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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2766/2005

ATA/194/2006 du 04.04.2006 ( HG ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2766/2005-HG ATA/194/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 4 avril 2006

dans la cause

 

Madame S__________
représentée par Me Gilbert Bratschi, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL


 


1. Le 2 juin 2004, Madame S__________, née en 1969 et domiciliée à Genève, divorcée et sans profession, a formé une demande d’assistance financière auprès de l’Hospice général (ci-après : l’hospice).

Elle a informé l’hospice qu’elle était enceinte de six mois et ignorait l’identité du père de l’enfant qu’elle portait. De plus, elle vivait seule et n’avait pas de ressources. En effet, elle ne percevait pas la pension alimentaire de CHF 1500.- due par son ex-mari en vertu du jugement de divorce du Tribunal de première instance du 19 juin 2003. Ce dernier acquittait uniquement le loyer de l’appartement qu’elle occupait, de même que les factures des Services Industriels.

Sa fille aînée était placée par les autorités pénales à la Caravelle.

2. L’hospice a accordé à Mme S__________ une aide financière selon la loi genevoise sur l’assistance publique du 19 septembre 1980 (LAP – J 4 05) avec effet rétroactif au 1er juin 2004. Il a également financé le placement de sa fille aînée.

Mme S__________ a signé à deux reprises le document « Ce qu’il faut savoir en demandant l’intervention de l’assistance publique ». Ce formulaire rappelle notamment que le calcul du montant de l’aide tient compte des ressources de l’intéressée et des personnes qui font ménage commun avec elle et qu’en sollicitant l’hospice, la requérante est tenue de fournir tout renseignement utile sur sa situation personnelle et financière et sur les changements pouvant l’affecter.

3. Constatant que Mme S__________ éprouvait des difficultés à gérer ses affaires courantes, notamment à payer son loyer, l’hospice l’a aidée, en septembre 2004, à préparer une demande d’avances au Service cantonal d’avances et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après : le SCARPA). A ce jour, la demande n’a toujours pas abouti, les documents nécessaires n’ayant pas été produits par l’intéressée.

4. Ayant appris fortuitement que Mme S__________ vivait en réalité avec le père de son enfant à naître, l’hospice a diligenté une enquête pour déterminer si elle disposait de ressources non déclarées.

5. Le 27 septembre 2004, Mme S__________ a donné naissance à une fille. Elle a informé le service de protection de la jeunesse et le Tribunal tutélaire qu’elle ignorait l’identité du père.

Dès lors, Mme S__________ a reçu des prestations d’assistance pour elle et son bébé.

6. Au cours de cette enquête, l’hospice a découvert que le père de l’enfant était Monsieur O__________, né en 1962. Mme S__________ a indiqué à l’hospice, le 1er mars 2005, que celui-ci était domicilié chez elle.

7. Le 10 mars 2005, Mme S__________ et M. O__________ ont été convoqués à l’hospice. A cette occasion, M. O__________ a admis vivre avec Mme S__________ depuis trois ou quatre mois. Il était co-propriétaire du restaurant thaïlandais « X______ », à Genève, et rencontrait des difficultés avec son associé, au nom duquel le bail à loyer du restaurant avait été établi. Il a également précisé que l’établissement avait été fermé de juin à août 2004 et qu’il attendait une décision judiciaire pour poursuivre son activité.

L’hospice a alors reproché à Mme S__________ qu’elle n’avait pas respecté son obligation de renseigner et que, conformément aux dispositions légales, les indépendants étaient exclus de l’aide sociale sauf pour une aide d’urgence de trois mois au maximum. Par conséquent, elle ne pouvait plus prétendre à une aide financière, car elle avait déjà bénéficié de ladite aide d’urgence.

8. Le 14 mars 2005, M. O__________ et Mme S__________ ont été informés oralement de la cessation de l’aide financière avec effet au 1er avril 2005. A cette occasion, il a été demandé à M. O__________ d’apporter les justificatifs de ses revenus et ses relevés bancaires afin de fixer le montant des prestations perçues indûment.

L’intéressé n’a pas repris contact avec l’hospice. Quant à Mme S__________, elle s’est rendue à l’hospice à la fin du mois de mars 2005 pour la dernière fois et a retiré les prestations d’assistance qui lui étaient dues pour ce mois-là.

9. Par décision du 4 avril 2005, l’hospice a notifié à Mme S__________ la fin des prestations d’assistance avec effet au 1er avril 2005. L’autorité a également exigé le remboursement des prestations perçues indûment portant sur un montant de CHF 22’855.15, au triple motif qu’elle avait caché qu’elle vivait en concubinage, que les revenus de M. O__________ auraient dû être pris en compte pour le calcul des prestations d’assistance et que ce dernier était indépendant.

10. Le 13 mai 2005, Mme S__________ a élevé réclamation. Elle conclut préalablement à son audition et à celle de M. O__________ et, principalement, à l’annulation de la décision et à l’octroi de prestations à partir du 1er avril 2005. Son concubin n’exerçait pas d’activité lucrative indépendante. Au contraire, il était employé par la société anonyme F__________ S.A., exploitante du « X__________ », depuis le 15 juillet 2004. A ce titre, il avait réalisé un salaire net de CHF 1'407.30 par mois du 15 septembre au 31 décembre 2004, puis l’établissement avait été fermé en raison des déficits enregistrés. De plus, il était fortement endetté. Il n’était pas non plus en mesure de fournir le bilan et le compte de pertes et profits de l’année 2004, car ces documents n’avaient pas encore été établis.

11. Dans son rapport du 23 mai 2005, le service des enquêtes a établi que M. O__________ était légalement domicilié chez Mme S__________ depuis le 1er janvier 2004. Il exploitait un restaurant inscrit en raison individuelle depuis le 15 juin 2004, dans lequel il travaillait, assisté de deux salariés, une cuisinière et une barmaid. M. O__________ avait indiqué qu’il ne réalisait aucun bénéfice et qu’il était en procès avec le propriétaire qui voulait reprendre le local.

Selon le réviseur de F__________ S.A., le bilan n’avait pas encore été finalisé, mais que l’exploitation était déficitaire. Il a également présenté un certificat de salaire selon lequel M. O__________ avait perçu un salaire de CHF 5'250.- du 15 septembre au 31 décembre 2004. L’intéressé disposait également d’un compte personnel auprès de l’Union de Banques Suisses, sur lequel étaient effectués les versements des clients du restaurant qui payaient par carte de crédit.

12. Le 14 juin 2005, Mme S__________ et M. O__________ ont été entendus par l’hospice. Ils ont demandé la restitution de l’effet suspensif en raison de la grande précarité de la famille.

Mme S__________ a précisé qu’elle ne recevait plus la pension alimentaire due par son ex-époux et que le SCARPA ne lui versait pas encore d’avances. Dénuée de formation, elle ne pouvait trouver un emploi, ce d’autant qu’elle avait une très jeune enfant à charge.

Quant à M. O__________, il a exposé qu’après une période de chômage, il avait commencé à travailler au restaurant « X__________ », inscrit au Registre du commerce à son nom en raison individuelle le 15 juin 2004 et transformée en société anonyme le 5 juillet suivant. La raison individuelle n’avait cependant pas été radiée, faute d’avoir entrepris les démarches nécessaires. Le fait qu’il n’ait pas ouvert un compte bancaire séparé au nom de la société constituait une erreur de sa part, à laquelle il allait remédier tout de suite. Finalement, il a insisté sur son statut de salarié pour lequel la société anonyme payait des charges sociales.

13. Par courrier du 23 juin 2005, Mme S__________ a fait parvenir à l’hospice une copie de la réquisition effectuée auprès du Registre du commerce en vue de la radiation de l’entreprise en raison individuelle.

14. Au cours de l’instruction de la réclamation, le service des enquêtes a appris que la caisse de compensation à laquelle était affiliée la société anonyme n’avait jamais obtenu le nom des salariés de celle-ci et ce, malgré de nombreux rappels. De plus, en date du 7 octobre 2004, l’autorité cantonale en matière d’assurance chômage avait nié le droit à l’indemnité de M. O__________ dès le 3 octobre 2003, au motif que dès cette date, il avait été occupé à la reprise de l’établissement.

15. Par décision du 30 juin 2005, le Président du conseil d’administration de l’hospice a rejeté la réclamation et a maintenu la position de l’hospice.

16. Par acte posté le 3 août 2005, Mme S__________ a saisi le Tribunal administratif d’un recours, concluant à l’annulation de la décision et à la reprise du versement des prestations d’assistance dès le 1er avril 2005.

17. Le 5 septembre 2005, l’hospice a maintenu sa position et conclut au rejet du recours.

18. Le 12 septembre 2005, les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle.

a. Mme S__________ a confirmé son recours. Lors de la demande d’assistance qu’elle avait déposée en juin 2004, elle n’était pas encore certaine de l’identité du père de son enfant à naître. A cette époque, elle n’habitait pas encore avec M. O__________, qui avait emménagé chez elle de manière progressive après la naissance de leur enfant.

b. Entendu en qualité de témoin, M. O__________ a déclaré avoir nourri des doutes quant à sa paternité, jusqu’au jour où il avait vu l’enfant. Il avait recommandé à sa compagne de faire appel à l’hospice, car elle était confrontée à de graves difficultés financières. Il avait décidé d’ouvrir un restaurant à la fin de l’année 2003, mais avait rencontré de nombreux problèmes tant avec l’ancien propriétaire, qui avait gardé des intérêts dans l’établissement, qu’avec le propriétaire de l’immeuble.

c. Le juge délégué a informé les parties qu’il gardait la cause à juger.

19. Le 22 novembre 2005, l’hospice a pris de nouvelles conclusions en remboursement d’une somme additionnelle de CHF 5'200.- réclamée à la recourante pour les loyers des mois d’avril à juillet 2005 qu’elle avait omis de payer, alors même que l’hospice lui avait versé de l’argent à ce titre.

20. En réponse à ce courrier, la recourante a indiqué, le 3 janvier 2006, que les conclusions additionnelles de l’hospice étaient irrecevables, dès lors qu’il s’agissait de prétentions nouvelles, non formulées en première instance.

21. Selon le Registre du commerce, l’entreprise individuelle « K__________ O__________  » a été inscrite le 15 juin 2004 et radiée le 24 juin 2005.

La société anonyme F__________ S.A. a, quant à elle, été inscrite le 5 juillet 2004, bénéficiant de l’apport en nature de l’entreprise individuelle « X________O______ ». M. O__________ en était l’administrateur, avec signature individuelle depuis sa fondation.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La décision querellée met un terme aux prestations d'assistance et demande le remboursement de prestations perçues indûment.

3. a. L’article 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) stipule que "quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine".

b. L'article 12 Cst. pose le principe du droit à des conditions minimales d'existence pour toute personne qui n'est pas en mesure de subvenir à ses besoins et fonde une prétention justiciable à des prestations positives de la part de l'Etat (ATF 122 2 193 consid. 2/dd p. 198; A. AUER/G. MALINVERNI/M. HOTELIER, Droit constitutionnel suisse, volume 2 : Les droits fondamentaux, p. 685 et 689). Cette disposition ne garantit toutefois que le principe du droit à des conditions minimales d'existence; il appartient ainsi au législateur - fédéral, cantonal et communal - d'adopter des règles en matière de sécurité sociale qui ne descendent pas en dessous du seuil minimum découlant de l'article 12 Constitution mais qui peuvent, cas échéant, aller au-delà. (Arrêt du Tribunal fédéral 2P. 115/2001 du 11 septembre 2001).

4. a. A Genève, l'assistance publique est destinée à venir en aide aux personnes qui ont des difficultés sociales ou sont dépourvues des moyens nécessaires pour satisfaire leurs besoins vitaux et personnels indispensables (art. 1 al. 2 LAP).

b. L'article 1 alinéa 3 LAP précise que cette assistance est subsidiaire aux autres prestations sociales, fédérales, cantonales ou communales et à celles des assurances sociales. Le principe de la subsidiarité implique que l'aide sociale représente le seul moyen d'éliminer la situation d'indigence dont le bénéficiaire n'est pas responsable (F. WOLFFER, Fondement du droit de l'aide sociale, Berne 1995, p. 141).

5. a. Le litige porte en premier lieu sur la question de savoir si M. O__________ doit être considéré comme un salarié ou comme indépendant. Cette question revêt une importance majeure en matière d’assistance publique dans la mesure où, en vertu de la jurisprudence, l’assistance publique n’est pas destinée aux personnes ayant une activité indépendante (ATA/840/2004 du 26 octobre 2004 ; ATA/766/2003 du 21 octobre 2003). Cependant, un indépendant qui se trouve dans l’impossibilité de faire face à ses besoins vitaux et immédiats peut bénéficier d’une aide d’urgence d’une durée maximale de trois mois lui permettant soit de passer un mauvais cap, soit de constater le caractère non viable de son entreprise et, dans cette hypothèse, de prendre les décisions qui s’imposent. Au terme de ce délai, l’intéressé doit avoir choisi entre le maintien de son statut d’indépendant, mais sans aucune aide financière de l’hospice, ou la renonciation à celui-ci, auquel cas il pourra faire valoir les droits auxquels l’assistance publique est subsidiaire, à savoir l’emploi temporaire ou, à défaut, une aide financière de l’hospice, ce qui suppose la recherche active d’un emploi salarié.

b. Selon l’article 12 alinéa 1 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), est considéré comme exerçant une activité lucrative indépendante celui dont le revenu ne provient pas de son travail de salarié. Cette disposition concrétise les principes généraux du droit.

c. Aux termes de l’article 319 alinéa 1 du Code des obligations du 30 mars 1911 (CO - RS 220), les quatre éléments constitutifs du contrat de travail sont une prestation personnelle de travail, la mise à disposition par le travailleur de son temps pour une durée déterminée ou indéterminée, un rapport de subordination et un salaire.

d. De jurisprudence constante, le rapport de subordination constitue le critère distinctif essentiel du contrat de travail (ATF 112 II 41 ; ATF 107 II 342). La subordination du travailleur se manifeste sous trois aspects : le temporel, le spatial et le hiérarchique. Du point du vue temporel, le travailleur doit en principe respecter l’horaire de travail fixé par l’employeur. Ce dernier organise le temps mis à disposition dans le cadre du contrat. Du point de vue spatial, le travailleur doit en principe travailler dans les locaux de l’employeur ou désignés par celui-ci. C’est en effet l’employeur qui décide du lieu où la prestation du travailleur doit s’accomplir. Finalement, du point de vue hiérarchique, le travailleur doit obéir aux instructions données par l’employeur. Il appartient donc à ce dernier de décider comment sera utilisé le temps mis à sa disposition par le travailleur.

En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que M. O__________ gère le restaurant « X__________ » et dirige le personnel. En effet, lors du pointage impromptu effectué par le service des enquêtes de l’hospice, il a été constaté que l’intéressé occupait deux salariés, soit une cuisinière et une barmaid. Ce faisant, il ne dépend de personne et s’organise librement. Il supporte également le risque économique. Ainsi, le lien de subordination fait clairement défaut. Les certificats de salaire apportés par M. O__________ ne sont donc pas pertinents, car ils n’attestent pas de son statut de salarié.

En outre, il ressort du dossier qu’aucun contrat de travail n’a été conclu et que l’intéressé n’est pas dépendant d’un éventuel employeur. Son revenu ne provient pas non plus de l’exercice d’une activité salariée, de sorte qu’il convient de retenir qu’il exerce bel et bien une activité lucrative indépendante.

6. La recourante conteste la pratique de l’hospice consistant à exclure les indépendants de l’assistance publique. Elle fonde son raisonnement sur le but poursuivi par l’assistance publique, à savoir « venir en aide aux personnes qui (..) sont dépourvues des moyens nécessaires pour satisfaire leurs besoins vitaux et personnels indispensables » (art. 1 al. 2 LAP), c’est-à-dire « lorsque l’intéressé ne peut subvenir d’une manière suffisante ou à temps, par ses propres moyens, à son entretien ou à celui des membres de sa famille qui partagent son domicile » (art. 21 let. b LAP). Ainsi, le statut d’indépendant ne saurait priver l’administré de prestations d’assistance lorsque ce dernier est dépourvu des ressources financières nécessaires afin de subvenir aux besoins de sa famille.

Le raisonnement de la recourante ne peut être suivi. La pratique susmentionnée poursuit un but d’intérêt public inhérent au système des prestations sociales, à savoir celui de préserver les deniers publics (en matière d’avances de pensions alimentaires : ATA/803/2000 du 12 décembre 2000 ; ATA/684/1998 du 3 novembre 1998), lesquels ne sauraient servir à rémunérer des activités indépendantes non viables.

De plus, cette pratique répond au principe de subsidiarité inscrit à l’article 1 alinéa 3 LAP en vertu duquel la personne qui ne peut, par son travail indépendant, subvenir à ses besoins, doit faire valoir les droits qui sont les siens et auxquels l’assistance publique est subsidiaire. A ce titre, le tribunal a précisé que le seul fait d’inscrire une entreprise en raison individuelle au Registre du commerce empêche l’administré de s’inscrire à l’office cantonal de l’emploi pour rechercher une activité salariée et percevoir des prestations de l’assurance-chômage. Or, les prestations versées par l’hospice ne peuvent être que refusées vu qu’elles sont subsidiaires à celles de la caisse de chômage (ATA/840/2004 du 26 octobre 2004 ; ATA/143/2004 du 10 février 2004).

7. La recourante remet également en question la pratique consistant à refuser l’octroi des prestations d’assistance à tout le « groupe familial » lorsque l’un des conjoints ou des concubins exerce une activité professionnelle à titre indépendant.

a. L’article 4 alinéa 2 LAP prévoit que l’aide octroyée par l’hospice est accordée dans les limites des directives annuelles arrêtées par le département sur la base des barèmes intercantonaux.

Selon les directives édictées par le département de l’économie et de la santé sur la base de la LAP et de l'arrêté relatif aux directives 2002 en matière d'assistance du 18 décembre 2001 (J 4 05.03), font partie du groupe familial le bénéficiaire, son conjoint non séparé de corps ni de fait, ou son concubin et ses enfants à charge.

L'arrêté précité se réfère lui-même en son article 1 alinéa 2 aux montants prévus par la loi genevoise sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 25 octobre 1968 (J 7 15). Dans cette dernière loi, la détermination du revenu déterminant tient compte des ressources du conjoint non séparé de corps ou de fait (art. 5 al. 7).

Le renvoi, prévu à l'article 4 alinéa 2 LAP, à l'arrêté, puis à la loi précitée permet d'admettre que les directives qu'applique l'Hospice général rentrent dans le cadre de la LAP (ATA/143/2004 du 10 février 2004).

b. Les directives de l’hospice prévoient que c’est le groupe familial qui reçoit l’aide financière, et non chaque membre individuellement. Cette question doit dès lors être examinée.

Dans sa jurisprudence récente, le Tribunal administratif a reconnu à chaque membre d’une famille un droit distinct à des conditions minimales d’existence, considérant qu’il était contraire aux principes régissant le droit administratif de priver des enfants de prestations d’assistance dont ils ont besoin, au motif que le groupe familial constituait un seul cas d’aide sociale (ATA/253/2004 du 23 mars 2004). Il a donc explicitement reconnu aux enfants un droit propre aux prestations d’assistance, dès lors que les erreurs ou les manquements de leurs parents ne sauraient leur être imputés (ATA/66/2003 du 20 janvier 2004 ; ATA 766/2003 du 21 octobre 2003).

Toutefois, la jurisprudence susmentionnée ne saurait être appliquée en l’espèce. Elle repose en effet sur des situations dans lesquelles l’administré aurait eu droit aux prestations complètes s’il n’avait pas commis de faute ou d’abus permettant à l’hospice de réduire ou même cesser le versement des prestations. Or, étant donné le statut d’indépendant de M. O__________, la recourante n’a pas droit aux prestations de l’hospice. Ainsi, en application des directives précitées, c’est le groupe familial dans son ensemble qui est touché par la décision relative aux prestations.

8. a. La recourante invoque enfin que le maintien de cette pratique constitue une violation de l’article 14 Cst., dès lors qu’elle serait contrainte de se séparer de son compagnon afin de toucher des prestations.

b. A teneur de l’article 14 Cst., le droit au mariage et à la famille est garanti. Le droit administratif participe à la protection de la famille dans toute une série de domaines, qui vont du droit fiscal (ATF 118 Ia 1 ; ATF 110 Ia 7) aux méthodes de procréation assistée, en passant par les assurances sociales et le droit des étrangers (A. AUER, G. MALINVERNI, M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, p. 193, Berne 2000).

En l’espèce, compte tenu de ce qui précède, la décision litigieuse ne vise pas à faire éclater « la famille », mais à éviter qu’une institution publique finance l’activité déficitaire d’un administré.

9. a. A l’appui de sa demande de remboursement, l’intimé invoque la violation de l’obligation de renseigner, prévue expressément par l’article 7 LAP et le document relatif à l’aide financière accordée par l’hospice, que la recourante a signé par deux fois. Il allègue également la mauvaise foi de la recourante.

b. Selon l’article 23 alinéa 1 LAP, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation reçue sans droit. L’alinéa 2 de cette même disposition prévoit que les organismes chargés de l’assistance réclament au bénéficiaire, à sa succession ou à ses héritiers qui l’ont acceptée, le remboursement de toute prestation perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire.

c. A teneur de l’article 7 LAP, les personnes qui sollicitent une aide sont tenues, sous peine de refus de prestations, de fournir aux organismes d’assistance tous les renseignements utiles sur leur situation personnelle et financière.

d. Selon le Tribunal fédéral, l'aide sociale a pour but d'éviter les situations de nécessité, respectivement d'y remédier. L'un des principes prévalant en matière d'assistance veut que les causes de l'indigence ne sont pas déterminantes (ATF 121 I 367 = JdT 1997 I 285, 287 et 288, consid. 3b et 3d). Ainsi, l'aide sociale doit être accordée immédiatement pour satisfaire les besoins vitaux, indépendamment des causes de la situation d'indigence (ATF 2P.115/2001, op. cit., consid. 3b). En particulier, les fautes dont la personne qui sollicite l'aide est personnellement responsable ne privent pas celle-ci de son droit à l'aide (F. WOLFFERS, Fondements du droit de l'aide sociale, Berne 1995, pp. 140, 187-188; cf. également P. MOOR, Droit administratif. Les actes administratifs et leur contrôle, vol. II, Berne 2002, p. 121).

En l’espèce, la recourante n’a pas spontanément déclaré à l’hospice qu’elle faisait ménage commun avec le père de son enfant à naître. Au contraire, elle a prétendu vivre seule et ignorer l’identité du père. Seule l’enquête entreprise par l’intimé a permis de constater que M. O__________ avait son domicile légal chez la recourante et ce, dès le début du versement de l’aide financière. Lors de l’enquête, il a également été constaté que M. O__________ réalisait des revenus qui, même s’ils avaient été obtenus dans le cadre d’une activité dépendante, auraient dû être déclarés afin d’être pris en considération pour le calcul des prestations d’assistance. Ce faisant, la recourante a gravement violé son obligation de renseigner prévue à l’article 7 LAP dont la teneur avait été portée à sa connaissance à deux reprises.

10. Si la recourante avait été de bonne foi, elle n’aurait pu prétendre qu’à l’aide d’urgence d’une durée maximale de trois mois, accordée aux travailleurs indépendants. Or, en ne réclamant pas le remboursement de l’intégralité de la somme versée au titre de l’aide d’urgence, l’hospice a fait une appréciation pondérée de la situation et sa décision devra être confirmée sur ce point.

11. Enfin, dans ses écritures après enquêtes, l'hospice réclame à la recourante un montant additionnel de CHF 5’200.-.

Selon l’article 46 alinéa 1 LPA, les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies ordinaires et délais de recours.

En l’espèce, les conclusions additionnelles n’ont pas fait l’objet d’une décision ni d’une décision sur réclamation. Elles ont été formulées dans les écritures et ne respectent pas les conditions formelles de la décision. En effet, elles n’indiquent aucune voie ni délai de recours et n’ont pas été notifiées aux parties (ATA/141/1999 du 2 mars 1999). Par conséquent, elles seront déclarées irrecevables.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Vu la nature du litige aucun émolument ne sera perçu (art. 87 LPA). Les frais de la cause, en CHF 150.-, seront laissés à la charge de l’Etat de Genève.

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 août 2005 par Madame S__________ contre la décision de l'Hospice général du 30 juin 2005 ;

déclare irrecevables les conclusions additionnelles prises par l’Hospice général le 22 novembre 2005, visant à la restitution par la recourante d’un montant de CHF 5'200.- ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

laisse les frais de la cause, en CHF 150.-, à la charge de l’Etat de Genève ;

communique le présent arrêt à Me Gilbert Bratschi, avocat de la recourante ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice- présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :