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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1215/2016

ATA/439/2016 du 26.05.2016 ( EXPLOI ) , ACCORDE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1215/2016-EXPLOI ATA/439/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 26 mai 2016

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Florence Aebi, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL



Attendu, en fait, que :

1. A______ (ci-après : A______) est une entreprise qui exploite depuis cinq ans trois cafétérias, soit celles de B______, de C______ et du D______.

2. Courant janvier 2016, A______ a été contactée par l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) pour un contrôle à effectuer dans ses locaux, relatif au respect des conditions de travail et des prestations sociales en usage à Genève, conformément à l’engagement au sens de l’art. 25 de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05) qu’elle avait pris par écrit le 31 mars 2015.

3. Selon le rapport de contrôle du 21 mars 2016, différentes irrégularités ont été mises en évidence. Celles-ci portaient sur la perception et la rétention par l’entreprise d’indemnités journalières versées par une assurance perte de gain en faveur d’un employé malade, et l’absence de documentation permettant d’établir que l’entreprise était en règle avec l’engagement de certains employés et qu’elle était à jour avec le paiement des charges sociales.

Suite à ce contrôle ; l’entreprise avait, par courriel du 10 février 2016, adressé à l’OCIRT certains documents ; en réponse, l’OCIRT lui avait transmis le 11 février 2016 une liste de documents et justificatifs que celle-ci devait lui faire parvenir d’ici au 29 février 2016 ; le 7 mars 2016 ; en l’absence de réponse de celle-ci, l’OCIRT l’avait mise en demeure de verser immédiatement le salaire et/ou les indemnités journalières retenues à l’employé, ceci dans un délai échéant le 11 mars 2016 et lui avait accordé un délai au 18 mars 2016 pour fournir le reste de la documentation demandée ; elle était avertie que si elle ne donnait pas entièrement suite à cette demande, dans les délais indiqués, elle serait sanctionnée en l’application de l’art. 45 LIRT ; elle pouvait, dans le même délai, transmettre une détermination à ce propos.

4. Par pli recommandé du 21 mars 2016, l’OCIRT a notifié à l’entreprise une décision à teneur de laquelle elle refusait durant deux ans de lui délivrer les attestations permettant de soumissionner à un appel d’offres public, l’excluait de tout marché public pour une période de deux ans au plus et réservait les procédures de contrôle et de mise en conformité au droit public.

En application de l’art. 45 al. 1 let. a LIRT et en référence à deux jurisprudences de la chambre administrative de la Cour de justice ou du Tribunal administratif auquel celle-ci a succédé (ATA/ 10/2007 du 12 janvier 2007 et ATA/310/2012 du 22 mai 2012), le recours n’avait pas d’effet suspensif.

A______ n’avait pas fourni les documents demandés permettant de prouver le paiement des créances salariales et le paiement des charges sociales.

En cas de demande formelle de reconsidération, cette sanction pouvait être réduite, voire levée, si l’entreprise acceptait de se soumettre au contrôle de l’OCIRT et était en mesure de prouver que les usages qui lui étaient applicables avaient été respectés pendant toute la période correspondant aux créances non prescrites au sens de l’art. 128 du Code civil suisse du 10 décembre 1907
(CC - RS 210).

5. Par acte posté le 21 avril 2016, A______ a interjeté un recours à l’encontre de cette décision, en concluant à son annulation et à la levée des sanctions prises à son encontre. Préalablement, elle demandait la restitution de l’effet suspensif au recours.

Elle n’avait pas reçu le courriel du 11 février 2016 et n’avait pu obtenir toute la documentation demandée avant le 18 mars 2016. Or, dans l’intervalle, l’OCIRT avait rendu sa décision d’exclusion. Elle contestait ne pas respecter les usages et s’était mise en conformité avec toutes les exigences légales requises dans son domaine d’exploitation. Le 15 avril 2016, elle avait déposé une réclamation à l’OCIRT pour démontrer ce qui précédait. Elle n’avait pas eu de nouvelles de l’OCIRT.

Elle fournissait différentes explications sur les raisons des carences relevées. Son retard était dû au fait qu’elle n’avait pas reçu le courriel du 11 février 2016 fixant le délai qu’elle n’avait pu respecter, ne réussissant à réunir les informations demandées avant le 24 février 2016. Elle versait à la procédure toute la documentation requise par l’OCIRT relative tant au versement intégral des indemnités journalières qu’à sa mise en conformité vis-à-vis de l’assurance-vieillesse et survivants, l’assurance-invalidité ou l’assurance perte de gain et allocations familiales, ainsi que vis-à-vis du fond de prévoyance. Il était pour elle d’une importance cruciale de poursuivre l’exploitation des cafétérias. Si la décision de l’OCIRT était maintenue, elle ne pourrait plus conserver ses contrats d’exploitation ni soumissionner pour des nouveaux marchés publics, alors que son domaine de « prédilection » se trouvait être les cafétérias scolaires. Elle risquait en outre une résiliation des mandats d’exploitation des trois cafétérias qu’elle gérait, avec pour corollaire la mise au chômage de ses quinze employés.

Il était crucial pour elle d’obtenir la restitution de l’effet suspensif pour pouvoir poursuivre ses activités, car le DIP l’avait avisée qu’il résilierait les trois contrats d’exploitation si un accord n’était pas trouvé avec l’OCIRT d’ici au 13 mai 2016. Cela signifiait la fin de son activité qui était liée à cette exploitation. En outre, elle se trouverait dans l’impossibilité de conserver pour l’année scolaire future ses contrats d’exploitation ou soumissionner pour de nouveaux marchés publics.

L’effet suspensif devait être restitué, car elle avait démontré s’être mise en conformité. Sur le fond, l’OCIRT avait commis un « excès dans l’appréciation de son cas » au regard des conditions de l’art. 45 LIRT et avait prononcé une sanction disproportionnée.

6. Le 9 mai 2016, l’OCIRT a répondu au recours en concluant, sur restitution de l’effet suspensif, au rejet de la requête. Le refus de délivrer des attestations constituait une mesure à caractère négatif pour laquelle la restitution de l’effet suspensif était exclue. La loi prévoyait expressément qu’un recours contre une sanction d’exclusion n’avait pas d’effet suspensif. Néanmoins, elle avait précisé dans sa décision que, dès que l’entreprise se serait mise en conformité, son nom serait retiré de la liste des entreprises en infraction, mais cela devait se faire dès la reconsidération ou l’annulation de la décision.

Au cas où la requête en mesures provisionnelles visait à empêcher le département de l’instruction publique de résilier les mandats qu’il avait confiés à A______ pour la gestion de trois cafétérias, la recourante se trompait d’objectif et sa requête était inutile. La mesure qu’elle avait décidée ne visait que la participation à des marchés publics futurs. Elle ne visait pas les marchés attribués à la recourante.

7. La recourante a répliqué en persistant dans ses conclusions sur mesures provisionnelles. La décision attaquée prononçait son exclusion de tout marché public et le DIP lui avait annoncé que ce prononcé entraînerait une cessation immédiate des commandes que le DIP lui passait dans le cadre du volet de ses activités de traiteur (banquets et apéritifs de fin d’année, qui généraient 11.3 % de son chiffre d’affaires). Il avait au demeurant déjà cessé de payer certaine montants qu’il lui devait.

Considérant, en droit, que :

1. Interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente, le recours est, prima facie, recevable sous ces angles (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Les décisions sur effet suspensif ou sur mesures provisionnelles sont prises par le président de la chambre administrative, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge (art. 7 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 21 décembre 2010 ; ci-après : le règlement).

3. Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 LPA).

4. Lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA). Cela vaut également lorsque l’effet suspensif est retiré ex lege, l’ordonnance procédurale valant décision incidente ressortant des effets ex tunc (Cléa BOUCHAT, l’effet suspensif en procédure administrative, 2015, p. 94 n. 251).

L’effet suspensif ne peut que concerner des décisions au sens de l’art. 4 LPA, dont la teneur et la portée correspond à celles de l’art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021) de nature formatrice, soit celle qui créent, modifient ou annulent des droits ou des obligations de l’administré (art. 4 al. 1 let. a LPA ; art. 5 al. 1 let. a PA) ayant pour objet d’imposer un certain comportement à celui-ci ou à lui octroyer, à modifier ou à suspendre certaines de ses prérogatives (Cléa BOUCHAT, op. cit., p. 101,n. 269 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, Manuel de droit administratif, 2011, p. 281 n. 817), mais aussi les décisions de nature constatatoire, soit celles constatant l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits ou d’obligations, dans la mesure où la décision sur restitution ou non de l’effet suspensif est susceptible d’empêcher les effets juridiques d’un tel constat (Cléa BOUCHAT, op. cit., p. 103 n. 275).

Dans tous les cas, dès lors que l’effet suspensif vise à maintenir une situation donnée et non à créer un état qui serait celui découlant du jugement au fond, seules les décisions précitées de nature positive sont concernées par l’octroi ou le refus de l’effet suspensif au recours. En revanche, les décisions négatives ne le sont pas, soit celles qui rejettent ou déclarent irrecevables les requête tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits et des obligations au sens de l’art. 4 al. 1 let. c LPA ou de l’art. 5 al. 1 let. c PA (Cléa BOUCHAT, op. cit., p. 104, n. 279).

5. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/566/2012 du 21 août 2012 consid. 4 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2).

Leur prononcé présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405). Toutefois, elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif, ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités ; Cléa BOUCHAT, op. cit., p. 105 n. 280).

6. a. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

b. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

7. Toute entreprise soumise au respect des usages en vertu d’une disposition légale, règlementaire ou conventionnelle doit en principe signer un engagement de respecter les usages auprès de l’OCIRT, autorité compétente en vertu des art. 23 et 26 al. 1 LIRT, pour exercer le contrôle par ces entreprises du respect des usages pour le compte du département de la sécurité et de l’emploi (ci-après : DSE). Dans ce cadre, l’OCIRT délivre à l’entreprise une attestation, laquelle est de durée limitée (art. 25 al. 1 LIRT), soit trois mois (art. 40 al. 1 du règlement d'application de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 23 février 2005 - RIRT - J 1 05.01). Cette dernière est réputée liée par un tel engagement dès l’instant où son personnel est amené à travailler sur un marché public (art. 25 al. 3 LIRT).

Dans le cadre du contrôle du respect des usages, l’employeur est tenu de collaborer avec l’OCIRT (art. 42 RIRT). Il doit notamment tenir à sa disposition ou fournir à sa demande toute pièce utile à l’établissement du respect des usages (art. 42 al. 2 RIRT). La sanction d’une violation de l’obligation de collaborer dans le délai imparti, notamment suite au prononcé d’un avertissement au sens de l’art. 42 A RIRT est le refus de délivrer l’attestation à l’employeur. En cas d’avertissement, au sens de la disposition précitée, s’il n’est pas donné suite dans les délais à la demande de l’OCIRT, celui-ci prononce les sanctions prévues à l’art. 45 al. 1 LIRT.

8. À teneur de l’art. 45 al. 1 LIRT, lorsqu’une entreprise visée par l’art. 25 LIRT ne respecte pas les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage, l’OCIRT peut prononcer :

-          une décision de refus de délivrance de l’attestation visée à l’art. 25 LIRT, pour une durée de trois mois à cinq ans laquelle est exécutoire nonobstant recours (art. 45 al. 1 let. a LIRT) ;

-          une amende administrative de CHF 60'000.- au plus (art. 45 al. 1 let. b LIRT) ;

-          l’exclusion de tout marché public pour une période de cinq ans au plus (art. 45 al. 1 let. c LIRT).

Une liste des entreprises faisant l’objet d’une décision exécutoire de la part de l’OCIRT est établie, qui est accessible au public (art. 45 al. 3 LIRT).

9. Dans sa teneur actuelle, l’art. 45 LIRT, est entré en vigueur le 16 novembre 2013, à la suite de l’adoption, le 20 septembre 2013, du projet de loi modifiant la loi sur l’inspection et les relations du travail (PL 11172). C’est avec cette réforme législative qu’a été introduit le principe que le prononcé d’une décision de refus de délivrance de l’attestation de respect des usages serait exécutoire nonobstant recours. Selon la volonté du législateur, il s’agissait d’adapter la LIRT de manière à optimaliser le dispositif existant afin de lutter efficacement contre les entreprises contrevenants aux conditions de travail en usage (Message du Conseil d’État à l’appui du projet de loi modifiant la LIRT du 15 mai 2013 ad art. 45 LIRT, p. 20 ; ATA/ 608/15 juin 2015 consid. 3c). C’est également ensuite de l’adoption de cette novelle qu’a été introduite la possibilité pour l’OCIRT de prononcer une mesure d’exclusion des marchés publics. Selon les travaux législatifs, cet ajout permettait de définir quelle était l’autorité compétente pour prononcer la sanction prévue à l’art. 2 al. 1 let. d de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 (L-AIMP - L 6 05.0) en cas de violation des dispositions en matière des marchés publics par un soumissionnaire (Message précité, p. 20).

10. La recourante, qui bénéficie du droit d’accès à une activité économique garantie par l’art. 27 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), concrétisée en droit des marchés publics par le droit d’accès à de tels marchés à tous concurrents potentiels qui découle de l’art. 11 let. a et b de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05), a fait l’objet de mesures administratives qui ont pour effet de l’exclure immédiatement de tout marché public. De telles mesures ne constituent pas des décisions à caractère négatif empêchant tout débat sur la restitution ou non d’un effet suspensif, ainsi que cela a pu être inféré des ATA/10/2007 et ATA/310/2012 précités. Lorsqu’une décision modifie, restreint ou annule un droit dont bénéficie un administré, elle doit être qualifiée de décision positive défavorable à son destinataire, à propos de laquelle la chambre administrative doit entrer en matière sur la restitution ou non d’un effet suspensif retiré au recours dirigé contre celle-ci (ATA/178/2016 du 28 février 2016 ; ATA/746/2015 du 21 juillet 2015 ; Cléa BOUCHAT, op. cit. p. 106 n. 282).

11. a. En l’occurrence, la recourante a fait l’objet d’une double mesure, soit d’un refus de délivrance future d’une attestation de conformité aux usages au sens de l’art. 45 al. 1 let. a LIRT pendant deux ans, mais également d’une mesure de d’exclusion des marchés publics pendant la même période, fondé sur l’art. 45 al. 1 let. a LIRT. À teneur de loi, seule la première de ces deux décisions est exécutoire nonobstant recours tandis que la seconde reste soumise au régime ordinaire de l’art. 66 al. 1 LPA, à savoir que, sauf décision spécifique de retrait prises par l’autorité ou le juge, elle est soumise à la règle générale qui voit ses effets suspendus en cas de recours. Il y a dès lors lieu de traiter distinctement et successivement la situation de chacune de ces mesures.

b. Lorsque l’autorité intimée a déclaré exécutoire nonobstant recours le refus de délivrer pendant deux ans l’attestation de conformité aux usages à la recourante, elle n’a fait qu’appliquer la loi laquelle ne lui accorde aucune latitude lorsqu’elle opte pour une telle sanction. Restituer l’effet suspensif dans ce cadre reviendrait à accorder à titre provisoire ce que la recourante veut sur le fond, avant même d’avoir instruit de manière complète la procédure. Un tel procédé est proscrit par la jurisprudence rappelée ci-dessus. Dans la mesure où, sur la base des pièces figurant au dossier, la décision prise échappe à tout grief d’arbitraire, la chambre administrative ne restituera pas l’effet suspensif au recours concernant cet aspect, sans qu’il y ait besoin de procéder à une pesée des intérêts.

c. La recourante prétend avoir régularisé sa situation vis-à-vis de l’OCIRT. Il n’appartient pas à la chambre administrative, statuant sur mesures provisionnelles, de statuer sur cette question qui doit faire l’objet d’un examen au fond. Au surplus, la recourante se trompe d’interlocuteur, dans la mesure où l’OCIRT a rappelé dans la décision querellée qu’il était ouvert à un réexamen de sa décision si la recourante lui démontrait avoir rétabli une situation conforme au droit.

d. Dans sa réplique, la recourante persiste dans sa demande de restitution de l’effet suspensif en faisant valoir qu’elle risque de voir le département résilier les contrats de gérance de ses trois cafétérias. Cette question sort de la saisine de la chambre administrative. En effet, celle-ci, lorsqu’elle doit décider de la restitution d’un effet suspensif dans le cadre d’un recours, doit trancher cette question au regard des seuls rapports entre les parties à la procédure. Ainsi que l’a rappelé l’autorité intimée, sa décision ne vaut que pour l’accès futur aux marchés publics et n’a pas pour but de déployer des effets sur les marchés publics en cours d’exécution. Si la décision querellée produit des effets indirects négatifs sur des rapports juridiques en cours avec des tiers, cette question a priori n’a pas à être prise en considération à ce stade de la procédure pour statuer sur restitution d’effet suspensif.

La chambre administrative rejettera la requête de la recourante concernant ce volet de la décision.

12. Quant à la mesure d’exclusion de la recourante de tout marché public pendant une durée de deux ans, à lire la décision querellée et la réponse de l’autorité intimée, celle-ci fait également l’objet d’un retrait de l’effet suspensif. Force est cependant de constater que cette décision de retrait n’est aucunement et spécialement motivée, alors que la LIRT ne prévoit pas que le prononcé d’une telle mesure doit déployer immédiatement des effets.

L’autorité intimée s’est référée à deux arrêts de la chambre administrative ou du tribunal qui l’a précédé dont elle a repris la jurisprudence. Ces arrêts, prima facie, ne permettent pas de justifier que l’effet suspensif soit retiré lors du prononcé d’une telle mesure. La compétence de l’OCIRT pour décider d’une mesure d’exclusion des marchés publics litigieuse, n’existait pas à l’époque où ces deux arrêts ont été rendus. Au demeurant, au vu des travaux législatifs qui ont amené à l’adoption de l’art. 45 al. 1 let. c LIFD, il n’est aucunement certain, à ce stade de la procédure, que l’autorité intimée puisse prononcer une telle mesure en dehors de toute violation constatée d’une disposition du droit des marchés publics, le dossier ne révélant rien à ce sujet. Cette question devra faire l’objet d’un examen sur le fond. Pour l’heure, et compte tenu de ces circonstances, notamment en raison de l’absence de motif d’urgence allégué, il n’y a aucun intérêt public à l’entrée en vigueur immédiate d’une telle mesure avant droit jugé sur le recours, supérieur à l’intérêt privé de la recourante à pouvoir exercer ses activités économiques présentes.

La chambre administrative admettra donc de restituer l’effet suspensif audit recours, en tant qu’il est dirigé contre la décision d’exclure la recourante de tout marché public pendant une durée de deux ans.

13. Le sort des frais sera réservé jusqu’à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

restitue l’effet suspensif au recours, en tant qu’il est dirigé contre la décision de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail d’exclure la recourante de tout marché public pendant une durée de deux ans ;

rejette la requête en restitution de l’effet suspensif pour le surplus ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Florence Aebi, avocate du recourant, ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.

 

 

Le vice-président :

 

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :