, aucune entrave dans la liberté d'action. La lenteur certaine dans l'activité de Mme A______ ne saurait causer un dommage sérieux, étant rappelé que les avoirs avaient été placés dans un portefeuille de titres.

47) Interpellés par la commission, les hoirs de feue Mme B______ ont, par l'intermédiaire de leur avocat, fait savoir le 8 mai 2013 que, sans renoncer à leurs droits, ils préféraient s'abstenir d'ouvrir contre Mme A______ une procédure civile portant sur les honoraires perçus ou réclamés, une telle démarche s'avérant aléatoire compte tenu de la "solvabilité limitée" de celle-ci.

48) Par décision du 10 juin 2013, communiquée le 18 juin 2013 aux conseils respectifs de Mme A______ et des dénonciateurs, la commission a infligé à Mme A______ une amende de CHF 2'000.-, avec délai de radiation de cinq ans, et mis à la charge de celle-ci un émolument de décision de CHF 500.-.

D'une part, la désinvolture dont Mme A______ avait fait preuve en ne répondant pas aux interventions pressantes de la commission ni dans le premier délai qui lui avait été imparti au 7 septembre 2012, ni dans le second au
21 septembre suivant, et ce malgré la gravité des faits et l'urgence, constituait une violation de la clause générale de l'art. 12 let. a de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61).

D'autre part, alors qu'elle détenait pour l'hoirie plus de EUR 1'300'000.-,
Mme A______ ne pouvait pas ignorer qu'à la requête pressante des héritiers unanimes, il lui appartenait de rendre compte et de restituer sans délai en application notamment des règles générales du mandat. Or il avait fallu une dénonciation pénale, deux menaces de mise en prévention, plusieurs interventions de la commission et une interdiction temporaire de pratiquer, le tout sur une période de près de neuf mois sans tenir compte des interventions préalables de l'hoirie, pour qu'enfin elle s'exécute. Ces atermoiements inadmissibles violaient indiscutablement l'art. 12 let. a et h LLCA, de même que l'art. 16 des us et coutumes et l'art. 23 du code suisse de déontologie, édicté par la Fédération suisse des avocats (ci-après : CSD).

Concernant la question des frais et honoraires perçus ou réclamés par
Mme A______, le dossier ne permettait pas, sous l'angle strictement disciplinaire, de retenir une violation des devoirs professionnels. Il appartiendrait aux tribunaux civils, respectivement à la commission de taxation, de trancher le cas échéant le litige.

L'amende et son montant étaient fondés sur l'ensemble des circonstances – entêtement pendant des mois dans un déni incompréhensible en dépit d'un contexte sans ambigüité et des interventions de ses confrères, du Ministère public et de la commission, contrebalancé par l'absence d'antécédents disciplinaires et un classement sans mise en prévention.

49) Par acte expédié le 13 juillet 2013 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), Mme A______, sous sa propre signature, a formé recours contre cette décision, concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif et à la tenue d'une comparution personnelle, au fond et principalement, à l'annulation de ladite décision, ainsi qu'à la constatation qu'elle avait suivi les instructions précises de sa mandante feue Mme B______ depuis le début des mandats confiés et que la convention rédigée le 16 novembre 2009 par Me N______ et reçue par elle seulement en mars 2011 était invalidée pour "tromperie", lésion, etc., à la mise à la charge de l'intimée de tous les frais de justice et frais de recours, plus une participation à ses honoraires d'avocat et à la réserve de ses droits pour tout dommage subi, subsidiairement à la mise en œuvre d'enquêtes ou au renvoi de la cause à la commission pour un complément d'instruction et une nouvelle décision après l'audition de toutes les parties en cause et l'examen de toutes les pièces du dossier.

S'agissant du premier motif de la sanction disciplinaire, à réception du mandat de comparution pour l'audition du 17 juillet 2012 – sans mention de son objet – émis le 4 juillet 2012 et reçu le 9 suivant, elle avait immédiatement mandaté Me S______, qui avait tout de suite accepté de la défendre, et lui avait envoyé la convocation par fax avec des notes manuscrites. Depuis l'acceptation de Me S______, elle n'avait fait que suivre les instructions de celui-ci.

Elle a produit une lettre qu'elle avait adressée à Me S______ le 14 août 2013, à réception du courrier de la commission du 9 août 2013, et à laquelle étaient jointes ce courrier et ses annexes, de même qu'un projet de lettre à adresser à la commission. Mme A______ y demandait à Me S______, dès réception, comment elle devait procéder (demande de suspension de la procédure comme dépendant du pénal, demande de levée du secret professionnel, contre-plainte pour atteinte à l'honneur, atteinte au crédit et tentative d'escroquerie pour plus de CHF 2'000'000.- sur les enfants de feue Mme F______, etc.). Dans le projet de lettre, elle sollicitait une suspension de la procédure et se déterminait au fond. Dans sa réponse du 3 septembre 2012, Me S______, de retour de vacances, indiquait prendre connaissance dudit projet et demander à sa secrétaire de contacter l'intéressée téléphoniquement pour fixer la date d'un rendez-vous, puisqu'un délai au 7 septembre 2012 avait été imparti par la commission.

Selon ses allégations, Mme A______ ignorait pour quelles raisons son avocat n'avait pas répondu à la commission, ni pour le 7 septembre 2012, ni pour le 21, ni pourquoi cette autorité n'avait reçu que le 5 octobre 2012 une lettre de constitution. Elle était partie du principe qu'il allait répondre à toutes les requêtes.

Concernant le second motif de la sanction, selon toute vraisemblance, si MM. C______ et E______ voulaient "escroquer" leur sœur feue Mme F______ et ses deux enfants, dont l'un mineur, pour plus de EUR 2'500'000.-, ainsi que sept des huit légataires, ils devaient agir en annulation du testament ou en partage devant les tribunaux civils, plutôt que d'agir aux plans pénal et disciplinaire. Selon toute vraisemblance encore, M. Q______ et ses enfants n'avaient jamais produit un quelconque accord, ni un quelconque désir de vouloir faire des donations pour plus de CHF 2'000'000.- à MM. C______ et E______. Feue Mme B______, qui lui avait confié le mandat d'exécuteur testamentaire ainsi qu'un autre mandat pour la gestion de la fondation et du trust "M______", avait toujours insisté sur le fait qu'elle voulait une égalité de traitement absolue entre ses trois enfants, héritiers réservataires, non respectée par la convention de partage du 16 novembre 2009. Il n'aurait pas pu échapper à la commission, si elle avait examiné toutes les pièces du dossier et notamment comparé les deux projets de partage et d'inventaire rédigés par Mme A______ avec la convention du 16 novembre 2009, invalidée par ses soins, que les seuls bénéficiaires réels des EUR 1'300'000.- restant sur le compte de la fondation devaient être feue Mme F______ ou ses deux enfants ainsi que les huit légataires.

Mme A______ estimait avoir géré les avoirs de la fondation de manière prudente, en "pater familias" et en évitant les produits financiers à risque. Ce n'était pas elle-même qui détenait les avoirs de la fondation, mais seulement cette dernière.

Ses factures de frais et honoraires n'avaient jamais été contestées jusqu'à ce jour par les héritiers, et l'exécuteur testamentaire avait un droit de rétention pour sa créance d'honoraires selon l'art. 895 du Code civil suisse du 10 décembre l907 (CCS - RS 210).

50) Dans sa réponse du 9 août 2013, la commission a persisté intégralement dans les termes de sa décision.

La recourante n'a pas formulé d'observations dans le délai imparti.

51) La chambre administrative a, à la suite de sa demande faite le 9 janvier 2014, reçu le dossier pénal le 13 janvier 2014 et a, par lettre du 14 janvier 2014, offert aux parties les facultés de consulter ce dossier et d'émettre d'éventuelles observations dans un délai échéant au 10 février 2014, après quoi la cause serait gardée à juger.

Les parties ne se sont pas déterminées.

52) Les faits qui ressortent des pièces figurant au dossier et les arguments des parties seront repris en tant que de besoin dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous ces angles (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA, par renvoi de l'art. 49 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 - LPAv - E 6 10).

2) Aux termes de l'art. 61 LPA, le recours peut être formé : a) pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation ; b) pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1) ; les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2). La LPAv ne prévoit pas une telle exception.

3) Tel que garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), qui n’a pas de portée différente dans ce contexte, le droit d’être entendu comprend, notamment, le droit pour l’intéressé de prendre connaissance du dossier, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 ; 136 I 265
consid. 3.2 ; 135 II 286 consid. 5.1 ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B_123/2013 du
10 juin 2013 consid. 1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas l’autorité de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; Arrêts du Tribunal fédéral 8C_799/2011 du 20 juin 2012 consid. 6.1 ; 4A_108/2012 du 11 juin 2012 consid. 3.2 ; 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; ATA/249/2013 du 10 décembre 2013 ; ATA/404/2012 du 26 juin 2012). Le droit d’être entendu n’implique pas non plus une audition personnelle des parties, qui doivent seulement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; ATA/302/2012 du 15 mai 2012).

En l'occurrence, il n'y pas lieu de donner une suite favorable au chef de conclusions préalable de la recourante tendant à sa comparution personnelle, étant donné que les éléments de fait du dossier sont suffisamment clairs et établis pour permettre à la chambre de céans de statuer en toute connaissance de cause.

4) a. La LLCA s'applique aux titulaires d'un brevet d'avocat qui pratiquent, dans le cadre d'un monopole, la représentation en justice en Suisse (art. 2 al. 1 LLCA). Elle régit l'ensemble de leur activité professionnelle, que celle-ci relève de la représentation ou du conseil. Les avocats y sont également soumis lorsqu'ils agissent dans le cadre d'un contrat de fiducie, comme exécuteurs testamentaires, gérants de fortune ou mandataires à l'encaissement ou encore comme membres d'un conseil d'administration (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_257/2010 du 23 août 2010 consid. 3.1 et les références citées).

Encore faut-il, en principe, que cette activité soit en lien direct avec la profession d'avocat. Le caractère onéreux de la prestation est à cet égard un indice de la nature professionnelle du service rendu. Selon certains auteurs, l'usage du titre d'avocat constitue également un critère (François BOHNET/Vincent MARTENET, Droit de la profession d'avocat, 2009, n. 1116 et 1119). D'après un autre auteur, l'avocat agit dans l'exercice de sa profession lorsqu'il est fait appel à lui en vue d'accéder au droit (critère du "Zugang zum Recht" : Kaspar SCHILLER, Schweizerisches Anwaltsrecht, 2009, n. 330 ss). De manière très générale, l'activité extra-professionnelle des avocats n'est pas soumise à la loi sur les avocats. Il en va ainsi non seulement des comportements qui relèvent de leur vie privée, mais aussi des activités politiques et associatives ainsi que de la participation à des organismes poursuivant un but économique, lorsque l'intéressé n'en fait pas partie en sa qualité d'avocat et cherche à promouvoir des intérêts étrangers à sa profession. Les comportements relevant de ce champ d'activités ne tombent sous le coup de la LLCA que s'ils donnent lieu à des condamnations pénales incompatibles avec la profession d'avocat ou si, en raison d'une telle activité, l'intéressé fait l'objet d'un acte de défaut de biens (cf. art. 8 al. 1 let. b et c LLCA ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_257/2010 précité consid. 3.1 et les références citées).

b. En l'occurrence, la recourante n'a jamais contesté que sa charge invoquée d'exécutrice testamentaire présentait des liens avec sa profession d'avocate. Elle a, dans ce cadre, proposé des solutions qu'elle estimait fondées sur le droit, sollicité des honoraires et perçu une avance à ce titre.

C'est donc à juste titre que la commission intimée s'est déclarée compétente pour statuer sur le respect ou l'absence de respect par la recourante des règles professionnelles en relation avec les faits décrits plus haut.

5) a. L’avocat autorisé à pratiquer doit respecter les règles professionnelles énoncées à l’art. 12 LLCA. L’art. 12 LLCA définit exhaustivement les règles professionnelles applicables aux avocats (ATF 136 III 296 consid. 2.1 ; ATF 131 I 223 consid. 3.4 ; ATF 130 II 270 consid. 3.1 ; ATA/132/2014 du 4 mars 2014). Il n’y a plus de place pour une règlementation cantonale divergente (ATF 130 II 270 consid. 3.1).

Ces règles professionnelles sont des normes destinées à réglementer, dans l’intérêt public, la profession d’avocat, afin d’assurer son exercice correct et de préserver la confiance du public à leur égard (ATF 135 III 145 consid. 6.1).

b. Aux termes de l’art. 12 let. a LLCA, l’avocat exerce sa profession avec soin et diligence.

Cette disposition constitue une clause générale, visant le soin et la diligence de l’avocat dans l’exercice de son activité professionnelle. Ceci l’astreint à se comporter de façon correcte vis-à-vis de ses clients, mais aussi envers les autorités judiciaires ou administratives, ses confrères et le public (ATF 130 II 270, consid. 3.2 ; Michel VALTICOS, in Michel VALTICOS/Christian REISER/Benoît CHAPPUIS [éd.], Commentaire romand - Loi sur les avocats, 2010, n. 6 ad art. 12 LLCA). Le fait de devoir observer certaines règles non seulement dans les rapports avec les clients, mais aussi à l’égard des autorités, des confrères et du public est en effet nécessaire à une bonne administration de la justice et présente un intérêt public (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.191/2003 du 22 janvier 2004 consid. 5 ; Isaak MEIER, Bundesanwaltsgesetz : Probleme in der Praxis, in Plädoyer 5/2000 p. 33).

L'obligation de diligence imposée à l'art. 12 let. a LLCA est directement déduite de l'art. 398 al. 2 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du
30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) ; elle interdit à l'avocat d'entreprendre des actes qui pourraient nuire aux intérêts de son client. Pour qu'un comportement tombe sous le coup de cette disposition légale, il suppose toutefois l'existence d'un manquement significatif aux devoirs de la profession (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_878/2011 du 28 février 2012 consid. 5.1 et 2C_452/2011 du 25 août 2011 consid. 5.1).

c. L'art. 12 let. h LLCA prévoit que l'avocat conserve séparément les avoirs qui lui sont confiés et son patrimoine.

A teneur de l'art. 23 CSD, l’avocat conserve les avoirs qui lui sont confiés séparément de son propre patrimoine (al. 1) ; il les administre de manière consciencieuse et est en mesure de les restituer en tout temps. Les valeurs pécuniaires doivent être restituées aux clients sans retard ; le droit de l’avocat de compenser avec sa créance d’honoraires est réservé (al. 2) ; l’avocat tient une comptabilité complète et exacte des fonds confiés (al. 3).

6) En vertu de l'art. 17 LLCA, en cas de violation de la présente loi, l'autorité de surveillance peut prononcer les mesures disciplinaires suivantes : a. l'avertissement ; b. le blâme ; c. une amende de CHF 20'000.- au plus ; d. l'interdiction temporaire de pratiquer pour une durée maximale de deux ans ; e. l'interdiction définitive de pratiquer (al. 1) ; l'amende peut être cumulée avec une interdiction de pratiquer (al. 2) ; si nécessaire, l'autorité de surveillance peut retirer provisoirement l'autorisation de pratiquer (al. 3).

Des sanctions disciplinaires contre un avocat présupposent, du point de vue subjectif, une faute, dont le fardeau de la preuve incombe à l'autorité disciplinaire. La faute peut consister en une simple négligence ; peut être sanctionné un mandataire qui a manqué du soin habituel qu'en toute bonne foi on peut et doit exiger de chaque avocat (ATF 110 Ia 95 = JdT 1986 I 142 ; Alain BAUER/Philippe BAUER, in Michel VALTICOS/Christian REISER/Benoît CHAPPUIS [éd.], Commentaire romand - Loi sur les avocats, 2010, n. 11 ad
art. 17 LLCA).

L'avertissement, le blâme et l'amende sont radiés du registre cinq ans après leur prononcé (art. 20 LLCA).

7) Chaque canton désigne une autorité chargée de la surveillance des avocats qui pratiquent la représentation en justice sur son territoire (art. 14 LLCA). À Genève, ce rôle est dévolu à la commission du barreau (art. 14 LPAv) à laquelle les avocats inscrits au registre cantonal sont soumis, sans préjudice des règles de droit commun (art. 42 al. 1 LPAv), et qui statue sur tout manquement professionnel en pouvant prononcer, suivant la gravité du cas, les sanctions énoncées à l'art. 17 LLCA (art. 43 al. 1 LPAv).

8) La procédure de surveillance des avocats a pour but d’assurer l’exercice correct de la profession par les avocats et de préserver la confiance du public à leur égard et non de défendre les intérêts privés des particuliers (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2).

La commission peut ordonner des mesures probatoires et charger de l’instruction un ou plusieurs de ses membres (art. 45 LPA). Elle motive ses décisions et respecte le droit d’être entendu de l’avocat visé (art. 46 al. 1 et 2 LPAv). Au surplus, elle agit en conformité des dispositions de la LPA (art. 49 LPAv).

9) L’obligation de motiver les décisions administratives découle du droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., et rappelé à l'art. 46 LPAv. Pour répondre à l’exigence de motivation, il suffit que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. La motivation doit également permettre au juge de contrôler la légalité de la décision dont est recours (ATF 133 III 439 consid. 3.3 ; 129 I 232 consid. 3.2 et les références citées ; ATA/334/2014 du 13 mai 2014 consid. 4 ; ATA/11/2009 du 13 janvier 2009 consid. 3).

En l’espèce, dans sa décision querellée, la commission intimée n'a pas examiné si la recourante pouvait se fonder sur des règles du droit pour refuser de transmettre les documents et les fonds afférents au compte bancaire à Monaco de la fondation aux héritiers, se contentant d'affirmer que le contexte ne souffrait d'aucune ambiguïté, alors que l'intéressée invoquait, dans ses écritures, sa qualité d'exécutrice testamentaire, voire de trustee, ainsi que la préservation des droits d'une partie des héritiers et des légataires. Il s'agit pourtant d'une question essentielle pour déterminer si des violations des règles professionnelles ont été commises ou non.

Cela étant, la recourante ne fait valoir une telle violation et la chambre de céans est en mesure d'analyser ces points, de sorte que l'absence de motivation y afférente de la part de l'intimée ne portera pas à conséquence.

10) Une sanction disciplinaire contre la recourante ne peut se justifier que si les actes qui lui sont reprochés ne pouvaient en aucun cas reposer sur des bases juridiquement défendables, ce qui sera examiné ci-après, sans que les questions de droit des successions soient définitivement tranchées.

11) a. L'ouverture de la succession effectuée par les héritiers devant les autorités de Chypre, dernier domicile de la défunte, pouvait prima facie être fondée sur les art. 86 al. 1 et 87 al. 1 a contrario de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP - RS 291).

Il n'appartient pas à la chambre administrative d'élucider comment la procédure d'ouverture et de surveillance de la succession de feue Mme B______ s'est déroulée à Chypre, ni si les héritiers réservataires au sens du droit suisse – MM. C______ et E______ et feue Mme F______, respectivement, après le décès de cette dernière, son mari et leurs deux enfants – ont respecté leurs obligations devant les autorités chypriotes compétentes.

Néanmoins, la position tenue par Me N______ dans sa lettre du 1er février 2010, selon laquelle seul le testament de 1984 était valable et pouvait être produit devant les autorités chypriotes dans la mesure où les originaux du testament du
15 mai 1999 et de son avenant du 6 décembre 2006 n'avaient pas été retrouvés ni présentés malgré ses demandes réitérées depuis le 8 octobre 2009, aurait pu s'avérer problématique si une solution correspondant dans les grandes lignes au droit suisse avait été applicable. En effet, l'art. 556 CCS dispose que le testament découvert lors du décès est remis sans délai à l’autorité compétente, même s’il paraît entaché de nullité (al. 1), et que sont tenus, dès qu’ils ont connaissance du décès, de satisfaire à cette obligation, sous leur responsabilité personnelle, l’officier public qui a dressé acte ou reçu dépôt d’un testament et quiconque en a accepté la garde ou en a trouvé un parmi les effets du testateur (al. 2). La violation de cette règle par des héritiers peut même entraîner leur indignité en application de l'art. 540 al. 1 ch. 4 CCS (Jean GUINAND/Martin STETTLER/Audrey LEUBA, Droit des successions, 2005, n. 443). La question pouvait dès lors sérieusement se poser si les héritiers de feue Mme B______ avaient l'obligation de présenter les actes pour causes de mort de 1999 et 2006 devant les autorités chypriotes compétentes, même s'ils ne disposaient que de copies – fait qui ressort des échanges de correspondance en 2009 et 2010 entre Me N______ et la recourante –, et s'il n'incombait pas plutôt auxdites autorités de décider quels testaments étaient valables et, le cas échéant, de solliciter des originaux de la part de l'exécutrice testamentaire désignée. Le fait que l'on puisse regretter que la recourante n'ait adressé les copies conformes des originaux desdits actes aux héritiers réservataires que plusieurs mois après le décès de la de cujus et la première requête de Me N______ n'y changeraient rien.

Au vu de ce qui précède, on ne voit pas prima facie sur quelle base les héritiers, à tout le moins les héritiers réservataires, pouvaient écarter d'emblée, par eux-mêmes et sans en référer aux autorités compétentes, ou sans motivation sous l'angle du droit chypriote ou d'un autre droit désigné par le droit international de Chypre (art. 91 al. 1 et 92 LDIP ; cf., à ce sujet, Fiorenzo COTTI, in Antoine EIGENMANN/Nicolas ROUILLER, Commentaire du droit des successions, 2012, n. 76 ss ad art. 517 CCS), la qualité d'exécutrice testamentaire de la recourante clairement désignée par le testament de 1999 et son codicille de 2006 (cf. art. 517 al. 1 CCS), dont les héritiers ne paraissent du reste pas avoir contesté la validité quant au contenu, se contentant de fonder l'absence de validité sur l'absence d'originaux.

Il n'était dès lors à tout le moins pas manifestement infondé que la recourante se prévale de la qualité d'exécutrice testamentaire dans ses relations avec les héritiers et en vue du partage de la succession, en leur adressant notamment des projets à cette fin, ce d'autant moins qu'il ne ressort pas du dosser que d'éventuelles décisions ou mesures prises par les autorités chypriotes compétentes aient fait l'objet d'une reconnaissance en Suisse en vertu de l'art. 96 LDIP.

b. Selon l'art. 518 CCS, si le disposant n’en a ordonné autrement, les exécuteurs testamentaires ont les droits et les devoirs de l’administrateur officiel d’une succession (al. 1) ; ils sont chargés de faire respecter la volonté du défunt, notamment de gérer la succession, de payer les dettes, d’acquitter les legs et de procéder au partage conformément aux ordres du disposant ou suivant la loi
(al. 2) ; lorsque plusieurs exécuteurs testamentaires ont été désignés, ils sont réputés avoir reçu un mandat collectif (al. 3).

Selon un arrêt ancien du Tribunal fédéral, l'exécuteur testamentaire, qui a une position indépendante à l'égard des héritiers, peut même, en fonction des circonstances, être amené à procéder contre eux ou contre certains d'entre eux, en vue d'exécuter les volontés du défunt (ATF 90 II 376 consid. 2 = JdT 1965 I 336 ; cf. aussi ATF 108 II 535 = JdT 1983 I 591). Cette primauté des dernières volontés du défunt sur l'unanimité des héritiers lorsqu'il y a un exécuteur testamentaire est toutefois contestée par une partie de la doctrine, alors qu'une autre la soutient (Jean GUINAND/Martin STETTLER/Audrey LEUBA, op. cit., n. 531 ; Stephan WOLF, Grundfragen der Auflösung des Erbengemeinschaft, 2004, p. 225 s.). Selon d'autres auteurs, si tous ou quelques-uns des héritiers sont en désaccord avec la proposition de partage faite par l'exécuteur testamentaire, ce dernier doit proposer une ou plusieurs nouvelles solutions de partage, et si ces dernières sont également refusées, il n'a pas le droit d'imposer une proposition de partage, mais peut soit attendre que les héritiers déposent une action en partage, soit renoncer à sa charge (Martin KARRER/Nedim Peter VOGT/Daniel LEU, in Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch II, 2011, n. 62 art. 518 CC).

La recourante pouvait dès lors de bonne foi se croire autorisée à ne pas suivre strictement les souhaits ou les accords de partage conclus entre les héritiers, d'autant plus, d'une part, que la défunte avait émis des volontés précises de partage en faveur d'héritiers, de petits-enfants et de légataires, et, d'autre part, qu'il n'est pas établi que les héritiers autres que les héritiers réservataires aient participé ou adhéré à des accords. Elle s'est en outre déclarée disposée, dans ses courriers des 22 septembre et 6 décembre 2010, à revoir et modifier ses projets de partage et d'inventaire.

12) A teneur de l'art. 554 al. 2 CCS, s’il y a un exécuteur testamentaire désigné, l’administration de l’hérédité lui est remise.

En droit suisse, l'exécuteur testamentaire n'a pas automatiquement la qualité d'administrateur de la succession, car, lorsque les conditions pour la désignation d'un administrateur officiel sont réalisée (art. 554 CC), il faut encore que l'autorité compétente le désigne (cf. dans ce sens ATF 42 II 339 = JdT 1917 I 117). La remise de l'administration d'une succession à l'exécuteur testamentaire ne peut pas être refusée simplement parce que des conflits existent entre lui et les héritiers et que ces derniers déclarent qu'il ne jouit pas de leur confiance ; la méfiance des héritiers à l'égard de l'exécuteur testamentaire ne peut empêcher sa désignation comme administrateur de la succession que lorsque est apportée la preuve de faits justifiant des doutes sérieux sur la confiance qu'on peut mettre en lui
(ATF 98 II 276 consid. 4 = JdT 1973 I 249).

L'exécuteur testamentaire est soumis à la surveillance de l'autorité compétente, qui peut le révoquer s'il est incapable ou viole gravement les devoirs de sa charge ou encore s'il y a conflit entre des intérêts divergents qu'il devrait défendre (cf. dans ce sens ATF 90 II 376 consid. 5 = JdT 1965 I 336). Une attente de deux mois et demi avant de remettre à l'autorité compétente les dispositions pour cause de mort du défunt ne constitue en tant que telle pas une violation grave des devoirs de l'exécuteur testamentaire, étant précisé que les obligations prévues par l'art. 556 CC sont une simple prescription d'ordre dont l'inobservation n'exerce aucune influence sur la validité du testament (ATF 90 II 376 consid. 6 =
JdT 1965 I 336).

Au regard de ces principes, on ne voit pas pour quels motifs la recourante, pour exercer ses droits et devoirs d'exécutrice testamentaire, qu'ils aient porté sur la phase de l'administration de la succession ou sur celle du partage (Jean GUINAND/Martin STETTLER/Audrey LEUBA, op. cit., n. 528 ss), n'a pas remis, dès le décès de la de cujus, le testament de 1999 et le codicille de 2006 à une autorité qui pouvait être compétente, qu'elle soit chypriote (art. 86 LDIP), neuchâteloise (art. 87 LDIP) ou genevoise (art. 88 LDIP), ni sollicité de celle-ci sa désignation ou confirmation en tant qu'exécutrice testamentaire, éventuellement administratrice de la succession, voire la délivrance d'un certificat d'exécuteur testamentaire. En s'abstenant de le faire, durant une période relativement longue, qui plus est alors que sa qualité d'exécutrice testamentaire et la portée des actes pour cause de mort de 1999 et 2006 étaient contestées, la recourante a indubitablement violé ses devoirs d'exécutrice testamentaire dont elle s'est pourtant constamment prévalue. Ceci vaut même si elle ne savait pas exactement quelle autorité serait compétente.

Il est surprenant que l'intimée n'ait pas relevé ce manquement.

13) Par ailleurs, les héritiers, représentés par Me N______, ont sollicité, de manière répétée et sans succès, depuis le 8 octobre 2009, la fourniture de l'ensemble des documents constitutifs de la fondation ainsi qu'une copie des documents d'ouverture du compte bancaire de celle-ci à Monaco. À teneur du dossier, ce n'est qu'après trois ans, le 5 octobre 2012, juste après son interdiction temporaire de pratiquer, que la recourante a, par l'intermédiaire de son avocat, adressé les documents sollicités à la commission.

Or l'exécuteur testamentaire, sous l'angle du droit suisse, doit renseigner les héritiers sur les faits qui peuvent déterminer leurs droits successoraux et leur indiquer les actions judiciaires qu'ils ont la faculté d'intenter. Il ne saurait notamment se fonder sur sa qualité d'organe d'une fondation pour refuser de donner des renseignements et fournir des dossiers relatifs à cette dernière aux héritiers, en vertu du droit successoral (ATF 90 II 365 consid. 3b et 3d = JdT 1965 I 325). Des renseignements manquants ou insuffisants constituent une violation des devoirs de l'exécuteur testamentaire et peuvent donner lieu à un droit à des dommages-intérêts (Hans Rainer KÜNZLE, Das Erbrecht, in Berner Kommentar, III/1/2/2, 2011, n. 217 ad art. 517-518 CCS).

Il s'ensuit que la recourante, en sa qualité invoquée d'exécutrice testamentaire, avait l'obligation, dès le 8 octobre 2009, de présenter aux héritiers les documents qu'ils sollicitaient relativement à la fondation et au compte à Monaco, ce qui, vu ses connaissances acquises dans le cadre de l'exercice de sa profession, ne pouvait lui échapper. Au regard de la jurisprudence précitée, elle ne pourrait pas se prévaloir de sa qualité de trustee.

14) Les deux manquements retenus ci-dessus, prima facie difficilement compréhensibles, représentent, comme l'a retenu l'intimée, des violations des devoirs professionnels de la recourante, selon l'art. 12 let. a LLCA.

Il ne saurait toutefois être fait abstraction des circonstances qui ont, à tout le moins à partir du mois d'octobre 2009, entouré la commission de ces violations et qui sont de nature à en nuancer la gravité.

A la lecture des lettres que la recourante a adressées à Me N______, il apparaît en effet que son attention a tout d'abord, entre le 8 octobre 2009 et le
23 juillet 2010, été particulièrement sollicitée par les questions relatives à la validité des différents testaments et à l'autorité compétente pour l'ouverture de la succession. A cela s'ajoutait que les héritiers réservataires avaient d'emblée nié la qualité d'exécutrice testamentaire à la recourante, n'étaient pas entrés en matière sur son second projet de partage et l'avaient enjointe à ne pas agir en invoquant cette capacité. Puis, dès le 25 août 2010, la recourante apparaît s'être concentrée sur les questions du transfert des fonds réclamé par les héritiers réservataires ainsi que du règlement du partage. Elle était en litige avec Me N______ sur ces points. Ce litige s'est aggravé, à tout le moins du point de vue de la recourante, lorsque celle-ci a découvert, seulement en mars 2011, que MM. C______ et E______ et
Mme F______ avaient signé le 16 novembre 2009 une convention de partage.

Les manquements aux devoirs de renseigner les autorités et les héritiers s'inscrivaient donc, dès le mois d'octobre 2009 à tout le moins, dans un contexte où ceux-ci l'avaient dissuadée de déposer les dispositions pour cause de mort de 1999 et 2006 devant l'autorité compétente du canton de Genève, ne faisaient pas non plus preuve d'une totale transparence à son égard et agissaient de telle sorte qu'elle soit écartée de tout rôle dans le cadre de la succession.

Au surplus, les héritiers réservataires avaient connaissance de l'existence de la fondation déjà avant le décès de leur mère et le "projet II de liquidation et de partage de la succession" établi par la recourante indiquait la valeur, au jour du décès de la de cujus, des avoirs sur le compte à Monaco.

Enfin, selon ses allégations formulées devant la commission, la recourante a subi un grave accident le 21 février 2010, en raison duquel elle a suivi un lourd traitement durant l'année 2010, ce qui peut expliquer partiellement ses omissions.

15) Dès le 25 août 2010, les héritiers réservataires ont réclamé le transfert des fonds détenus par la fondation sur le compte à Monaco, étant rappelé qu'ils avaient entretemps, le 21 avril 2010, obtenu un certificat de décès et d'héritiers des autorités chypriotes. La recourante a fondé ses refus de transfert sur sa volonté de ne pas léser les parts de feue Mme F______, de certains des petits-enfants de feue Mme B______ et des légataires. Elle a néanmoins, le 22 décembre 2010, ordonné à la banque à Monaco le transfert sur le compte de l'étude de Me N______ de la somme totale EUR 680'000.- avec des attributions précises, attributions considérées comme non avenues par les mandants de Me N______. Une tentative de conciliation devant le bâtonnier a échoué au printemps 2011, à la suite de laquelle la recourante a déclaré invalider la convention de partage du
16 novembre 2009, dont elle venait d'apprendre l'existence. Cette invalidation a été contestée le 30 juin 2011 par Me N______, après quoi rien ne semble avoir été entrepris de part et d'autre jusqu'au dépôt de la plainte pénale de
MM. C______ et E______ et M. Q______ le 27 avril 2012.

Or la situation était relativement complexe au plan juridique : comme relevé plus haut, la recourante pouvait, de bonne foi, se croire investie de la fonction d'exécutrice testamentaire, mais elle n'avait aucune prise sur la procédure de succession, de laquelle elle avait été écartée par les héritiers réservataires et qui présentait un caractère international puisqu'elle était censée se dérouler à Chypre ; les parties divergeaient en outre sur le testament qui devait être exécuté. A cet égard, d'une part, la recourante a, le 22 septembre 2010, évoqué la possibilité que les originaux des testaments qu'elle considérait comme valables soient déposés auprès des autorités genevoises, en vue du règlement du partage. D'autre part, et dans l'hypothèse où les autorités suisses avaient été compétentes, tous ou quelques-uns des héritiers pouvaient formuler leurs reproches contre la recourante devant les autorités de surveillance compétentes, suisses (art. 595 al. 3 CCS) ou chypriotes (cf., à ce sujet, ATF 90 II 376 consid. 3 = JdT 1965 I 336 ; ATF 48 II 308 = JdT 1923 I 290 ; Fiorenzo COTTI, op. cit., n. 136 ss ad art. 518 CCS), ou exercer, après un certain temps d'inaction de la part de la recourante, une action en partage (Hans Rainer KÜNZLE, op. cit., n. 305 ad art. 517-518 CCS). Au surplus, la recourante a invoqué, apparemment à titre subsidiaire, sa qualité de trustee en relation avec la fondation et les fonds de cette dernière, pour justifier sa position.

Dans la mesure où ni le testament de 1999 et son codicille de 2006, ni la qualité d'exécutrice testamentaire de la recourante ne pouvaient prima facie être écartés d'emblée par les héritiers avant la conclusion définitive du partage, les positions de celle-ci relativement au partage ne sauraient être considérées comme manifestement incongrues ou comme indéfendables. Sa volonté et son obstination – même devant le procureur et la commission – de procéder au partage selon les règles prescrites par la défunte et, partant, de conditionner les transferts d'argent au respect de celles-ci, dont la durée s'explique à tout le moins en grande partie par l'incompatibilité des positions juridiques entre elle-même et Me N______ et par la complexité de la situation juridique, ne sauraient ainsi violer les règles professionnelles d'avocat.

Il sied de relever ici qu'à teneur du ch. 4 du testament de 1999, tous les montants attribués aux petits-enfants de feue Mme B______ étaient à administrer soit par ses propres enfants, soit par l'exécuteur testamentaire jusqu'à l'âge de
25 ans de ses petits-enfants. A cet égard, l'un des soucis – compréhensible – de la recourante était que deux des petits-enfants étaient mineurs à l'époque des faits qui lui sont reprochés.

Plus discutable apparaît la condition de l'obtention d'une décharge générale posée par la recourante au nouveau calcul des parts, en date du 6 décembre 2012. Cette exigence correspondait toutefois à l'une des propositions formulées par
Me N______ dans ses lettres des 1er octobre et 30 novembre 2010, et pouvait s'expliquer par le fait qu'elle craignait de ne pas se conformer aux dernières volontés de la défunte en cas de nouveaux calculs. Il ne saurait donc y avoir de sanction disciplinaire sur ce point, ce que n'a pas non plus retenu l'intimée.

En tout état de cause, comme l'a retenu le procureur dans son ordonnance du 25 février 2013, la recourante, qui a certes fait preuve d'une lenteur certaine dans son activité, n'a jamais eu l'intention de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime provenant du compte bancaire de la fondation à Monaco, de sorte qu'il n'y a pas eu d'abus de confiance. Il n'y a pas eu non plus de gestion déloyale de la part de la recourante, la gestion effectuée sur ledit compte ayant été expliquée à satisfaction et ne soulevant aucune violation du devoir de gérer. Enfin, celle-ci n'a pas usé de contrainte. Il ressort au contraire du dossier qu'en dépit de ses manquements, elle a toujours agi dans ce qu'elle pensait être l'intérêt de l'ensemble des héritiers et légataires, selon les dernières volontés de la défunte.

Enfin, le seul prélèvement que la recourante a opéré en sa propre faveur, à concurrence de CHF 48'000.-, ne saurait, comme l'a considéré l'intimée, constituer une violation des devoirs professionnels.

Au vu de ce qui précède, c'est à tort que la commission intimée a vu une violation des devoirs professionnels, en particulier de l'art. 12 let. a et h LLCA, dans le refus de la recourante de transférer l'entier des avoirs de la fondation sur le compte de l'étude de Mes N______ et R______.

16) Pour ce qui est du reproche formulé par l'intimée à la recourante selon lequel celle-ci avait fait preuve de désinvolture en ne répondant pas aux interventions pressantes de la commission ni dans le premier délai qui lui avait été imparti au 7 septembre 2012 pour se déterminer, ni dans le second au
21 septembre suivant, et ce malgré la gravité des faits et l'urgence, la recourante a démontré, dans son recours, avoir réagi immédiatement après le premier courrier de l'intimée, c'est-à-dire le 14 août 2012, en en adressant copie à son avocat et en lui proposant un projet de détermination. Son conseil lui a répondu le 3 septembre 2012 qu'il lui proposerait un rendez-vous avant l'échéance du délai du 7 septembre 2012. La recourante allègue que celui-ci ne l'a pas contactée et qu'elle n'a plus pris d'initiative, se reposant sur ce que ferait son avocat. Quoi qu'il en soit, c'est ce dernier qui a sollicité et obtenu la prolongation du délai de détermination du 7 au 21 septembre 2012. On ignore pour quel motif aucune écriture n'a été adressée à la commission dans ce dernier délai.

Cela étant, vu la lettre et le projet de détermination adressés le 14 août 2012 à son conseil et le fait qu'elle attendait que ce dernier fasse le nécessaire dans ses rapports avec la commission, la recourante ne saurait avoir fait preuve de désinvolture ou manqué de diligence à l'égard de celle-ci.

Aucune violation de ses devoirs professionnels ne peut donc lui être reprochée sur ce point.

17) En définitive, les seules violations par la recourante de ses devoirs professionnels résident dans les faits, d'une part, qu'elle n'a pas remis le testament de 1999 et le codicille de 2006 à une autorité qui pouvait être compétente, ni sollicité de la part de celle-ci sa confirmation en tant qu'exécutrice testamentaire, voire administratrice de la succession, d'autre part, qu'elle n'a pas présenté aux héritiers, après l'ouverture de la succession, les renseignements et documents nécessaires relatifs à la fondation et au compte bancaire de cette dernière.

Ces manquements, en soi graves, doivent être relativisés par les difficultés et les oppositions des héritiers réservataires mandants de Me N______ auxquelles elle a fait face relativement à son invocation de la qualité d'exécutrice testamentaire et à ses positions et propositions afférentes au partage, telles qu'exposées plus haut. Il n'y a pas lieu ici de déterminer si son point de vue à ce sujet était fondé au point qu'elle aurait obtenu gain de cause devant des tribunaux civils, mais il suffit de retenir qu'il était défendable.

Dans ces conditions, compte tenu du fait que la recourante n'a pas cherché à léser les héritiers et les légataires, ni n'a d'antécédent disciplinaire, et au regard de la pratique de la chambre de céans en matière de sanctions, un avertissement au sens de l'art. 17 al. 1 let. a LLCA apparaît suffisant et proportionné.

18) Le présent arrêt statuant au fond, le chef de conclusions préalable de la recourante tendant à l'octroi de l'effet suspensif est sans objet.

Les chefs de conclusions constatatoires de la recourante, c'est-à-dire ceux tendant à la constatation qu'elle avait suivi les instructions précises de sa mandante feue Mme B______ depuis le début des mandats confiés et que la convention du 16 novembre 2009 était invalidée, sont quant à eux irrecevables. Ils n'ont en effet pas été l'objet de la décision querellée (ATA/18/2013 du 8 janvier 2013 consid. 10) et présentent, par surabondance, un caractère civil prépondérant.

Est également irrecevable, pour les mêmes motifs, le chef de conclusions tendant à la réserve des droits de la recourante pour tout le dommage subi.

19) Au vu de la réduction significative de la sanction disciplinaire, il convient de réduire l'émolument de décision de l'intimée au paiement duquel la recourante a été condamnée et de l'arrêter à CHF 200.- (art. 9 al. 5 du règlement d’application de la loi sur la profession d’avocat du 7 décembre 2010 - RPAv - E 6 10.01 ; par renvoi de l'art. 49A LPAv).

La procédure devant la commission s'avérant ainsi fondée, même dans une mesure réduite, la recourante ne saurait se voir allouer une indemnité de procédure pour ses frais d'avocat afférents à cette procédure, ni pour ses éventuels frais indispensables causés par le recours au sens de l'art. 87 al. 2 LPA.

Compte tenu des manquements en motivation de la décision querellée et du fait que la sanction disciplinaire prononcée selon le présent arrêt est considérablement réduite par rapport à celle infligée par la décision attaquée, aucun émolument au sens l'art. 87 LPA ne sera mis à la charge de la recourante.

20) A teneur de l'art. 48 LPAv, si la procédure a été ouverte sur une dénonciation, l’auteur de cette dernière est avisé de la suite qui y a été donnée ; il n’a pas accès au dossier ; la commission lui communique la sanction infligée et décide dans chaque cas de la mesure dans laquelle il se justifie de lui donner connaissance des considérants.

Les dénonciateurs n’étant pas parties à la procédure devant la chambre administrative, ni le présent arrêt, ni son dispositif ne leur seront notifiés (ATA/288/2014 du 29 avril 2014 consid. 6 ; ATA/132/2014 du 4 mars 2014 consid. 10 ; Thierry TANQUEREL, Les tiers dans les procédures disciplinaires, in Les tiers dans la procédure administrative, 2004, p. 118). La tâche d’informer les dénonciateurs reviendra à la commission.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 juillet 2013 par Mme A______ contre la décision de la commission du barreau du 10 juin 2013, à l'exclusion des chefs de conclusions constatatoires et en réserve des droits pour tout le dommage subi ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision querellée ;

prononce un avertissement à l'encontre de Mme A______ ;

dit que le délai de radiation est de cinq ans ;

arrête l'émolument de décision de la commission du barreau à la charge de Mme A______ à CHF 200.- ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument pour la procédure de recours, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF ; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mme A______, ainsi qu'à la commission du barreau.

Siégeants : M. Thélin, président, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen,
M. Pagan, juges, M. Jordan, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :